"BRAVO, C’EST NOUS QU’ON PAYE !"
31 janvier 2011
Tout le monde se tait, mais le fait est avéré et rapporté par le journal « Les Echos » : en 2009 (dernier bilan connu), les intermittents, techniciens et artistes, du spectacle vivant représentent 3 % des allocataires de Pôle emploi, mais 33 % du déficit de l'assurance-chômage. Cent mille personnes couvertes, 1 milliard d'euros de pertes. En clair ils ont reçu 1,3 milliard d’euros pour 223 millions de cotisations versées. un déficit qui est un spectacle (dramatique) à lui seul. Vous comprenez maintenant pourquoi les coulisses sont interdites au public.
Et pourtant, on croyait le problème résolu avec les réformes de leur régime en 2003 puis 2006. On se souvient même du conflit qui avait duré tout l’été et qui avait pourri les grands festivals. C’est qu’à défaut de bosser, ils ont une grande capacité de nuisance. Toucher à ce régime, c’est s’exposer à de gros ennuis.
On sait que les règles spécifiques d'indemnisation sont plus souples que celles du régime général puisque, pour en bénéficier, il faut avoir travaillé 507 heures en 10 mois ou 10,5 mois, selon la profession. Et ce qui est bizarre c’est qu’alors que la crise a provoqué une explosion du chômage en 2009, avec plus de 400.000 demandeurs d'emploi supplémentaires sur douze mois, le nombre d'allocataires des annexes 8 et 10 (régime des intermittents) n'est passé que de 104.208 à 105.826 entre 2008 et 2009. Cherchez l’erreur ! Depuis la dernière réforme du régime, entrée en vigueur en avril 2007, la situation reste la même, le déficit toujours aussi important. En 2009, les deux déficits ont même presque correspondu, celui de l'Unedic atteignant 1,172 milliard d'euros : de là à affirmer que sans les intermittents et leurs « privilèges » (il faut bien le dire) … Insoutenable ! Aucun autre pays européen ne réserve à ses artistes un traitement spécifique et sur mesure, assorti de cotisations et prestations enviables par le commun des salariés. On voit mal en quoi « l'art » serait un passe-droit dans la galère ordinaire du chômage : il n’est pas outrancier de parler de privilège.
Mais les intermittents sont-ils les seuls responsables ? Le déficit du régime ne renvoie-t-il pas au problème posé par les pratiques de « certaines entreprises » qui usent et abusent du statut de l'intermittence ? Car ce régime constitue de fait un financement de la politique culturelle française, dont peut-être l’Etat se satisfait. Il n’en reste pas moins une absurdité, dont les bénéficiaires des deux côtés ne se plaignent pas. On dit même que des « célébrités » de l’audiovisuel touchent une partie de leur rémunération (confortable) par ce biais en ne travaillant que 3 jours par semaine. Mais chuuutt ! C'est le grand non-dit de la négociation sur l'Unedic qui a démarré entre le patronat et les syndicats la semaine dernière.
Il ne devrait pourtant pas être difficile d’identifier ceux qui abusent du système et d’y mettre un terme, non ? Au fil des ans, la générosité publique en faveur des artistes, érigée en acquis social par leurs bruyants représentants, a été détournée de son objet. Il devient urgent d'infliger des taux de cotisation pénalisants aux employeurs et aux salariés qui abusent du système, car il est choquant que l’indemnisation soit utilisée comme un mode permanent de rémunération.