HISTOIRE
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L’EUROPE COMPTE ENCORE !

BCE 2

L'Europe est une puissance mondiale.

Au plan économique, elle est forte et a un potentiel réel de rebond économique.
L'Union européenne compte 27 membres, dont 20 font partie de la zone euro. Elle compte 450 millions d'habitants qui sont 450 millions de consommateurs « solvables », du fait d'un niveau d'épargne élevé et d'un niveau d'endettement relativement faible.
L'UE c'est 18 000 milliards d'€ de PIB, une des trois premières puissances économiques mondiales et sa balance commerciale dégage 150 milliards de surplus commercial, à comparer avec le déficit commercial abyssal des États-Unis (-100 milliards de $). (Pour mémoire : PIB US de 28 000 milliards, Chine de 21 640 milliards.)

On n'a pas encore les chiffres définitifs de 2024, mais la balance des paiements courants devrait approcher les 600 milliards d'€ (-310 milliards de $ pour les US) et une balance des paiements courants excédentaire est le signe d'une économie puissante et saine.

L'Europe affiche aussi des taux d'intérêt en baisse, largement inférieurs aux taux américains avec des taux à 10 ans pour le leader de la zone, l'Allemagne, à 2.45% contre 4.40% pour les États-Unis, et un euro relativement stable, à un niveau qui n'est pas handicapant pour le commerce extérieur et la croissance.

C’est vrai, sa principale faiblesse, c'est sa croissance, en dessous de 1%, mais avec un réel potentiel de rebond si l'Allemagne « pivote », comme on peut l’espérer avec l’élection de Merz.
Le chômage moyen y reste élevé à 5.9% mais il s'améliore, et l'inflation baisse même si elle est encore à 2.4% (seulement) pour la zone euro.  

Prise en étau entre la Chine et les États-Unis, l'Europe a tout de même tout pour réussir. Elle augmenterait ses chances à plusieurs conditions : l'Europe doit être plus unie, elle doit sortir de sa naïveté vis-à-vis de la Chine, elle doit résister face à la pression américaine, et elle doit avoir conscience de sa puissance car elle est puissante et peut se faire respecter.
Mais Le modèle européen n'est pas le modèle américain. Il est peut-être moins dynamique mais il est plus « social ».

 

Macron-trump-fev2025

La rencontre Trump-Macron.

Sur la forme, Emmanuel Macron s’est bien débrouillé. Tout en affichant une certaine complicité avec Donald Trump, il s’est permis de le reprendre avec précision sur les financements de la guerre en Ukraine en public, et a exprimé poliment son point de vue divergent. Naïveté et mauvaise foi de Trump qui communique des sommes fantaisistes (350 milliards) et ne connait pas les conditions de leur utilisation.

Le message du Président français a été substantiellement le suivant : il ne sert à rien de signer une paix rapide si elle est bâclée et ne comporte pas de garanties de sécurité solides : la guerre reviendrait alors inévitablement, « faute de quoi ce cessez-le-feu risque de ressembler aux accords de Minsk » a-t-il explicité. En face on voit à nouveau la naïveté de Trump qui pense que Poutine retournera à ses affaires dès la paix établie, oubliant que la récupération des marges d’influences de l’ex-URSS était son obsession.

Sur le fond, le résultat est mitigé : une trêve possible « dans les semaines à venir », éventuellement avec la présence de troupes européennes pour « garantir la paix » sans opposition de la Russie, et une rencontre Zelinsky-Trump dans les prochains jours pour parachever l’accord sur les minerais. Emmanuel Macron a fait état « d’avancées substantielles » des pourparlers mais le président américain est resté vague.

Pendant ce temps, à l’ONU les États-Unis se sont alliés à la Russie lors de votes à l’assemblée générale et au Conseil de sécurité. Au moins Trump est prévenu, la paix ne pourra pas être une capitulation de l’Ukraine. Concernant l’Otan, les américains feront pression pour que les européens augmentent leurs contributions, mais n’abandonneront pas ce qui est pour eux la poule aux œufs d’or : un marché d’armement énorme et solvable. Demain, c’est le premier ministre britannique, Keir Starmer, qui ira essayer de parlementer et les Allemands, eux, prennent conscience que leur dépendance militaire aux États-Unis grève leur souveraineté. Aujourd’hui les chefs d’Etat européens se concertent en visio.

La messe est loin d’être dite.

 


BONNES NOUVELLES POUR L’EUROPE

Merz

Première bonne nouvelle : les élections allemandes.

Le centre droit de Merz (CDU/CSU) a remporté les élections.

Le parti du chancelier sortant, Olaf Scholz, a été écrasé, et le parti d'extrême droite, l'AfD, réalise un score élevé, mais semble plafonner par rapport aux récents scrutins donc pas « d’effet Musk ». Les scores : CDU/CSU  28,52% des voix, AfD : 20.8%, SPD de Scholz : 16.41% ; relative stabilité des Verts : 11.61% et de l'extrême gauche Linke 8.77%. Compte-tenu du fait que les libéraux du FDP et l'autre parti d'extrême gauche BSW n'atteignent pas la barre des 5% nécessaires pour avoir des sièges au Parlement, les partis qui sont au-dessus de 5% vont avoir plus de membres. Une coalition à 2 partis est donc possible.

C'est un tournant pour l'Allemagne.

En sachant que Merz a affirmé qu'il ne gouvernerait pas avec l'extrême droite malgré la pression de Musk et de l'administration Trump, trois possibilités s’offrent à lui : une coalition centre droit, centre gauche, CDU et SPD ; une coalition centre droit et Verts ; une grande coalition, centre gauche, centre droit, et verts.

Le résultat de ces élections est une bonne nouvelle pour l'Europe.

L’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis est un des objectifs affichés par Merz à l'annonce de sa victoire. Il explique que les États-Unis ne s'intéressent plus à l'Europe et qu'ils ne viendront plus la défendre... Son but est donc de renforcer l'Europe et sa défense. C’est donc aussi un tournant pour l'Europe. C'est la fin d'une période d'incertitude. Et Merz a la volonté de relancer l'économie allemande.

Deuxième bonne nouvelle : un front de soutien à Kiev.

Les outrances de Trump ne restent pas sans réponse.

Les dirigeants de l’Union européenne sont arrivés ce lundi à Kiev pour réaffirmer leur soutien à l’Ukraine, le jour même du troisième anniversaire de l’invasion russe, réunion à laquelle 24 autres dirigeants se joindront par visioconférence. Confrontés à la menace russe et au revirement américain, les Européens se mobilisent. Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez est du voyage, tout comme la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Emmanuel Macron sera, lui, reçu aujourd’hui par Donald Trump à la Maison-Blanche pour faire des « propositions » sur la paix. La Présidente de la Commission a dit avoir « fait le point avec Emmanuel Macron » et le premier ministre britannique Keir Starmer, qui se rend lui aussi aux États-Unis jeudi.

Réunion du Conseil européen.

De son côté, Le président du Conseil européen Antonio Costa a annoncé un sommet spécial pour le 6 mars car « nous vivons un moment décisif pour l'Ukraine et la sécurité européenne ». De plus, le chef de file des démocrates-chrétiens allemands Friedrich Merz, a d'emblée affiché comme « priorité absolue » la création d'une « capacité de défense européenne autonome » comme alternative à « l'Otan dans sa forme actuelle ».

Les manifestations de soutien s'organisent.

Par ailleurs, des manifestations de soutien à l'Ukraine ont déjà eu lieu hier dimanche à Paris, à Prague, à Vilnius, devant l'ambassade de Russie à Washington et dans plusieurs autres villes américaines. D'autres rassemblements sont prévus ce lundi, notamment à Londres.

Trump est un loser et Poutine un criminel de guerre.

En même temps, dans une initiative lourde de sous-entendus, les Américains ont proposé à l'Assemblée générale de l'ONU un projet de résolution qui ne mentionne pas l'intégrité territoriale de l'Ukraine, et ce alors même que le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé dimanche à une paix « juste » qui respecte cette «  intégrité territoriale ». Trump ne pourra pas faire la paix tout seul avec la Russie. Il apparaît pour ce qu’il est : un loser, comme d’habitude. Il a livré l’Afghanistan aux talibans, laissé son « ami » Kim Jung Un fabriquer sa bombinette, et aujourd’hui il veut livrer l’Ukraine à la Russie. Demain ce sera le tour de Taïwan avec la Chine … Non, Trump et son bouffon Musk ne sont pas les maîtres du Monde. Il va falloir qu’ils comptent avec le vieux continent. Quant à Poutine qui affirme sans vergogne que l’Europe ne veut pas arrêter la guerre, il inverse, comme d’habitude les rôles : c’est lui l’agresseur. Il existe u n moyen simple de rétablir la paix, c’est rendre les territoires conquis par la force et respecter l’intégralité territoriale de l’Ukraine, garantie par les traités qu’il a lui-même signés. Cela n’efface pas tous les crimes de guerre qu’il a commis et le mandat d’arrêt lancé contre lui par la CPI.




AVANTAGE RETAILLEAU…

Bruno Retailleau intérieur

 

Quelque chose a changé dans le paysage politique français depuis l’automne. Le désordre provoqué par la dissolution et le bordel permanent (le mot n’est pas trop fort) voulu par les députés LFI à l’Assemblée, ont fini de lasser les Français qui aspirent désormais majoritairement à la stabilité et au retour de l’autorité. Les circonstances ont conduit le Président de la République à nommer Michel Barnier au poste de Premier Ministre. Ce retour d’un LR au pouvoir, pour éphémère qu’il fût, s’il a été une divine surprise pour nous, a surtout entraîné la redécouverte par l’opinion publique du savoir faire et de la compétence d’un certain nombre de ministres LR, et notamment d’un Ministre de l’Intérieur nommé Bruno Retailleau, qui d’emblée a séduit par son discours ferme empreint de sincérité et son souci d’agir efficacement. Celui que les médias brocardaient et tentaient de ringardiser sous l’étiquette « droite Trocadéro » ou au mieux comme « catho-conservateur » est apparu dans toute son épaisseur. Après la censure du gouvernement Barnier, voulue par Marine Le Pen, et la mise en place de François Bayrou, le maintien à Beauvau lui a permis de confirmer sa percée dans l’opinion.

Certains seraient tentés d’enfermer le Vendéen dans ses convictions. Et en effet, il n’en manque pas, mais elles ne l’ont jamais empêché d’être un homme ouvert, prêt au dialogue et à la complémentarité. Par exemple, en 2015, il a reconquis la Région des Pays de la Loire à la tête d’une liste d’union qui associait LR, l’UDI et le Modem, et ce même esprit de concertation lui a permis de rester aussi longtemps un Président du groupe LR au Sénat, apprécié par tous les groupes. Il n’est donc pas étonnant que la popularité nouvelle dont il semble bénéficier auprès des Français et plus précisément de l’électorat de droite, l’ait poussé à se présenter à la présidence du parti Les Républicains. Il peut légitimement se sentir investi de cette responsabilité de faire profiter sa famille politique de ce nouveau vent de confiance pour insuffler un « nouvel élan ». On le sent, la droite dite républicaine, semble de nouveau écoutée, comme en témoigne les élections partielles partout à travers le pays, et demain peut à nouveau gagner. Il s’agit d’offrir à son électorat un cadre adapté à une majorité nationale avec une formation politique renouvelée.

Au sein des LR, beaucoup ne s’y trompent pas : sa candidature reçoit le soutien de Jean-François Copé, Xavier Bertrand, François-Xavier Bellamy, Annie Genevard, sans parler de Gérard Larcher ou Michel Barnier. Oublié l’épisode malheureux d’Eric Ciotti qui se mord probablement les doigts de son alliance malvenue et il y a gros à parier qu’il ne participera pas à la fête, si fête il y a. Car son Union des Droites pour la République  risque de faire pâle figure face à un parti des Républicains refondé. Bruno Retailleau affrontera Laurent Wauquiez, ce qui est l’assurance d’une élection vraiment démocratique. « Voter, ce n’est pas diviser ! Quand on est à droite, l’on ne craint pas la compétition ! » se plait-il à répéter. Sans sous-estimer le Président du groupe Droite Républicaine, le ministre a annoncé la couleur : il ne participera à aucune guerre des chefs et ne se prêtera pas au jeu des petites phrases. Même si certains médias chercheront par tous les moyens à le laisser croire. D’ailleurs, la proximité idéologique entre les deux candidats est telle que l’affrontement ne pourrait être qu’une querelle de personnes. Ce n’est pas l’esprit de Bruno Retailleau et je serais étonné que Laurent Wauquiez s’y risque. Tout au plus ce dernier tentera-t-il de souligner l’incompatibilité entre la fonction de Président du parti et celle de ministre, argument qui fera long feu au regard des nombreux exemples présents et passés.

Personnellement, j’ai adhéré au comité de soutien à Bruno Retailleau. D’abord par amitié, surtout par conviction. Le temps presse et le parti doit se mettre en ordre de bataille au plus vite. C’est ce que j’avais dit à Othman Nasrou quand il était passé nous voir à Angers à l’automne dernier. Et ça tombe bien, il va diriger la campagne de Bruno. Nous avons hâte que le parti de la « Majorité nationale » que Bruno Retailleau appelle de ses vœux se mette en place, prônant une politique de fermeté et d’autorité, préférant la liberté à la technocratie, le travail qui paie à l’assistanat, et restaurant l’école du mérite. Des grands classiques mais qui manquent tellement que leur retour à l’ordre du jour est rafraîchissant. Il s’agit de réinvestir l’espace qui va des frontières du PS à celles du RN pour y faire revenir un électorat aujourd’hui dispersé ou séduit pas les uns ou les autres. C’est le seul moyen de préparer efficacement les prochaines échéances électorales.

 


RELEVER LA TÊTE OU DISPARAITRE

BCE 2

Comment faire face à Trump.

Depuis qu’il est élu, Trump se croit tout puissant, il décrète, il aboie, il insulte, il vitupère, il dégaine ses droits de douane, et il entreprend même de négocier tout seul avec Poutine, comme s’il était le maitre du monde.

Mais l'Amérique dispose-t-elle encore d'une puissance qui lui permet de rester maîtresse du jeu, alors que son nouveau président n'hésite plus à exprimer ses convoitises territoriales sur des pays amis ? Certes, le système économique global lui permet de régner sur l'économie mondiale, dans un cadre où la puissance du dollar impose aux partenaires de l'économie américaine le financement de ses déficits abyssaux. Mais les slogans ne suffisent pas pour maintenir les Etats-Unis en grande puissance industrielle. En effet, c’est une suprématie qui repose aujourd'hui sur une dette de plus de 30 000 milliards de dollars ! En dépit des propos menaçants de Donald Trump, cette réalité devrait pousser plus à une démarche de négociation qu'à un conflit commercial. La donne monétaire qui est installée, qui est construite sur la capacité d'émission dont dispose le Trésor américain, n'est envisageable que dans le cadre d'une entente entre les nations qui déterminent la structure des échanges de l'économie mondiale.

Dans un monde global, créanciers et débiteurs sont solidaires du même système : malgré les tensions entre les blocs, personne ne peut se passer du rôle du billet vert qui assure plus de 80 % des échanges internationaux. La peur du saut dans l'inconnu garantit la pérennité d'un édifice déséquilibré mais profitable à de nombreux acteurs, grâce à la dynamique des échanges dans une économie ouverte. Le protectionnisme et les barrières douanières peuvent ébranler l'édifice des échanges et tout remettre en cause.

Quant à la parité entre le dollar et l'euro, l'intégration des économies américaines et européennes est une réalité vivante où l'interaction des entreprises de chaque côté de l'Atlantique s'appuie aussi sur un sentiment de culture partagée. Toute action conflictuelle unilatérale est une menace pour les partenaires occidentaux par les incertitudes qu’elle engendre. Tout le monde y perdra. C’est pourquoi l'Europe ne pourra pas défendre une position de compromis raisonnable sans d’abord faire face fermement à la volonté de Donald Trump d'imposer un retour sans partage de la suprématie américaine.

Les Etats-Unis dans une seringue.

Le président américain a lancé les hostilités en imposant des droits de douane de 25% sur les produits importés du Canada et du Mexique et en rehaussant de 10% ceux venant de Chine, l’Europe suit avec sa dose de barrières douanières imposées. Une stratégie risquée pour l'économie américaine. La bataille ne fait que commencer et l’étendue de ses conséquences est encore imprévisible. Elle pourrait bien fragiliser le pays qui l’a déclenchée. En effet, à eux trois, le Mexique, la Chine et le Canada pèsent 43% des importations de marchandises aux États-Unis.

Les représailles n’ont pas tardé et l’Europe promet de répondre fermement. Dans ces conditions, les « tariffs » de Trump pourraient se retourner contre les consommateurs américains et les États-Unis finir par devoir payer au prix fort leur guerre commerciale, si celle-ci perdurait. Si les États-Unis affichent un fort déficit commercial c’est parce qu’ils consomment beaucoup, et plus qu’ils ne produisent. Cette politique de droits de douane apparaît donc aussi néfaste pour eux que pour leurs partenaires commerciaux, car elle ne permet ni de stimuler l’industrie, ni d’améliorer le solde commercial, pénalisant au passage les exportations autant qu’elle bride les importations des autres pays.

Ainsi, les nouveaux droits de douane pourraient entraîner une hausse de 0,7 point d’inflation sur le premier trimestre 2025 et ce à un moment où cette dernière est en phase de réaccélération. De plus, en taxant les importations, la demande de monnaies étrangères (peso mexicain, dollar canadien) baisse, ce qui fait monter le dollar américain. En parallèle, la hausse des prix due aux taxes pousserait la banque centrale américaine (la Fed) à augmenter ses taux d’intérêt, ce qui attirerait encore plus d’investisseurs vers le dollar. Résultat : un dollar plus fort rend les produits américains plus chers à l’étranger, ce qui nuit à leurs exportations. Pas facile, dans ces conditions, d’équilibrer la balance commerciale, même si les importations baissaient. Mais Trump est un dealer, pas un économiste.

L’Europe doit affirmer son leadership.

Nous connaissons le mode de fonctionnement du président américain : il est transactionnel. Il ne rechigne jamais à utiliser l’arme des droits de douane pour obtenir ce qu’il juge bon pour son pays dans d’autres domaines : sécurité, immigration, législation, territoire, diplomatie. C’est bien pourquoi il est essentiel de réaffirmer haut et fort ce que nous sommes. L’Union européenne est une grande démocratie, ce qui suppose le respect de ses lois et l’intangibilité de ses territoires. Ces points ne sont pas négociables.

Sur 1 500 milliards d’échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Europe, le déficit de la balance américaine tourne entre 150 et 200 milliards et non le double comme l’affirme la Maison-Blanche. Il est possible de réduire les déséquilibres. Après, la balance commerciale traduit aussi le choix des consommateurs. On ne peut pas forcer les Européens à acheter des voitures américaines s’ils préfèrent les allemandes ou les françaises, voire les asiatiques. N’oublions pas que, pour vingt-six des vingt-sept États membres (la France est à part), l’appartenance à l’Otan signifie la garantie, en dernier ressort, de la couverture américaine en matière de dissuasion nucléaire. Transposé à la logique transactionnelle, ceci a évidemment un prix. Il faut en tenir compte.

Cela dit, il est crucial d’augmenter la capacité de notre base industrielle de défense et les budgets d’armement. Sur ce point, il y a maintenant accord unanime. La pression de Trump est la bienvenue pour accélérer les choses. Pour l’Europe puissance, pour l’Europe souveraine et pour l’autonomie stratégique, il faut sortir de l’ambiguïté et affirmer notre leadership.

L’Europe a aussi tout pour réussir dans l’intelligence artificielle : les talents et les chercheurs parmi les meilleurs, un des plus grands réservoirs de données au monde, des infrastructures de data centers et de supercalculateurs. Et, désormais, grâce à un corpus de cinq grandes régulations (DMA, DSA, DGA, Data Act, AI Act), un seul marché numérique unifié et non plus vingt-sept. L’Union européenne vient de se donner les moyens de veiller à ce que nos milliards de données ne s’évaporent plus à notre insu, cet espace informationnel de 450 millions de consommateurs, une fois et demie le marché américain. Et cette régulation ne freine pas l’innovation, depuis que nous avons repris notre destin numérique en mains, contrairement à ce qu’affirment les Gafam, argument relayé par des « idiots utiles » à leur remorque. Mais par rapport aux États-Unis, il nous manque l’essentiel : un marché unique des capitaux, toujours inachevé, car il faut mobiliser des moyens très importants pour développer nos infrastructures numériques et accompagner nos start-up. L’Europe, avec son épargne abondante, en a les moyens.

Identité : la récré est terminée.

Avec l’élection de Trump, des deux côtés de l'Atlantique, la parenthèse du « consensus de Washington », cette illusion trentenaire selon laquelle la démocratie libérale s'imposerait sans effort dans le monde entier, et avec elle la paix, la prospérité et la liberté, vient de se fermer définitivement. Le moment est venu, pour nous, Français et Européens, de se battre. Non pas entre nous. Mais justement ensemble, pour ce que nous croyions acquis, et qui disparaît sous nos yeux : la paix sur le continent européen, qui s'obtiendra si nous sommes prêts à nous défendre, et à en faire notre priorité collective. La prospérité, qui ne s'obtient pas à coups de dettes abyssales, de RTT, faux télétravail et arrêts maladie, retraite à 62 ans et subventions ; mais à coups d'efforts et de prises de risques ; de suppression de normes de plus en plus absurdes et étouffantes ; de «chasse au gaspi», aussi. La démarche de la Maison blanche de négocier dans notre dos avec Moscou, sur l’Ukraine, fait peser une sourde menace sur notre continent. Les conséquences sont potentiellement cataclysmiques pour nous : le risque d'abandon de l'Ukraine, au moment précis où la Russie poutinienne est à bout de souffle (d'où l'envoi de troupes nord-coréennes) - La naïveté de Trump est à cet égard insondable et confine à la bêtise immense qui l’habite-; la fragilisation de l'Otan et de ses partenaires (l'Europe comme le Japon) ; un cycle de protectionnisme mondial, annonciateur de guerres ; et, pour le pire, un antimodèle de conquête du pouvoir, basé sur l'intimidation, le mensonge, la violence. Et soyons certains que Trump et son féal Musk utiliseront tous les moyens pour faire exploser l’Union européenne, en s’appuyant sur les points d’appui que constituent des Orban ou des Meloni…

Reste l'injonction qui nous est adressée : battons-nous ! D'abord pour nous-même, ensuite pour notre pays, enfin avec nos alliés. De ce point de vue-là, l'élection de Donald Trump aura rendu un grand service aux nations occidentales ayant perdu le sens de l'effort. Remplaçons, vite, le logiciel de l'assistanat et la prime victimaire par l'exact inverse. Nous ne pouvons désormais compter que sur nous-mêmes. Personne ne viendra se battre à notre place. Personne ne paiera nos dettes à notre place. Personne ne protégera notre démocratie, nos enfants, notre territoire, notre mode de vie, notre civilisation, à notre place. Alors, oui,  comme Trump le répétait : «fight, fight, fight» !

 


LE VOYOU SAISI PAR LA DEMESURE

Trump maga

 

Le divorce avec la démocratie.

Le duo formé par Donald Trump et Elon Musk n’a pas attendu pour entamer le divorce de l’Amérique avec la démocratie qui encadrait son histoire depuis 1787.Ils mettent en place une administration sous le signe de l’ingénierie du chaos, plongeant dans l’incertitude les entreprises, les marchés et les alliés des Etats-Unis, menaçant l’Occident d’implosion et provoquant l’ensauvagement du monde par le modèle qu’ils montrent.

Le plébiscite du voyou.

L’élection triomphale de Trump doit beaucoup à sa rhétorique ordurière. Repris de justice, objet de multiples inculpations, condamné au pénal pour 34 faits de falsifications de documents comptables, soupçonné d’être l’instigateur d’une tentative de coup d’état, il se permet d’insulter ses adversaires en toute impunité. Il permet ainsi à ses partisans de s’affranchir de tous les tabous qui régissent la vie collective d’un peuple. Or, les jugements que nous portons sur nos adversaires ou nos rivaux, en démocratie, doivent respecter la décence minimale que nous nous devons dans les sociétés civilisées. Les outrances de Trump ne sont pas des dérapages, elles font partie d’une stratégie délibérée. Si celle du wokisme ont favorisé l’irruption du trumpisme, le rejet du « politiquement correct » ne peut pas être le politiquement abject.

La domination de l’hubris.

Tribun clownesque et néronien, admirateur des brutes de ce monde, Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un, Trump a remplacé la courtoisie, de mise en démocratie, par le dévergondage pulsionnel, l’injure servant d’argument, les attaques ad hominem, les menaces de mort, la trivialité la plus salace, et se comportant en mafieux plus qu’en responsable politique. Assoiffé de vengeance jusqu’à remettre en cause les décisions de justice, la seconde administration Trump s’annonce tout entière placée sous le signe de l’hubris, cette démesure qui mêle passion, orgueil, outrage et transgression. Elle s’achèvera, comme toujours par l’anéantissement des hommes qui y succombent. C’est ce que nous enseigne l’Histoire et comme disait Hérodote : « Le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure » !

La violation de l’Etat de droit.

On ne s’étonnera pas que tout dans le déferlement des décisions dans tous les sens prises par le nouveau Président, beaucoup sont illégales. Nombre d’entre elles relèvent de la compétence du Congrès des Etats-Unis. Délibérément illégales, elles ont été déférées aux tribunaux fédéraux, qui à l’instar de la Cour suprême, sont biaisés par la nomination de juges politiques. Le respect de la Constitution, indissociable de la séparation des pouvoirs, se trouve ainsi annihilé, limitant les possibilités de recours de la société civile. Ainsi, Elon Musk, qui ne dispose d’aucune fonction officielle dans le gouvernement des Etats-Unis, a investi avec ses équipes, l’agence qui gère les programmes d’aide au développement ainsi que le centre de paiement des agents de l’Etat fédéral. Les décisions qu’il a imposées sont parfaitement illégales, son statut de « Special Government Employee » ne l’autorise en rien à se substituer au pouvoir exécutif ou législatif. En plus, le conflit d’intérêts est frontal avec ses activités de chef d’entreprise, alors que ses sociétés font l’objet d’une vingtaine d’enquêtes administratives par une dizaine d’agences fédérales. Les « raids » qu’il conduit visent plus à détruire l’Etat fédéral qu’à le réformer, en violation ouverte de l’Etat de droit.

Le primat de la force sur le droit.

Le projet d’une grande Amérique s’étendant du Pôle Nord à Panama, intégrant le Canada et le Groenland, assorti de menaces contre ceux qui s’y opposeraient, les mesures protectionnistes mises en œuvre dans la plus grande confusion, les expulsions de migrants et les marchandages qui les accompagnent, la poursuite de l’aide à l’Ukraine en échange de métaux rares, la proposition improbable de la mise sous administration américaine de la bande de Gaza avec le départ forcé de plus de 2 millions de Palestiniens pour la transformer en côte d’Azur  du Proche-Orient, ne s’encombrent pas de principes : forte de sa puissance, l’Amérique entend imposer ses volontés. Pour l’instant elle récolte une levée de boucliers mondiale. La hausse des droits de douane de 25% avec le Canada et le Mexique a dû être suspendue face aux mesures de rétorsion et à la chute des marchés.

La fin du progrès.

Si pour l’instant Trump fascine parce qu’il s’est affranchi de tous les interdits, fort de ses caprices qui ont force de loi, prêt à faire régner la terreur pour mieux satisfaire son ego, il est bien parti pour ruiner l’hyperpuissance qu’il se propose de reconstruire. L’imprévisibilité et l’irrationalité de ses décisions créent une incertitude radicale pour les entreprises et les marchés, poussent à la hausse des taux d’intérêt, pénalisant les investissements et l’innovation. Le retour à un capitalisme de prédation, totalement dérégulé et la fusion des dirigeants politiques avec les milliardaires renouent avec les excès des années 1920 qui débouchèrent sur le pire krach financier de l’histoire. L’euphorie spasmodique de Wall Street n’annonce rien de bon. D’autant plus que la violation délibérée de la Constitution, le mépris pour la règle de droit et l’affaiblissement de l’Etat fédéral transforment les Etats-Unis en démocratie illibérale.

Le rejet des Lumières.

C’est parce que l’Etat de droit a remplacé l’absolutisme, fruit de longs efforts depuis le siècle des Lumières, que nous avons accompli d’immenses progrès qui ont défini la modernité. Ces efforts nécessitaient que la vérité prime sur l’obscurantisme, que l’expertise dans les affaires humaines soit valorisée, que la connaissance scientifique soit partagée et admise. L’un des aspects les plus inquiétant de la « révolution MAGA » réside dans son rejet pur et simple des valeurs des Lumières.

Make America Weak Again…

Les Américains sont dirigés par un personnage sans limites, grand climato-sceptique, et pourraient bien déchanter. Car les vrais gagnants sont Moscou, Pékin et Téhéran. Russes Chinois et Iraniens peuvent se frotter les mains : leur cheval de Troie est au pouvoir. Il peut bien tempêter, fulminer, menacer, il ne fera rien et surtout pas la guerre. Il ne peut pas annuler le principe de réalité sur lequel ils se fracassera tôt ou tard. Rappelons-nous l’Afghanistan dont Joe Biden a essuyé les conséquences de l’accord signé par Trump. La fin du progrès aux Etats-Unis aura-t-elle des répercussions à l’échelle mondiale ? C’est quasiment certain. L’éclatement de l’Occident et l’affrontement permanent avec les partenaires et les alliés ne peuvent qu’affaiblir les Etats-Unis et ouvrir des espaces dans lesquels la Chine et la Russie ne manqueront pas de s’engouffrer.

La grande perdante pourrait être la vieille Europe. Ce même principe de réalité doit la conduire à sortir au plus vite de sa passivité et de ses divisions et prendre son destin en main avec pour projet de défendre la liberté et le droit international face aux dérives tyranniques et à la démesure des empires. Avec ses 450 millions d’habitants, elle en a les moyens. Ce sera l’objet du prochain article… à suivre !


VIEILLISSEMENT ET NATALITE : LA PROBLEMATIQUE FRANCAISE

Retraites 3

Le matin même de la déclaration de politique générale de François Bayrou devant l’Assemblée nationale, l’Insee publiait son bilan démographique annuel. On y découvrait que le taux de fécondité des femmes de l’hexagone était tombé à 1,62 enfant par femme, le plus bas depuis 1919 (hors guerres). Notre roi de la statistique nous informait en même temps que l’espérance de vie continue d’augmenter dans notre pays : depuis 2010, c’est-à-dire hier, elle a gagné un an. Personne ne s’en plaindra. Pourtant quand on rapproche les deux réalités ci-dessus énoncées, on voit bien qu’il y a un problème. C’est que notre système de financement des retraites par répartition est fondé entièrement sur la démographie : la fécondité d’aujourd’hui est déterminante pour financer les retraites de demain. Eh bien, croyez-vous que notre Premier ministre en ait fait état dans son discours, alors même qu’il a proposé de remettre en chantier la réforme qui prolonge à 64 ans l’âge de départ. Justement, la réalité des chiffres, et la démographie est une des rares sciences sociales « dures », et le simple bon sens induisent que les âges de départ doivent évoluer … Le faible intérêt des politiques et des responsables sociaux pour cette science reste un éternel sujet d’étonnement.

Moins de cotisants et plus de bénéficiaires, c’est l’équation insoluble à laquelle doit faire face notre sécurité sociale, et elle n’est pas nouvelle. La conséquence logique de la situation que nous décrit l’Insee, moins de naissances, plus de vieillards, porte un nom : le vieillissement de la population. Et ce vieillissement menace le modèle social que nous avons choisi depuis 80 ans. Les Français vivent de plus en plus longtemps, 80 ans en moyenne pour les hommes et 85,6 ans pour les femmes. Les naissances, elles, connaissent une chute brutale : 663 000 bébés l’an dernier contre 646 000 décès, soit un solde faiblement positif de seulement 17 000 personnes, soit une quasi-stagnation. On est loin de la période où 800 000 naissances faisaient face à 500 000 décès, dégageant des cohortes annuelles de cotisants supplémentaires de l’ordre de 300 000… La baisse des naissances et le vieillissement sont les deux facettes d’un piège mortel pour la protection sociale, notamment parce que la « Sécu » est principalement financée par les cotisations sociales versées par les actifs et leurs employeurs au profit du reste de la population. Trois conditions sont en effet nécessaires pour permettre au régime de fonctionner : une pyramide des âges avec une base suffisamment large, un renouvellement des générations qui suppose un taux de fécondité de 2,2 enfants par femme, et une jeunesse majoritaire. Aucune n’est plus remplie aujourd’hui !

Au moment où syndicats et patronat se réunissent autour des membres du gouvernement pour « aménager » la réforme Macron, négociation décidée par Bayrou pour s’attirer les bonnes grâces de la gauche, prenons garde qu’elle ne débouche pas sur des décisions qui pourraient coûter cher au pays. S’ils décidaient de revenir sur l’esprit qui présidait à cette réforme, déjà insuffisante pour assurer l’équilibre des financements, tout le monde le sait bien, ils pourraient accélérer la mise à mort du modèle social français. Il faudrait que le bon sens l’emporte. Mais comme le disait paraît-il Einstein : « le bon sens est l’art de résoudre des problèmes que l’intelligence a bien souvent laissés dans un état de confusion totale ». Il n’est pas impossible que nos responsables manquent de l’une et de l’autre, soit par idéologie qui empêche toujours de voir la réalité, soit par démagogie qui est une maladie de la démocratie.

Que penser de la demande de faire repasser à 62 ans au lieu de 64 ans, l’âge de départ ? Les indicateurs démographiques illustrent l’irresponsabilité d’une telle tentation, tant le ratio d’actifs par retraité connaît une dégringolade spectaculaire : 1,6 pou 1 aujourd’hui après avoir été de 5 pour 1 dans les années 50. Et malgré la réforme des retraites, les régimes du public comme du privé connaissent un déséquilibre croissant. Sur les 1 000 milliards d’€ de dette supplémentaire accumulés dans les dix dernières années, les retraites représentent 50% de ce total ! Et encore, l’âge de départ, n’est que la partie visible de l’iceberg des déséquilibres. Il y a tant à faire : agir sur le taux d’emploi des seniors, financement de la dépendance, mise en place d’une capitalisation, et aussi et surtout, trouver les bonnes mesures d’encouragement au redressement de la natalité, qui reste la clé fondamentale si l’on veut maintenir le principe de la « répartition ». Et si nos gouvernants manquent d’idées, j’en ai une, un peu poil à gratter, qui permettrait une prise de conscience : moduler l’impôt sur le revenu en fonction du nombre d’enfants conçus…

La participation à l’effort national d’équilibre des comptes mérite bien une récompense, non ?