LA DEMOCRATIE N’A PAS DIT SON DERNIER MOT !
14 novembre 2022
Dans ce siècle initialement salué comme celui porteur d’une ferveur pour la démocratisation impossible à endiguer, le désenchantement à l’égard de la démocratie et la dévalorisation de la politique semblent prévaloir. Le constat est sans appel, le moins mauvais de tous les systèmes montre des signes de faiblesses puisque seulement la moitié de la population mondiale a vécu en démocratie en 2021. Les coups d’État ou encore les prises de pouvoir anticonstitutionnel se sont accrus significativement tandis que certains bastions de ce modèle, à l’instar des Etats-Unis et de la France, sont devenus des démocraties défaillantes ou affaiblies. Dans le même temps, le modèle illibéral et les régimes autoritaires semblent avoir le vent en poupe. Pourtant, la victoire de Lula au Brésil, les élections de mi-mandat aux États-Unis, l’évolution de la guerre en Ukraine, défavorable pour les Russes, apportent une bouffée d’oxygène aux démocraties, mises à mal par le populisme.
Le populisme battu en brèche.
Au Brésil, la page est tournée, après quatre années de chaos et de fureur, Jair bolsonaro quittera la scène dans deux mois avec devant lui un avenir incertain, qui se jouera peut-être dans les tribunaux avec des juges en embuscade. Certain de sa victoire, il s’est d’abord muré dans le silence, ne voulant ni reconnaître clairement sa défaite, ni désavouer ses partisans, prêts à un putsch. La victoire de son adversaire est à vrai dire étriquée avec 50,9%, mais bien réelle. Lula n’est pas la meilleure référence démocratique, mais de toute évidence la moins mauvaise face à une extrême-droite conspirationniste et antidémocratique. Le leader populiste de la droite radicale va mettre une semaine pour, du bout des lèvres, reconnaître sa défaite. Le Brésil sort de l’expérience épuisé, mais il a montré la résilience de son système démocratique qui sort renforcé de cette épreuve électorale.
Biden bel et bien conforté.
Joe Biden n’a pas eu tort de célébrer les avancées de son parti, les démocrates. Lesquels ont sans doute perdu la majorité à la Chambre des représentants mais se sont défendus âprement sur d’autres fronts, de manière à garder la majorité au Sénat. Biden au moins, ne met-il pas en danger la démocratie américaine, même s’il doit composer avec son aile gauche wokiste et sa composante extrémiste. De leur côté, les Républicains avaient juré de ne pas reconnaître les résultats des élections législatives si elles ne leur apportaient pas la victoire. Ils ont mis une sourdine à leurs proclamations, insistant sur leurs gains mais taisant leurs pertes. Comme Bolsonaro, celui qui était certain de déclencher une vague insurmontable, doit se rendre à l’évidence : sa prophétie autoréalisatrice n’a pas fonctionné. Si les Républicains auront une petite majorité à la Chambre des Représentants, ce sera sans les poulains de Trump presque tous battus. Tout un électorat modéré, dans lequel on compte des électrices et électeurs Républicains, a fait le choix de la démocratie contre le pouvoir personnel et les formes maladives de communication. Les modérés semblent avoir imposé leur loi.
Deux perdants : Trump et Poutine.
Biden trouvera sans effort une majorité mixte au Congrès pour continuer à apporter à l’Ukraine l’aide militaire et humanitaire sans laquelle elle serait déjà conquise par les Russes. Il y a deux perdants dans cette élection : Donald Trump dont l’espoir d’être réélu pour un second mandat est en cours de disparition et Vladimir Poutine, qui a déjà perdu la bataille de Kherson, et ne sait comment expliquer aux mères russes pourquoi tant de leurs enfants ont été sacrifiés dans un conflit artificiel que le maître du Kremlin a monté de toutes pièces. Même les dictateurs doivent rendre compte au peuple.
On ne peut pas régner par la peur, indéfiniment.
Coïncidence ou pied de nez de l’Histoire, au même moment, le régime dictatorial des mollahs iraniens doit faire face à une révolte violente de sa jeunesse qui ne supporte plus la chape de plomb islamiste qui lui est imposée. Et les manifestations perdurent malgré le black-out instauré par l’Etat et une répression féroce et sanguinaire. Deux mois après, son déclenchement, le feu perdure. De la même façon, les déboires de l’armée russe en Ukraine pourraient bien sonner la dernière heure du régime de Poutine. Les Russes se moquent de lui tant qu’il leur fiche la paix, mais quand il envoie de la chair à canon en Ukraine, sa présence au Kremlin commence à être discutée même si toute contestation est gravement punie. En même temps, l’ours des glaces ne fait plus peur. On croyait que, en cas de conflit, les chars russes débouleraient rapidement dans les plaines d’Europe centrale. Il n’en est rien. Pas de logistique, pas d’approvisionnement, pas vraiment de stratégie, seulement des stratagèmes et du chantage.
Un autre ordre mondial.
Poutine voulait montrer à la face du monde que le modèle démocratique dont nous nous réclamons était une cause de faiblesse et de déclin, que les temps nouveaux étaient aux pouvoirs forts, et il travaillait à la constitution d’un nouvel ordre mondial, avec la Chine et l’empire ottoman, entre autres, capable de s’opposer au monde occidental. La débâcle de son armée, les erreurs stratégiques imputables à lui-même, la corruption généralisée de son régime de cleptocrates, les exactions et les crimes de guerre que l’ONU instruit, ruinent son entreprise. La presque totalité de l’activité russe a été consacrée à une communication mensongère. Mais la vérité finit toujours par montrer le bout de son nez. Alors, le système russe est toujours meilleur que celui des démocraties ?
Décidément, même quand elle est menacée, la démocratie libérale n’est pas si facile à abattre. A cet égard, l’expérience italienne nous offre un joli sujet d’observation.