L’affrontement avec l’Angleterre devint l’axe majeur de la politique de l’Empereur. Après Trafalgar, elle était maîtresse des mers ce qui lui permit de résister au « blocus continental » imposé par Napoléon. La volonté de le rendre plus rigoureux l’entraîna dans une politique d’annexions et de guerres qui inquiétaient les monarchies. L’invasion de l’Espagne, en 1808, procédait de cette exigence mais se transforma en un guêpier où la grande armée perdit son statut « d’invincibilité ». L’Europe soumise se remit alors à espérer, alimentant les complots, les revirements des monarques et le renouvellement des coalitions. L’entrevue d’Erfurt avec le tsar Alexandre montra la fragilité de l’empire napoléonien.
Le blocus continental.
Dès lors Napoléon était prisonnier de la logique du système : il fallait à tout prix empêcher les marchandises anglaises d’entrer sur le continent. En 1807, il fit occuper la Poméranie suédoise. Tous les grands ports de la mer du Nord passèrent sous la souveraineté française ; la Hollande fut annexée en 1810… ll restait à régler le sort du Portugal, vieux client et ami de l’Angleterre. Face au refus de fermer ses ports aux Anglais, Junot fut chargé de conquérir le pays, et en novembre 1807, il entrait dans Lisbonne. L’occupation de l’Espagne s’imposa alors. Celle-ci semblait être une proie facile.
Le guêpier espagnol.
L’arrivée des troupes françaises commandées par Murat (1808) provoqua des troubles. Charles IV dut abdiquer et son successeur Ferdinand, craignant la révolte populaire, fit appel à l’aide française. Murat entra dans Madrid en mars et Napoléon organisa la « tragi-comédie » de Bayonne où il convoqua la famille royale espagnole. Il venait d’apprendre le soulèvement de Madrid le 2 mai et la sanglante répression qui s’en était suivie. Napoléon imposa à Ferdinand de rendre la couronne à son père qui s’empressa d’abdiquer en faveur du « grand Napoléon, son ami » qui l’offrit aussitôt à son frère Joseph. Rien n’était résolu. Des milliers de partisans prenaient les armes, une junte, réunie à Séville dirigeait l’insurrection et organisait la « guerrilla ». En juillet 1808, le Général Dupont capitulait à Baïlen, Joseph dut quitter Madrid. 16 000 Anglais débarquèrent au Portugal et Junot capitulait à Cintra au mois d’août. A Erfurt, Napoléon s’efforça d’obtenir des garanties suffisantes du tsar avant de partir pour l’Espagne, mais rien de précis n’en sortit. En novembre l’Empereur était en Espagne pour y engager un combat difficile avec la « grande armée ». Comme toujours, la campagne commença par une série de victoires et il entra le 4 décembre à Madrid. Le siège de Saragosse par Lannes montra que la résistance espagnole était loin de s’éteindre. Napoléon qui craignait une nouvelle guerre continentale rentra à Paris en 1809 où Talleyrand et Fouché, inquiets pour l’avenir, complotaient. Les troupes françaises tenaient les villes mais ne parvinrent jamais à se rendre maîtresses des campagnes. Napoléon perdit en Espagne des forces précieuses qui manquèrent par la suite. L’affaire se solda par le renvoi de Ferdinand sur son trône en 1812 !
Une cinquième coalition.
A peine rentré, Napoléon dut faire face à l’Autriche qui entrait à nouveau en guerre. Trois fois déjà, elle s’est trouvée en guerre contre la France révolutionnaire et impériale (1797, 1801, 1805), et elle a été à chaque fois battue. En 1809, elle espère qu’un soulèvement de toute l’Allemagne viendra la soutenir amis la tentative de rallier la Prusse avorte et « l’appel de l’archiduc Charles à la nation allemande », en avril 1809 n’obtient que des résultats sporadiques. Si, après la prise de Vienne, Essling fut un échec pour Napoléon, il écrasa définitivement les Autrichiens à Wagram en juillet 1809, malgré une bataille difficile où il laissa 20 000 morts. Pour l’Autriche, une crise financière totale venait s’ajouter à la défaite militaire. Elle dut accepter la dure paix de Vienne (octobre 1809). La France continuait son expansion territoriale jusqu’aux « provinces illyriennes » et l’Empereur obtint la main de Marie-Louise d’Autriche. Napoléon répudia Joséphine et le mariage avec l’archiduchesse fut célébré solennellement en 1810. L’alliance matrimoniale des Habsbourg avec l’ennemi et l’usurpateur, considérée comme une infamie par l’empereur François, permettrait, pensait Metternich appelé aux affaires, de préparer en paix le relèvement intérieur autrichien. L’archiduchesse était réellement éprise de Napoléon et lui donna un héritier en 1811, complétant le triomphe de l’Empereur. Celui-ci reçut le titre de « roi de Rome », vieux titre du Saint-Empire romain germanique. Plus encore que la Prusse en 1806, l’Autriche avait accepté et adopté l’Empereur des Français. Metternich sera fidèle à Napoléon jusqu’au début de 1814. La puissance de la France, qui étend son pouvoir de l’Adriatique aux bouches de l’Elbe, en Europe occidentale, lui paraissait conciliable avec celle de l’Autriche en Europe centrale.
La défaite de Masséna au Portugal en mai 1811 réalisait la prophétie de Joseph Bonaparte : « Sire, votre gloire échouera en Espagne ». Le dernier chapitre de l’épopée va bientôt s’ouvrir avec le nouveau conflit voulu par le tsar Alexandre.