NE NOUS Y TRUMPONS PAS !
09 novembre 2024
Les Français ne sont pas les Américains.
Seule une minorité d’entre eux auraient voté pour un tricheur, menteur, violeur, vulgaire de surcroît. Nous n’avons pas les mêmes repaires ni la même culture démocratique.
La victoire de Trump.
Sa victoire, Trump la doit à une stratégie électorale déterminée : miser d'abord sur l’Amérique rurale. Et il a fait un carton : il rassemble 55% des voix chez les Blancs et les non diplômés et 60% dans les campagnes. Son socle déjà solide qui s'est élargi : il fait mieux qu’en 2020 dans quasiment tous les groupes démographiques dont certains piliers de l’électorat démocrate : les femmes (+2 points), les Hispaniques (+6) les Afro-Américains (+7) et surtout les jeunes hommes (+15).
Le « retour » du protectionnisme.
Depuis les résultats de l'élection américaine, on ne parle que du « retour » du protectionnisme, avec les mises en place de droits de douane élevés pour les produits chinois et européens. Mais en fait ça fait plus de 20 ans que le protectionnisme existe, plus exactement depuis le 11 décembre 2001, date à laquelle la Chine est entrée dans l'Organisation Mondiale du Commerce. Et depuis il s'est même accentué.
Trump a annoncé la couleur sur le commerce américain. On ne pourra pas dire que nous n’étions pas prévenus. Son programme prévoit l'instauration de droits de douane pour les importations en provenance de la Chine principalement. Il ne connait que le « business », et il est « America first ».
En toute logique, les indices boursiers américains ont largement progressé. Une hausse forte. Mais contrôlée. Trump va réduire massivement les impôts, et donc détériorer, dans un premier temps, le déficit et la dette. Ces mesures vont prolonger le cycle de la croissance américaine avec des risques de récession qui s'éloignent. Avec l'augmentation massive des droits de douane, les prix vont augmenter aux États-Unis, et l'inflation qu’il prétend combattre va donc avoir du mal à reculer. Les actions des sociétés de secteurs très réglementés comme les banques ont progressé de 10% dès l’élection annoncée : logique, puisque Trump veut déréguler massivement. Logique aussi la baisse des cours des sociétés d'énergies renouvelables, car la transition écologique n'est pas un sujet pour lui.
Logique toujours la hausse du dollar du fait de la hausse des taux d'intérêt US et du fait de l'avantage compétitif de l'économie américaine grâce, entre autres, à la vague de dérégulation.
Comme toujours, la vision des marchés est simple.
Ils jugent que Trump ne sera pas, malgré son caractère imprévisible, un facteur d'instabilité. Avec Trump, les marchés anticipent la fin de la guerre en Ukraine et de la guerre au Moyen-Orient. D'où la baisse du pétrole et la baisse des valeurs refuges, en particulier de l'or.
L'Europe va souffrir aussi.
En toute logique les actions européennes n'ont pas suivi la hausse, de même pour les actions asiatiques, car la Chine et l'Europe vont être dans le viseur de Trump. Pour faire plier la Chine et les Etats-Unis et les obliger à respecter les règles du commerce international, la méthode de la menace ou des gros yeux ne fonctionne pas. Il faut utiliser les mêmes méthodes qu'eux. L’union européenne va devoir ériger des barrières avec des droits de douane pour les deux côtés. Des droits de douane qui peuvent plomber une économie déjà affaiblie mais qui les obligera à respecter les règles et notamment les règles de réciprocité commerciale. Une décision difficile à prendre parce qu’elle intervient au pire moment. Le moteur franco-allemand est en panne. Emmanuel Macron est à la tête d’un pays en crise, c’est le moins qu’on puisse dire et a perdu une grande partie de sa crédibilité aux yeux de nos partenaires ; Olaf Scholz a limogé son ministre des Finances Christian Lindner.
C'est donc la fin de la coalition gouvernementale et le début d'une crise politique majeure. Mais la coalition était déjà très fragile et l'explosion était inévitable.
Pourtant, l’Union n’est pas sans atout.
Delors avait convaincu les douze membres de la Communauté européenne de construire un marché commun édifié sur deux piliers : la libre circulation des biens et des personnes. En furent exclus les services bancaires et financiers, l’énergie et les télécommunications. Il était trop tôt aux yeux des pays membres. Le projet de marché commun était donc inachevé. Mais aujourd’hui, l’Inde et la Chine pèsent plus de 20 % des échanges. Et la croissance américaine écrase l’UE. Il est donc temps de terminer le boulot. Il s’agit seulement d’intégrer au marché unique le droit des affaires, les télécommunications, ou l’épargne, qui restent pour le moment cantonnés aux vingt-sept marchés nationaux. Il suffirait donc d’organiser l’accès direct et simplifié des petites et grandes entreprises à tous les consommateurs. La solution ? « Créer un vingt-huitième système juridique auquel les entreprises pourraient adhérer, en dérogeant au système national. » Il s’agirait d’une révolution profonde. « L’UE détient 33.000 milliards d’euros d’épargne privée. En raison de la fragmentation de nos marchés financiers, 300 milliards d’euros issus de l’épargne des ménages européens sont détournés chaque année vers l’étranger. Il faudrait donc créer une Union de l’épargne et de l’investissement », nous dit Letta. Faisons-le !
Cela fait cinquante ans que l’Europe finance les déficits américains et un siècle qu’elle y envoie ses meilleurs cerveaux. Il serait temps de les ramener à la maison. Donald Trump, par son obsession nationaliste et isolationniste, et sa brutalité peut nous y aider. Après tout, l’Union européenne n’est jamais aussi forte que face à l’adversité.
Commentaires