Le livre d’Olivier Postel Vinay « SAPIENS ET LE CLIMAT » intéressera les passionnés d’Histoire avec un grand « H », mais pas que, car il est très accessible. C’est un ouvrage qui repose sur une somme de connaissances incroyable dont l’auteur fait la synthèse, parfois avec beaucoup d’humour, mettant en relation les aléas climatiques de la Terre avec ceux des civilisations. On serait presque tenté de conclure qu’à chaque effondrement, naissance, révolution, le climat s’en est mêlé. Il permet aussi de s’apercevoir que la période que nous vivons, que certains font sombrer dans le catastrophisme, n’a rien d’exceptionnelle par rapport au passé, et même, curieusement, au passé récent, ce qu’on oublie de nous rappeler.
Quelques extraits pour éclairer l’ouvrage.
« Je vais donc me concentrer sur les acquis de la littérature scientifique… Ils sont issus de toute une série de moyens de mesure et d’évaluation indépendants. Concernant l’Empire romain, les spécialistes recensent pas moins de onze ensembles d’indices matériels indépendants les uns des autres, qu’il est donc possible de comparer. Ces indices s’ajoutent aux données de base que sont les variations de l’activité du Soleil, celles de l’inclinaison de la Terre par rapport au Soleil et du chemin qu’elle parcourt en tournant autour ainsi que les variations des grands systèmes océano-atmosphériques que sont, entre autres, l’Oscillation de l’Atlantique nord et la Zone intertropicale de convergence qui détermine les moussons. Les principaux proxies (témoins) sont les carottes glaciaires, l’avance et le recul des glaciers, les éruptions volcaniques, les spéléothèmes (stalagmites), les pollens fossiles, les sédiments marins et lacustres, le niveau des lacs, les crues des rivières, les squelettes et les dents … et les fameux cernes des arbres dont la double croissance annuelle reflète les variations de la chaleur et de l’humidité…. ».
Comme on le voit les éléments avérés pour mettre en corrélation les évolutions climatiques documentées avec l’Histoire des Hommes depuis son apparition ne manquent pas. Voilà une approche qui apporte des éclairages parfois surprenant sur des causes d’événements historiques rarement prises en compte. Ainsi notre Histoire contemporaine qu’on aurait tendance à raconter en ne prenant en compte que l’angle des humains, toutes choses étant égales par ailleurs, s’avère finalement très partielle. Car il se trouve, qu’en matière de climat, les « choses ne sont jamais égales par ailleurs » à deux moments donnés !
Concernant l’Empire romain, par exemple, l’auteur peut affirmer :
« De -100 à 200, le climat méditerranéen a été d’une exceptionnelle stabilité. Chaud et bien arrosé. La période 21-50 a représenté les trente années les plus chaudes de notre ère jusqu’aux années 2000. Au IIème siècle, les glaciers alpins étaient aussi courts qu’aujourd’hui. En Angleterre, la remontée de la punaise de l’ortie vers le nord témoignait de températures de juillet d’au moins 2° supérieures à celle du milieu du XXème siècle. Il pleuvait plus en Egypte que de nos jours, les crues du Nil étaient abondantes et le blé égyptien permettait aux empereurs de constituer d’énormes réserves. La température des eaux de la Méditerranée, au large de la Sicile était de 2° supérieure à la température actuelle. »
Le "présentisme".
En conclusion, Olivier Postel Vinay souhaite attirer notre attention sur un trait de notre époque : ce que l’historien François Hartog appelle le « présentisme » : « Nous vivons tellement au présent (nourri de prédictions) que la plupart d’entre nous oblitérons le passé, l’ignorons ou le réduisons à quelques jalons mal informés, propagés par des clichés. En matière de clichés, l’un des plus irritants est la formule « sans précédent », qui accompagne tant « d’informations » diffusées par les médias. Les journalistes (et parfois les climatologues qui les instruisent) feraient bien de regarder à deux fois avant de l’asséner. »
Pour clore son ouvrage, il nous livre une réflexion que je partage largement. « Au regard des crises climatiques auxquelles Sapiens puis l’homme moderne ont été confrontés, nous vivons aujourd’hui un optimum. Je dis cela de façon tout-à-fait objective, sans recherche de paradoxe. Nous bénéficions d’une époque particulièrement privilégiées au sein même des millénaires de stabilité relative qui ont suivi le chaos du dernier âge glaciaire, du temps des grottes ornées. Dans le cadre de cet optimum bien compris, trois éléments sont cependant nouveaux. Le premier est que les pays riches ont acquis les moyens de lisser les microcrises climatiques qui les affectent ; ils ne sont plus sujets aux terribles souffrances qui pouvaient encore les perturber au milieu du XIXème siècle et qui peuvent encore perturber les pays pauvres. Le second est qu’en raison de la conjonction entre les progrès de l’industrie et la croissance vertigineuse de la population mondiale, la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre que nous injectons a atteint un niveau supérieur à tout ce que Sapiens a pu connaître depuis son arrivée sur Terre. Ce qui conduit au troisième élément nouveau : nous vivons une crise climatique réellement sans précédent, en ce qu’elle se fonde non pas sur des bouleversements concrets entraînés par un changement climatique catastrophique, mais sur l’inquiétude générée par des scénarios élaborés par des spécialistes sur une crise à venir. Pour la première fois de sa longue carrière, Sapiens vit une crise climatique par anticipation. A tort ou à raison ? … »
Bonne question !
Après la lecture de ce livre, et en recoupant avec « l’obscurantisme vert » d’Yves Roucaute et « Climat, la part d’incertitude » de Steven E. Koonin (N°1 des ventes aux USA tout en étant méprisé par les grands médias), dont je vous parlerai bientôt, les prédictions du Giec largement répercutée par les médias, et interprétées en les dramatisant comme avec l’émission « Ouvrons les yeux » sur BFMTV, devraient être assorties des précautions les plus élémentaires et non présentées comme certaines, car s’il y a une chose qui est bien certaine c’est que le contexte du futur à l’horizon 2050 ou 2100 n’est pas connu et ne sera pas « toutes choses égales par ailleurs ». Une éruption volcanique majeure qui a une chance sur six d’avoir lieu, le déclenchement d’un petit âge glaciaire lié à l’activité du Soleil, le dérèglement d’El Niño, etc … peuvent avoir des conséquences majeures et venir démentir les scénarios catastrophistes qu’on nous martèle à des fins peut-être plus idéologiques que climatiques.
SAPIENS ET LE CLIMAT, une histoire bien chahutée, d’Olivier POSTEL VINAY – La Cité.