HISTOIRE
UNE LONGUE INTERRUPTION...

DETRUMPEZ-VOUS !

Trump maga

Une croissance solide, des adversaires - l’Europe et la Chine- englués, des capitaux qui affluent plus que jamais, un plein-emploi, une suprématie technologique confirmée, une productivité qui redémarre : au moment où Donald Trump arrive à la Maison Blanche avec pour promesse de redresser son pays, « Make America Great Again », les Etats-Unis le sont déjà. La question paradoxale qui se pose avec le président réélu est celle-ci : va-t-il prendre des mauvaises mesures qui vont affaiblir son pays ? Alors MAGA pourrait bien devenir MAWA : “Make Americain Weak Again”  !

Donald Trump s’est associé avec Elon Musk pour créer une mécanique de choc, de tension et de vitesse lui permettant de réaliser une rupture majeure dans l’histoire des États-Unis. Le leader du peuple Maga entend couper le lien existentiel de l’Amérique avec la démocratie libérale, en refusant de respecter le suffrage universel, la séparation des pouvoirs, l’État de droit, la modération, la liberté d’information, la tolérance envers les minorités, niant même le statut fédéral de l'Union, ce qui ne va pas aller sans poser des problèmes. L’Amérique du XXIe siècle de Trump ne sera pas démocratique, ouverte et universaliste, mais oligarchique, protectionniste et impériale. Il veut une Amérique impériale qui se réclame des mêmes principes que les tyrannies et les régimes autocratiques : constitution d’une sphère d’influence, sanctuarisation de l’étranger proche, recours à tous les moyens de la guerre hybride y compris au détriment des pays alliés moins puissants. Il raisonne, décide et agit comme Xi Jinping, Vladimir Poutine ou Recep Erdogan. L’Amérique de Trump, tel qu'il la conçoit, est un empire autoritaire, qui partage la vision impériale de la Chine tout en étant engagée dans une féroce rivalité avec elle, et qui, comme elle, ne fixe aucune limite à la mise sous tutelle des nations démocratiques, à commencer par l’Europe.

Trump a été élu sur une intuition géniale : persuader les Américains qu’ils sont les nouveaux damnés de la Terre, les persécutés de cette planète, qu’ils sortent du Moyen Âge démocrate pour entrer dans la lumière de l’âge d’or républicain. Le trumpisme, comme le wokisme, baigne dans l’idéologie victimaire dont il se contente d’élargir la cible : non plus les minorités ou les LGBT mais le peuple américain tout entier. La ficelle est énorme et il a fallu une incroyable intoxication pour présenter les États-Unis, le pays le plus riche du monde, comme le souffre-douleur de l’humanité alors qu’il est la première économie mondiale, grâce à Joe Biden, la première armée par le budget, la première nation technologique, des ambitions démesurées dont la conquête de Mars prônée par Elon Musk. L’impérialisme affiché de Trump, son appétit pour le canal de Panama, le Groenland, le Canada tient de l’effet rhétorique. Trump veut contradictoirement la paix et l’expansion. Empereur et clown tout à la fois, il veut d’abord une allégeance totale des siens, y compris des milliardaires de la tech et foudroie les traîtres ou les tièdes. Pourtant, on ne peut se départir, avec cette nouvelle Administration, d’un sentiment de chiqué, comme dans le catch que le président affectionne. On crie, on hurle, on insulte, on montre les crocs pour ne pas avoir à s’en servir.

Donald Trump ne semble pas préparer un retrait américain, ni un repli militaire. Son projet pour 2025 est celui d’une Grande Amérique qui, sur le papier, n’a rien d’isolationniste. La doctrine Trump - c’est ainsi que le Parti républicain l’appelle désormais officiellement - présente une matrice profondément impérialiste, allant jusqu’à ouvrir la frontière américaine à de nouvelles conquêtes territoriales.Dans cette vision géopolitique, si le rival systémique des États-Unis reste la Chine, la priorité stratégique semble plutôt porter sur la réorganisation de l’Occident autour d’une relation fondamentalement asymétrique, unilatérale et transactionnelle avec Washington. « America first », implique avant tout la suprématie des États-Unis sur l’Occident. Ses déclarations visant l’annexion du Canada et du Groenland, où le prochain président américain n’exclut pas l’usage de la force contre un allié fidèle et docile comme le Danemark, doivent être comprises comme un rite d’initiation à un nouveau régime où l’Otan se reconfigurerait sur le modèle du Pacte de Varsovie : un seul État central doté de souveraineté et de capacité d’action politique et géopolitique, avec des satellites plus ou moins intégrés : pas de concertation, mais de la coercition et même l’usage de la force si nécessaire.

Pour le reste, le monarque yankee, s’il risque de plonger l’Amérique dans une guerre civile larvée, est la meilleure chose qui puisse nous arriver : un réveil brutal. Sa brusquerie, sa vulgarité ont un effet rafraîchissant : comme un verre d’eau glacée jeté au visage d’un dormeur. Il a dit ce qu’il fera, il fera ce qu’il dit. Prenons-le au pied de la lettre d'autant plus que l'Union européenne ne demande qu'à prendre conscience de sa puissance, et sortons de soixante-dix ans de vassalisation militaire. Si cet homme parvenait à convaincre les Européens, par la coercition , d’assurer seuls leur défense, alors on pourrait parler d’un miracle Trump. Et dans ce domaine, la France, dotée d’une excellente armée professionnelle, a une longueur d’avance sur ses partenaires. De fait, Donald Trump et les oligarques des Gafam placent l’Europe et les Européens devant un moment de vérité : soit la tutelle géopolitique et économique des États-Unis, sans même une garantie de sécurité effective ; soit la transformation en puissance pour défendre face aux empires notre souveraineté, notre liberté et notre civilisation, mais au prix d’une transformation radicale : l’acceptation du monde du XXIe siècle, multipolaire, volatil et violent ; la réconciliation avec le travail, le risque et les armes. La paix « westphalienne « (1648) d'égalité en droit de tous les Etats, grands et petits, d'inviolabilité des frontières et de non-ingérence, rétablie en 1945, seule l’Europe peut la défendre. Pour l’heure, la loi du plus fort l'emporte dans la géopolitique. Elle l'emporte sur les réseaux où la « modération » n'est plus de mise, la brutalité est installée. Le monde de la force (re)prend possession de tous les « ordres », international, national, économique mais aussi privé, sociétal, et, en surplomb, idéologique. La technologie, le populisme et la rivalité américano-chinoise sont les causes de ce changement tectonique. La course aux armements, le protectionnisme et l'autoritarisme en sont les premières grandes conséquences, toutes trois négatives sur la marche du monde. L'Europe est le continent le plus bousculé et le plus menacé. Car l'Union européenne est fondée entièrement sur la logique westphalienne et son écroulement va précéder le sien si elle ne réagit pas. Pour que l'UE tienne bon sur son modèle, il faut qu'elle fasse « tout ce qu'il faut » pour que son économie soit forte. C'est la condition pour qu'elle puisse défendre ses principes humanistes et son économie sociale de marché qui, contrairement aux discours trumpien et muskien, ne sont pas des handicaps mais des forces pour construire un avenir vivable et durable. Le modèle westphalien reste le meilleur pour la démocratie, pour les peuples, le populisme autoritaire est un mirage.

Ursula Von der Leyen l’a bien compris. La Commission européenne s'apprête à publier une « boussole de la compétitivité », ce qui indique qu'elle pourrait retrouver le nord. Elle a prononcé à Davos un discours qui pointait la bonne direction - et qui a été salué par davantage d'applaudissements que l'intervention de Donald Trump. Des réglementations devraient être assouplies ou simplifiées, des initiatives lancées. Rien n'est gagné. Mais comme le montre l'Eurobaromètre, plus de la moitié des Européens font confiance à l'Union, ce qui n'était pas arrivé depuis plus de quinze ans. Quand on touche le fond, ce n'est pas le moment de creuser, mais l'occasion de rebondir. Cette réorganisation de l’Occident autour d’un principe brutalement impérial repose sur un présupposé et une condition : la neutralisation de toute souveraineté concurrente à l’intérieur de ce grand espace. Pour parvenir à ses fins, le dispositif impérial de Donald Trump est porté par Elon Musk qui agit de manière de plus en plus proactive pour soutenir des formations souverainistes, de la Roumanie au Royaume-Uni. Les souverainistes en France et en Europe risquent de devenir les idiots utiles de la vassalisation américaine du continent. C’est un projet – il est encore loin d’être pleinement mis en place et il existe plusieurs moyens de l’empêcher. Mais, dans le style Trump, il est clairement énoncé et il faut le prendre au sérieux. En attendant, le Groenland n’est pas encore américain et l’Europe n’a pas envie de le lâcher. Après tout, l’Europe n’est jamais aussi unie que lorsque ‘elle se sent agressée. Et le Canada, n’a pas non plus l’intention de se laisser faire. La question du Canada comme 51ème Etat n'est pas un sujet. Il n'y a pas de parti annexionniste, aucune volonté politique d'emprunter ce chemin. Les Premiers ministres des différentes provinces ont montré les dents. Celui de l'Ontario, Doug Ford, coiffé d'une casquette barrée d'un « Canada is not for sale » dont la photo a fait le tour du monde, a prévenu que le nord-est des Etats-Unis pourrait être privé de l'électricité acheminée depuis sa province. Trump, même pas peur !

Bon ! C’est pas le tout ! Quand débranche-t-on le clown Donald et son bouffon Elon ? On gagnerait du temps, non ?

 

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