Alors que la COP 26 bat son plein à Glasgow, des milliers de manifestants sont venus le week-end dernier admonester les dirigeants d’en faire plus contre le réchauffement climatique. Parmi eux Greta Thunberg. Comme charité bien ordonnée commence par soi-même, j’ai envie de lui dire qu’il ne suffit pas de venir en train pour se donner bonne conscience. Elle peut râler contre cet éternel provocateur de Bojo qui a pris un avion pour rentrer à Londres après un discours enflammé à la tribune contre le réchauffement climatique, le raz-de-marée que l’égérie suédoise de l’écologie a déclenché sur les réseaux sociaux un jour de rentrée scolaire de 2018 a pollué infiniment plus la planète que bien des pays vertueux comme la France dont la contribution au réchauffement climatique est minime.
« Génération climat ».
La pollution digitale met la transition écologique en péril et sera l’un des défis des trente prochaines années. Et le puissant mouvement médiatique de la soi-disant « génération climat » qui, de Sydney à Berlin ou Manille suit les « grèves du vendredi », ces millions de jeunes militants qui prennent à parti les dirigeants politiques et les entreprises qu’ils jugent incapables de se montrer à la hauteur de la crise écologique, ne se rassemblent pas spontanément. S’il ne s’agissait que d’un mouvement porté par des idéaux de justice et de solidarité, après tout ce serait leur liberté. Sauf que ce puissant mouvement horizontal est surtout un phénomène numérique, amplifié par une déferlante de hashtags et de video sur Youtube et autre. Et c’est là où le bât blesse.
Passe encore que cette « courageuse » jeune militante ait publié une photo la représentant avec sa pancarte devant le parlement suédois. Ce que l’on sait moins c’est que la dite photo est devenue virale en moins de deux heures, que le cliché est l’œuvre d’un photographe professionnel, dépêché par une start-up suédoise engagée dans la cause écologique afin de faire le « buzz ». Les images passèrent ensuite par de brillants communauty managers qui « calibrèrent » un puissant message bien idéologique, pour les réseaux sociaux. Ainsi naît une « star ». Précisons qu’elle est suivie aujourd’hui par 16 millions de « followers » sur Twitter et Instagram, une génération climat droguée aux outils numériques ! Ce qui fait dire à certains, non sans emphase, « qu’une génération entière se lève pour sauver la planète » et traîner des Etats en justice. C’est bien quand ces jeunes plantent des arbres. C’est beaucoup moins bien quand ils ont recours aux sites d’e-commerce, à la réalité virtuelle et au gaming, quand ils perdent leur temps devant les vidéos en ligne pour regarder la télévision, ce qui est un non-sens écologique total. Alors qu’ils nous fichent la paix avec notre consommation de viande et les voyages en avions.
Une pollution colossale.
C’est qu’ils ne s’en rendent pas compte, mais la pollution digitale est colossale. C’est même celle qui croît le plus rapidement. Elle est due aux milliers d’interfaces, tablettes, ordinateurs, smartphones, constituant notre porte d’entrée sur internet. Elle provient aussi des données que nous produisons à chaque instant, qui sont transportées, stockées, traitées dans de vastes infrastructures consommatrices de ressources d’énergie et qui permettront de créer de nouveaux contenus digitaux pour lesquels il faudra toujours plus d’interfaces … Deux familles de pollution qui se complètent et s’alimentent en boucle. Résultat : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est déjà le triple de celle d’un pays comme l’Angleterre. Les technologies digitales mobilisent aujourd’hui 10% de l’électricité produite dans le monde et rejettent près de 4% des émissions globales de CO2 , soit un peu plus du double du secteur civil aérien mondial (vous avez bien lu) ! Le risque existe même que nous ne soyons plus en mesure de contrôler l’impact écologique des entreprises du numérique tant elles sont devenues puissantes et peuvent échapper aux pouvoirs de régulation qui pourraient s’exercer sur elles.
La transition écologique en péril.
La pollution digitale met la transition écologique en péril et constituera l’un des grands défis des trente prochaines années. La « génération climat » sera l’un des principaux acteurs du doublement, annoncé à l’horizon 2025, de la consommation d’électricité du secteur numérique, soit 20% de la production mondiale, ainsi que des rejets de gaz à effets de serre, 7,5% des émissions globales. Déjà, tout ce que nous entreprenons aujourd’hui recèle une dimension digitale. Tout change et s’échange aujourd’hui instantanément. Mais se demande-t-on ce qui se passe quand on envoie un e-mail ou qu’on « like » d’un simple clic sur le réseau social ? Quel est l’impact matériel de ces milliards de clics ? Lequel d’entre nous est capable de décrire comment nos ordinateurs, nos tablettes et nos smartphones sont reliés et quelles installations sont déployées pour le réaliser. Les technologies numériques nous échappent le plus souvent quand nous stockons nos documents et photos dans un « cloud », par essence virtuel. Pourtant, il n’y a pas de magie. Le numérique est réputé pour ne générer aucun impact matériel. C’est tout le contraire. Le problème c’est qu’il produit une pollution invisible et infinie. Aux Etats-Unis, un adolescent passe sept heures et 22 minutes de son temps libre par jour devant un écran. En France, un adulte de 18 ans a déjà possédé en moyenne cinq téléphones mobiles. Plus on est jeunes, plus on renouvelle souvent ses équipements qui comptent pour près de la moitié de la pollution numérique. Autant dire, comme Coluche, « J’me marre ! » quand je vois ces jeunes avec leurs habitudes véganes et locavores dont les efforts seront rendus vains par l’explosion de leur empreinte numérique et les prodigieux effets rebonds que ce monstre électronique va engendrer.
La numérisation du monde est en marche et la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer sa marche. Pourtant cette virtualisation générale du monde n’en est qu’à ses balbutiements. Alors, que les jeunes balaient d’abord devant chez eux avant de donner des leçons. On attend d’eux qu’ils fassent preuve de sagesse face à cette course à la puissance des technologies, car pour l’heure, le numérique tel qu’il se déploie sous nos yeux, ne s’est pas mis au service de la planète et du climat. Loin s’en faut ! Je continuerai donc de manger mon onglet saignant et prendre l’avion sans états d’âme.
Je leur conseille de lire « L’enfer du numérique –voyage au bout d’un like » de Guillaume Pitron (journaliste spécialiste de la géopolitique des matières premières.)