AU NOM DE LA LOI…
01 avril 2025
La fable de la victime.
Il n’y a pas de complot. Nous ne sommes pas en Turquie. Non, la décision prise contre le RN et Marine le Pen n’est pas le fait du Prince. Il n’y a pas d’Etat profond ligué contre elle et qui veut l’abattre. En condamnant à l’inéligibilité la candidate du RN à la présidentielle de 2027, les juges n’ont fait qu’appliquer la loi : elle a été jugée coupable sur le fond, preuves à l’appui, et ils ont estimé qu'en raison de son « impunité revendiquée », le « risque de récidive est objectivement caractérisé ». Risque aggravé part son déni du détournement des fonds européens pour financer le parti, ce qu’elle savait strictement interdit par le règlement du Parlement européen. Et la justice a parfaitement le droit de décider ce qu'elle a décidé dans l'affaire des assistants de Marine Le Pen, exprimant avec fermeté la séparation des pouvoirs. Dura lex sed lex, la loi est dure mais c'est la loi.
Elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même !
Le RN, qui est se présente toujours en M. Propre de la vie politique est d'autant plus mal fondé à pousser des hauts cris. Marine Le Pen s'est elle-même prononcée en faveur d'une inéligibilité à vie des fautifs ! Les lois de 2016 et 2017 durcissant les règles ont été votées avec l’assentiment de son parti, et quoi qu’il en soit, il sera représenté en 2027…. On ne voit donc pas où est le problème démocratique, d’autant plus qu’une partie importante de ces électeurs lui préfère Bardella. Par ailleurs, en détournant les indemnités parlementaires par la mise en place d’un système de captation pour financer le parti, elle savait très bien ce qu’elle faisait. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à être poursuivie pour ce délit, mais si la sanction est sévère, c’est que la somme détournée est conséquente, le système s’étant prolongé dans la durée (une dizaine d’années), et ayant permis un enrichissement personnel indirect par les salaires qu’elle a pu attribuer aux dirigeants du parti dont elle-même.
La tentation de l’outrance.
Les marinistes vont donc crier « au matricide ». Et leurs cris de rage vont rencontrer de l’écho surtout que désormais plus rien ne les contraint à jouer la comédie forcée de la respectabilité. Les exemples de l’étranger, en particulier celui fourni par Donald Trump les inclinerait plutôt non seulement à se victimiser mais à prendre la tête d’une campagne contre les juges déjà mis en cause pour leur laxisme envers les petits délinquants ! D’autant plus que cette condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité plonge le Rassemblement National dans une crise existentielle. Jordan Bardella, dauphin désigné mais perçu comme trop tendre pour la présidence, incarne un plan B incertain ; chacun sait, jusqu’au sein du parti qu’il n’a pas la dimension présidentielle…
Les réactions internationales en disent long.
La condamnation de Marine Le Pen a également fait réagir à l’international. Surprenant, la première déclaration est venue de Moscou, où le Kremlin a dénoncé une « violation des normes démocratiques », via son porte-parole Dmitri Peskov lors d’une conférence de presse. Une réaction de connaisseurs serait-on tenté d’ironiser. Elle prête plutôt à rire. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, Elon Musk et le leader italien Matteo Salvini ont suivi pour apporter leur soutien à Marine Le Pen. Rien ne pouvait être plus clair. Les Français savent à quoi s’en tenir. Qui se ressemble, s’assemble !
Les Français placides.
Les cadres du parti à la flamme ont beau être vent debout contre cette décision, les électeurs ne se montrent pas bouleversés par ce jugement, qui n’est pas selon eux de nature à rebattre les cartes de la prochaine élection présidentielle. Selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro, une majorité des Français (61%) comme de sympathisants RN (57%) pensent que cette décision de justice n’est pas un handicap pour le RN sur un plan politique, Jordan Bardella, probable remplaçant, étant aussi apprécié dans l’opinion que la triple-candidate à la présidentielle. Pour 22% des sondés et 25% des sympathisants RN, ce scénario est même « un atout pour le RN car cela lui permettra de tourner la page Le Pen ». Autre enseignement qui tranche avec l’indignation de certains responsables politiques : 65% des Français ne sont « pas choqués » par la décision de la justice contre Marine Le Pen. Une courte majorité (54%) des personnes interrogées estime même qu’elle a été « traitée comme n’importe quel justiciable » et que cette décision « prouve que notre démocratie fonctionne bien ». Le RN ferait bien d’en tenir compte avant d’ameuter les foules et d’appeler à « sauver la démocratie ».
Les stratégies vont être rebattues.
Si le RN n’est plus assuré d’être au second tour de la présidentielle, alors qu’est-ce qui imposerait de s’unir pour le premier ? Le temps est peut-être venu du « pourquoi pas moi ? » et de la surenchère verbale et stratégique pour chaque nouveau candidat qui voudrait s’imposer. Il n’y a qu’une seule certitude dans cet océan d’inconnues qui s’ouvre : l’apaisement n’est pas pour demain. Sauf que Marine Le Pen y regardera peut-être à deux fois avant de tenter de provoquer une dissolution qui lui ferait perdre son mandat de député. Il faut bien manger…