EUROPE : MERKEL FIXE LE TEMPO
05 juin 2018
L’axe franco-allemand en panne.
Avec l'élection de Macron et la réélection d'Angela Merkel, tout le monde s'attendait à une relance de l'axe Paris-Berlin et à une accélération du projet de réforme de l'Europe, avec un renforcement de la gouvernance, notamment financière. Surtout après les discours enflammés du président français. A moins d’un mois d’un sommet sur la réforme européenne et alors qu’en Italie un gouvernement très critique envers l’Allemagne est au pouvoir, la chancelière a enfin détaillé sa position dans une interview au « Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung ». Depuis sa réélection compliquée Angela Merkel a, en effet, été particulièrement absente. Son silence a été d’autant plus étonnant que les évènements qui se sont produits en Europe et dans le monde n’étaient pas anodins, en particulier l'affrontement avec les États-Unis sur les droits de douane. La chancelière s’est enfin décidée à parler. Mais cette interview semble être surtout une réponse aux attentes d'Emmanuel Macron sur le renforcement de l'Europe.
Merkel fait … du Merkel.
Elle fait donc des propositions. Une manière de reprendre la main, car la chancelière n’a pas l’habitude de se laisser mener par le bout du nez. Aux yeux du locataire de l’Elysée, ses propositions vont paraître plus que timides. Angela Merkel accepte le principe de deux mécanismes limités d’entraide entre pays de la zone euro : un budget d’investissement et un système nouveau de prêts pour les Etats confrontés à des difficultés importantes. S’il peut se réjouir qu’elle soit favorable à un Fonds Monétaire Européen et à un budget d’investissement comme il le proposait, les limites qu’elle met en diminuent singulièrement la portée. Ainsi, la chancelière a détaillé la proposition allemande d’un Fonds monétaire européen (FME). Celui-ci reprendrait d’une part les prérogatives du Mécanisme européen de stabilité (MES), en accordant aux pays en crise des prêts de très long terme : « A côté de cela, je peux m’imaginer la possibilité d’une ligne de crédit à plus court terme, cinq ans par exemple, pour résister à des difficultés d’origine extérieure », a-t-elle ajouté. Mais, en contrepartie, les pays devraient accepter que ce FME ait un droit de regard et d’intervention dans leurs politiques nationales. En bref, le fonds monétaire qu’elle souhaite n'interviendra que pour des prêts à moyen et long terme et aura le cas échéant un droit d'intervention sur les politiques financières du pays. Et encore ces prêts ne seront accordés que si la zone euro est en danger et ils impliqueront une restructuration des dettes du pays. Bigre !
Quant au budget d'investissement, elle précise tout de suite que son montant sera très limité : « limité à deux chiffres en milliards d’euros », précise la chancelière, soit quelques dizaines de milliards d’euros, et qu'il devra être mis en place graduellement. Et ce budget sera utilisé seulement pour pallier des besoins structurels. On est loin, très loin, des investissements d'avenir souhaités par Macron.
Macron en panne.
C'est sûr qu'Emmanuel Macron a dû être déçu en lisant cette interview. Il voyait dans ses propositions (les siennes), à juste titre, un facteur important de soutien de l'euro notamment. Macron avait évoqué l’an dernier un budget équivalant à « plusieurs points du PIB de la zone euro », soit plusieurs centaines de milliards d’euros. Le rêve français de plus d'Europe, d’une Europe plus unie, qui se serait dotée d'un Ministre des Finances européen n'est plus d'actualité. « La solidarité entre partenaires de la zone euro ne doit jamais conduire à une union de l’endettement », où la dette serait mutualisée, a prévenu la chancelière. C’est un rappel à l’ordre et à l’orthodoxie à l'heure où la situation politique en Italie et en Espagne est fragile. Une fois de plus, la responsabilité de l'intervention dans la zone euro appartiendra uniquement à la Banque centrale européenne. Ce n'est pas une surprise. C’est aussi une sorte de leçon envoyée à la France qui continue de s’endetter … A bon entendeur ! Décidément, le Président français n’a rien compris à la logique allemande. La surenchère dont on nous abreuve désormais sur les économies envisagées est peut-être destinée à amadouer la rigoureuse Allemagne, mais la ficelle est un peu grosse. D’autant plus que « en même temps », les dépenses continuent (SNCF et tutti quanti) ! La croissance cale, les échecs extérieurs s'accumulent, La Rem ressemble de plus en plus à une auberge espagnole ... La magie du verbe ne dure qu'un temps. Voilà des temps difficiles qui s'annoncent pour Jupiter, qui ne maîtrisent même plus ses orages qui déferlent sur le pays.