L’ALLEMAGNE EN PANNE POLITIQUE
22 novembre 2017
Le recours à la coalition à ses limites.
Il est le résultat d’un mode de scrutin, n’oublions pas de le rappeler. Après deux mois de négociations avec les libéraux et les Verts, la chancelière Angela Merkel, au pouvoir depuis 12 ans et dont le parti, la CDU-CSU, a remporté les élections législatives de septembre, sans avoir la majorité, n’a pas réussi à former un gouvernement de coalition. Le renouvellement de la coalition gauche-droite, tant vantée, avec le SPD, n’a pas pu être envisagé une nouvelle fois. Arrivé deuxième aux élections de septembre, le SPD estime que sa longue coopération avec la droite de Mme Merkel l’a affaibli et qu’il a perdu des suffrages et des effectifs. Il espère se refaire une santé dans l’opposition. Il a bien fallu envisager une autre solution. L’idée est donc née de faire un attelage à trois : CDU-CSU, libéraux du FDP et Verts, dite « jamaïcaine », nécessaire pour avoir une majorité. Ce scénario vient de se fracasser.
L’intransigeance du FDP.
LE FDP, parti libéral, a fait tellement monter les enchères que l’accord était devenu impossible, plongeant l’Allemagne dans une crise politique sans précédent. Le rôle joué par le FDP, qui a été écarté du pouvoir il y a quatre ans au profit d’une grande coalition CDU-SPD, a été très néfaste, comme s’il souhaitait faire payer à la Chancelière son choix précédent. Celui-ci n’était pourtant que le résultat de son faible score. Son président, Christian Lindner a donc estimé qu’il « vaut mieux ne pas gouverner que gouverner mal ». En fait, par son opposition têtue à une collaboration avec les Verts, il n’a fait que souligner la capacité de nuisance acquise par l’AfD. Ce parti nationaliste a littéralement bloqué le fonctionnement des institutions, ce qui lui confère une force de nuisance exceptionnelle, pour un résultat électoral certes inattendu mais trop médiocre pour qu’il puisse briguer le pouvoir.
La suite est compliquée.
La chancelière peut décider de procéder à de nouvelles élections, mais les sondages montrent qu’une seconde consultation produirait des résultats identiques, avec une extrême droite (Alternative für Deutschland, AfD) assez forte en nombre pour continuer à torpiller le jeu des alliances. En outre, de telles élections ne pourraient avoir lieu que dans quelques mois, ce qui contraindrait le gouvernement de Mme Merkel à expédier les affaires courantes, au moment où Emmanuel Macron multiplie les efforts pour « refonder » l’Europe. Elle va consulter le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, dont le rôle, en cas de crise politique interne, est essentiel. Mais il ne peut exercer son pouvoir de persuasion que sur le SPD, en lui lançant un appel, et avec lequel la chancelière peut former une coalition presque aussi puissante que pendant les quatre années écoulées… Ce qui est en jeu, c’est d’abord l’excellente gestion de l’économie allemande, qui fait la force de l’euro, et c’est aussi l’avenir de l’Europe que la France de Macron ne peut évidemment assurer seule.
Les inconvénients de la proportionnelle.
La crise est donc assez grave, avec un possible départ de la chancelière actuelle et de nouvelles élections, événements qui affaibliront durablement le pays le plus solide, sur les plans institutionnel, industriel et politique, de l’Union européenne. On a le sentiment que le revanchisme du SPD, l’insuffisance des concessions faites par les Verts, la jubilation de l’AfD, tout concourt à faire de l’Allemagne un pays secondaire. Or les partis allemands de gouvernement se retrouvent tous sur des points essentiels : l’Union européenne, l’euro, le système économique qui a donné d’excellents résultats. Ce n’est pas la faute d’Angela Merkel si, une fois de plus, elle est arrivée en tête. Les autres partis devraient accepter le verdict des urnes. En se dressant contre elle, ils portent atteinte à l’esprit même du processus démocratique. Le SPD éprouve peut-être un grand plaisir à se faire prier par la CDU, il se réjouit peut-être du désespoir de ceux qui l’ont encore battu aux élections législatives, mais il devrait se demander si, en jouant ainsi avec le feu, il ne compromet pas à la fois l’Allemagne et l’Europe. Voilà ce qui arrive quand le mode de scrutin accorde à quelques roitelets de parti une importance disproportionnée avec la réalité de leur base électorale. Inutile de rappeler ici les vertus du scrutin majoritaire à deux tours, qui ne permet pas de crise de ce genre.
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