Le bloc-notes de Daniel Houlle

(Informations issues du bloc-notes de Marc Fiorentino)

Pékin vient d’avertir les industriels occidentaux : pas question de constituer des réserves stratégiques de terres rares, sous peine de se voir couper cet approvisionnement vital pour l’économie. Le message est clair. Il est politique et économique.

17 métaux indispensables

Scandium, cérium, néodyme, prométhium… Leurs noms sont méconnus du grand public.

Les terres rares, ce sont 17 métaux indispensables aux industries de pointe : smartphones, ordinateurs, éoliennes, batteries, missiles, radars, avions de chasse, voitures électriques...

Une voiture électrique contient 2 à 5 kg de terres rares. Un avion de chasse américain F-35 en utilise plus de 400 kg.

Le marché des terres rares est réduit mais vital.

Il représente environ 15 milliards de dollars par an. Comme pour beaucoup de matières premières, on distingue deux choses : l’extraction ; la Chine produit environ 60% de l’offre mondiale. Et le raffinage : la Chine est en quasi-monopole, avec 90% des capacités mondiales, et même 94% pour les aimants permanents, incontournables pour certaines voitures électriques. Même si d’autres pays extraient des terres rares (Australie, États-Unis, Birmanie), Pékin contrôle presque toute la chaîne de valeur en aval.

Une arme géopolitique.

Depuis le déclenchement de la guerre commerciale par Trump, Pékin a restreint ses exportations. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au deuxième trimestre, les livraisons d’aimants permanents ont chuté de 50% sur un an. Même avec la trêve de 90 jours entre Washington et Pékin, les flux restent très inférieurs à la normale.

Résultat, des files d’attente pour obtenir les licences d’importation, des ralentissements dans l’industrie automobile et des arrêts de chaînes de production.

Ce n’est pas la première fois que la Chine utilise les terres rares comme arme géopolitique. Face à cette menace, Américains et Européens cherchent désespérément à réduire leur dépendance. Aux États-Unis, la mine de Mountain Pass en Californie a rouvert, le Pentagone finance directement des raffineries. Le spécialiste américain MP Materials a vu son action quadrupler en quelques mois, dopée par la ruée vers le néodyme. En Europe, on veut réactiver un savoir-faire abandonné dans les années 1990. Solvay relance une ligne de séparation à La Rochelle, et une nouvelle usine d’aimants s’implante à Lacq (Sud-Ouest).

L’entreprise australienne Lynas est le seul acteur significatif hors de Chine, mais ses volumes restent marginaux face à la domination chinoise.

Une dépendance incontournable.

Le dossier illustre parfaitement l’extrême dépendance de l’Occident à la Chine. Hier, nous avons laissé filer la production pour des raisons de coûts et d’écologie : le raffinage d’une tonne de terres rares produit environ 2 000 tonnes de déchets toxiques. Aujourd’hui, les terres rares sont au cœur de la bataille pour la souveraineté industrielle, énergétique et militaire. Pékin le sait, et joue sa partition, sans états d’âme. La vraie guerre entre la Chine et l’Occident ne se joue pas seulement sur les droits de douane. Elle se joue aussi sur les métaux stratégiques. Ils sont le talon d’Achille technologique de l’Occident, et Pékin sait exactement où frapper.