ET SI ON ESSAYAIT « L’EUROPTIMISME » !
28 février 2014
Quand l’Europe existe …
Ne boudons pas notre satisfaction. L’Europe, vient d’accéder, le temps d’une crise, à une réelle existence politique. L’Union européenne aurait été impardonnable de ne pas profiter des inconséquences de Ianoukovitch et des maladresses de Poutine, qui ne parvient décidément pas à comprendre le monde comme il va. Si on ne sait pas encore quelle Ukraine sortira de l’actuelle crise, la coexistence fragile d’un Ouest plutôt pro-occidental et d’un Est prorusse n’est pas simple, ce pays est pourtant bien en Europe. Il revient donc à l’UE d’y jouer son rôle. Le choix d’avoir missionné les trois ministres des principales capitales concernées (Berlin, Varsovie, Paris) donne enfin l’impression d’une Europe politique.
Si au lieu d’entendre le lamento quotidien des eurosceptiques, on proposait aux Français un autre discours ! L’Europe n’est pas la cause de nos maux ni l’instrument de destruction de notre identité ; elle n’est pas non plus le relais de la mondialisation haïe ni la préceptrice exigeante de l’austérité, l’empêcheuse de dévaluer en rond et de croître… Osons dire que la crise des dettes souveraines est venue, non pas d’un trop d’Europe mais d’un manque d’Europe. Et si la zone euro commence à sortir du tunnel, c’est bien justement parce qu’elle a su mettre en place les mécanismes communs de soutien aux pays en difficulté. Un pas décisif vers une gouvernance politique partagée.
Le moment est historique.
En 2014, plus que jamais, l’Union européenne reste l’ensemble géopolitique indispensable pour que les petites nations à l’échelle du globe se serrent les unes contre les autres pour faire face à un monde redevenu sauvage, chaotique et dangereux, après la rupture des grands équilibres intercontinentaux nés de la dernière guerre. Plus fortes ensemble, elles pourront prétendre défendre leur idéal d’humanisme, unique sur la planète. Car, contrairement à ce qu’on croit, les valeurs européennes ne sont pas partagées : ni notre idéal démocratique, ni notre mode de vie, ni notre culture fondée sur une longue histoire commune. Au moment où les Etats-Unis se replient sur eux-mêmes, où la Russie de Poutine reste hantée par le fantôme de l’URSS, où le Japon renoue avec le nationalisme belliqueux, où la Chine prétend jouer le premier rôle, le modèle social européen ne peut être défendu qu’ensemble. Comme le dit Michel Rocard : « A l’horizon séculaire, seule l’Europe est à la taille ! ».
Il faut donc aller plus loin dans la construction européenne. Le moment d’une relance forte est venu. Car le moment est historique ! Et l’histoire ne passe pas deux fois les plats.
Un discours offensif.
Les cinq prochaines années seront déterminantes. Nous avons besoin d’une Europe plus démocratique, d’une Europe qui avance, mais aussi d’une Europe qui protège. Face aux menaces du monde, il n’y a pas de solution dans le repli sur soi qui soit couronné de succès. Au contraire, il faut persévérer dans la démarche unique qui en fait le laboratoire « d’une humanité réconciliée », qui conforte sa « valeur spirituelle », qui en fait un « chemin de liberté ». L’Union peut être le modèle d’un nouveau type de croissance, appuyé sur la valorisation du capital humain, les énergies nouvelles, une industrie high-tech, une finance qui vise le long terme. Expliquons sans relâche que la « souveraineté partagée » n’est pas l’abandon de souveraineté mais le moyen de conserver une influence crédible dans le monde d’aujourd’hui. Les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui ne tiennent pas au fait que nous soyons dans le même bateau que l’Italie, l’Allemagne ou l’Espagne, mais au fait que ce bateau dérive dangereusement, faute d’un pilotage approprié.
Vers une communauté politique et démocratique.
Le repli national aurait des conséquences irrémédiables pour notre prospérité comme pour notre réputation mondiale. Il ne s’agit pas de nier les défauts de conception de l’euro, ni les graves erreurs commises depuis sa création et les bricolages ont montré leurs limites. Cependant, il est trop facile de faire de l’euro un bouc émissaire, en disculpant ceux qui, depuis quarante ans, ont gouverné nos pays sans souci de l’avenir. Les raisons pour lesquelles nous avons créé la monnaie unique restent valables : la volonté politique de continuer à unir nos destins, à un moment où l’interdépendance globale s’accroît, la conviction que la monnaie unique, correctement gérée, constitue la condition de notre puissance collective. Mais le partage de souveraineté appelle un contrôle démocratique exigeant et mettre ce qui a déjà été consenti en accord avec des institutions encore trop opaques. Il ne s’agit ni de fédéralisme, ni de confédéralisme, ces vieux débats qui empêchent d’avancer. Il s’agit d’une démarche pragmatique qui consiste à avancer ensemble chaque fois que le besoin commun s’impose : gouvernance économique de l’euro, convergence fiscale et réglementaire, harmonisation progressive des marchés du travail, défense commune, contrôle des frontières… Dans tous ces domaines, les progrès de l’Europe sont les garants des progrès pour chacun des états membres. Les Parlements nationaux continueraient d’exercer le contrôle des gouvernements nationaux, et des budgets nationaux ; les décisions européennes seraient contrôlées au niveau européen.
Le moment est venu de faire avancer l’Europe, sinon, elle se défera.
A commencer par l’euro. Il est grand temps que nos partis politiques se réveillent au lieu de se contenter de suivre la pente sans foi de l’euroscepticisme. La constitution des listes pour les élections de mai, tous partis confondus, ne constitue pas le meilleur encouragement. Tout dépendra du discours qui sera tenu !