DE LA DIFFICULTE D'APPRENDRE
29 février 2008
Puisque la réforme de l'école est à nouveau sur la sellette, il n'est peut-être pas inutile d'en rajouter une couche.
Personne ne peut nier la dégradation culturelle des vingt dernières années. Il suffit pour cela de regarder autour de soi ou les reportages. Les "micros-trottoirs" sont à la mode. Le fait d'interroger le quidam qui passe présente au moins l'intérêt de constater que les personnes âgées s'expriment généralement bien alors que les plus jeunes ont beaucoup de difficultés à aller au-delà de trois mots et à expliciter leur pensée. Comment en est-on arrivé là ? On nous donnera de multiples raisons : la dérive du visuel sur l'écrit qui remplit les écrans et les panneaux publicitaires, la prolifération des jeux vidéo qui vident le cerveau de tout influx au moment où les jeunes en ont le plus besoin.... Mais il y a aussi une raison toute simple : on a progressivement oublié que pour apprendre, il faut fournir un effort. Certains ont cru qu'on pouvait faire autrement ou feint de croire que le plaisir et le jeu pouvaient s'y substituer. Le résultat est là : sans effort de mémoire et de compréhension, répétition et appropriation du savoir par la pratique mille fois répétée, le savoir s'évapore comme rosée du matin un jour de soleil ardent.
L'école efficace est nécessairement contraignante et rigoureuse. Certains diront même "conservatrice". Oui, l'apprentissage est une épreuve. D'ailleurs qu'est-ce qui laisse en nous la trace la plus profonde et la satisfaction la plus durable : une difficulté surmontée à force d'efforts ou quelque chose d'acquis facilement ? Aucun plaisir ne peut égaler le bonheur de comprendre et de créer à son tour. Pour aimer lire, il faut lire constamment. C'est ainsi. Et la plus belle des missions de l'école c'est de nous donner le goût de l'effort, pour nous aider à franchir le passage qui ouvre sur l'étonnement... et qui est le commencement de l'intelligence.
Alors si la réforme de Xavier DARCOS débouche sur plus de discipline, d'instruction civique et morale, de respect et une plus grande maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul, qui s'en plaindra ? Ce discours n'est conservateur qu'en apparence. En fait, il est tout simplement républicain. C'est donner sa chance à chacun et le remettre à égalité avec son alter ego. Comme je l'enseignais à mes élèves dès leur arrivée en classe en début d'année :"il y a trois principes qui s'imposent à nous ici : le respect de soi, le respect des autres, le respect des choses !" Les conditions sont alors réunies pour commencer l'apprentissage. "L'épreuve" peut commencer.
Je dédie à tous ceux qui apprennent le début de ce poème de Victor HUGO, pris dans les "Châtiments" :
"Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains..."