PROTECTIONNISME ET DROITS DE DOUANE.
04 août 2025
Trump est-il en passe de gagner son pari ?
Si l’on en croit les chroniqueurs sa politique tarifaire fait rentrer des milliards de dollars dans les caisses de l’Etat américain et c’est vrai, et c’était l’objectif visé par l’hôte de la Maison blanche. Et c’est là qu’intervient le tout de passe-passe. Car qui paiera ? Concernant la hausse de 15 % des droits de douane sur les biens européens exportés aux Etats-Unis, celle-ci sera acquittée par l'importateur américain. Autrement dit, c’est un impôt déguisé qui se répercutera sur le consommateur.
Il faut expliquer ce qu’est, en principe, une politique « protectionniste ».
Un Etat met en place des barrières douanières avec un objectif prioritaire : protéger ses productions de la concurrence en provenance de pays tiers qui produisent les mêmes objets de consommation mais moins chers ou plus évolués techniquement. Ce genre de politique conduit à l’autarcie et s’est toujours soldée dans le passé par des échecs, soit parce que les taxes étaient contournées, soit parce que la guerre commerciale déclenchée a conduit à la crise économique quand ce n’est pas à la guerre tout court. La prospérité est toujours venue du libre-échange.
Le cas des Etats-Unis d’aujourd’hui.
C’est un pays qui a accumulé une dette immense et dont le déficit budgétaire annuel et de la balance commerciale sont chroniques depuis des années. Mais c’est aussi le plus gros marché de consommateurs du Monde. Le problème, c’est qu’au fil des années, il a délocalisé ses productions, en Asie, notamment, en Chine en particulier, si bien que sa balance commerciale est devenue gravement déficitaire, étant dans l’obligation d’importer massivement les biens de consommation pour alimenter son marché intérieur. Certes, les Etats-Unis exportent encore mais dans quelques secteurs spécialisés comme l’armement ou l’aéronautique. Son tissu industriel s’est délité et, comme chez nous, les régions autrefois prospères présentent un spectacle d’usines à l’abandon. Autrement dit, on peut se demander à quoi peuvent bien servir des barrières « tarifaires » quand on n’a plus rien à protéger ? Il s’agit en fait, non pas d’empêcher une concurrence qui n’existe pas, car le gros des produits importés sont indispensables à la consommation des américains et ne sont pas produits sur place, mais de minimiser le trou créé par le déficit de la balance commerciale. Autrement dit, c’est comme si Trump avait mis en place une TVA qui ne dit pas son nom. Même avec la Chine, vous verrez que ça se terminera à 15% ! Voilà comment on se fait élire en promettant des baisses d’impôts tout en faisant le contraire. Mais pour le citoyen de l’Arizona moyen, c’est Trump qui punit le monde entier pour rétablir ses comptes.
La superpuissance financière.
Reste qu’il est grandement aidé par le statut mondial du Dollar et la puissance financière de Wall Street. La réindustrialisation est un prétexte. Les États-Unis restent une puissance écrasante et Trump a décidé de la monétiser : monétiser la puissance militaire en obligeant les pays qui veulent la protection US à augmenter leurs dépenses de défense en achetant massivement de l'armement américain ; monétiser la puissance commerciale en imposant un grand péage à l'entrée des États-Unis, car beaucoup de pays veulent vendre aux Américains, ils n'ont pas le choix, comme la Chine. Mais en fait la puissance américaine est ailleurs : la Tech explose record après record avec des valorisations boursières inimaginables comme les 4 000 milliards de dollars pour Nvidia ou encore Microsoft.
La politique tarifaire reste un pari.
Tout va se jouer dans les mois qui viennent avec l'impact réel des droits de douane sur l'inflation américaine, sur la croissance américaine et sur la croissance des pays ou des zones, comme la zone euro. Nous allons assister en « live » à une expérience économique historique... D'où la prudence de Jay Powell à la tête de la Fed. Attendons de voir à l’usage si les répercussions des conceptions simplistes trumpiennes ne vont pas se retourner contre l’économie américaine : inflation, baisse de la consommation, chômage, récession, mesures de rétorsions qui ne manqueront pas de se produire … Il faut s’attendre à un ralentissement de l’économie mondiale. A moyen terme, le monde peut aussi s’organiser pour contourner le marché américain : Mercosur, accord de libre-échange du Pacifique, Accor UE-Etats du pacifique, Le CETA entre l’UE et le Canada ... Sans parler de ceux qui détiennent la dette américaine et qui sont tentés de s’en débarrasser.