FACE A POUTINE, UN FRONT CREDIBLE.
12 mai 2025
Je ne suis pourtant pas un fervent macroniste, mais il faut reconnaitre que les initiatives prises par le chef de l’Etat pour soutenir l’Ukraine face à l’agression russe, permettent à l’Europe de peser, en l’absence d’une fiabilité américaine digne de confiance. En consolidant les liens de la France avec la Pologne, en réactivant le moteur de l’amitié franco-allemande avec l’arrivée du nouveau chancelier Friedrich Merz, en arrimant à nouveau le Royaume-Uni au vieux continent, et grâce à sa relation spéciale avec Donald Trump, Emmanuel Macron a de fait pris le leadership dont l’Europe a besoin au moment où les Etats-Unis se replient sur eux-mêmes.
Face à Poutine et sa grotesque célébration du 9 mai, qui voudrait réécrire l’Histoire, les européens ont apporté deux réponses : A LVIV, le même jour, alors que l’armée russe paradait sur la place rouge, ils créaient un tribunal spécial pour juger le crime d’agression de la Russie et son cortège d’horreurs contre l’Ukraine, pour que le jour venu, il n’y ait pas d’impunité ; le lendemain, à Kiev, la délégation composée d’Emmanuel Macron, de Friedrich Merz, de Keir Starmer et de Donald Tusk, venait apporter son soutien à Volodomyr Zelenski en exigeant un cessez-le-feu de 30 jours, démonstration concrète des partisans du respect du droit international face à la barbarie.
Le tribunal spécial.
Un groupe de 37 pays, dont les représentants étaient réunis vendredi dernier à Lviv, soutiennent le projet, lâché par les Américains depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche. En effet, les ministres des Affaires étrangères d’une quarantaine de pays et des représentants de l’Union européenne étaient réunis afin d’endosser le processus de création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression de la Russie contre l'Ukraine. « Il n’y aura pas d’impunité. Ce tribunal veillera à ce que les principaux responsables de l’agression contre l’Ukraine soient traduits en justice », a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, aux côtés du premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal. Les massacres perpétrés contre au moins 458 personnes à Boutcha, des meurtres de masse, exécutions sommaires, viols et actes de tortures contre des civils ukrainiens sont autant de crimes de guerre. Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour sa responsabilité dans l’enlèvement et le transfert d’enfants ukrainiens en Russie. Mais, selon les juristes du droit international, si la Cour pénale internationale peut poursuivre des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, elle ne peut poursuivre un crime d’agression que contre un État qui en est membre ou si elle est saisie par le Conseil de sécurité des Nations unies. Or, la Russie ne reconnaît pas la Cour pénale internationale et détient un droit de veto au Conseil de sécurité. Dès lors, la création d’un tribunal spécial s’impose pour que les crimes commis par le régime de Poutine ne restent pas impunis. La création du tribunal spécial devrait être entérinée le 14 mai à Luxembourg lors d’une réunion du Conseil de l’Europe, qui lui apportera son infrastructure institutionnelle. L’agence Eurojust a créé une équipe spéciale d’enquêteurs et de procureurs, soutenue par six États européens et l’Ukraine, le Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine (ICPA). Celle-ci a déjà accumulé « une quantité très substantielle de preuves contre plusieurs hauts responsables » russes, selon un haut responsable européen. Ces éléments seront transférés au tribunal quand il sera formé.
La coalition des volontaires.
Les dirigeants français, allemand, britannique et polonais sont arrivés samedi matin pour participer à un sommet de la « coalition des volontaires » avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, tout en négociant avec les Américains une nouvelle offre de cessez-le-feu plus contraignante pour la Russie. Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, les premiers ministres britannique et polonais Keir Starmer et Donald Tusk ont rendu hommage, sur la place Maïdan, aux défenseurs de l’Ukraine tués et blessés dans les combats contre la Russie. Une minute de silence en présence de Volodymyr Zelensky devant les lumignons déposés au sol, en mémoire des victimes, au milieu d’une forêt de drapeaux ukrainiens. « Ce qui est en train de se faire avec la Pologne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, c’est un moment d’histoire pour une Europe de la défense et une plus grande indépendance pour notre sécurité. Evidemment pour l’Ukraine, mais pour nous tous », a commenté le président français en quittant la place avant de participer au sommet avec une trentaine de dirigeants présents par visioconférence.
En se rendant ensemble à Kiev samedi, les quatre responsables européens ont voulu montrer leur détermination, ils ont réussi leur pari de revenir dans le jeu diplomatique, en refusant de laisser Donald Trump et Vladimir Poutine s’entendre sans eux. Ils ont brandi la menace de nouvelles sanctions « massives », qui pourraient, par exemple, passer par un embargo total contre le pétrole. Plus douloureux encore pour la Russie, ils s’appuient sur l’hypothèse de sanctions secondaires imposées par les États-Unis à ceux qui chercheraient à contourner les dispositifs. « Si le cessez-le-feu n’est pas respecté, les États-Unis et leurs partenaires imposeront d’autres sanctions », a menacé la semaine dernière Donald Trump en soutenant la proposition d’une interruption de trente jours du conflit. S’il est encore trop tôt pour savoir si la guerre qui dure depuis trois ans pourrait basculer cette semaine, le déplacement à Kiev des quatre dirigeants européens a quoi qu’il en soit fait réagir le Kremlin. Comme il fallait s’y attendre, Poutine, feignant d’ignorer l’ultimatum européen, répond par l’ouverture de négociations sans trêve, ce qui est une manière de gagner encore du temps. Il aurait tort de sous-estimer la puissance militaire effective et la détermination politique de la coalition. Une chose est certaine, c’est qu’il ne la prend pas à la légère comme en témoigne les commentaires de ses propagandistes qui crient à l’agression. Discours que reprend malheureusement Marine Le Pen en accusant Macron de vouloir la guerre, accusation politicienne minable prouvant son rôle d’idiote utile du maître du Kremlin en inversant les rôles puisque c’est évidemment lui, l’agresseur, qui ne veut pas la paix. En cela on ne sera pas étonné. L’Europe joue plus intelligemment que les commentateurs habituels, prompts au dénigrement de son action, veulent bien le dire. Elle avance, certaine de sa force en dépit des Fisco et Orban qui n’ont pas leur place parmi nos démocraties et les défenseurs du droit international.