
L'ancien Premier ministre était l'invité
de l'émission « Des paroles et des actes » sur France 2, rendez-vous
majeur auquel assistaient nombre de ses soutiens au premier rang desquels
Jérôme Chartier, François Baroin, Christian Estrosi, Eric Ciotti... mais pas
Laurent Wauquiez qui a décidé de voler de ses propres ailes, déçu par l’accord
intervenu avec Jean-François Copé.
François Fillon est toujours déterminé à être candidat
à l'Elysée, « par devoir» et non par envie, et il a détaillé une série de
remèdes vigoureux pour sortir la France du marasme, quitte à braver
l'impopularité, au nom de la vérité due aux Français.
Calme et déterminé, comme à son habitude, celui
qui a dirigé le gouvernement, pendant tout le quinquennat Sarkozy, est revenu
sur sa volonté de se présenter à la primaire de l'UMP en 2016, dans la
perspective de l'élection présidentielle l'année suivante.
Il avait un exercice difficile à résoudre au
cours de cette émission qui n’a pas fait le plein d’audience : comment
justifier sa candidature alors que plane toujours l’hypothèque Sarkozy, et
comment expliquer l’accord intervenu à l’UMP après les sentences très dures
qu’il avait prononcées à l’automne dernier sur les conditions du scrutin. Deux
sujets sur lesquels il n’était visiblement pas complètement à l’aise.
« M.
Sarkozy, je l'ai suivi loyalement comme Premier ministre, on a un caractère
différent, une vision différente de l'avenir… Aujourd'hui, je veux conduire mon
projet politique. Nicolas Sarkozy a dit qu'il voulait se retirer de la vie
politique, je ne l'ai jamais entendu dire le contraire », a-t-il
argumenté, « S'il voulait revenir,
les Français choisiront », a-t-il ajouté. Ce qui sous-entend une
hypothétique concurrence à laquelle on peine à croire encore aujourd’hui. Il
prend grand soin, néanmoins, de ne pas indisposer les sarkozystes, encore très
majoritaires dans la sphère de l’UMP.
La paix intervenue à l’UMP est évidemment la
bienvenue. Malgré tout, il ne peut s’empêcher de continuer à contester en
filigrane l’élection à la présidence de Jean-François Copé, continue de parler
des fraudes en restant imprécis sur les origines, alors qu’elles ont été
marginales et partagées, et s’emploie à faire accréditer l’idée d’une direction
collégiale. C’est la partie de la soirée où il aura été le moins convaincant.
De même que sur le « ni-ni », question rituelle qui revient comme une
antienne à chaque fois qu’un responsable UMP se trouve sur un plateau. C’est
pourtant clair à chaque fois : pas d’accord avec le FN. Pour le front
républicain, en cas de 2ème tour, il est plus confus. Il a oublié
que Copé lui avait arraché le « ni-ni » lors de leur débat. De même
qu’il commet une bévue sur le mode d’élection des municipales à deux tours et
pas un comme il l’affirme d’abord, et s’en sort par une
pirouette : « j’ai
toujours été élu au 1er tour ! ».
Confronté, dans un dialogue correct et policé
(trop ?), au ministre du Budget Bernard Cazeneuve, il a martelé le mot
« vérité » face au mensonge de la campagne de François Hollande. « Ce n'est pas facile, ce n'est pas
gagné d'avance, mais il faut la dire », a-t-il lancé. Face à un
ministre campé dans ses certitudes idéologiques et très technocrate dans
l’utilisation de ses chiffres, il ne s’en laisse pas conter (ou compter) et le
renvoie aux erreurs magistrales commises depuis un an et aux 30 milliards qui
vont manquer dans les caisses d’ici la fin de l’année, de quoi laisser sans
voix son interlocuteur, soudain perdu.
François Fillon, qui a entamé cet
hiver un tour de France pour préparer un projet d'alternance, a affirmé que les
Français n'ont pas besoin d'hommes politiques qui soient des bateleurs.
Au chapitre des propositions, c’est l’expert
qui connait parfaitement la situation du pays qui s’exprime. Et les remèdes
seront douloureux, quoi qu’il arrive.
Il faut accepter de faire des efforts,
proposant à nouveau de repousser l'âge de la retraite à 65 ans. A ses yeux, une
bonne reforme égaliserait les régimes, public comme privé. Il faut
progressivement ramener tous les régimes sur les mêmes conditions : même durée
de cotisations, même âge de départ et, surtout, même mode de calcul de
cotisations. « Je suis prêt à voter
une réforme même si elle était proposée par François Hollande si elle allait
dans ce sens ». Engagement sans grand risque, il est vrai, tant il a
peu de chance d’être tenu.
Autre proposition : suppression de la durée
légale du travail avec obligation de négociation dans les entreprises sur cette
durée. Mais comme il faut, de façon urgente, un choc de compétitivité, il
propose d'augmenter le temps de travail, entre 35 et 39 heures, et de répartir les
gains de cet accroissement entre les salariés et l'entreprise.
« Nous
allons devoir baisser de façon beaucoup plus importante les dépenses publiques
et la seule manière est de baisser le nombre des emplois dans toutes les
fonctions publiques, quitte à aller plus loin que le un sur deux » (non
remplacement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite). C’est en
effet le seul moyen de baisser durablement les dépenses publiques.
Il souhaite réduire la durée d'indemnisation
du chômage et la lier à la formation professionnelle, idée remarquable du
candidat Sarkozy en 2012 qu'il reprend à son compte.
Il a préconisé aussi une disparition de
l'ISF, cet impôt imbécile mais que nul n'a osé gommer depuis sa création en
1982, en le remplaçant par une tranche d’imposition.
En conclusion il s’est évertué à convaincre
de sa volonté d’aller de l’avant, face à une France qui est un pays qui a peur
de tout : nucléaire, OGM, gaz de schiste, banquiers, Europe, « tout ce qui bouge, change, est nouveau. On a
peur du progrès, on a perdu le sens, le culte du progrès, or un pays qui a
perdu le culte du progrès est un pays condamné au déclin » de même que
sans sursaut, l'Europe sera « le
Titanic ».
Le courage de dire la vérité, on le lui
reconnait volontiers. Pourtant il lui manque encore ce supplément de vivacité
que son phrasé régulier, que son mode d’expression qui exclut la virulence,
cantonnent dans le registre du devoir alors qu’on aimerait sentir l’envie. Cela
viendra probablement.