MACRON : L’IMPASSE ?
10 juin 2018
L’illusion serait-elle en train de se dissiper ? En tout cas, on a l’impression que rien ne fonctionne comme le Président jupitérien le voudrait. Les piliers qui servent de fondement à sa politique semblent se fissurer. Car c’est bien à l’écroulement de sa stratégie auquel on assiste : les réformes devaient être portées par une croissance forte au plan intérieur et par la refondation de l’Europe sous son autorité au plan extérieur.
La croissance à la peine.
Les dernières statistiques le montrent clairement : la reprise est en train d’avorter. Le rythme annuel de la croissance est redescendu autour de 1,7% avec une perspective encore plus limitée pour 2019 : 1,5%. En cause, tous les moteurs de l’activité : le ralentissement touche tous les secteurs, sous l’effet des hausses d’impôts (4,5 milliards d’euros pour les ménages), les investissements stagnent, la balance commerciale se dégrade avec la montée de l’euro et la rémanence du déficit de compétitivité de nos entreprises. La construction souffre du déluge de taxes et d’impôts sur l’immobilier… C’était prévisible et je l’avais dit il y a quelques semaines. Je n’ai aucun mérite, la politique keynésienne conduit toujours aux mêmes résultats : prélèvements, distribution et rechute avec son cortège habituel : déficits publics, dette, chômage. Cette reprise éphémère souligne tout simplement la vulnérabilité de la France qui a plus que jamais une économie dominée. Car les causes du ralentissement comme celles de la reprise sont pour l’essentiel extérieures à notre pays. Nous subissons le retournement fin 2017 du cycle d’expansion qui a démarré fin 2009 aux Etats-Unis et évidemment l’envolée du prix du pétrole de 40% en un an. Et malheureusement pour nous les trois inspirateurs de cette politique, Aghion, Martin et Pisani-Ferry, viennent de proposer au Président d’en remettre une couche : continuer à alimenter le tonneau des Danaïdes : ce sera l’objet de mon prochain article !
L’Europe sourde.
Le « prix Charlemagne » fait certes de belles dissertations sur l’Europe avec des envolées lyriques qu’Homère n’aurait pas désavouées. Mais le Président prêche dans le désert. Pour l’instant ses propositions sont restées lettre morte. Angela Merkel s’est même payé le luxe de lui faire une réponse détaillée dans un grand quotidien allemand et c’est plutôt « nein » que « ya vol » ! En gros, si on compte sur l’Allemagne pour cautionner la politique de croissance à la française fondée sur une dette publique exponentielle et des déficits jamais combattus, en « mutualisant les dettes », c’est pas demain la veille. D’ailleurs, la France, par son attitude, n’aide pas à conjurer les périls qui menacent l’Union. La hausse des taux d’intérêts, la volatilité sur les marchés, l’instabilité de l’euro, vont rendre encore plus compliquée la tâche du gouvernement français qui court après les recettes comme un mort-de-faim après un quignon de pain. Notre pays participe aux trois chocs mal gérés qui menacent l’union d’éclatement et la fin de la monnaie unique : la crise italienne, la crise migratoire et la crise financière ; sans parler des autres défis : l’imprévisibilité de Trump, la guerre commerciale, la fracture numérique… Or, sans moteur le franco-allemand, l’Europe n’avancera pas.
Le ruissellement ne ruisselle pas.
Macron avait justifié la suppression de l’ISF par son faible rapport et le fait que notre pays était le seul à l’avoir institué et maintenu. Un « impôt imbécile ». Là-dessus nous sommes d’accord. Il avait aussi ajouté un argument supplémentaire : la « théorie du ruissellement » selon laquelle quand on laisse l’argent aux riches, par capillarité économique, il profite aux pauvres. Sauf qu’en France, ça ne marche pas. La raison est toute simple : si on reprend l’image de l’eau qui s’écoule du sommet vers la vallée, on s’aperçoit que dans notre pays, les pentes sont hérissées de barrages de détournement mis en place par l’Etat et bien peu d’eau arrive en bas. En effet, la France est la championne mondiale des prélèvements obligatoires et cela se traduit pas la taxation du capital partout où il pourrait se constituer ou s’accumuler. Le ruissellement est tari avant d’avoir commencé et est remplacé par la mise « sous conditions de ressources » de tranches toujours plus nombreuses de la population. Après on dénonce le « Président des riches » ce qui est une illusion d’optique. Enfin, au passage, il a quand même fait plaisir à ses copains banquiers.
Les contradictions du « en même temps ».
J’ai toujours pensé que l’expression cachait une imposture. La reprise que l’on doit au contexte international plus qu’à Hollande a fonctionné comme un paravent donnant corps à l’utopie du « en même temps ». La réalité n’a pas de mal à mettre par terre la fiction et ce qui est inconciliable le reste : moins d’impôts (ce qu’on dit) et plus de dépenses publiques (ce qu’on fait) ; plus de compétitivité sans baisser les charges qui pèsent sur les entreprises ; on veut faire des économies mais on garde le même nombre de fonctionnaires ; on augmente le pouvoir d’achat en taxant davantage les carburants (entre autres) et bientôt les restaurants… Même pour l’Europe, le « en même temps » ne tient pas la route.
Emmanuel Macron est de plus en plus perçu comme un président menant une politique de droite, et c’est confirmé par différentes études d’opinion. C’est facile à comprendre : l’actualité des dossiers traités, comme la réforme de la SNCF, trouvera plus de sympathisants à droite qu’à gauche. Mais c’est encore une imposture. Il maintiendra le cap tant qu’il n’aura pas réussi à anéantir ou diviser durablement la droite. Ce qui est d’ailleurs confirmé : le chef de l'Etat voit sa cote reculer chez les sympathisants de toutes les familles politiques à gauche y compris son propre parti, La République En marche. La chute de Nicolas Hulot, très identifié à gauche dans l'opinion des Français, contribue à déséquilibrer à droite la perception du gouvernement. Le pourcentage de ceux qui déclarent « ne pas faire confiance du tout » à Emmanuel Macron progresse de 3 points pour atteindre 27 %, ce qui marque un durcissement de ceux qui veulent s’opposer à sa politique en corrélation avec les mouvements sociaux du printemps. La politique menée par l'exécutif n'est pas perçue comme équilibrée par les Français. Les ministres, qui peinent toujours à émerger malgré des réformes enchaînées les unes après les autres, ont beau défendre l'équilibre général des mesures prises, leur discours ne passe pas dans l'opinion. Justement à cause de la confusion entretenue par le « en même temps » ; la « transformation » vers le monde nouveau se heurte aux dures réalités. L’illusion ne tardera pas à se dissiper : discours de droite, politique de gauche, disais-je. Car les faits sont là : ni les simagrées amoureuses à l’égard de Trump, ni les « francs » dialogues avec Poutine, ni la tentative de convaincre Merkel n’ont eu la moindre réussite, le moindre résultat. Quant aux succès économiques, ils demeurent à la traîne de ceux de l’Europe et du monde. Ce n’est pas Jupiter qui nous gouverne, mais Narcisse, ce qui n’empêche pas qu’il faille craindre ses projets, car avec sa majorité de godillots, sa capacité de nuire à notre pays reste puissante. Son insistance obsessionnelle à vouloir une loi sur les « fake news » en apporte la preuve décisive et ses projets constitutionnels, une autre.
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