LA DEFERLANTE BLEUE
31 mars 2014
Electorat radicalisé à bloc à 90% à droite, complètement démoralisé et démobilisé à gauche : résultat une déferlante historique comme seule la France a le secret. Le second tour a amplifié la gifle du 1er tour à Hollande et s’est transformé en « coup de pied au cul ». Il l’a bien mérité. Voilà ce qui arrive quand on fait des promesses intenables et qu’on ne veut jamais être responsable de ses actes. Il peut dire au moins une fois de plus : « C’est encore la faute à Sarkozy ». Mais là, on est « mdr » -je traduis : mort de rire !- et pour tout dire j’ai bien aimé voir hier soir la tête de la Khmère rose Vallaud Belkacem. Les fessées, ça rend humble !
Que la victoire est belle.
Qu’on en juge : toute la nuit les résultats n’ont cessé de tomber en une litanie de villes qui basculent à droite : au total, ce sont 155 de plus de 9 000 habitants et 68 de plus de 30 000 habitants que l’UMP et l’UDI engrangent. Parmi elles, 10 villes de plus de 100 000 habitants. La droite renoue avec la gestion locale dont elle avait fini par être exclue, scrutin après scrutin depuis 1983. Des bastions historiques ont changé de camp : Limoges détenu par la gauche depuis 1912, Blanc-Mesnil depuis 1915.
Parmi les victoires symboliques, celle de Jean-Claude Gaudin à Marseille mériterait d’entrer dans les mémoires de Marcel Pagnol. Cette ville que le gouvernement a tout fait pour gagner, avec des primaires socialistes pour mettre en piste « démocratiquement » celui qui devait renverser la table, avec un défilé de ministres venant à tour de rôle apporter un soutien avec espèces trébuchantes à l’appui au mépris de toute neutralité électorale, non seulement reste entre les mains de son titulaire, mais avec une majorité comme jamais il en a eue. Menucci humilié, Mennucci martyrisé, Menucci écrasé ; les socialistes n’auront réussi qu’à faire élire un FN !
Le palmarès de la France bleue est impressionnant : dans l’ouest, la droite reconquiert Angers et La Roche sur Yon perdues depuis 1977, mais aussi Quimper, Laval ; dans le nord, Roubaix, Tourcoing, Maubeuge ; dans l’est : Florange, Bar le Duc, Belfort, Montbéliard ; dans le sud : Pau, Toulouse, Carcassonne, Narbonne… ; la région parisienne apporte son lot de satisfactions qui font basculer le Grand Paris et la région Ile-de-France à droite : Asnières, Bobigny, Chelles, Colombes, Aulnay-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil fief de MG Buffet, Clamart, Conflant Sainte Honorine, Saint-Ouen, Villejuif … on n’en finit pas.
A gauche, les gains sont maigres en face de pertes béantes.
Face à ce tsunami électoral, la gauche n’a qu’un maigre tribu à offrir. Grenoble gagnée par les Verts, Strasbourg sauvée par le maintien du FN, Avignon, Douai et Lourdes. A Lyon, Colomb est réélu de justesse. Le trophée qu’elle pourra brandir, c’est Paris. NKM n’a pas réussi. Il faut dire que ses « petits amis » se sont bien employés pour la faire perdre. Mais c’est une Anne Hidalgo malgré tout affaiblie qui va gouverner la capitale dans un environnement politique majoritairement hostile au sein de la métropole.
Le FN au pied du mur.
De son côté le FN peut pavoiser. Marine Le Pen peut s’enorgueillir d’avoir réussi là où son père avait toujours échoué : avec 15 villes gagnées, elle fait un score jamais atteint. Mais déjà Robert Ménard qui a conquis Béziers prend ses distances, et les principaux leaders du mouvement ont été battus. Si Marine Le Pen entend faire des villes « frontistes » des vitrines de vertu électoral, elle doit aussi s’attendre à mesure qu’elle se « dédiabolise » et gagne des voix, à ce que son parti qui accède à des responsabilités s’expose fatalement à la critique. En rejoignant les partis de gestion, le FN en essuiera les servitudes : multiplication des mécontents, vulnérabilité à l’incompétence ou aux « affaires ». Marine le Pen doit s’attendre à le voir glisser vers le pilori commun promis aux incapables, aux « pourris » et à l’establishment. Une des manières aussi de se banaliser et qui nous évitera à l’avenir les « cours de vertu » gratuits. En attendant, celle qui avait parié qu’elle ferait exploser l’UMP en est pour ses frais. L’électorat de la droite républicaine est resté très fidèle. Les gains du FN viennent surtout de l’électorat populaire transfuge de la gauche.
L’UMP révigorée.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jean-François Copé a gagné son pari au-delà de toute espérance. L’union a payé, elle doit continuer. Les « affaires » ne lui ont pas nui. La lettre de Nicolas Sarkozy est venue au bon moment redonner le moral à des troupes qui commençaient à douter. Le Président de l’UMP sort conforté par un succès beaucoup plus large que celui qu’il appelait de ses vœux. Les personnalités du parti ont toutes été réélues brillamment. La nouvelle génération a marqué des points. Mais déjà s’annonce l’épreuve suivante qu’il faut aussi remporter : l’élection de nos représentants au parlement européen. Il est important de montrer par une victoire, notamment sur le FN, que la droite et le centre sont bien le chemin de l’avenir pour l’alternance dans notre pays. Il importe donc de trouver le bon discours entre souverainistes et européistes qui permette de garder la cohésion, essentielle pour gagner. Les gains engrangés permettent d’envisager plus sereinement les cantonales et les régionales, sans parler de la reprise programmée du Sénat en septembre. Il sera alors temps de penser à la suite, mais pas avant !
Une victoire qui oblige tout le monde.
La droite a gagné largement. Elle a raison d’être modeste. Sa victoire ne doit pas nous cacher une abstention record à 36,4% qu’il ne faut pas prendre à la légère. La déception de la gauche lui a facilité la tâche, mais elle a aussi alimenté la montée du FN et du populisme. Tant que les partis de gouvernement ne seront pas capables de réunir des majorités au-delà de 50% des inscrits, toute victoire ne pourra être que relative. Il est urgent que le « politique » redevienne crédible. Pour cela il importe que la parole des élus soit suivie d’effets. Mais pour cela, il est impératif de prendre en compte la réalité : réalité de la France endettée et suradministrée, réalité de l’Europe, réalité du monde globalisé que la visite du président chinois est venu nous rappeler fort à propos. Je ne suis pas certain que le Parti socialiste soit en mesure de le comprendre quand on voit se dessiner la tentation de la « gauchisation » de la politique du gouvernement. Ce serait oublier qu’un des principaux motifs de la défaite c’est le ras-le-bol fiscal !
Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, l'annonce du déficit 2013 plus fort que prévu à 4,3% au lieu de 4,1% réduit un peu plus la marge de manoeuvre du président. Une nouvelle qui concerne tout le monde, malheureusement.