CETTE INDISPENSABLE EUROPE
07 février 2019
Un monde bipolaire.
Le monde redevient bipolaire. La Russie n’a toujours pas les moyens de s’imposer malgré ses tentatives pour exister au Moyen Orient ou en soutenant le régime de Maduro. Son PIB reste celui d’une puissance moyenne. C’est la Chine qui occupe désormais la place occupée autrefois par l’URSS face aux Etats-Unis. Ce sont les deux pays qui constituent la menace la plus importante pour l’Europe, tant sur le plan commercial que technologique, deux domaines essentiels. Les Américains, avec Trump, ne souhaitent plus protéger l’Europe et se montrent même très agressifs à son égard, notamment avec l’arme juridique ; quant à la Chine, elle entend peser de tout son poids dans les échanges commerciaux le plus souvent univoques.
Etre, ou mourir.
Or l’Europe telle qu’elle est ne fait pas le poids face à ces deux grands. On le voit avec la décision de Bruxelles de refuser la fusion Alstom-Siemens au nom de la règle de la concurrence interne. Pourtant elle a des atouts pour exister sur la scène internationale. Ce défi existentiel est d’abord géopolitique : quand elle est unie, elle existe ! Elle l’a démontré avec les sanctions contre Poutine après l’annexion de la Crimée, ou face au Brexit avec les manœuvres de la Grande Bretagne pour la diviser. Au moment où Trump et Xi Jinping s’affrontent pour le leadership mondial, face aux défis climatique et migratoire, face au terrorisme, l’Europe a le devoir d’union pour faire valoir son droit à exister. A nous d’en faire prendre conscience aux Européens et aux Français qui doutent de cette nécessité. Mais cette évidence géopolitique est combattue par un autre défi existentiel : celui de la démocratie. Il existe aujourd’hui deux camps en Europe : celui de la démocratie libérale affaiblie de l’intérieur par le divorce entre les élites et le peuple et l’autre camp, de l’extrême droite à l’extrême gauche, qui est animé par ce qu’on appelle le « populisme » dont l’Union européenne est le bouc émissaire de tous les maux, et par une volonté plus ou moins cachée de détruire l’Union. La concomitance de ces deux défis, externe et interne rend la situation préoccupante. Les prochaines élections seront décisives : redémarrage ou éclatement du projet européen ? Rien n’est encore joué.
La percée des europhobes.
A mesure que les partis populistes progressent dans le paysage européen, leur discours ouvertement hostile à l’Union donne à cette dernière, paradoxalement, une reconnaissance politique inégalée. Les partis traditionnels vont souffrir : la gauche sociale-démocrate connait une érosion inquiétante tandis que la droite avec le PPE (Parti Populaire Européen) voit son socle électoral se réduire. Si les analystes pronostiquent une déroute pour eux en mai prochain, la messe n’est pourtant pas dite. Car les enjeux européens n’auront jamais été aussi évidents dans l’esprit des électeurs. A cet égard, les conditions réelles de la sortie de la Grande Bretagne pourraient être l’occasion d’une utile expérience et faire pencher la balance. Les alliances potentielles des droites dites « dures » de la Pologne à la Hongrie et à l’Italie en passant, en France par le RN, ne reposent guère que sur un point d’accord : l’immigration. Le rapprochement n’aurait pas eu lieu si la question migratoire ne s’était pas imposée comme un sujet central et fondamentalement européen. L’Histoire est parfois ironique : l’élection de mai, pour une fois, pourrait bien se faire sur les enjeux européens et non les débats de politique intérieure. Une manière de consacrer le caractère incontournable de l’Union au moment où ses opposants croire enfin tenir entre leurs mains son agonie. Encore faut-il qu’un referendum ne vienne pas polluer le sujet.
L’importance du couple franco-allemand.
Le seul point qui incite à l’optimisme, c’est la résistance du couple franco-allemand à tous les aléas. Elle donne une bonne raison de croire dans l’Europe. Par son poids démographique et économique au sein de l’Union, le couple est, à lui seul, une réponse stratégique à ces deux défis. Malgré la tiédeur des relations entre Merkel et Macron, la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, reste un événement suffisamment significatif de la volonté des deux pays d’avancer ensemble, notamment en matière de sécurité et de défense. Pour les partenaires de l’Union c’est un repère incontournable. Pour les peuples concernés, c’est un message propre à rassurer les « pro-européens » qui n’ont pas dit leur dernier mot. Encore faut-il que ceux-ci proposent des évolutions concrètes et rassurantes sur le fonctionnement de l’Union. Il ne suffira pas de crier « Europe, Europe.. » avec un discours de la Sorbonne devenu obsolète comme projet et une coalition hétéroclite parce que la marque EM ne correspond à rien. Mais rappeler que, au-delà des intérêts communs, l’Union est d’abord et avant tout une « Union de Valeurs », un « projet de civilisation », peut redonner du sens à une construction trop souvent diluée dans les directives technocratiques.
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