HISTOIRE

GOOD LUCK ! LIZ TRUSS

Liz truss

 

Demain le Royaume-Uni enterre sa reine.

Depuis dix jours, il vit l’événement avec une grande émotion et nous assistons à un faste que certains jugeraient suranné, mais étonnant de beauté, de précision rituelle et de majesté. Décidément nos voisins rands bretons sont toujours aussi spécifiques.

Pourtant, derrière le  faste, se cache la  réalité d’un pays en crise profonde qui n'a pas eu le temps de se remettre du Brexit avant de subir de plein fouet la guerre en Ukraine. On attendait le chaos après le referendum sur le Brexit, et comme il n'arrivait pas, certains se sont découragés et en ont conclu, un peu hâtivement, qu’il n'aurait pas de conséquences.

En fait, tout va mal.

La Grande-Bretagne cumule les difficultés. La plus spectaculaire est l'inflation qui est au-dessus de 10%, et Goldman Sachs a annoncé qu'elle pourrait dépasser les... 20% l'année prochaine. Si bien que les fonds spéculatifs ont décidé de s'attaquer au marché de la dette britannique en anticipant un dérapage non contrôlé des taux d'intérêt et ceux-ci progressent : 3% sur les taux d'emprunt d'État à 2 ans. C’est un taux élevé puisqu'on n'avait pas atteint un tel niveau depuis 2014 mais qui reste ridiculement bas par rapport à l'explosion de l'inflation déjà à un niveau record depuis 40 ans.

L’inflation et la récession en cocktail de bienvenue.

C’est  en effet le cocktail de bienvenue que  trouve Liz Truss en arrivant au 10 Downing Street. La Banque d'Angleterre a réagi tard face à l'inflation, comme toutes les banques centrales, mais elle s'est enfin décidée à réagir. Ses taux ont été relevés à plusieurs reprises mais ils restent à des niveaux étonnamment bas, 1,75%. Les marchés anticipent des taux à 4,2% à la fin du premier semestre 2023. C’est que la Banque a publié ses prévisions qui sont loin d’être joyeuses : 13% d'inflation à la fin de l'année, et une récession qui durera au moins 15 mois.

Les ménages sont en colère.

Voilà une situation qui crée du mécontentement. Contrairement à la France qui veut, quoi qu'il en coûte, absorber autant que possible le coût de la hausse de l'énergie pour les ménages, le gouvernement britannique a réagi à l'anglaise en laissant les hausses de l'énergie frapper de plein fouet les ménages tout en tentant de limiter la casse pour les ménages les plus défavorisés. En Grande-Bretagne, pas de bouclier magique ! Et donc c’est un cataclysme à court terme pour les Britanniques, avec une hausse de 54% depuis avril des prix de l'énergie et une hausse à venir de 80% en octobre...  C’est une gestion brutale mais plus réaliste que la gestion par le déni. 9 millions de ménages pourraient basculer dans la pauvreté énergétique comme le souligne Le Figaro, il s'agit des ménages qui doivent consacrer plus de 10% de leurs revenus pour se chauffer.

Avec l’inflation, la récession inévitable, l’agitation sociale et les grèves massives, le déficit public, l’endettement et les effets du Brexit qui n'ont toujours pas été absorbés, il faut du courage à la nouvelle Première Ministre. Pour couronner le tout, en une seule semaine, le dollar a progressé de 4,5% contre la livre sterling, du jamais-vu depuis le referendum pour le Brexit.

Pourtant, ça n'est pas tout à fait le désastre annoncé.

La croissance pour 2022 sera d'environ 3,6%  selon The Economist, ce n’est pas tout à fait une récession...A comparer à nos 2,4% attendus en France. L’année 2023 devrait être mauvaise.
Mais là encore, Goldman Sachs attend une croissance nulle mais pas une récession du fait du package d'aide massif aux ménages proposé par le gouvernement de Liz Truss, dès son arrivée. De fait, la crise la plus profonde, qui n'a pas fini de secouer la  Grande Bretagne, ce n'est ni le Covid, ni l'Ukraine, mais le Brexit. Tant que le Royaume-Uni n'aura pas choisi son « business model » post-Brexit, il risque de tanguer fortement. C’est  « Singapore on Thames » ou « en dehors de l'Union Européenne mais tout de même en Europe... », pas les  deux en même temps. Tant que  le cas ne sera pas tranché franchement, les investissements, nationaux et internationaux, continueront à marquer le pas... Donc,  ça va mal, mais l'Angleterre ne sombre pas.

Alors  « good luck », Madame Truss, la tâche va être very, very, very difficile !

 


PAS DE PANIQUE !

Fin du monde tintin

 

Le portefeuille des ménages reste durement frappé par la hausse massive des prix : les prix ont augmenté de 6,1% sur un an. Et celle-ci n'est pas terminée. L'inflation tricolore reste bien moins élevée que chez nos voisins : en juin, selon Eurostat, celle-ci atteignait ainsi 10,5% sur un an en Belgique, 8,2% en Allemagne, 10% en Espagne et 8,5% en Italie, ou encore 8,7% en Autriche. Le remède ? La  hausse des taux qui débouchera sur un ralentissement de la croissance, voire une récession. Quoi qu’en disent les experts ou qu’annonce le gouvernement. La croissance française continue de faire illusion avec la prolongation du "quoi qu'il en coûte" qui fait que la menace de la dette s'ajoute à celle de l'inflation.

Un ralentissement salutaire.

L'économie mondiale a besoin de passer par la case « récession » pour retrouver son fonctionnement normal. La récession arrive et ce n'est pas une mauvaise nouvelle.

Le FMI a publié ses nouvelles prévisions de croissance, nettement en baisse. Et nous risquons de connaître un ralentissement massif. C’est tout simplement le signe que l'économie retrouve son fonctionnement normal, sans l'intervention des banques centrales (enfin presque) qui en jouant aux apprentis sorciers ont fait sauter la banque. Nous observons une inflation massive, donc une baisse de la consommation des ménages et un ralentissement des investissements des entreprises, donc aussi un ralentissement de la croissance qui annonce une récession : un cycle économique classique !

Dans ce contexte, il est important  que l’Europe reste synchronisée avec les Etats-Unis. Comme l’euro a décroché par rapport au dollar, la Banque centrale européenne a été obligée de réagir en relevant ses taux d'intérêt plus vite que prévu. Elle les a relevés de 0,5% alors qu'elle n'envisageait de les relever que de 0,25% il y a encore quelques mois. C'est un changement après des années de laxisme et de taux d'intérêt négatifs, mais on ne doit pas s'arrêter à ça. La BCE réagit avec du retard, trop de retard. Toutes les autres principales banques centrales ont déjà remonté leurs taux et dans le cas des États-Unis et de la Grande-Bretagne de façon beaucoup plus marquée. La BCE a maintenu des taux d'intérêt négatifs alors que la situation économique de la zone euro ne le justifiait plus. Avec la forte croissance de sortie du Covid et le dérapage de l'inflation qui avait démarré bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, plus rien ne justifiait cette aberration. La hausse de la BCE n'est que de 0,5% alors que le taux d'inflation est supérieur à 8 ou 9%. Ce que les analystes de pacotille ont jugé spectaculaire a  engendré, en Europe des taux d’intérêt qui restent à …  0% ce qui, avec l’inflation actuelle reste une aberration. D’ailleurs, les  commentateurs, comme d’habitude  n’ont pas vu le plus important : la BCE s'est dotée des moyens d'intervenir sans limite sur les emprunts d'un pays si la situation le justifie.... En cas de dérapage des taux italiens, par exemple, elle pourra donc acheter, sans limite aucune, la dette italienne pour éviter la « fragmentation de la zone euro ».

Christine Lagarde a donc fait le service minimum. Elle a fait semblant de monter les taux d'un côté pour montrer que la BCE agissait contre l'inflation mais cette hausse de taux est tellement limitée et le niveau des taux reste tellement bas que cette hausse n'en est pas une. Surtout qu'elle s'accompagne d'un programme massif d'injections potentielles de liquidités en cas de danger sur la dette d'un pays. De nouvelles hausses des taux sont inéluctables, même si l’Union européenne, par sa diversité, est infiniment plus compliquée à piloter  que les  Etats-Unis.

Selon le  FMI la croissance mondiale sera de 3,2% en 2022, et de 2,9% en 2023, 0,7% de moins que les prévisions faites il y a trois mois seulement. En même temps, le  même FMI relève ses prévisions d'inflation à 8,3% pour 2022 et à 5,7% en 2023. Toutefois on peut envisager une inflation plus faible que 5,7% en 2023 car elle va ralentir. Elle va ralentir « grâce » au ralentissement de la croissance et à la récession qui va toucher certains pays.

Les Etats-Unis donnent le cap, comme toujours.

Comme il fallait s’y attendre, la Banque centrale américaine a relevé ses taux d'intérêt de 0,75%. C'est la quatrième hausse de taux consécutive. Et la deuxième hausse de taux consécutive de 0,75%.  Et ce n'est pas terminé. 2,25/2,50 %, c'est donc la nouvelle fourchette du taux directeur de la FED. On était à zéro avant la première hausse de taux en mars. Mais pour le patron de la FED, la situation est claire : « L'inflation est beaucoup trop haute, et le marché du travail reste encore trop tendu. » Il y aura d'autres hausses de taux, en fonction de l'évolution de l'inflation et de la croissance. Il ne donne pas d'objectifs chiffrés mais on peut imaginer qu'il ne marquera pas de pause avant que le taux directeur soit à 3,50%. Rappelons que l'inflation, aux Etats-Unis est au-dessus de 9%, son plus haut niveau depuis 40 ans. Car Jay Powell n'a pas peur de la récession, il croit même que les États-Unis parviendront à l'éviter. Mais il a raison de considérer que le vrai problème est l'inflation. D’ailleurs, les indices boursiers ont salué la hausse et les hausses à venir par une progression forte : 2,62% pour le S&P 500, 4,06% pour le Nasdaq, et vous remarquerez que le CAC40 reste  au-dessus des  6 000 pts.

Ce qui est important, ce sont les anticipations des investisseurs sur les taux. Ils anticipent bien une hausse des taux à court terme mais ils commencent déjà à se positionner sur l'étape d'après... et l'étape d'après c'est la baisse de l'inflation du fait du ralentissement de l'économie. Les marchés anticipent donc déjà une baisse des taux dans 12 à 18 mois, et même que la FED baissera ses taux d'intérêt dans 18 mois quand la menace de l'inflation aura disparu. Un scénario très plausible !

Pour  l’immédiat, il nous faut bien retenir que l'inflation et la hausse des taux par les banques centrales vont provoquer un ralentissement salutaire de l'économie des grandes puissances mondiales, que ce ralentissement va terrasser l'inflation et que c’est nécessaire car l’inflation est un danger beaucoup plus grand qu'une récession temporaire. Bien sûr, vous allez avoir droit à la panique sur les anticipations de récession, accompagnée de cris, de prévisions catastrophiques, bref, on va vous annoncer la fin du monde ! Mais rappelez-vous, quand ça arrivera, que ceux qui paniquent sont ceux qui n'ont pas vu l'inflation venir, qui ont affirmé ensuite haut et fort qu'elle était temporaire et qui ont oublié la relation entre inflation et consommation. Les mêmes aujourd'hui pensent aussi que la hausse du gaz sera permanente et non temporaire… On n’est pas obligé de tout croire !


TOUT VA MAL ! FINALEMENT, TANT MIEUX ! (Peut-être)

Economie  bourse

L'économie ralentit.

L’économie ralentit fortement en Europe. En Chine aussi, avec  le confinement  qui perdure. Mais le coup de frein est aussi significatif aux États-Unis, même si c’est dans une moindre mesure. On a cru qu'on pouvait prolonger les cycles de croissance à l'infini avec des plans financés par de l'argent magique, qu'on pouvait même empêcher la croissance de chuter. On l'a vu avec la crise des subprimes, puis la crise de l'euro, surtout avec la crise du Covid. Avec ce jeu malsain, les banques centrales et les États, avaient fini par oublier le jeu des cycles économiques. Mais voilà, on a atteint les limites du système comme l'a reconnu la semaine dernière la patronne du FMI. La mauvaise nouvelle  c'est que les banques centrales n'ont plus de marge de manoeuvre car elles ont fait exploser l'inflation avec leur torrent d'argent magique. La guerre en Ukraine et ses conséquences a amplifié le phénomène au mauvais moment. Pour un Etat surendetté comme la France, c’est une complication supplémentaire.

La situation actuelle s’explique facilement et était largement prévisible : l'explosion de l'inflation,  couplée aux conséquences du Covid avec ses pénuries et ses ruptures d'approvisionnement, avait  commencé à provoquer partout un ralentissement de la croissance, avec une amplitude variable selon les zones. En conséquence les banques centrales sont obligées de réagir en remontant les  taux d’intérêt. De ce fait, elles vont accentuer la décélération de l'économie, surtout aux États-Unis, en arrêtant de faire tourner la planche à billets. Pour l’instant la  BCE reste prudente mais elles sera obligée d’y venir, à moins de laisser  l’euro continuer de se déprécier  par rapport au dollar.

En fait c’est (peut-être) une bonne nouvelle !

Pour que l’économie retrouve une situation normale, avec des circuits qui soient rétablis et une inflation qui rechute, il faut absolument que l'économie ralentisse. C'est le seul moyen de réduire la pression qui crée des tensions et des fissures partout. Il va falloir réapprendre à laisser les cycles économiques reprendre leur cours normal. La baisse de l'inflation provoquée par la hausse des taux et la baisse du pouvoir d'achat va permettre, à terme, de redonner du pouvoir d'achat aux ménages et de revenir à des niveaux de croissance moins volatils et plus sains. L'économie ne peut pas fonctionner uniquement avec des substances artificielles et hallucinogènes. Il va donc y avoir une période de « transition »,  compliquée tant au plan de l'économie qu'au plan des marchés, mais c'est une étape nécessaire. D’ailleurs le grand nettoyage sur les marchés a largement commencé. La combinaison de l'inflation, de la hausse des taux d'intérêt, de la guerre en Ukraine et du confinement en Chine pèse sur les indices boursiers : les actifs les plus touchés sont ceux dont les valorisations étaient les plus aberrantes, mais l'onde de choc se propage au-delà.

Les taux d’intérêt s’envolent  et atteignent des niveaux qui sont encore loin de la normale, mais qui s'éloignent de l'anormal : finis les taux d'intérêt négatifs, finie la dette française financée à 0%. On assiste à une véritable tension sur les taux d'emprunt des États à 10 ans. Aux États-Unis, on est à 3,15%, et la hausse devrait continuer. Avec le plein-emploi affiché vendredi dernier et des taux d'inflation supérieurs à 8%, des taux autour de 3% restent encore étonnamment faibles. L’Europe aussi connait des tensions. La France emprunte à 1,65%. On était à -0,17% il y a moins de 9 mois. Les « spread », c'est-à-dire la différence de taux d'emprunt, entre l'Allemagne et les autres pays de la zone euro divergent. Alors que l'Allemagne emprunte à 10 ans à 1,15% (-0,52% il y a encore quelques mois), l'Italie emprunte déjà à 3,15%, un « spread » de 2% par rapport à l'Allemagne, l'Espagne à 2,25%. Là encore rien de plus normal, mais on n'était plus habitué à ce que les marchés réagissent normalement. Donc rien d’étonnant aux mouvements actuels sur les marchés. La hausse des indices boursiers a été alimentée par la baisse des taux d'intérêt et les injections (trop) massives de liquidités. La hausse des taux d'intérêt et l'arrêt des injections de liquidités alimentent la baisse des marchés. C'est aussi basique que cela constate Marc Fiorentino.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des rebonds puissants, sur d’éventuelles bonnes nouvelles…

Un retour à la normale qui complique le début du quinquennat.

En attendant, le deuxième mandat d’Emmanuel Macron démarre sous le signe d’un grand affaiblissement. Le déficit commercial de la France s’est creusé à 12,4 milliards d’euros en mars, pour atteindre, sur les douze derniers mois, 100 milliards d’euros, viennent d’annoncer les Douanes. Un double record, sur un mois et sur une année glissante. La moitié de la dégradation récente est due à la  facture énergétique : le prix des biens importés comme le pétrole, le gaz et l’électricité augmente de 19% sur trois mois. Il y a aussi des effets indirects : la France importe des biens qui se fabriquent avec beaucoup d’énergie, dans la chimie, la métallurgie, le bois et le papier… Les prix de ces importations augmentent davantage que celui de nos exportations.

Autre facteur conjoncturel aggravant : la dépréciation de l’euro par rapport au dollar, monnaie dans laquelle se règle le pétrole. Le remède, ce serait la remontée des taux par la BCE, ce qui ne nous arrange pas non plus à cause de la dette. « Si le ralentissement de la croissance et le retour en boomerang de l'inflation dans la zone euro, en raison de la guerre en Ukraine, font redouter une stagnation de la croissance couplée à une forte inflation » constate Christine Lagarde, elle en profite pour rappeler «l'ordre des événements». « Il convient d'abord de mettre fin au programme de rachat de dettes qui devrait intervenir au début du troisième trimestre avant de procéder aux ajustements des taux directeurs quelque temps après et de façon graduelle. » Voilà qui donne un peu de visibilité, mais ne simplifie pas la tâche pour autant. Encore faut-il qu’aucun événement contrariant ne vienne perturber ce schéma.

 


BOJO SUR LA BRECHE

Bojo panade

 

L’avenir glorieux promis aux Britanniques se fait attendre et l’opposition au premier ministre gagne du terrain, y compris dans son propre parti. Le 31 décembre 2020, l’heure était à l’euphorie pour Boris Johnson. Le premier ministre vantait un «moment incroyable pour le pays». Douze mois plus tard, l’anniversaire est tristounet et Bojo est à la ramasse. Le ministre du Brexit, David Frost a démissionné et l’hôte de Downing Street se trouve pris dans des turbulences politiques sans précédent. Le retour de bâton s’est manifesté par une claque  électorale  dans une circonscription pourtant tenue par les Conservateurs depuis deux cents ans. Un an après, les premiers effets du Brexit se  font sentir et la gestion erratique de  la pandémie n’a rien arrangé. Le Royaume-Uni a largué les amarres, mais le navire tangue dangereusement. Les multiples difficultés auxquelles se heurtent les exportateurs britanniques pour vendre leurs produits hors de leurs frontières témoignent que loin de leur redonner leur liberté de manoeuvre, le Brexit leur impose de nouvelles contraintes. Et il en va de même pour l’approvisionnement de l’île.

Brexit is Brexit !

L’union européenne  a aussitôt appliqué le traité, ce qui n’est pas le cas du Royaume-Uni qui tarde à mettre en place ses propres barrières douanières, rien n’ayant été vraiment anticipé ni préparé. La liste des produits qui ne peuvent plus sortir du Royaume-Uni avec les voyageurs en raison des normes sanitaires est longue, et les exceptions sont soigneusement encadrées. Du coup les délais pour les exportations vers l’UE sont  très importants, en raison des nouvelles formalités administratives, ce qui désorganise la production. Et ce qui prenait trois heures prend désormais cinq jours. Les exportations écossaises de fruits de mer sont très pénalisées, ce qui agace d’autant plus qu’ici on était pour le maintien dans l’Union. Les consommateurs, eux constatent la pénurie de légumes et de fruits dans les supermarchés, particulièrement en Irlande du Nord, et les Britanniques enragent de voir l’Irlande s’en sortir mieux qu’eux. Ces problèmes émergent malgré une période de grâce qui s'applique jusqu'en avril, ce qui laisse augurer  un accroissement des difficultés quand le traité s’appliquera pleinement. Les rodomontades sur la pêche pour tenter de masquer ces effets désastreux auprès de l’opinion anglaise, traduisent l’incapacité du gouvernement à reprendre le contrôle, d’autant plus qu’il se heurte  à l’infinie patience des institutions européennes qui ne cèdent rien.

Perte de souveraineté.

«Nous avons notre liberté entre nos mains et il nous revient d’en tirer le meilleur parti», avait lancé alors Boris Johnson dans son message de Nouvel An. Un an après, les Anglais sont nombreux à déplorer la voie qu’a prise le Brexit. Surtout ceux qui se rappellent la campagne du Brexit, qui mettait constamment au pilori les bureaucrates de Bruxelles et les lourdeurs administratives de la Commission européenne. Or, voilà le Royaume-Uni dans l’obligation d’accroître le nombre de fonctionnaires (douaniers, régulateurs) pour faire face à la prolifération des formalités et des contrôles qui régulent désormais les échanges avec l'UE, ce qui oblige à envisager des hausses d’impôts. Mais l'ironie ne s'arrête pas là : le slogan célèbre du Brexit était « take back control », reprendre le contrôle. En d'autres termes, une sortie de l'UE était censée apporter aux Britanniques une plus grande maîtrise de leur destin, une plus grande souveraineté. C’est tout le contraire qui se passe. La véritable souveraineté ne réside pas dans le pouvoir de faire la loi selon une définition juridique, car dans un monde interconnecté, avec des grandes puissances comme les Etats-Unis et la Chine ou l'UE dans certains domaines, la capacité de prendre des décisions de façon indépendante n'assure pas la souveraineté, surtout pour un petit pays. Ainsi, la position géographique du Royaume-Uni est telle que ses relations internationales en termes de commerce de biens et de services seront toujours très étroitement dépendantes des normes et régulations en vigueur dans l'UE, qu’il le veuille ou non. En quittant l’Union, il a  perdu une grande  partie du contrôle des événements qui permet de répondre aux besoins fondamentaux des citoyens.

« Global Britain » ou « Little Britain » ?

Le  Brexit acté, la réalité prend forme lentement. Les ménages britanniques sont désormais inquiets pour leur pouvoir d’achat. Longtemps, la crise sanitaire a brouillé les cartes. Boris Johnson mettait toutes les turbulences sur le dos du Covid et de simples «problèmes d’ajustement» consécutifs à la sortie de l’Union européenne. Les  tensions sur la main d’œuvre et les difficultés commerciales sont désormais clairement identifiées. Pénuries d’essence, problèmes d’approvisionnement dans les supermarchés ou les usines, manque de main-d’œuvre… Les nuages se sont accumulés. Et le tableau de l’économie s’est assombri : croissance en berne, pénurie de biens qui fait souffrir les entreprises. La mise en place des contrôles douaniers sur les importations en provenance de l’UE, pour le moment reportée par Londres, risque d’avoir un impact supplémentaire sur les flux. Du temps de son appartenance à l’Union, l’influence du Royaume-Uni dépassait largement ses frontières physiques, or  il n'a plus voix au chapitre. Après le Brexit, Boris Johnson semblait parier sur une relation privilégiée avec Donald Trump pour affirmer un rôle important du Royaume-Uni dans le monde. Les négociations avec Biden n’avancent pas et on ne voit pas poindre l’aube de la conclusion d’un accord commercial avec les États-Unis. Le traité avec l’Australie apparaît comme une rustine pour tenter de boucher les trous de la stratégie « global Britain » qui se dégonfle comme une baudruche. On ne tourne pas le dos impunément à un  marché de 400 millions de consommateurs à sa porte. Ce qui fait la force de l'UE face à la Chine et aux Etats-Unis, c'est la taille de son marché. C'est en conditionnant l'accès de son marché à certaines normes et valeurs que l'UE peut faire pression sur des pays tiers ou sur des entreprises multinationales. Les Anglais découvrent amèrement que la taille de leur marché limite le pouvoir de négociation de  leur gouvernement.

Jusqu'où ira la perte de souveraineté britannique, d’autant plus que la situation politique actuelle alimente dangereusement les feux de l’indépendantisme écossais ?

 


ECONOMIE : INFLATION, DETTE et Cie

économie plomberie

 

Comment va-t-on pouvoir concilier inflation et dette ? Un sujet qui revient à l’ordre du jour, d’autant plus que l’Allemagne revient dans le jeu avec un nouveau gouvernement et de nouvelles exigences.

Les effets de  la crise.

Vous vous rappelez, avant le Covid, les Etats de l’Union européenne étaient soumis au « pacte de stabilité », c’est-à-dire à la nécessité de respecter des normes budgétaires et à la contrainte de contenir l'endettement public. Il n’était pas simple d’économiser l’argent, surtout dans un pays comme la France, et encore moins simple de réaliser les réformes pour tenter de gagner quelques milliards ici et là. Il a suffi qu'un virus apparaisse en Chine et se propage dans le monde entier pour que tout change, et comme par magie, tout est devenu possible. Il fallait de l’argent : on en a fabriqué beaucoup et de plus en plus. Oubliées les réformes, les économies, les  contraintes. Pas de problème pour les déficits, la dette… On peut comprendre qu'il ait fallu intervenir par une décision politique, « quoi qu’il en coûte »,  qui visait à nous préserver pour tenter de compenser une décroissance subie. Mais pourquoi continuer aujourd'hui ? Pourquoi continuer à distribuer des dizaines de milliards d'euros ? C'est que maintenant qu'on a ouvert la boîte de Pandore, impossible de la refermer !  Surtout en France.

La question du retour à l’orthodoxie budgétaire.

Le  gouvernement français a profité du vide politique en Allemagne pour continuer, sous prétexte de crise sanitaire, même après le rebond de l'économie, à dépenser et dépenser encore. Les quelques mois de battement nécessaires à la formation d'un nouveau gouvernement en Allemagne ont été une aubaine. Avec les sociaux-démocrates, alliés en plus aux écologistes, on avait une chance de faire sauter définitivement les règles de Maastricht, d'oublier les contraintes de limite du déficit à 3% du PIB, et d'enterrer les limites d'endettement. Et la France se frottait déjà les mains. Mais La nouvelle coalition gouvernementale, appelée « feu tricolore », a un troisième allié : les Libéraux, et leur chef de file, Christian Lindner, est un faucon, gardien du temple de la rigueur ! Le problème pour la France c'est qu'il est devenu...ministre des Finances. Il a donné tout de suite le ton en expliquant qu'il fallait revenir en Europe à l'orthodoxie budgétaire et que l'Allemagne ne devait pas continuer à financer les dérives de certains pays de la zone euro... Dans le programme du gouvernement de la nouvelle coalition allemande, l'austérité est à nouveau gravée dans le marbre et le retour à l'équilibre budgétaire obligatoire. Comme les Sociaux-Démocrates et les Verts ont laissé les clés des finances allemandes et européennes à Lindner, il va avoir les mains libres. Comme qui dirait un caillou dans la chaussure du gars Macron.

La parade de la France.

Si vous vous demandiez pourquoi notre Président est allé à Rome et a signé avec Draghi un traité bilatéral de coopération, la réponse  est toute simple : il fallait trouver une parade au père fouettard allemand. La parade, c'est Mario Draghi. Il s’agit d’utiliser le leader italien pour calmer les ardeurs de Lindner, et gagner du temps. Un axe Paris-Rome avec le banquier central qui a sauvé l'euro et qui fait figure de référence en Europe et de sauveur en Italie peut changer la donne. Plutôt que chercher à assainir nos finances, on continue à chercher des prétextes ou des alliés pour dépenser sans compter. Il n'y a qu'en France qu'on pense que « c'est gratuit puisque c'est l’État qui paie. » En ce sens, Macron est un continuateur discipliné et zélé de Hollande. Car nous n’étions pas dans les clous de Maastricht avant la crise sanitaire, et nous le sommes encore moins après.

Sortie de crise et marché des changes.

Une des spécificités de cette crise est que nous l'avons tous subie de façon assez similaire, avec des intensités et un timing différent, mais tous les pays ont été touchés par la crise sanitaire. C'est ce qui a permis aux principales puissances économiques de mener des politiques extrêmement agressives d'injection de liquidités, de baisse des taux et d'aides gouvernementales massives. Pendant cette période de crise où les marchés ont été extrêmement volatils, les cours de change eux ont très peu fluctué. C’est d’ailleurs une première pour une crise économique de cette importance. Aucune zone n'a été particulièrement sanctionnée par rapport à une autre. Par contre, en sortie de crise, nous sommes confrontés à des situations extrêmement différentes. Et nos banques centrales et gouvernements ont adopté des politiques qui sont très sensiblement différentes, ce qui explique la volatilité des dernières semaines sur le marché des changes, dont l'illustration la plus frappante est la chute de l'euro et la hausse du dollar.

Le rôle déterminant de l’inflation.

L’inflation devrait déterminer le comportement des  banques centrales. Car l’inflation a réapparu. La hausse des prix et le dérapage de l'inflation sont dus à des facteurs exceptionnels : la hausse des matières premières et la hausse des prix alimentaires sont liées à des goulets d'étranglement et à un déséquilibre massif de l'offre et de la demande, conséquence de l'effet rattrapage post crise sanitaire. Mais au-delà des hausses, probablement temporaires, des matières premières, il y a des hausses qui ne disparaîtront pas une fois les goulets d'étranglement résorbés. L'élément majeur du passage d'une inflation « temporaire » à une inflation « durable », c'est, entre autre, la hausse des salaires. Face à la hausse des prix des matières premières et des prix alimentaires et face à la pénurie de main d'oeuvre, les salariés réclament et obtiennent de plus en plus des hausses de salaires. Et si la hausse des matières premières peut disparaître, la hausse des salaires, elle, est permanente. Par ailleurs, l'explosion des prix de l'immobilier partout dans le monde avec des taux de progression spectaculaires nous alerte aussi sur l'inflation des actifs.

Divergence entre Etats-Unis et Europe.

Les Etats-Unis sont eux confrontés à une forte inflation. Celle-ci commence à entamer la confiance des ménages et donc la consommation et devient une préoccupation pour la croissance. Du coup, le sujet est devenu politique et Biden doit combattre l'inflation. En conséquence, la Banque centrale américaine a d'ores et déjà annoncé qu'elle réduira drastiquement ses injections de liquidités pour endiguer l'inflation et qu'elle remontera probablement ses taux. D'où la forte hausse du dollar depuis quelques semaines.

A l’inverse, La zone euro, malgré un fort rebond de l'économie, une baisse du chômage, et malgré la hausse des prix, voit la Banque centrale européenne s'accrocher à l'idée que l'inflation est temporaire. Elle affirme par la voix de Christine Lagarde qu'il n'y aura pas de hausse de taux avant longtemps et que la BCE continuera à injecter massivement des liquidités, au grand dam de la Bundesbank qui ne comprend pas pourquoi on continue à distribuer gratuitement de l'argent alors que l'argent coule déjà à flots et provoque des goulets d'étranglement partout. La conséquence de ce laxisme européen se traduit par la chute de l'euro. Il ne faut jamais oublier que nous sommes toujours indexés sur l'économie américaine. La baisse de l'euro, limitée pour l'instant, n'est pas un sujet d'inquiétude tant qu'elle est maîtrisée. Mais si elle s'accélère, elle pourrait devenir un problème. Car le frein à la chute, c’est l’augmentation des taux.

La baisse d'une monnaie provoque aussi une hausse des prix des produits importés et donc alimente l'inflation. Or on sait  que mécaniquement, la remontée des taux augmentera les intérêts de la dette. Un cercle imparable.


BORIS SANS FOI, NI LOI !

Brexitaccordcommercial

 

Celui qui parle le mieux du Brexit, c’est Julian Barnes, l’écrivain anglais.

Dans une interview au Figaro Littéraire, il livre son point de vue et il n’est pas tendre avec le gouvernement conservateur. Déjà en janvier 2020, il avait  exprimé sa colère et confié au Figaro : « Amis européens, nous reviendrons un jour, si vous voulez bien encore de nous ! » Depuis, sa colère a empiré : « Je suis furieux du mélange d’arrogance et d’ignorance affiché par l’establishment conservateur britannique envers l’Europe. Je me souviens qu’au début du processus du Brexit, notre gouvernement a envoyé des émissaires dans plusieurs pays européens supposés favorables à la Grande-Bretagne, dans l’espoir qu’ils puissent soutenir notre cause et avoir une influence sur les négociations. Ils sont repartis les mains vides. Et puis, vers la fin des négociations, nous apprenons dans le journal de Michel Barnier que l’équipe britannique lui a semblé faire semblant de négocier parce qu’elle croyait qu’à la dernière minute Boris Johnson appellerait Angela Merkel et que tous deux allaient tout régler. Mais ils ont totalement sous-estimé la solidarité européenne et la confiance accordée à M. Barnier et à son équipe. La Grande-Bretagne a donc été totalement dépassée et s’est retrouvée avec un terrible gâchis sur les bras avec la question irlandaise. Et maintenant, elle essaie de se soustraire à ce qu’elle a solennellement signé, ce qui porte un coup terrible à notre réputation internationale (qui signerait un traité avec nous maintenant et s’attendrait à ce qu’il soit respecté?) Je dois dire que j’ai une grande admiration pour Michel Barnier…. ». On ne peut pas faire constat plus cinglant de la mauvaise foi de Boris Johnson et de ses acolytes, et on notera au passage le  bel hommage à Michel Barnier qui prend toute sa valeur dans le contexte actuel.

Le non respect du traité.

Le Royaume-Uni n’en finit pas  de traîner les pieds pour appliquer ce que Boris Johnson et  ses ministres ont eux-mêmes  rédigé et signé à savoir l’accord sur la pêche et sur  l’Irlande  du Nord. L’Union européenne a fait preuve de  beaucoup de patience jusqu’à maintenant, mais le refus d’accorder leur licence de pêche à 150 bateaux français a déclenché les hostilités. Si la situation n’évolue pas, dès le 2 novembre, la  France  prendra des mesures de rétorsion :   six ports fermés aux bateaux anglais , durcissement des contrôles sanitaires, douaniers et de sécurité  des  navires britanniques, contrôle plus  serré des camions entrant et sortant notamment à Calais… Une deuxième salve pourrait suivre avec  une hausse des tarifs de fourniture d’électricité aux îles anglo normandes… C’est que le Royaume-Uni  est très dépendant de l’Europe, quoi qu’il en dise. Bien entendu, ces mesures sont jugées « disproportionnées », ben voyons !  Il est pourtant bien normal que la France défende ses  pêcheurs et  que les  Anglais commencent par appliquer le traité qu’ils ont signé. Bojo n’a pas envie de perdre la face mais sa marge de manoeuvre est mince face à la colère des pêcheurs anglais qui se sont sentis trahis par l’accord signé et qui doivent faire face maintenant à l’impossibilité d’écouler le produit de leur travail sur le continent.  Ce bras de fer intervient alors que se poursuivent à Londres  des discussions tendues sur le protocole nord-irlandais.

Le mensonge permanent.

Le Covid a  le dos  large.  Les  turbulences que traverse le royaume seraient dues à la pandémie. Un gros mensonge de plus de Boris.  Pendant toutes les négociations il n’a cessé de  mentir aux Anglais et maintenant il est obligé de continuer  pour  minimiser les dégâts. Les  sujets de sa « gracieuse majesté » découvrent aujourd’hui les conséquences d’avoir quitté  le  marché unique. Le pays subit pénuries d’essence, problèmes d’approvisionnement dans les  supermarchés et manque de main d’œuvre, dont la principale cause  est l’impréparation et l’improvisation permanente du gouvernement Johnson. La pénurie d’essence a été déclenchée par un gros déficit en chauffeurs routier pour acheminer le carburant, ce  qui augmente les perturbations des chaines logistiques, elles-mêmes  en pénurie de  main d’œuvre causée par les nouvelles lois sur l’immigration : déficit de 100 000  chauffeurs, obligeant le gouvernement à ouvrir les vannes des visas de travail. Selon une étude, plus de 200 000 salariés  originaires de l’UE seraient partis.  Mêmes ceux qui ont le  statut de résidents hésitent à revenir. Les secteurs les plus touchés sont le bâtiment, l’industrie, la logistique, l’hôtellerie et la restauration, l’agroalimentaire…  Les abattoirs  et les  boucheries sont frappés par un manque crucial de main d’œuvre. Les tensions sont visibles sur les biens alimentaires avec des pénuries sur certains produits et des hausses de prix liées au renchérissement des matières premières et des coûts de fret. Les  exportations  britanniques vers l’UE ont chuté de près de 20% sur  les six premiers  mois de l’année et 1,1 million d’emplois restent vacants. On nous vantait une économie qui tournait à  plein régime avec un marché du travail en quasi plein emploi.

En reprenant le contrôle des frontières,  le  gars  Boris promettait le meilleur pour le royaume : il attirerait les meilleurs et les plus brillants chercheurs, ingénieurs, traders. Las, il manque de chauffeurs, d’agriculteurs, de vendeurs,  de serveurs et d’aides-soignants  que les conditions offertes n’attirent pas. La vérité qu’il ne veut pas voir c’est que  la Grande-Bretagne ne peut, seule, isolée, mener une politique économique autarcique face aux réalités d’une économie mondialisée avec ses tensions conjoncturelles sur lesquelles il ne peut rien. Il en est donc réduit à continuer de mentir  en promettant monts et  merveilles aux anglais, et à tenter d’exister en s’associant à tous les coups tordus comme dans l’affaire des sous-marins australiens. Comme le  dit  si diplomatiquement Michel Barnier qui a eu affaire avec cet individu : «  il se comporte en flibustier ! ».  Le dividende du Brexit se présente de plus en plus comme un mirage. Le « Global Britain » reste un slogan creux pour  populiste gogo. 

On ne tourne pas impunément le dos à un marché de 350 millions de consommateurs,  qui plus est à sa  porte.

 


QUAND « SUPER BARNIER » EST AUX MANETTES !

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Le « Journal secret du Brexit »  que Michel Barnier a livré sous le titre « La grande illusion » se  lit comme une aventure passionnante vécue au jour le jour. Ce pavé de 500 pages, véritable chronique de négociations improbables avec des Anglais retords à souhait, est une expérience unique de quatre ans et demi, dans le décor des capitales européennes, avec comme acteurs tous les puissants de notre continent, et ses épisodes de noblesse mais aussi de petitesses et de fourberies, ses rebondissements et ses coups de bluff, sans oublier quelques moments intimes et réflexions personnelles qui en donnent toute la dimension humaine.

Michel Barnier s’y révèle comme un "grand monsieur".

Pour parvenir à éviter un « no deal » catastrophique, Celui que l’Union européenne a choisi pour mener la négociation,  a fait preuve d’une endurance  sans pareille. Il y est parvenu en réussissant d’abord à unir l’ensemble des Etats membres jusqu’au bout de l’ultime nuit, ce qui n’est pas un mince exploit, et à parer tous les coups tordus, les  postures, les exigences, les tactiques parfois redoutables de nos « amis » britanniques, ce qui constitue en soi une véritable gageure. S’il l’a fait, c’est en tenant en permanence la règle de l’unanimité, véritable force sur laquelle la perfide Albion a buté à chaque instant, en respectant ses  mandants, les peuples de  l’Union et sans jamais confondre  « le  sentiment populaire et le  populisme ». Ainsi, le respect de la parole de  chacun et de  la parole donnée sont  au coeur de ce « roman » du Brexit où, de Gibraltar à la pêche, en passant par la  « problématique » irlandaise, tant d’événements, de rencontres, d’échanges, que l’auteur nous fait vivre de l’intérieur. On n’en perd  pas une miette. Michel Barnier traverse ces quatre années et demi  comme un menhir, bénéficiant de  la confiance  des instances européennes, quels qu’en soient les responsables, de Juncker à Van des Leyen, en passant par  Macron, Michel, Merkel, Tusk, Sassoli et côté anglais  May, Johnson, Davis, Raab, Barclay, Gove  … Il  joue dans la cour des grands avec brio en sachant s’entourer de collaborateurs remarquables  constituant une « task force » incontournable. Confiance est le  maitre mot de la négociation, à tous les niveaux. Et le mérite d’avoir su la créer lui en revient !

Préserver  l’Union européenne du Brexit.

Michel Barnier a mené ces négociations en connaissant parfaitement les tentations de peuples  européens pour les quels le  Brexit pouvait être un modèle  ou un exemple. Quand le verdict tombe le 23 juin 2016  de l’autre côté de la Manche, nous savons, avec lui, qu’un tel vote reste possible  dans d’autres pays de  l’Union, dont le nôtre. Il a dû regarder en face nos  colères  et le  fantasme de l’indépendance. S’il avait en tête  de faire en sorte que l’Union et tout ce qu’elle implique d’avantages soit préservée, il  s’était aussi donné comme objectif de parvenir à un accord avec  le Royaume-Uni  qui soit aussi fécond que possible dans un respect  mutuel. Son credo est clair : « la  grande illusion est de croire à la promesse d’une identité et d’une souveraineté solitaires plutôt que solidaires ». Il lui a fallu des nerfs d’acier et imposer un calme  à toute épreuve,  puisé dans l’unanimité des 27 pour affronter le royaume des « tabloïds » soutenant agressivement le « Leave », les mensonges de Nigel Farage qui ne donnait pas cher de l’Europe sans l’Angleterre, les fractures de la majorité d’un parti conservateur changeant de Premier  ministre au milieu des négociations, passant de la ténacité de Theresa May aux foucades imprévisibles de  Bojo. Sang froid et méthode ont fini par triompher. Il faut absolument lire ce livre  pour comprendre dans le détail et en creux tout ce que l’Europe fait  pour nous, pour nous protéger et comme  marché unique, ce que les  commentateurs de nos médias et nos politiques prompts à mettre sur le dos de l’Europe leurs propres insuffisances ignorent.

L’Histoire retiendra son rôle.

Le traité auquel les négociations ont abouti  pourrait s’appeler « traité  Barnier ».  Il a joué un rôle majeur. On se demande qui a sa  place aurait pu réussir. Elu local de Savoie, ministre de  l’environnement, des  affaires européennes, des affaires étrangères, de l’agriculture, commissaire européen, cette négociation fait de lui l’un des  politiques français les plus capés, les  plus gradés, en un  mot les  plus robustes. Il a un entregent considérable en Europe et dans le  Monde et s’est trouvé l’égal des chefs d’Etat. « Patriote et européen » comme il aime se décrire, il a  déclaré vouloir désormais œuvrer pour l’avenir de son pays. On le sait engagé pour sa terre, pour notre langue,  pour les territoires et  leurs particularismes, il souhaite voir notre immigration suspendue pendant cinq ans, il parie sur le courage du collectif pour relever les défis du relèvement de la France et se réinventer. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » aime-t-il affirmer. Et récemment, il a déclaré qu’il « serait au rendez-vous ».

On aurait bien tort de se priver d’un tel homme aussi talentueux.

La grande illusion, journal secret du Brexit, de Michel Barnier, Gallimard.

 


« GOUJATERIE A ANKARA »

Erdogan Van Der Leyen

 

C’est le dernier film sorti en Turquie, avec à la mise en scène et comme principal Acteur Recep Tayyip Erdogan, avec la participation exceptionnelle de Charles Michel, président du Conseil européen et Ursula Van Der Leyen,  présidente de la Commission européenne. 

La « Sublime Porte » est devenue aujourd’hui, avec le pseudo descendant du « califat » en la personne de Erdogan, le modèle de ce qui se fait de pire en matière d’indignité. Recevant le président du Conseil européen, Charles Michel et la présidente de la Commission de Bruxelles, Ursula Van der Leyen, le président turc a placé Mme Van der Leyen sur un siège disposé à l’écart, ce qui a provoqué un tollé justifié dans les instances européennes de Bruxelles. Les deux hauts représentants de l’Europe s’étaient rendus à Ankara pour demander à Erdogan des explications sur le retrait de la Turquie de la « Convention internationale d’Istanbul » consacrée au droit international des femmes. On peut se demander si le piège ainsi tendu à Ursula Van der Leyen n’a pas été conçu par la diplomatie turque pour trancher le débat avant même le début de la conversation. Ce faisant, Erdogan s’est conduit comme un homme cynique, un malappris qui étale son mépris des femmes et en même temps de l’Europe dans laquelle il voudrait pourtant entrer.  

Les mauvaises manières de la diplomatie turque.

Maître chez lui,  le Petit Mamamouchi d’Ankara a cru bon d’infliger une humiliation à la présidente de la Commission qui, après un instant d’hésitation, s’est assise à l’écart, ce qui ne l’a pas empêchée de défendre la Convention pour les femmes avec opiniâtreté. Les mauvaises manières sont devenues la marque de fabrique de la diplomatie turque et d’un potentat qui multiplie les gaffes délibérées. Cette fois-ci encore, la manœuvre a parfaitement réussi : les médias se sont emparés de l’incident en ne s’intéressant qu’au scandale de la mise en scène, en occultant l’entretien dont on ne saura que peu de choses, ce qui était le but recherché. C’était une manière d’informer d’entrée de jeu Van der Leyen que son pays ne réintègrerait pas la Convention. N’oublions pas que le Turc siège au Conseil de l’Europe et fait toujours partie de l’OTAN !!!

Charles Michel : un hubris fait de lâcheté.

Mais si on déplore la goujaterie du président turc, on peut aussi s’indigner encore plus fort du comportement de Charles Michel qui, au lieu de participer complaisamment au scénario, aurait dû avoir l’élégant réflexe de donner son siège à sa collègue, ce qu’il n’a pas fait, s’asseyant confortablement et étendant ses jambes pour se relaxer. Tous les personnels européens ont réagi avec vigueur. Il s’est excusé du bout des lèvres, constatant simplement que la rencontre n’a pas été inutile. Rien de plus dangereux pour l’Europe que de prendre de tels accommodements avec une démocratie vidée du droit et décidée à imposer son modèle à une Europe veule. Dans toute politique, l’important est le symbole. En Europe, l’incident n’est pas passé inaperçu  mais les peuples européens semblent ne pas avoir accordé  à l’épisode beaucoup  d’importance, habitués qu’ils  sont  au manque de fermeté face à Ankara.  Les nombreuses associations féministes qui s’égosillent dans des manifestations en France auraient une conduite plus judicieuse si elles s’en prenaient à l’homme qui affiche son mépris et sa haine  des femmes, en abolissant un texte qui fut signé, coïncidence étonnante, à Istambul.

Un pas de plus vers l’obscurantisme.

M. Erdogan veut enterrer le modernisme qu’avait insufflé Kemal Ataturk à son pays en instaurant la laïcité et la suppression du port du voile pour les femmes, synonyme d’égalité.  Il rêve de retrouver un leadership dans le monde musulman sous l’influence des  alliances qu’il a nouées avec les « Frères Musulmans » et les pays  les plus conservateurs, dans le cadre de la triplice turco-irano-qatarie. Kemal Ataturk doit se retourner dans sa tombe.  Avec  la  mise en scène de cet entretien, il adresse aussi au peuple turc un message en vertu duquel jamais une femme, fut-elle qualifiée, ne changera ses projets de retour vers le Moyen-Age. C’est peut-être judicieux sur le plan tactique, mais c’est désastreux sur celui des intérêts bien compris de la Turquie, qui n’a jamais eu autant besoin de l’aide technologique et financière des Européens qu’il tente de remplacer par l’afflux des capitaux en provenance du Qatar.

Arrogance sans limites.

On ne dissertera jamais assez sur le comportement d’un chef d’État, par ailleurs assailli par de graves problèmes nationaux et par la chute de sa monnaie, qui surfe pour se maintenir sur la crête d’un nationalisme belliqueux aggravé par une politique de force dont il n’a pas réellement les moyens et qui détourne son budget vers les conquêtes militaires au détriment d’un peuple besogneux dont le niveau de vie ne cesse de baisser. On sait qu’il se maintient au pouvoir par la manipulation des préparatifs électoraux, les  provocations contre la Grèce, la persécution des Kurdes et des Turcs qui les soutiennent, les interventions multiples en Arménie, en Libye, en Méditerranée, en Syrie ou des milices déchaînées tirent sur tout ce qui bouge. Il ne faut donc rien attendre de cet individu mû par la haine. Profitant de la déstabilisation du Moyen-Orient provoquée par la pandémie et le crash des hydrocarbures, la Turquie de Erdogan a passé l’année 2020 à pousser son avantage pour tenter de reconquérir une hégémonie régionale  dans la perspective de ressusciter une sorte de califat ottoman. Il fait comme si la Turquie était une grande puissance, capable de projeter à l’étranger des opérations militaires susceptibles de modifier les équilibres géographiques. C’est dans ce cadre qu’il faut situer la réislamisation le 24 juillet 2020 de l’antique basilique byzantine Sainte-Sophie, rendue au culte musulman, dont Atatürk avait fait un musée  il y a quatre vingt cinq ans. Provocation hautement symbolique  qui a laissé l’Europe de marbre… ou presque, mais qui était une réponse aux accords signés le 13 août 2020 entre  les Etats sunnites, Arabie et Emirats avec Israël, dits  « accords d’Abraham », sous l’égide américaine.  Ceux-ci ont été passés pour faire face à la surenchère de la triplice.

L’initiative européenne était donc importante si elle voulait  signer un refus de se laisser marginaliser. Il serait temps qu’elle tienne la dragée haute à ce fauteur de troubles et qu’elle lui impose des sanctions économiques et commerciales. Il serait temps que l’Europe défende avec ardeur les valeurs de la démocratie parlementaire, sans craindre les risques qui seront pris. Et cela d’autant plus que Erdogan est capricieux, condamné à la fuite en avant perpétuelle. Mais il ressemble à ses maîtres, Poutine et Xi. Ils ne comprennent que le langage de la force, cette force que les Européens, sous la houlette de moins en moins assurée de la chancelière Angela Merkel, cherche à retenir au profit d’une diplomatie plus sereine. À force de rester sereins, nous finirons par aller chercher ordres et projets  chez les fossoyeurs de la démocratie.

 


L’EUROPE A TOUJOURS BON DOS !

Covid vaccination

 

Le moment viendra pour juger à partir de la pandémie du Covid 19 de la qualité de la gouvernance des nations et de la résilience de nos sociétés. Il est, à mon avis, bien trop tôt pour tirer des conclusions sur la hiérarchie entre les nations et les continents qu’elle aura redessinée. D’abord parce que la crise n’est pas terminée, y compris pour ceux qui croient qu’ils en sont sortis. Et contrairement à ce que nombre d’observateurs, le plus souvent europhobes, affirment dans la précipitation, le déclassement de l’occident n’est pas du tout acté face à l’Asie, et encore moins celui de l’Europe au sein de l’occident. On peut seulement affirmer sans trop se tromper, que,  sans avoir un bilan aussi calamiteux dont on l’accable, la France a perdu quelque peu le  contrôle de la situation sanitaire par la défaillance d’un Etat obèse et impuissant dont la bureaucratie omnipotente a fait la démonstration de ses lenteurs et de ses errements. Le moment venu, il faudra en tirer lucidement les enseignements.

Ah, ces vaccins !

S’il y a un sujet sur lequel tout le  monde s’en est donné à cœur joie, c’est bien celui des vaccins. Comparaison n’est pas raison. Il faut souligner ici à quel  point le débat public et médiatique, procédant en permanence à des comparaisons internationales, s’est organisé autour d’indicateurs et de chiffres « non maîtrisés », pour rester correct. Tous les jours, au Parlement, à la télé, les critiques  de tous bords pleuvent, des experts pérorent, des chroniqueurs ricanent, surfant sur l’air du temps, sans que ni les uns, ni les autres n’aient une connaissance suffisante, vérifiée, de la réalité. Et revient en boucle  l’accusation : l’Europe est responsable du retard  pris par la vaccination sur le continent et en France. Tellement facile. Et de prendre à témoin la Grande Bretagne de Johnson, les Etats-Unis, et même la Russie, ce qui est un comble, quand on connaît la « transparence » de son pouvoir.

Il est temps de rétablir quelques vérités fiables parce que vérifiables.

Oui, la centrale d’achat des vaccins mise en place par la Commission européenne  n’a pas été d’une gestion optimale. Créée à la demande des Etats alors que la santé n’est pas une compétence  partagée, on peut comprendre qu’elle ait été d’abord précautionneuse, donc un peu lente. Et sa négociation avec les labos a probablement, au départ, manqué de technicité, d’autant plus qu’elle se faisait sous l’œil sourcilleux des parlementaires européens, de nombreux eurodéputés penchant du côté de la réticence et de la temporisation. Mais il est faux de dire que l’Europe se soit  fait dépasser par la Grande Bretagne, la preuve en est que les contrats qu’elle a signés avec Astrazeneca, l’ont été la veille de la signature de ceux de sa gracieuse majesté. Si les  vaccins ne nous ont pas été livrés comme il était prévu, c’est à cause de  la  pression d’un Premier Ministre, peu respectueux de sa signature, coutumier des méthodes de voyou, mis le dos au mur par sa gestion désastreuse de la pandémie  dans son pays, et prêt à tout pour se refaire une santé aux yeux de son peuple, alors que de son côté, l’Europe tenait ses engagements. La Grande Bretagne a fait le choix de vacciner avec une seule dose dans un premier temps, reportant la seconde aux calendes grecques. Un pari fou qui a marché pour l’instant mais qui aurait pu tourner à la catastrophe. Sauf que maintenant le temps presse pour lui et il aurait bien besoin de doses que l’Union Européenne réserve désormais en priorité à sa population. Si nous avions reçu les 100 % de vaccins AstraZeneca qui nous étaient contractuellement destinés, l'Union européenne serait aujourd'hui au même niveau que la Grande-Bretagne en termes de vaccination. Les Etats-Unis, eux, ont choisi l’autarcie : « on garde tout ce que l’on produit pour nous et on ne partage pas ». Sans solidarité internationale, l’Europe s’est  organisée pour faire face. A la fin de l’été, il sera temps de faire les comptes.

L’Union européenne n’a pas à rougir.

L’Union européenne ne mérite pas l’hystérie dont elle fait l’objet. Pour les uns, c’est parce qu’elle ne devrait pas exister, pour les autres parce qu’elle est un bouc émissaire commode. Convenons d’abord d’une réalité incontournable : le début de la vaccination a commencé sous le signe d’une pénurie structurelle. Les Européens, parce que c’est leur culture, n’auraient pas accepté les risques pris par les Etats-Unis et la Grande Bretagne pour rattraper le temps perdu sur l’épidémie grâce à la vaccination. Par ailleurs, on ne produit pas 800 millions de doses du jour au lendemain ! Les performances de stratégies de commando comme l’a pratiquée Boris Johnson ne pouvait se faire qu’au détriment de tous, ce qui était gagné par lui était forcément perdu pour les autres. Le Brexit n’a rien à voir là dedans. On n’a  pas beaucoup communiqué sur le travail que l’Union a effectué et c’est dommage.  Dès le 5 février elle a nommé le Commissaire à l’Industrie, Thierry Breton, à la tête d’une « task force » chargée de produire le plus rapidement possible sur le continent les vaccins dont nous avons besoin. Début avril, le dispositif est en place et 52 usines sont  en capacité de produire. D’ici l’été, la montée en puissance va permettre de fournir les dizaines de millions de doses à toute l’Europe pour atteindre le plus tôt possible, autour de la mi-juillet, le seuil d’immunité qui empêchera le virus de se propager et arrêter ainsi l’épidémie : 14 millions de doses ont été livrées en janvier, 28 millions en février et 60 millions en mars ; pour le trimestre suivant, nous passons à 100 millions en avril, mai et juin ; puis 120 millions à l'été et nous atteindrons un rythme de croisière de 200 millions à partir de septembre. Dès le dernier trimestre de l’année, l’UE sera à même d’envoyer en Afrique tous les vaccins nécessaires. On verra alors qui s’en est sorti le mieux et qui est capable de contribuer à éradiquer sur toute la planète cette saloperie de virus, garantie qu’il ne nous revienne pas sous la forme de variants divers et variés. L'Europe sera le premier continent en matière de production vaccinale dès la fin de cette année, avec une capacité de production de près de 3 milliards de doses par an. Me revient alors à l’esprit le slogan d’une campagne européenne avec Nicolas Sarkozy : « Quand l’Europe veut, l’Europe peut ! ».

On ne se sauvera pas tout seul.

Il est  déraisonnable de penser que chacun aurait pu faire mieux en restant chacun dans son coin, à l’abri chez lui, face à une pandémie qui se  joue de toutes les frontières. Qui peut imaginer que la France, pays divisé, ankylosé par son principe de précaution, bureaucratique et incapable de produire son propre vaccin, le seul des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU à être dans ce cas, aurait pu tirer correctement son épingle du jeu dans un affrontement au chacun pour soi. Et à quel prix ? Au contraire, il paraît plus réconfortant d’avoir participé à un ensemble qui a choisi la solidarité et comme règle le partage équitable entre tous ses membres des doses disponibles.  Il a pu y avoir des impatiences ici ou là,  mais elles n’ont plus lieu d’être dès lors que la production arrive à faire face aux besoins. Oui, l’Union européenne a fait un choix collectif de prudence et de précaution. Qui l’en blâmerait ? L’administration bruxelloise, a fait preuve de prudence et de responsabilité comptable, comme on le lui demandait. Elle a, en réalité, parfaitement rempli sa mission. Si certains chez nous, l’accablent pour sa lenteur, n’est-ce pas en raison de la mauvaise gestion du freinage de la pandémie, l’autre moyen de ralentir sa progression.

Il est tellement facile de mettre sur le dos de l’Europe ce qui relève  de nos propres insuffisances. Mais ce n’est pas une attitude nouvelle. Et la France est loin d’être exemplaire quant à sa responsabilité.

 


LA FÊTE CONTINUE !

Economie  bourse

 

Le CAC à plus de 6 000 pts ! 

Le CAC atteint ce seuil symbolique. Et les indices boursiers affichent de nouveaux records historiques. C'est le cas du Dax, l'indice allemand, hier. Quel chemin parcouru en moins d'un an ! Ce qui alimente la hausse des marchés c'est cet argent qui coule à flots continus : l'argent des banques centrales,  ou si l’on préfère, l'argent des gouvernements financé par la dette, elle-même financée par les banques centrales. Depuis un an, les gouvernements et les banques centrales ont réagi vite et fort,  et il y a trop d’argent dans le circuit. Il inonde les marchés, accentuant la financiarisation de l’économie et le  découplage avec l’économie réelle. Si bien que les connaisseurs le savent, il y a deux indices CAC : l'indice CAC que nous connaissons et dont le niveau est commenté tous les jours, et l'indice « CAC GR » ou CAC « Gross Return ». Ce dernier tient compte des dividendes réinvestis en actions. Et ce CAC GR a atteint un record historique. Deux chiffres pour mesurer le chemin parcouru : le CAC a chuté le 16 mars 2020 à 3 612, il cote aujourd'hui 6 000 ; le CAC « GR » cotait 10 200 le 18 mars 2020, il vaut 16 682 !  Tout est  dit !

« Whatever it takes ».

Cette expression lancée par Mario Draghi en 2012 est encore d'actualité. Le rapport de la dernière réunion de la Banque Centrale Européenne est clair : l'argent va continuer à couler à flots en Europe. Notre plan de relance européen de 750 milliards d'€, qui n'a d'ailleurs toujours pas été déployé, fait pâle figure face aux plans de relance américains, mais notre Banque Centrale va compenser tout cela. En Europe, le rebond de l'économie sera moins puissant qu’aux Etats-Unis, et en plus  il est différé chaque jour un peu plus  à cause des cafouillages de la campagne de vaccination. Le plein emploi n'est pas du tout d'actualité, et l'inflation n’est pas un sujet  face  aux facteurs déflationnistes toujours puissants. La BCE a bien compris tout cela, et elle va devoir continuer à soutenir la croissance. Elle va donc injecter encore plus d'argent dans le circuit, « At a significantly higher place », a annoncé Christine Lagarde. La fête de l'argent va  continuer en Europe et les indices européens se réjouissent : plus les nouvelles sont mauvaises pour l'économie, plus la banque centrale injectera de l'argent, et plus la banque centrale injectera de l'argent, plus la bourse montera. Un paradoxe ? Pas vraiment. Il n’y a que la bourse qui peut rapporter en spéculant. Les taux bas disqualifient les autres placements et les investisseurs savent que leur remontée sera très limitée.

1 900 milliards de $ !

Le plan Biden a été adopté par le Sénat : 1 900 milliards de $ qui viennent s'ajouter aux 900 milliards de $ du plan de soutien de décembre. Aux États-Unis, chaque Américain gagnant moins de 80 000 $ par an, va recevoir un chèque de 1 400 $ qui viennent s'ajouter aux chèques de 1 200 $ puis de 600 $ envoyés par l'administration Trump. Il faut y ajouter des aides pour les chômeurs supplémentaires,
plus des fonds pour les vaccinations pour le personnel soignant et pour la couverture santé des plus défavorisés, plus des aides pour les écoles et les lycées. Voilà un pays qui s'apprête à distribuer 422 milliards de $ directement aux ménages.  De l’argent « hélicoptère » qui tombe du ciel. L'État n'intervient plus seulement pour soutenir les plus défavorisés, il intervient pour compenser la baisse de la croissance et ses conséquences. Pour Janet Yellen, la secrétaire au Trésor Américain et ancienne patronne de la banque centrale américaine, la lettre de la reprise est le « K ». Une confirmation officielle d'une tendance profonde. Cela veut dire que la reprise va favoriser les entreprises qui ont su surfer sur les tendances qui ont été très largement accélérées par la crise sanitaire, autrement dit une très large partie de l'économie va rebondir. Par contre, une partie de l'économie ne se relèvera pas une fois les aides gouvernementales supprimées. D’où le « K ». Cela provoque des « rotations » en bourse, ainsi, la  semaine dernière, les investisseurs se sont rués sur les valeurs technologiques qui avaient pourtant perdu plus de 20% et étaient entrées dans un territoire de baisse : hausse de 3,69 % pour le Nasdaq alors que le Dow Jones ne progressait que de 0,10 %. Malgré le package massif de relance américain, malgré les perspectives de hausse de l'inflation, malgré les perspectives de hausse de taux d'intérêt, les investisseurs restent optimistes, voire euphoriques. Cependant, la FED, va vite devoir réduire sa distribution d'argent gratuit car les États-Unis vont connaître une croissance spectaculaire avec un risque avéré de surchauffe, revenir au plein emploi et même se payer un retour à l'inflation. Surtout que certains jugent l’efficacité des aides financières directes aux ménages douteuse, puisque 30 % seulement du montant des premiers chèques de 1 200 dollars versés par l’Administration Trump ont été dépensés en biens de consommation, le reste étant épargné, affecté au désendettement, voire consacré à la spéculation, comme l’a montré l’affaire GameStop. Dès lors, le plan de relance pourrait conforter les inégalités et les bulles, comme on le constate dans l’immobilier - en hausse de 10 % - ou sur les marchés financiers, qui alignent les records.

Une locomotive puissante pour les Etats-Unis et le monde.

Néanmoins, ce dispositif qui intervient dans un contexte d’accélération de la campagne de vaccination a poussé les économistes à revoir leur copie : selon un sondage réalisé par le Wall Street Journal, ils tablent désormais sur une croissance de 5,95% en 2021 en glissement annuel. S’ils ont raison, les Etats-Unis connaîtront cette année leur plus forte croissance depuis 1983. Le plan Biden porte, en effet, à 14 % du PIB le soutien budgétaire de l’activité aux États-Unis en 2021, soit un niveau sans précédent en période de paix. L’objectif est double. Sur le plan économique, la relance vise à restaurer le plein-emploi Sur le plan politique, l’ambition est de rendre espoir aux Américains, de stabiliser la classe moyenne en apportant une réponse concrète aux difficultés des ménages, dont 40 % connaissent des fins de mois difficiles. Le plan Biden est donc une locomotive puissante. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), juge qu’il devrait entraîner un bond supplémentaire de 3 à 4 points. D’autres observateurs, plus optimistes, parient même sur une croissance de 8 % à 10 % de l’économie des États-Unis. Ce plan aura «des retombées positives pour la croissance mondiale» prévoit le Fonds monétaire international (FMI). Il ajoutera plus d’un point de croissance au PIB mondial, lequel devrait augmenter de 5,6% en 2021, calcule l’OCDE. Les partenaires traditionnels des États-Unis profiteront de cette manne. Ses voisins proches, liés par l’accord Canada- États-Unis-Mexique, en seront les premiers bénéficiaires avec un gain de croissance de leur PIB de respectivement 1,2 et 0,8 point, pronostique encore l’OCDE. L’impact devrait être moins élevé, à seulement 0,5 point, dans la zone euro, où le poids des échanges avec les États-Unis est moins important. Mais attention, la réouverture des économies pourrait entraîner un boom et amorcer une spirale inflationniste, ce qui obligerait les banques centrales à relever leurs taux d’intérêt au prix d’un krach obligataire et de défauts en chaîne des États et des entreprises surendettés. La relance, par sa démesure, accoucherait alors d’une violente récession. D’une manière plus certaine, ce gigantesque plan américain, qui sera bientôt suivi d’un autre grand programme d’investissement dans les infrastructures, risque de creuser l’écart entre la première puissance mondiale et l’Union européenne. Bruxelles, dont le plan de 750 milliards d’euros n’est pas encore en action et comporte une part trop faible d’investissements pour l’avenir, a plutôt le pied sur le frein, de quoi accroître un peu plus le retard de l’Union européenne dans la course mondiale.

Allez, le bout du tunnel se rapproche quand même. On y croit, même si en France, comme d’habitude, la reprise sera plus lente qu’ailleurs. C’est que la crise n’a pas fait disparaître nos boulets, hélas.

 


VOITURES ELECTRIQUES : L’ENORME MENSONGE DE LA PROPRETE !

Voiture électrique

 

Dans vingt ans, la totalité des voitures vendues dans le monde devront être électriques. De quoi bouleverser la hiérarchie mondiale des constructeurs, si cela a vraiment lieu. Car les nouvelles  stars dans  le domaine sont le constructeur Tesla et le Chinois BYD, chouchous des levées  de fonds en bourse. Ces fabricants se sont déjà projetés en 2040 ou 2050. Les tradi du secteur sont bien obligés de suivre et déjà  General Motors et Ford projettent d’abandonner le thermique d’ici dix à quinze ans. Nos champions européens sont moins radicaux, peut-être parce que  le vieux monde est plus réaliste et plus lucide, et ne prévoient de ne faire rouler qu’un tiers de leurs véhicules grâce aux batteries. Il faut dire que la  mutation du secteur automobile n’a guère le  choix, car la révolution à laquelle elle doit se soumettre lui est imposée par les réglementations des Etats qui se sont engagés à respecter les accords de Paris visant à limiter le réchauffement climatique.

L’idéologie remplace le réel.

Haro sur les  moteurs thermiques soi-disant  polluants au profit de l’électrique paré de toutes les vertus. En Europe, l’automobile est entrée dans le collimateur de  Bruxelles.  Les seuils d’émission de CO2 des nouveaux véhicules mis en circulation fixés par la Commission se sont progressivement durcis. Ils sont actuellement de 95 grammes  de CO2 par kilomètre, mais  le seuil descendra  à 80 grammes en 2025 et 59 grammes en 2030. Un rythme infernal. Les constructeurs sont contraints de s’y conformer sous peine de lourdes amendes.  Certains pays comme la Norvège ont même décidé  d’accélérer le calendrier, en bannissant dès 2025 les véhicules thermiques. Les technocrates agissent sous la pression des écologistes qui ont réussi à nous faire croire au miracle de la voiture  propre. C’est de l’idéologie car  ils ne peuvent pas ignorer que leur argumentation repose  sur un énorme mensonge. Mais le propre de l’idéologie  c’est de conduire à l’aveuglement. Ils ont gagné la première manche,  celle qui consiste  à imposer des normes et des contraintes administratives.

L’électrique pas si pratique.

La voiture électrique alterne le chaud et le froid. Elle ne se prête pas à tous les usages et elle va exiger de lourds investissements en infrastructures  qu’il va bien falloir financer, ne serait-ce que  le réseau de bornes de ravitaillement. Faudra-t-il s’attendre  à de longues files d’attente pour ravitailler après seulement 300 à 400 kilomètres.  Et la recharge de la batterie peut prendre autant de temps que le parcours lui-même. Sans parler de la sensibilité à la température extérieure, la puissance de ventilation, le chauffage  qui peuvent influencer fortement l’autonomie. Bref, en électrique, sauf petit parcours urbain, il faudra s’arrêter souvent, très souvent. Certes elle est silencieuse et peut offrir des sensations séduisantes grâce au couple des moteurs, cela ne compense pas les inconvénients.  Quant aux véhicules dits  hybrides, ils cumulent des handicaps qui les rendent peu attractifs par rapport aux mêmes modèles thermiques : alourdis par les batteries embarquées, ils sont plus lents et plus gourmands, et à l’usage, la  motricité électrique se révèle vraiment  d’un intérêt  marginal par la faible autonomie constatée. 

Des dessous très sales.

Contrairement à ce que les apôtres de l’écologie veulent nous faire croire, installer le monde entier dans la voiture électrique non seulement ne règlera pas le  problème de la pollution mais ne fera pas disparaître  les gaz à effet de serre. Force est de constater que ces belles  normes  imposées  par les pays riches ne visent finalement qu’à déplacer la pollution. Si la voiture électrique  en elle-même est presque propre, il n’en va pas de  même de la production d’électricité dans de nombreux  pays, à commencer par l’Allemagne et ses centrales thermiques. Or, il faudra bien produire l’électricité nécessaire à l’alimentation des voitures si tout  le parc  automobile est  demandeur. Il ne faut pas oublier non plus l’extraction des matières premières nécessaires à la fabrication des organes électriques du véhicule et penser encore à leur recyclage… Certains esprits lucides  en viennent à penser que le remède sera pire que l’utilisation des énergies fossiles. En effet, sous le capot  d’une voiture électrique, on trouve du rhodium, du platine, du cuivre, du cobalt, de l’or, du graphite ou du néodyme, ce dernier appartenant à une famille de 17 métaux appelés « terres rares ».  Des  métaux devenus stratégiques et dont la consommation va exploser. Leur extraction, à  l’autre bout de la Terre, en Chine notamment, provoque de terribles  dégâts sur l’environnement. Même constat pour l’extraction du graphite dans le nord de la Chine ou du cuivre dans le plus grand site du monde à Chuquicamata, au Chili, ou encore du lithium de la mer de sel d’Uyuni en Bolivie. Partout, le prix écologique est énorme.

Une dépendance stratégique.

Qu’adviendra-t-il lorsque nous aurons épuisé le filon de cuivre chilien, dans moins de quinze  ans au rythme où nous le consommons aujourd’hui, en sachant que la demande  va croître de  manière exponentielle ?  Que se passera-t-il si la Chine décide, dans un accès de mauvaise humeur, de nous priver de ses « terres  rares », ne serait-ce que pour  privilégier sa propre  production ?  On s’aperçoit alors que les options raisonnables et prudentes des constructeurs français comme Renault et Stellantis (Peugeot-Fiat) sont frappées au coin du bon sens. Les emballements boursiers ne doivent pas faire illusion.  Les moteurs thermiques  n’ont pas dit leur dernier mot.

Le basculement dans le tout électrique c’est pour nos pays développés faire preuve de cynisme et d’hypocrisie : propre chez nous, tant pis si on salit ailleurs ;  et surtout c’est s’exposer à des déboires  en se mettant en dépendance de puissances étrangères  comme  la Chine, ce qui est  loin d’être anodin. Les écolos se  gardent bien d’évoquer ces  aspects.  C’est tellement chic  d’afficher sa bien pensance vertueuse au volant d’une électrique, largement subventionnée par nos impôts !

Non, la  solution est ailleurs.  Et si c'était l'hydrogène ?

Jean-louis Perez et Guillaume Pitron ont réalisé une enquête diffusée en janvier dernier sur Arte avec des images saisissantes sur les pollutions engendrées par l’extraction des produits nécessaires aux moteurs électriques.


L’HYPOTHESE BARNIER

Barnier

 

Pendant quatre ans, Michel Barnier a mené les négociations du Brexit, au nom des 27. Le Brexit, il l’a abordé comme une catastrophe non naturelle, une situation très grave pour l’Union qui posait si on y prenait garde une question existentielle  pour elle.  Ce que Nigel  Farage, apôtre de la  sécession, caricaturait  en répondant  à Barnier à la fin d’un entretien, sur la  manière dont il envisageait la relation post-Brexit de  son pays avec l’Europe : « l’UE n’existera  plus ! »  Le divorce, c’était donc aussi la volonté de certains de détruire l’Union européenne.

The right man at the right place.

Quatre ans et demi plus tard, le divorce est prononcé, et l’Union européenne en est sortie confortée. Si la mission est accomplie, c’est bien grâce au négociateur en chef et à  son inlassable volonté de cohésion des 27 face au trublion anglais. En choisissant Michel  Barnier, Jean-Claude Juncker avait fait le bon choix : il savait qu’avec le Français, il incommodait les Anglais  et  confiait la tâche à un politique chevronné, patient, fin négociateur et surtout connaisseur en profondeur des rouages de l’Union et du dossier.  Et, de fait, il a fallu la patience du « montagnard en route vers le sommet », déployant une stratégie méticuleuse, pour  affronter les rodomontades et la gestion cahotique des britanniques, leurs chantages, et sans que jamais ils aient pu percer le front uni mis en place. Grâce à une évidence : très vite il est apparu très clairement que le marché unique était le bien le plus précieux et qu’en sortir provoquait nécessairement des différences. Londres ne pouvait espérer avoir le beurre et l’argent du beurre.

Il n’y a pas de bon accord.

Michel Barnier, le reconnait lui-même, si son but était de préserver au mieux les intérêts de l’Union, et si on a eu raison de se réjouir d’un accord  in extremis entre Britanniques et Européens, qui a évité le chaos d’un « No deal », c’est inévitablement un accord « perdant-perdant » pour les deux parties qui ne permet pas l’autosatisfaction . Avec le temps, le  coût économique ira grandissant pour un Royaume-Uni, de moins en moins uni, et l’Europe s’est affaiblie en perdant  l’un de ses pays les plus importants par son économie et sa population. Son économie représente en effet 20% de celle de l’Union. En 2019, 46% des exportations de marchandises britanniques étaient pour le continent, alors que la part des exportations de l’Union vers le Royaume-Uni ne constituait que 15% du total. Il n’en reste pas moins que dans le monde actuel, l’Union et les  Britanniques sont plus que jamais dans le même camp. Il appartient à ces derniers de faire la démonstration qu’ils demeurent des Européens. S’ils choisissent de s’enfermer dans un splendide isolement chauvin et sourcilleux, il sera facile aux 27 qui ont montré leur cohésion de se passer d’eux. Grâce à Barnier, on a évité le pire.

Là où il y a une volonté, il y a un chemin...

L’aboutissement des négociations a rendu Michel Barnier disponible.  Et  à 70 ans, qu’il  porte bien, il semble déterminé à ouvrir une nouvelle page de son engagement politique, lui qui est resté fidèle à sa famille politique. Il n’a  pas  caché qu’il souhaitait jouer un rôle « utile » en s’investissant sur la scène nationale, ce que d’aucuns ont interprété comme un premier pas vers une ambition présidentielle. Et pourquoi pas ? Son image  de négociateur européen hors pair est peu abîmée par la politique nationale, il a un style rassurant, il peut plaire à cette France périphérique dont il est un des représentants par les nombreux mandats exercés en Savoie. Et il a une expérience solide de l’exercice des responsabilités, de l’élu départemental aux portefeuilles ministériels, de l’élu européen aux fonctions de commissaire, à quoi s’ajoute une stature d’homme d’Etat ayant croisé tous les  grands de ce  monde… Et quand on a réussi a fédérer 27 pays européens pendant quatre ans et demi, on doit pouvoir trouver les  moyens de fédérer les Français sur un projet national… et européen. Car le « plus » indéniable de  Michel Barnier  est d’ajouter à sa foi patriotique, une conviction européenne, car pour lui les deux engagements vont ensemble. Il lui reste  à convaincre sa famille, les sympathisants de la droite et du centre et plus largement les Français qui croient encore dans les chances de notre pays. On sait le personnage habile à fédérer les énergies, et l’équipe du Brexit qu’il a animée en est une preuve tangible. Il lui faudra un projet  sur lequel asseoir son ambition : son attachement au gaullisme lui procurera les fondements et les travaux du parti et de ses multiples filiales un bouquet de propositions dans lesquelles il suffit de puiser. La  partie ne sera pas facile, d’autant plus que Macron arrivera à la Présidence de l’Union au 1er janvier  2022. Déjà, autour du personnage, une activité discrète et collective anime son appartement parisien. Le Savoyard a entamé une tournée avec Gérard Larcher, Président du Sénat, a  partagé un petit déjeuner avec  Christian Jacob, s’est entetenu avec Damien Abad…  Et même une association aurait vu le jour sur  les bases du club Nouvelle République que Barnier avait créé en 2003.  Il compte sur la stratégie du consensus, fidèle à une démarche qui ne lui a pas trop mal réussi jusqu’à maintenant. Il a la pointure et la stature,  les compétences et, semble-t-il, l’envie.  Dans le chemin qu’il entreprend, il sait que la patience, l’effort, la détermination sont des vertus indispensables. Dans ses vœux formulés sur Twitter, on trouve cette citation, comme un aveu : « là où il y a une volonté, il y a un chemin ! ».  

Voilà de quoi remplir le « vide » à droite, non ?

 


UNE SITUATION SURREALISTE.

Cédric-un-look-denfer-

 

C’est certain, ça va repartir.  Tous les ingrédients d’une reprise forte s’accumulent.  Le  problème c’est quand.   Car avec cette pandémie qui n’en finit pas et dont on ne voit pas le bout,  avec les multiples complications apportées par les « variants », bien malin celui qui peut le dire.

2020 : une année hors-normes.

En attendant, nous vivons une période atypique pour ne pas dire surréaliste. L’exercice économique 2020 aura été hors normes.  Qui peut comprendre que la production nationale, le  PIB, ait baissé de 10% et qu’en même temps les revenus français se soient maintenus, le pouvoir d’achat aurait progressé de 0,3% en moyenne selon la Banque de France. L’activité tourne à un rythme inférieur de 10% à celui de janvier 2020 et pourtant le chômage n’a pratiquement pas augmenté et  les faillites d’entreprises ont été  moins nombreuses qu’en 2019. On saisit alors que nous sommes en plein dans l’artificiel. Ces paradoxes ont une explication : la crise sanitaire a été largement « surfinancée ». Si la chute de  production subie a entraîné une perte de 240 milliards l’année dernière, les pouvoirs publics ont injecté 400 milliards entre les  plans d’urgence et de relance.  Ce déluge d’argent public soit déboursé dans le chômage  partiel, soit prêté aux entreprises sous des formes multiples garanties par l’Etat  a permis jusqu’à maintenant d’éviter  ce qui aurait dû être la conséquence de la  crise  sanitaire, une dépression qui aurait été bien plus terrible que celle de 1930.

Le miracle pourra-t-il continuer en 2021 ?

Ce serait surprenant. La sagesse serait de se préparer à la fin de « l’argent hélicoptère » déversé par la Banque Centrale Européenne. Les difficultés sont forcément devant nous. Elles vont surgir aussi bien à l’échelle européenne que chez nous, au moment où nous allons entrer dans la campagne électorale de 2022, dont les enjeux vont du même coup se trouver exacerber. Certes Emmanuel Macron peut se  glorifier des avancées de l’Union européenne qui a réussi à concevoir un plan de relance collectif et massif de 750 milliards d’euros avec un endettement commun.  Mais si l’Europe nous protège, il ne faut pas oublier qu’elle reste, et c’est heureux, un espace de concurrence. Elle financera les dettes  publiques jusqu’en mars 2022 puis ses béquilles seront amenées à être retirées. Les divergences Nord-Sud reviendront au premier plan. Comment alors, résorber les déficits qui resteront béants une fois l’épidémie vaincue, et qui seront autant de handicaps ? Voilà une question hautement politique. Il ne suffira pas d’affirmer : « pas d’impôts Covid », comme l’assure pour l’instant Bruno Le Maire. Nous, nous savons qu’il n’a pas de baguette  magique, et que son « quoi qu’il en coûte » a été financé  par la générosité de la  BCE. Certains on pu croire à la magie, la réalité s’imposera durement une fois la source  tarie.

Une année marquée par l’incertitude.

Elle risque même d’être chaotique. Elle démarre mal avec  une stratégie vaccinale illisible et incompréhensible. Les pierres  d’achoppement s’additionnent : gestion sanitaire approximative, croissance économique  insaisissable, chômage aux contours inquiétants, finances de  l’Etat transformées  en corne d’abondance, restructurations de secteurs entiers, autant de sujets qui vont mettre l’exécutif  à bout de souffle face à une opinion publique éruptive. « Peut-être que je devrai faire des choses dures dans la dernière année », s’interrogeai le Président lors de son interview sur le site  Brut. Il peut en effet s’y préparer,  car  il va devoir faire des arbitrages hautement politiques, et notamment  trouver  la recette qui lui permettra  de mettre fin au torrent des dépenses  publiques qui agit sur les Français comme une drogue. On sait alors   que le plus difficile c’est quand il faut commencer à s’en passer. L’autre écueil  c’est la tentation  d’augmenter  les  prélèvements dans un pays  qui est pourtant au plafond en la matière. Mais c’est incontournable : nos incorrigibles  PS proposent un prélèvement exceptionnel de « solidarité » (élémentaire) sur les en-cours d’assurance-vie supérieurs à 30 000 euros, avec en prolongement, le retour de l’ISF.  De son côté, le  Comité de suivi des retraites recommande une mesure de sous-indexation des pensions visant toute la population des retraités, au prétexte qu’elles ont été épargnées  par la crise. Pendant ce temps-là, les épargnants thésaurisent les billets de banque. Un phénomène qui inquiète les autorités bancaires : rien qu’en France, ce serait 33 milliards d’euros qui seraient stockés sous les matelats, manifestation d’une méfiance d’autant plus paradoxale que l’on paie de  moins en moins en billets. Ce trésor caché est une façon d’échapper à d’éventuelles hausses d’impôts.

Le flou est partout.

La paralysie du pouvoir est patente. Le quinquennat entre dans sa phase terminale et finalement le bilan des réformes sera bien maigre. Il reste peu de temps utile et tant de choses à faire : réforme des retraites, de la décentralisation, du droit du travail, de la constitution, sans parler du referendum sur le climat. Avec un calendrier parlementaire déjà bien encombré. Les incertitudes  politiques s’y ajoutent : quel calendrier pour les  élections, quels candidats pour s’y présenter, quels champions  pour les familles politiques qui constituent l’offre électorale. Autant de domaines pour lesquels les Français aimeraient avoir des réponses et n’ont qu’un théâtre d’ombres à se mettre sous la dent. Une certitude commence à se faire jour : encore un quinquennat pour rien. Le déclassement de la France va continuer.

 


LA DICTATURE DU « JE »

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La toute puissance des algorithmes.

Pour ceux qui, comme moi, ont  lu le livre de Gaspard Koenig, « La  fin de l’individu »,  dont je vous ai déjà entretenu, la numérisation accélérée de la société  pendant le Covid n’est pas une surprise. Elle annonce un tremblement de terre qui met en évidence un risque d’obsolescence  rapide de nombreuses tâches pour lesquelles nous estimions que l’homme était indispensable, mais en plus, et c’est le plus grave, le rétrécissement de la pensée subjective humaine individuelle submergée par une rationalité déterminée par des algorithmes supposés nous représenter dans notre globalité.

Encore une fois, ce n’est pas l’Intelligence Artificielle qui est en cause, mais l’usage que nous en faisons et qui façonne une drôle de société. Comme l’Europe a déjà perdu pied dans la compétition qui s’est engagée pour la maîtrise du modèle, il nous reste le choix entre celui qu’impose le régime  chinois, exquise fusion du communisme et des technologies les plus avancées pour enrégimenter l’individu, et celui des Etats-Unis contrôlé entièrement par le géant Google et ses intérêts matériels, dont on vient de voir qu’il pouvait faire le tri dans le contenu des messages qui circulent dans ses réseaux et  fermer un compte purement et simplement.

Deux périls nous menacent : les choix des algorithmes et les choix politiques ou idéologiques de ceux qui contrôlent les serveurs que nous utilisons. Ils connaissent de mieux en mieux nos vies, nos goûts, nos habitudes et ils dominent des pans entiers de l’activité économique du fait de l’accumulation incroyable de données qu’ils sont parvenus à réaliser. Ils se sont aussi attribué un nouveau rôle : être les censeurs de la vie politique et de l’opinion. Et ce n’est peut-être qu’un début. La suspension des comptes de Donald Trump après l’invasion du Capitole le 6 janvier dernier pose la question essentielle pour la liberté d’expression, de la régulation des réseaux sociaux.

Ultra-connectés et bavards.

A cela s’ajoute un troisième péril.  L’avènement du smartphone a fait de la plupart d’entre nous des êtres ultra-connectés, repliées sur leur subjectivité et leurs intérêts tout en intensifiant l’impression de jouir d’une forme d’allégement de l’existence et d’une indépendance sans cesse accrue, constate Eric Sadin (« L’ère de l’individu tyran »). Et nous sommes devenus dépendants de cet « infini » vertigineux. Avec nos téléphones, nos tablettes, nos ordinateurs, un espace d’expression sans limite et à tous moments permet à chacun de s’offrir une multitude de tribunes virtuelles, pour exprimer un avis sur tout –et surtout un avis, aurait dit Coluche-,  dans une débauche de « je » aussi gratifiante qu’addictive. L’inconvénient c’est que ces réseaux sociaux échappent à tout contrôle. Ils constituent un territoire ni structuré ni  hiérarchisé,  chacun étant maître de son « je ».

Avec Twitter on assiste au triomphe de la parole sur l’action, où l’on cherche à s’affirmer non pour défendre un point de vue mais pour imposer une perception des choses. Avec Instagram, l’affichage de soi se transforme en une continuelle monétisation de sa personne, faisant de « l’instagrameur » un homme-sandwich. Les mécanismes pervers mis en œuvre nous font glisser vers une culture de l’humiliation.  Il suffit de lire les commentaires sur Facebook pour s’en convaincre. Enfin, en étant indulgent, parce que l’indigence y règne entre la syntaxe approximative et l’orthographe déficiente qui va généralement avec la superficialité du discours. La  plupart y recherchent des signes pouvant flatter  leur narcissisme ;  asséner sa vérité est devenu un carburant pour l’ego : « je twitte, donc j’existe ! » Cette galaxie inépuisable d’individus produit une profusion de messages qui concurrence les médias traditionnels qualifiés de « top down ».

Un fait, une phrase, une remarque qui tombe  dans ces réseaux va s’envelopper d’une masse de commentaires dont les chaines d’information en continu font leur miel. Ainsi, l’information disparaît au profit de son commentaire. La parole « des gens » remplace l’argumentation de ceux qui militent ou réfléchissent, elle devient vérité et disqualifie le sachant et l’expert, le journaliste, ces passeurs d’une parole vérifiée, d’une opinion étayée ou d’un projet structuré. Tout se vaut, la  parole d’un professeur d’université et celle d’un youtubeur, celle d’un président et celle d’une madame Michu. Il devient quasiment impossible de faire émerger un point de vue  sur ces forums obéissant à la règle de celui qui braille le plus fort. L’information est partout,  mais elle n’est  pas hiérarchisée  et nous nous égarons.

Le triomphe du relativisme.

Les « gens », bien à l’abri de l’anonymat qui permet le lynchage permanent, peuvent s’indigner, se révolter, dénoncer les  incapables, les pratiques insupportables, les complots imaginaires  … Argumenter dans ces conditions, c’est perdre son temps, quant à la raison, « braves gens » … Les contenus qui ont le plus de succès ne sont pas nécessairement les  plus rationnels. C’est lié à la nature même de nos cerveaux qui mémorisent davantage les informations contre-intuitives, qui sélectionnent celles qui confirment nos vues, qui installent des œillères mentales pour nous permettre de camper sur nos positions et que les algorithmes savent renforcer. Car les  plateformes accélèrent la diffusion des fausses nouvelles,  les  post-vérités des complotistes, parce que c’est ainsi qu’elles fonctionnent : proposer à chaque internaute des lectures « proches » de ses recherches précédentes et « fabriquer » des groupes de gens qui pensent pareil, qui se confortent et se justifient. La parade serait l’esprit critique, mais il a disparu avec la culture qui l’accompagnait.

Menace pour la démocratie.

Sauf que tout ce tintamarre, ce  système d’expression est dangereux pour la démocratie.  Il favorise le populisme et le rejet des élites. D’autant plus que toutes les manipulations sont possibles, une minorité de dictateurs de l’indignation polluent les plates-formes, en dénaturent les valeurs de partage.  S’y ajoutent les algorithmes  de certains réseaux qui choisissent et trient vos « followers ».

L’impact de ces nouvelles technologies sur notre psychologie individuelle et collective  est effarant : l’histoire récente des systèmes numériques révèle une ivresse des réseaux qui encourage l’avènement de particularismes autoritaires et l’émergence d’une forme d’ingouvernabilité permanente, autrement dit la montée des comportements d’incivilité qui caractérisent l’effondrement de notre monde commun. Ceux-ci sont aggravés par les technologies de l’embrasement des esprits mises en œuvre sur les réseaux tels que Facebook, Twitter ou Instagram. On s’étonnera alors de la vacuité de ceux qu’on porte au pouvoir, faisant ainsi les choux gras de la technostructure inamovible et de ce fait, toute puissante.

Il faut se doter d’outils pour contrôler les algorithmes eux-mêmes et limiter la puissance des géants du numérique pour rétablir la concurrence. Les Facebook, Twitter, Youtube, Instagram, Snapchat doivent rentrer très rapidement dans le champ de la loi française. Ce sont tous des éditeurs de médias dont les dirigeants pour la France doivent être pénalement responsables de leurs contenus, à l’instar de leurs homologues de la presse audiovisuelle et écrite. Mieux, la  France devrait détenir ses propres plateforme numériques. Il y va de notre survie démocratique, économique et culturelle. Ces  plateformes sont simples, rapides et  peu coûteuses à démarrer et  l’on sait que notre environnement digital est fécond.

L’Europe est le premier continent à s’être engagé dans une réforme globale de son espace numérique par le biais du Règlement sur les services numériques (DSA),  et du Règlement sur les marchés numériques (DMA). Ils sont en discussion actuellement.  Ils permettront de veiller en temps réel à ce que les  plateformes se conforment aux injonctions qui découleraient de ces règlements qui s’appliqueront à tous les Etats membres. Nous devons en effet, fixer les règles du jeu et organiser l’espace informationnel avec des droits, obligations et garanties clairement définis.  C’est une question essentielle pour nos démocraties au XXIème siècle.

 


BREXIT : UNE VICTOIRE A LA PYRRHUS POUR BOJO !

Brexitaccordcommercial

 

Une « victoire à la Pyrrhus » est une victoire tactique, obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu'elles compromettent ses chances de victoire finale. Allusion à Pyrrhus Ier, roi d’Épire qui fut vainqueur des Romains aux batailles d’Héraclée en 280 av. J.-C. et à celle d’Ausculum en 279 av. J.-C. avec des pertes telles que son royaume ne put s’en remettre.

A la fin, c’est l’Europe qui gagne !

Ursula von der Leyen a fait un joli coup double pour les fêtes. La présidente de la Commission européenne a envoyé les Européens réveillonner avec un accord de coopération pour l’après-Brexit en poche, et les a cueillis au sortir des agapes de Noël avec une campagne de vaccination lancée le même jour sur tout le continent. De ces deux victoires pour le projet européen, il faut retenir une leçon : à la fin, c’est l’Europe qui gagne. Malgré les assauts répétés des Anglais, les Vingt-sept auront fait bloc jusqu’au bout et négocié un compromis de manière unie.  Cette unité retrouvée sera utile alors que de nombreux défis l’attendent déjà. On ne peut pas en dire autant pour le Royaume-Uni qui largue les amarres, avec une crise économique comme il n’en a jamais connue, une crise sanitaire qui redouble de violence et qui a dû finalement se résoudre à un accord avec l’U.E qui ne coche pas tous  les cases de ses exigences, loin s’en faut.

Le poker menteur jusqu’au bout.

Bojo aura pourtant tout tenté. Fidèle à sa stratégie du tout ou rien, il a multiplié les coups, les chantages, les revirements, négociant âprement les différents points. L’objectif : avoir le beurre et l’argent du beurre, quitter l’Europe en gardant les avantages du marché sans les inconvénients d’en respecter les règles. Le cirque aura duré dix mois pour se terminer au bout du bout, mettant à rude épreuve la patience des européens. Michel Barnier a des nefs d’acier et son talent aura permis aux 27 de former un bloc jusqu’au bout, ruinant les espoirs du britannique qui espérait diviser pour régner. Boris  Johnson a multiplié les démarches latérales, appelant Merkel, ou Macron, pour à chaque fois se faire renvoyer à Ursula Von Der Leyen et Michel Barnier. 

Finalement l’accord ne pouvait qu’aboutir, tant il est vrai qu’on ne se ferme pas à un marché de 400 millions d’Européens quand il est à sa porte. Chaque année, le  commerce avec le continent représente en valeur 56 milliards  d’euros de flux dans les deux  sens, acheminé par près de 5 millions de camions  … Le Royaume-Uni en avait fait déjà l’amère expérience avec la CEE, pour finalement la rejoindre, tant son industrie avait souffert d’en être exclue. Pour les observateurs avertis, l’accord est équilibré. Tout le monde avait à perdre en cas de « no-deal ». Mais le Royaume-Uni plus que l’Europe.

Les  Britanniques constateront très vite,  s’ils ne le savent déjà, que la souveraineté de leur pays dont ils ont fait l’argument essentiel de leur volonté de quitter l’Union européenne n’existe pas réellement, que leur économie est étroitement liée à l’UE et qu’elle le restera. Pour diverses raisons commerciales : en hiver, ils ont besoin de produits frais venus de l’étranger parce que les conditions climatiques à leur latitude ne favorisent pas la poussée de fruits et de légumes ; d’autres produits comme ceux de la pêche doivent être achetés sur le continent ; même leur industrie n’est ni souveraine ni suffisante pour leur marché intérieur. Le point d’achoppement qui aurait pu faire échouer toute la négociation est caricatural et montre bien  ce jeu de poker menteur : la pêche qui représente 0,06% du Pib du RU.  Les Européens ont lâché un peu de lest en renonçant à 25% de leurs quotas de pêche avec une période de transition raisonnable pour lever ce point de blocage plus populiste que réaliste.

Les points clés de l’accord.

Le  Royaume-Uni  n’aura plus les liens étroits qu’il entretenait avec l’UE, mais il  pourra continuer à y exporter sans droits de douane, mais pas sans contrôle. Pour autant, les échanges ne pourront pas avoir la  même fluidité. Le  Brexit  aura  des conséquences très concrètes, du fait que Londres a quitté le marché unique : les marchandises issues d’un Etat tiers vont devoir se soumettre aux certifications européennes, au minimum des formulaires de douane. Et ce sera très contraignant dans le secteur agroalimentaire (tests phytosanitaires…). De même, il a fallu trouver un accord sur les règles de concurrence, notamment en matière de réglementation  environnementale ou sociale et chacune des deux parties sera en mesure, en cas de divergence d’imposer des droits de douane. Même chose pour les aides d’Etat. La  City est la grande  absente de l’accord. L’ensemble des services financiers qui constituent l’un des atouts majeurs de l’économie britannique ne sont pas  concernés. Londres  perd donc ses certificats financiers. Mais des dérogations ont été négociées pour trouver des équivalences avec les  places européennes. L’accès des banques et des assureurs est une question traitée en parallèle, avec de nombreux sujets à régler encore. L’objectif étant d’empêcher un dumping financier. Pour régler les litiges, si l’accord  n’est pas respecté, un panel d’arbitrage indépendant sera mis en place.

Mais il est évident qu’en quittant le marché unique, Le Royaume-Uni perd de nombreux avantages  pour ses entreprises comme l’espace aérien commun européen qui offre en son sein la  liberté d’accès, de tarifs et d’établissement. Même chose pour les transports  routiers, l’énergie et la  finance. Et la participation à un certains nombres de programmes  européens se fera sous réserve de  la contribution financière correspondante. C’est ainsi que Boris Johnson a souhaité sortir du programme Erasmus pour les étudiants. L’accord prévoit néanmoins un cadre de coopération policière et judiciaire, indispensable pour lutter contre  la criminalité  et  le terrorisme. Par contre rien n’est prévu sur la politique étrangère, la sécurité extérieure et la défense, ce que Michel Barnier a déploré.  L’accord entre en vigueur dès le 1er janvier 2021, provisoirement en attendant qu’il soit ratifié par le Parlement européen.

Quelle suite attendre ?

Le principal défi que Boris Johnson doit maintenant relever, c’est de démontrer les avantages d’une souveraineté retrouvée. Cela fait des années qu’il tient un discours offensif, certes susceptible de plaire aux Brexiters, mais qui ne repose pas sur une impeccable logique. La notion de Brexit a introduit dans les relations européennes, fondées sur le compromis et le gagnant-gagnant, une forme de cynisme incompatible avec un traité garantissant des rapports sereins. À quoi cette souveraineté dont il nous a rebattu les oreilles sert-elle, sinon à affaiblir le Royaume-Uni économiquement, socialement et politiquement.

La vérité c’est que le divorce consiste essentiellement à nier le passé, l’histoire et la valeur des progrès accomplis en commun ; nier le renoncement définitif à la guerre ; nier la négociation au profit de la confrontation. L’accord signé a pu être accueilli en Grande-Bretagne et notamment à la Chambre des communes, par des cris de rage ou de victoire. Sur le continent il n’a soulevé aucune émotion. La réaction des 27 a été à la hauteur de l’enjeu. Ils ont riposté comme un seul homme, confiant aux négociateurs de Bruxelles le soin de préserver leurs intérêts communs, restant unis comme jamais ils ne l’ont été, démontrant tous les jours la force tranquille de l’UE. Il y a gros à parier que le Brexit soit une catastrophe pour les Britanniques tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre pays européen qui souhaite imiter l’exemple de Londres. D’autant plus que le risque grandit d’une implosion du Royaume, l’Ecosse ne cachant pas sa volonté de revenir rapidement dans l’Union… en tant que nation indépendante !

Il reste que l’accord est bénéfique pour l’économie  française.  L’hexagone a réalisé l’an dernier son  premier excédent commercial bilatéral avec le Royaume-Uni, à 12 milliards d’euros.  Les  Britanniques restent un partenaire commercial de premier plan : près de 120 000 entreprises françaises exportent  ou importent des services ou des biens de l’autre côté de  la Manche. La France a exporté 34 milliards d’euros de biens en Grande-Bretagne en 2020 et en a importé un  peu  plus de 22 milliards. L’accord conclu aura un impact de 0,2 point de PIB pour l’économie hexagonale en 2021.

 


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3 / MEDITERRANEE : ENDIGUER ERDOGAN !

 

Escalade en Méditerranée.

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Notre mer intérieure n’est plus la « Mare nostrum » des Romains. Lieu de rencontre des grandes civilisations, et particulièrement celles du « Livre », elle devient aujourd’hui une zone de tensions majeures, marquée par l’extension du désordre qui domine le Moyen-Orient et  sa  côte sud, et la montée en puissance de la démocrature (pour ne pas dire la dictature) turque. L’effondrement du Liban et le jeu trouble de l’Iran, la décomposition de la Libye qui s’enfonce dans une guerre intestine sans fin  où se mêlent conflits tribaux et importation des conflits régionaux avec l’intervention de la Turquie et du Qatar du côté Tripoli, de l’Egypte, de l’Arabie saoudite, des Emirats et de la Russie du côté Haftar, n’arrangent pas la situation. Mais c’est peut-être la  rivalité entre les Etats pour le contrôle des espaces maritimes, et  l’appropriation des ressources qui vont avec, qui risque de déclencher des conflits.

La  découverte du gisement est-méditerranéen dont les réserves de gaz sont estimées à 3 500 milliards de m3 rend la situation  proprement explosive (sans jeu de mots). Sans compter que la Méditerranée voit transiter ¼ du trafic maritime mondial et constitue l’une des zones de  migrations les plus intenses. On comprend avec regrets pourquoi le projet de Nicolas Sarkozy de créer « l’Union Pour la Méditerranée »  était si stratégique.  Il avait réussi à réunir autour de la même table tous ceux qui s’affrontent aujourd’hui, plus de 40 dirigeants, pour en faire une zone de paix et de coopération autour de quatre thématiques : la dépollution de la  Méditerranée, la construction d’autoroutes maritimes et terrestres, le développement d’une protection civile méditerranéenne et l’installation d’une université euro-méditerranéenne en Slovénie. Les  « printemps arabes » bouleversèrent les données, et surtout, François Hollande abandonna le projet, probablement parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt ou ne se sentait pas à la hauteur, ou les deux. Sans la France, L’Union européenne ne pouvait que se désengager. La  place est vacante pour laisser libre cours à tous les appétits !

L’inquiétante Turquie d’Erdogan.

Mais dans ce paysage aux soubresauts tumultueux, c’est l’évolution de la Turquie qui devrait nous inquiéter le  plus. Entre les mains d’Erdogan, le régime ne cesse de se durcir. La  liberté d’expression n’y est plus qu’un souvenir : les avocats sont soumis à un contrôle renforcé, on ne compte plus les députés de  l’opposition déchus de leur mandat, de nombreux journalistes sont poursuivis pour « espionnage politique » ou pour des révélations qualifiées de « secrets d’Etat » et il  ne fait pas bon critiquer le régime, il faut rajouter  les  procès à rallonge de personnes qualifiées « d’activistes », la  destitution des maires élus du parti pro-kurde.  En juin, une loi a été votée pour renforcer les pouvoirs des milices de quartier qui seront désormais armées. Les « Bekci », en chemise caramel rappelleraient à certains le temps des « chemises brunes ».  Ils veillent sur les villes et les villages dès la nuit  tombée.  L’AKP leur a donné le  pouvoir de contrôler et de fouiller, de porter une arme et d’en faire usage en cas de besoin. Une véritable  armée au service du régime  est  en train de se mettre en  place. Le pays va être pris dans un véritable étau dont Erdogan serre la vis.  Fin juillet, le  parlement a de nouveau frappé en élargissant l’emprise du pouvoir sur twitter et Facebook.  Les  réseaux sociaux sont d’une importance capitale pour de nombreuses personnes qui les utilisent pour s’informer, faute de médias libres. Désormais, la  censure en ligne est possible. Sous son action politique, la Turquie ne cesse de s’islamiser et dans une nécessité qui lui a paru sans faille, il a récemment transformé la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en super mosquée. Et pendant ce temps-là,  l’arrogant dictateur gesticule et multiplie les provocations à l’égard de l’Europe, pour faire oublier la crise économique qui sévit chez lui et exacerber le nationalisme turc. Un engrenage que l’on connaît bien.

Il faut "endiguer" Erdogan.

Erdogan

Après son intervention dans le conflit syrien contre les Kurdes, Erdogan se mêle de la  Libye  tout en maintenant le chantage aux immigrés sur l’Europe moyennent finances. Maintenant, il mulitplie les  violations de l’espace grec notamment au prétexte de chercher du gaz. Car la Méditerranée orientale en regorge, et la Turquie, confinée sur ses côtes par les eaux territoriales grecques, n’entend pas être tenue à l’écart de ces richesses. C’est l’un des enjeux de ses interventions ces derniers temps dans les eaux chypriotes et grecques. Le gaz est la nouvelle pomme de discorde entre la Turquie et Chypre. Les projets gaziers chypriotes irritent particulièrement Ankara, car la Turquie ne reconnaît pas les limites maritimes validées par l’ONU. Il y a quelques jours, elle a signé un accord avec la Libye qui délimite de nouvelles zones maritimes entre les deux pays. Elles ne sont, bien sûr, pas reconnues par les autres pays, mais elles auraient pour effet de bloquer un projet de construction d’un gazoduc long de près de 2.000 km, baptisé « EastMed » qui relierait les champs gaziers d’Israël, d’Egypte et de Chypre à la Grèce, ouvrant les portes du marché européen. Bruxelles y est favorable, mais beaucoup doutent de la viabilité économique de l’opération, évaluée à 6 milliards d’euros alors que l’Europe est déjà bien approvisionnée en gaz par pipeline et en GNL bon marché. Cela n’empêche pas la Turquie de tout faire pour torpiller le projet EastMed et la  situation peut réellement déraper.

Les derniers développements ont conduit l’UE à réagir : Josep Borrell, chef de la diplomatie, a convoqué  les Etats-membres. Les 27 devraient exprimer leur solidarité avec La Grèce  avec un ton plus dur. Une fois n’est pas coutume, mais j’approuve la décision du Président Macron  de renforcer la présence militaire française en Méditerranée orientale. Deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la Marine se sont rendus dans les zones de tensions. Il faut montrer  ses muscles pour ne pas avoir à s’en servir. Erdogan est comique quand il l’accuse de jouer au « Caïd ».  Il n’y a aucune raison de ménager le « Caudillito » d’Ankara qui tente par tous les moyens d’imposer la présence turque en Méditerranée et qui multiplie les incidents avec les Grecs en envoyant drones, bateaux et soldats sur leur sol ou dans leurs eaux.  

Angela Merkel a engagé des négociations. Un compromis serait  possible, car  les Turcs peuvent légitimement revendiquer un droit d’accès aux richesses, pour peu  qu’ils soient raisonnables… Et l’Europe ne manque pas de moyens de rétorsion : elle est le plus grand partenaire commercial de la Turquie et pourrait créer un énorme problème à son économie déjà mal en point. Mais dans l’immédiat, il est urgent d’endiguer Erdogan. Et compte tenu du sort qu’il réserve à la démocratie  dans son pays, le mieux serait de mettre fin officiellement aux négociations pour son entrée dans l’Union européenne qui n’ont aucune chance d’aboutir. Ce n’est pas avec une attitude belliqueuse qui pue la haine de  l’Europe et les ambitions impérialistes, en piétinant la démocratie, en s’adressant aux autres avec un langage de charretier et en exacerbant le sentiment nationaliste de sa  base, qu’Erdogan parviendra à ses fins. Ou alors, ça rappellerait de biens tristes souvenirs comme ceux de 1938.

Heureusement, l’Histoire, dit-on, ne se répète jamais. 

 


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2 / LE MOMENT DE L’EUROPE

Les trois femmes qui font avancer l’Europe.

Auréolée par sa gestion de la crise sanitaire, plébiscitée dans les sondages, Angela  prend la présidence de l’Union pour six mois, en position de force.  Et les peuples européens auraient tort de s’en  plaindre. Car le hasard, pour une fois fait vraiment bien les choses. Cette présidence tournante lui échoit à un moment clé alors que les  27 viennent de se mettre d’accord sur un plan de relance inédit dont l’Histoire nous dira s’il a été « historique ». Mais en ce mois de juillet 2020, l’Europe a effectué un virage décisif qui lui permet de faire un bond en avant exceptionnel. Elle le doit à trois femmes d’exception que la conjoncture et les aléas de la politique ont permis de se retrouver en même temps aux manettes :  Christine Lagarde à la BCE, Ursula Von der Leyen à la Commission et Angela Merkel indéboulonnable à la Chancellerie. Retour sur six mois exceptionnels.

Christine à la manœuvre.

Pour une fois, Emmanuel Macron a eu la main heureuse : Christine Lagarde est arrivée  à la tête de la BCE  parce qu’il fallait une femme, au nom de  la parité aux postes clés des institutions européennes. Elle était attendue au tournant, elle qui n’était même pas une économiste.  Mais près de 10 ans passés à la tête du FMI en pleine tempête financière lui conféraient une certaine légitimité. Néanmoins, les sceptiques dominaient au moment de sa nomination. Ceux-là  n’ont pas été déçus. Car  après un faux pas initial, c’est la Présidente du FMI qui a posé avec vigueur la   première ligne de  défense dace à la crise  sanitaire : dès le 18 mars elle lance un plan massif de soutien  à l’économie en engageant la banque centrale à racheter pour 1 000 milliards d’euros de titres de dette d’état et d’entreprises, une stratégie ambitieuse dépassant la « Fed ». Elle visait deux objectifs  qui ont été largement atteints : relâcher la  pression sur les  taux d’intérêt et empêcher la débâcle de la zone euro. Elle en remet  même une couche début  juin en élargissant l’effort avec 600 milliards d’euros supplémentaires. Cette femme intelligente a su tirer toutes les   leçons de la crise de 2008 lorsqu’elle était aux commandes à Bercy. Avec elle, la BCE utilise toutes les ressources dont  elle dispose. L’élan est donné.

Ursula la battante.

Propulsée quelques  mois plus tôt à  la présidence de la Commission  européenne, bien que novice  à un tel  poste, l’impopulaire ministre allemande de la Défense, est imposée  à la tête de l’exécutif européen par les chefs d’Etat et de Gouvernement et n’avait reçu qu’un soutien limité des eurodéputés. Beaucoup doutaient alors qu’elle trouve sa  place entre le Conseil et  le Parlement. C’est pourtant Ursula  Von der Leyen qui met en branle la lourde machine technocratique bruxelloise  avec un succès inattendu.  Depuis le début de la crise elle a mis la pression sur les  Etats-membres pour qu’ils coopèrent, lançant dès la fin février des programmes d’achat en commun de matériels  de protection et le 19 mars la toute première réserve européenne commune de matériel médical  d’urgence. Dans mes articles des 6 et 7 juin derniers, j’ai décrit dans le détail son action déterminante. Avec  elle, la  Commission a décidé de prendre les événements à bras-le-corps avec l’objectif de préserver le marché unique. La  deuxième quinzaine de mars permet de mettre de l’ordre dans la réaction continentale et les commissaires concernés ont multiplié les initiatives. Les mesures pleuvent. L’exécutif bruxellois est partout à la manœuvre. L’encadrement des dettes d’Etat est très largement assoupli ce qui autorise les gouvernements à renflouer des industries et des activités menacées.  Elle parvient à faire travailler les 30  000 collaborateurs  en télétravail dans des conditions « remarquables ». Les besoins en financement sont libérés en quelques jours et redirigés rapidement  alors que les règles ne le permettaient  pas. Elle est bien secondée par les  commissaires à l’instar de Thierry Breton  qui enchaine les démarches pour dynamiser le marché intérieur, et Margrethe Vestager, à la concurrence, qui approuve à la chaîne les nombreux plans nationaux de sauvetage qui atterrissent sur son bureau. Diplomatiquement, la Présidente de la Commission va jusqu’à  présenter ses excuses aux Italiens pour les réactions d’égoïsmes de  certains partenaires. L’accord  franco-allemand  du 18 mai lui permet  de proposer un colossal plan de relance de 750 milliards d’euros, du jamais vu, qui vise à  réduire les écarts que la crise a creusés entre les partenaires, sans sacrifier le « pacte vert » et la transition numérique. Elle va  plus  loin, en anticipant : elle jette les bases d’une union de la santé, proposant de  mettre à l’abri les industries stratégiques européennes contre les concurrents étrangers et mobilise des fonds pour la recherche d’un vaccin disponible pour tous.

Angela la chevronnée.

Comme à son habitude, Angela Merkel met un peu de temps à réagir. Cependant, cette fois-ci, elle prend conscience assez vite que la crise sanitaire qui a commencé en Italie et se répand en Europe va mettre cette dernière à genoux, surtout les pays du sud, avec le risque de disloquer le marché unique. Bien qu’elle soit menacée par la cour suprême allemande qui met en doute la légalité de l’action de la BCE, elle se décide à briser le tabou de la solidarité financière. Cette volte-face s’explique aussi par  les turbulences mondiales entre l’imprévisibilité de Trump qui replie l’Amérique sur elle-même et la nouvelle politique chinoise qui ne cache pas son penchant prédateur, avec un Poutine  en embuscade qui rêve de remettre la main sur l’Europe de l’Est, et un Erdogan qui multiplie les provocations impérialistes. Il faut donc sauver l’Union européenne.  C’est pourquoi, elle propose à Emmanuel Macron, qui en rêvait et qui la pressait depuis  longtemps, un fonds de relance de 500 milliards d’euros, empruntés collectivement par l’Union et redistribués au plus fragiles par le budget européen sous forme de transferts. Les réticences de la  Chancelière face à l’activisme de la France, suspectée à juste titre de vouloir transférer à Berlin le financement de  son modèle social insoutenable, passent au second plan. L’épidémie du Covid19 a changé la donne et lui a offert une occasion  de rétablir son autorité battue en brèche par la crise migratoire, le dieselgate, la déroute de la Deutsche Bank et la poussée de l’Afd. C’est là qu’intervient son remarquable sens politique, car l’Allemagne n’a plus d’autre option que l’Europe : elle va faire de la présidence allemande le  moteur d’une refondation de l’Union européenne, rendue nécessaire par  la nouvelle  donne mondiale. L’Europe a non seulement besoin d’une relance économique qui permette d’enrayer le grand écart entre ses membres, mais d’une réorientation vers la puissance et l’autonomie stratégique. C’est tout l’enjeu de la présidence du Conseil de l’Union par l’Allemagne au cours du second semestre  2020, placée sous la devise : « Tous ensemble pour relancer l’Europe ».

L’heure de l’Europe.

L’Europe a changé sous nos yeux. Elle a choisi d’être solidaire dans l’adversité. Personne ne l’attendait sur ce terrain-là.  Elle a choisi de franchir un pas décisif vers une union plus généreuse, autonome, indépendante, soucieuse de ses intérêts stratégiques et de sa place dans le monde, à un moment crucial de son histoire. C’est le bon moment pour l’Europe pour qu’elle se décide à exister. Nos amis anglais nous ont quittés : peut-être est-ce là le meilleur cadeau qu’ils fussent capables de nous faire. Ses anciens alliés néerlandais, danois, suédois, renaclent à l’idée d’une Europe puissance : ils n’auront pas le choix !  Les pays du groupe de Visegrad derrière la  Pologne et la Hongrie, dits « illibéraux » grincent, ils n’auront pas d’autre choix que celui d’évoluer au sein de l’Union qu’ils ne peuvent pas quitter, pour des raisons à la fois politiques et économiques. Car l’Allemagne a décidé  d’exercer son leadership européen autrement que par défaut et rend la refondation possible par son engagement et du fait de son poids économique. La récession y sera limitée à 6,3% du PIB et elle retrouvera son niveau de richesse dès la fin 2021, tout en restant en plein emploi. La France, affaiblie par l’épidémie  qui acte son déclassement, n’a d’autre choix que de soutenir inconditionnellement la présidence allemande, dont le réussite conditionne le plan de relance européen, vital pour le redémarrage  de notre économie. Et c’est heureux !  Le  couple-moteur de l’Europe reprend toute son importance. Elle apporte un renfort à l’Allemagne sur le seul point où elle peut être utile: la sécurité. La France peut apporter par ce biais une contribution décisive à la refondation de l’Europe en inscrivant la défense parmi  les priorités du plan de relance. L’accord  entre les vingt-sept, signé à Bruxelles, permet des évolutions décisives : emprunt européen , fiscalité… Nous vivons un tournant du monde qui impose de serrer les rangs  si nous voulons continuer à exister en tant que nations.

L’Europe, dernier rempart de la démocratie.

Il est peut-être encore trop tôt pour affirmer que l’Europe est devenue adulte en ce  mois de juillet 2020. Mais ce qui est une certitude c’est que l’ordre international né de la fin de  la seconde guerre mondial se disloque sous nos yeux. L’ONU  est au mieux paralysée, au pire impuissante. Les  Etats-Unis, après  la  guerre froide, la fin du communisme et le World Trade Center, et  les  avatars qui en ont découlé, dans la  dernière décennie  ont décidé de sonner le glas de « l’Occident », d’abord de  manière soft, puis plus  brutalement avec Trump qui fait éclater méthodiquement toutes les institutions mises en place par ses prédécesseurs , à commencer par  l’Otan et tous les  pactes régionaux qui permettaient aux Etats-Unis de dominer le monde. Avec la mondialisation, la structure idéologique du monde en deux camps opposés, capitalisme contre socialisme, a perdu toute signification  au profit d’ensembles régionaux qui font ressurgir souvent les empires du passé, Poutine et la Russie des Tsars, Erdogan et l’empire ottoman, Xi Jinping et la Chine impériale,  sans parler des islamistes qui rêvent du Califat.  Ils ont tous en commun la hiane ou le mépris de l’Occident. Le « multilatéralisme » qui a tenu lieu de doctrine internationale ces vingt dernières années en est mort, remplacé par des « politiques de puissance ».

La conséquence en est dramatique : tous ces néodictateurs ne se cachent pas pour proclamer que la « démocratie occidentale » ne leur convient pas. Et son recul est général partout dans le monde, en territoires et en régimes juridiques. Nous entrons dans un monde autoritaire, policier et  belliciste. Le pire  modèle est probablement ce que met en place la Chine communiste  quand les techniques  les  plus  raffinées de la reconnaissance faciale sont utilisées systématiquement pour contrôler  un à un, à chaque moment de leur vie, des centaines de millions d’hommes. Il devient vital que notre Europe  se décide enfin à exister, non seulement comme espace  économique  et commercial,  mais comme  puissance  politique. Si nous voulons encore faire  vivre notre modèle  démocratique et protéger notre civilisation ! La querelle entre fédéralistes et souverainistes est dépassée.

Saisissons la chance  que la présidence allemande nous offre. Elle va inscrire la  relance de l’Europe dans les principes de l’ordo-libéralisme qui l’a construite : le fédéralisme de souverainetés partagées, l’économie de marché et le libre-échange. On peut compter sur son pragmatisme et la recherche du consensus qui restent en termes de méthode le chemin le  plus sûr pour réaligner l’Europe du Nord et celle du Sud, celle de l’Ouest et celle de  l’Est. Un des facteurs de la réussite de cette volonté allemande réside dans les choix que la  France fera pour relancer son économie. Il est important qu’elle ne gaspille pas l’argent que la crise lui a permis d’emprunter à tout va. Car, il ne faut pas qu’Emmanuel Macron se méprenne : pour Angela Merkel, il ne s’agit pas de saisir sa main tendue, son ralliement au fonds de  reconstruction est une réponse pragmatique à un sentiment d’urgence, alimenté  avant tout par  le  plongeon vertigineux de l’économie allemande qui conditionne la reprise outre-Rhin au redressement des pays méditerranéens. En même temps, on peut sauver notre  modèle démocratique, ça  n’est pas anecdotique ! 

Merkel, VDL, Lagarde : un tiercé gagnant ? A  la fin de l’année 2020, on y verra déjà plus clair !

 


MERKEL S’IMPOSE

Angela

 

L'accord qui vient d'être signé à Bruxelles est HISTORIQUE.

Sur ce point, Emmanuel Macron a raison. Mais il a une chance inouïe : Merkel a eu besoin de lui, ce qui n’aurait pas été évident s’il n’y avait pas eu la crise. Car le changement de pied de l’Allemagne n’est pas dû au Président français qui aurait convaincu la chancelière comme il le prétend. C’est de bonne guerre, il tire la couverture à lui, pour une fois que la conjoncture lui est favorable. En réalité, comme l’analyse Eric Le Boucher dans les Echos, c’est le plongeon de l’économie allemande en 2019 qui est à l’origine du changement de cap d’Angela Merkel jusque-là inflexible sur la mutualisation de la dette. Les complications des relations commerciales avec les Etats-Unis, l’effondrement des exportations vers la Chine, font que l’Allemagne a besoin d’une relance forte du marché européen pour faire redémarrer son industrie et faire en sorte que les 110 milliards d’euros qu’elle a débloqués pour ce faire ne le soient en pure perte.

Pragmatisme oblige !

Il faut donc aider les pays en difficulté à se redresser rapidement. Aidée par Christine Lagarde qui a ouvert les vannes de la BCE et Ursula Von Der Leyen aux manettes de la Commission, elle s’est activée pour faire avaliser ce puissant plan de relance européen, qui permet à l’Union de s’affirmer aujourd’hui comme une puissance mondiale capable de rivaliser avec les autres géants de la planète. Evidemment, elle n’a eu guère d’efforts à faire pour convaincre Emmanuel Macron, alliance indispensable pour peser au Conseil européen. Bon comédien, le Président français a rempli son rôle à la perfection. Mais il ne faut pas s’y tromper, comme le remarque Marc Fiorentino, tout le mérite revient à Angela Merkel. Sa volonté de marquer sa présidence de l'Union Européenne a été déterminante. L'Allemagne a imposé sa volonté, une fois de plus. Elle a été « le Sarkozy » du sommet. Pour le bien de l'Europe. Car, c’est un pas de géant politique qui a été franchi : les 27 restent soudés, aucun n’a envie de sortir de l’Union, et même s’il y a des coupes dans certains budgets, ce plan de relance marque une volonté politique commune inédite par son ampleur. C’est le Royaume-Uni qui peut faire la gueule : avec 300 milliards de déficit, il connait la pire récession de son histoire et il ne participera pas à la « fête ».

Un accord essentiel.

Il n’a fallu que 5 jours seulement, pour que l'Union Européenne franchisse ce pas de géant. Un accord inimaginable il y a 10 ans et même en ce début d'année 2020. En quoi consiste-t-il ?

. D'une dette commune européenne de 750 milliards (des eurobonds qui ne disent pas leur nom)

. De 390 milliards d'euros de subventions, donc non remboursables. Des subventions payées par l'Union Européenne destinées seulement aux Etats les plus touchés par la crise.

. Plus 360 milliards d'euros de prêts, toujours pour les pays en difficulté.

L’Italie peut se féliciter et ne pourra pas venir se plaindre du trop peu de soutien de l’Union :elle va encaisser 209 milliards d’euros sur le total de 750 milliards, et 80 milliards de subventions, elle est la première bénéficiaire du plan. La France a réussi à obtenir 40 milliards d’euros, mais Macron à oublier de mentionner que notre pays est un contributeur net et pas un bénéficiaire net…. Bah oui, l’oubli fait partie de l’art de gouverner. S’il fallait tout dire …

Les pays frugaux ont cédé, en échange d'un rabais sur leur participation au budget européen.
La Pologne et la Hongrie ont cédé malgré le fait qu'une des conditions pour l'octroi des fonds soit le respect de l'Etat de droit. Simplement, on peut regretter que l'octroi des fonds ne soit pas assorti de conditions telles que la mise en place de réformes structurelles... C’eût été trop demander. Espérons que pour les pays comme la France, ce deal ne sera pas une incitation à la paresse réformatrice et fiscale, ce que l’on peut craindre malheureusement. Car la résistance des pays frugaux est un avertissement. Elle s’explique par leur lassitude face au laxisme budgétaire qu’ils observent, alors qu’eux ont fait les efforts nécessaires et que c’est grâce à eux que l’euro garde toute sa valeur, et tend à devenir, en ce temps de crise, une valeur refuge. Valeur dont profitent les pays du sud, Espagne, France, Italie, dépensiers et surendettés.

Maintenant, il ne faut pas rater la relance.

Car, si les Etats-Unis sont aujourd’hui en difficulté, avec un contexte politique chahuté et un rebond de l’épidémie, ils ont toujours cette capacité à rebondir économiquement que notre vieux continent n’a pas, d’autant plus que Trump va « dégainer » un nouveau programme massif de relance.

 


LA FOLLE DANSE DES TECHNOCRATES

Danse des technocrates 2

 

Un Président désarçonné plus préoccupé de courir après sa popularité.

Faut-il qu’il soit perdu à un point qu’on n’imagine même plus : l’agenda d’Emmanuel Macron témoigne par ses consultations tous azimuts  de l’ampleur du désarroi. Voyez l’agenda des derniers jours : Citoyens tirés au sort qui remettent dimanche leurs propositions sur le climat, ministres planchant mardi sur le plan de relance, partenaires sociaux réunis en sommet mercredi sur la gestion de la crise, prédécesseurs consultés sur l’« après », Nicolas Sarkozy mardi, François Hollande vendredi, Valéry Giscard d’Estaing au téléphone… Emmanuel Macron demande à Richard Ferrand comme aux présidents des autres Assemblées, des idées pour la suite du quinquennat. Ce dernier réunit ce mercredi élus, partenaires sociaux, citoyens pour réfléchir à des propositions qui alimenteront son document final. Etonnante plongée dans un abîme sans fond qui dit beaucoup du moment. Le « Nouveau Monde » a furieusement besoin de « l’Ancien ». Au dernier Conseil des Ministres, le Président a engueulé copieusement les ministres au point que certains le disent proche du « burn-out ». Que va-t-il nous sortir le 29  juin ? On peut craindre le  pire. Il  est prêt à tout bousculer  pour se retrouver un chemin de « victoire » en 2022. Même de modifier le calendrier électoral selon son accommodement.  Décidément, cet homme-là a un problème avec la  démocratie et ne comprend rien aux Français.

Pendant ce temps-là, le pays s’enfonce dans une récession sans précédent.

Le dispositif pour faire face à la crise sanitaire a offert aux Français  « les mesures les plus généreuses  d’Europe », au prix d’un endettement inconsidéré, au prix  d’un recul du PIB de 12,5% : le chiffre vient de tomber du FMI. Nos technocrates ont  la main lourde quand il s’agit de dépenser dès lors que le guichet de l’argent facile est  ouvert. Cela n’a pas empêché l’économie française de détruire 500 000 emplois au 1er trimestre et ce n’est qu’un début. Nous avons la récession et les déficits les pires d’Europe. Pour quantifier les choses, le repli du PIB s’élèvera à près de 280 milliards d’euros tandis que le déficit total Etat-Sécu-Collectivités territoriales avoisinera les 250 milliards. La dette publique franchira les 120% du PIB à 2650 milliards…C’est bien connu,   la crise entraîne plus de dépenses publiques et moins de rentrées fiscales.

Mais nos politiques, retranchés derrière leur collège de médecins bureaucrates et les technocrates de Bercy, ont pris des décisions trop  fortes et ont eu la main trop lourde. Comme le  pays a abordé la crise  en situation de fragilité, contrairement aux  dires officiels, car la récession était déjà engagée dès le début de l’année, l’impact du Covid19 a été beaucoup plus lourd qu’ailleurs. L’hexagone fait partie depuis plusieurs années des mauvais élèves de la zone euro. Trois explications plus une : un confinement  plus sévère qu’ailleurs qui a conduit un salarié sur deux du privé au chômage  partiel (22% en Allemagne), absence de directives claires qui ont découragé de nombreux actifs de reprendre leur travail durant le confinement avec une chute d’activité autour de 30%, de nombreux handicaps sur l’offre dans les activités qui impliquent de la promiscuité et des contacts. Enfin, la tendance à l’épargne de  précaution des Français (plus de 100 milliards) face  à l’incertitude économique pénalise une économie traditionnellement tournée vers la consommation. Et cette fois-ci les dépenses  publiques qui enflent démesurément (64% du PIB) plombent les comptes de l’Etat sans redynamiser l’économie. Déficits et récession se donnent la main  pour la descente aux enfers, accompagnée par la danse macabre de notre haute technocratie !

Quelle considération nos partenaires européens plus vertueux  peuvent-ils nous accorder ? Notre manque de retenue est une insulte aux traités que notre pays a signés. Nous nous comportons comme des escrocs vis-à-vis de ceux dont la rigueur financière permet de garantir sa valeur à la monnaie que nous utilisons.

Pendant ce temps-là le pays part  à vau l’eau et n’est pas gouverné.

Il y a un abandon de la sécurité dans notre pays aujourd'hui. Ni le président de la République, ni le Premier ministre n'ont pris ce sujet au sérieux. Quant au ministre de l'Intérieur, il est complètement dépassé par la situation. Nous sommes devant une crise d’autorité de notre État. Une République sans police, sans gendarmerie, sans justice respectées n’est plus un État de droit. Les violences dont nous sommes presque quotidiennement les témoins sont le produit des démissions et des lâchetés  successives. Elles vont avec  les désordres qui agitent les esprits. Si bien que nous sommes dans un  monde qui marche sur la tête où nous voyons l’inversion des valeurs quand les  « antiracistes » racialisent  tout jusqu’aux statues,  où nous voyons l’inversion des responsabilités quand on rend nos forces de sécurité responsables des violences. On a officiellement abandonné le principe d’universalité de nos valeurs ! Avant de repeindre le pays en vert, en rose ou en noir, lavons-le  d’abord de sa crasse bureaucratique. A quoi bon édicter des interdictions si des groupes peuvent impunément les enfreindre. Car si le pays sombre dans la violence et la désespérance, c’est bien parce que la bureaucratie galopante a fait de lui celui qui consacre le plus d’argent  à ses dépenses publiques au prix de salaires bas et d’entreprises à la compétitivité limitée. Un exemple : nous dépensons 4,1% du PIB en dépenses hospitalières (les plus fortes d’Europe) avec les soignants les plus mal payés d’Europe, tout ça parce que nous subissons l’hypertrophie des personnels  administratifs (34% des emplois). On s’étonne après que la méfiance collective suinte partout et alimente un climat social exécrable ! Voilà ce qui arrive quand on abandonne le pouvoir aux technocrates sans âmes : des politiques sans marges de manœuvre, un Etat irresponsable, une opposition systématiquement écartée, des collectivités marginalisées, des citoyens sans repères…

Qu’arrivera-t-il si l’environnement change et les créanciers se réveillent ?

 


ACTUALITE DE « DE GAULLE »

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2020 : année De Gaulle

Cette année est une année particulière en commémoration du grand homme. Evidemment, parmi elles, le 18 juin résonne d’une manière plus particulière  à cause de son environnement historique  entre la débâcle de juin 1940 et le redressement de la France que l’on doit à Charles De Gaulle. Au point que tout le personnel politique ou presque se réclame de son message ou de son action aujourd’hui, du chef de l’Etat à Marine Le Pen, en passant par ses héritiers évidemment… Et  c’est vrai qu’à bien des égards, le général De Gaulle et le gaullisme n’ont jamais été aussi actuels. Plus que personne d’autre dans l’Histoire de notre pays, l’homme incarne l’honneur de la France dont il est un symbole intangible et ses idées une vision exigeante et généreuse de son destin. Pendant la guerre il a défendu souvent avec arrogance, mais toujours avec ardeur, face aux américains et aux anglais, les intérêts de son pays, positions qu’il a continué à défendre après son retour aux affaires,  en 1958, au nom de la souveraineté française : réticences à l’égard de l’intégration européenne, sortie du commandement intégré de l’OTAN. Curieusement, on retrouve  des démarches similaires dans les positions contemporaines de Trump et de Johnson à l’égard de l’Union européenne, bien que les motivations profondes en soient très différentes. Mais De Gaulle était De Gaulle, de la Résistance au discours de Phnom Penh, la transformation de l’empire colonial en « Communauté française », l’indépendance de l’Algérie, il était un inlassable combattant du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Méfiant face à l’intégration européenne, il a été néanmoins l’artisan de la réconciliation franco-allemande. Sa capacité visionnaire était unique, guidé qu’il était par l’épreuve épouvantable que fut pour la France la Seconde Guerre mondiale. Il fallait d’abord remettre le pays sur pied avec des institutions solides, mais il avait vu aussi qu’il ne fallait pas faire une confiance aveugle à nos deux principaux alliés parce que, un jour, leur égoïsme national l’emporterait sur les liens puissants institués par un triomphe militaire qui a dessiné le monde où nous avons vécu pendant les 70 dernières années. Nous y sommes !

Souveraineté et alliances.

Dans cette seconde moitié du 20ème siècle, De Gaulle a  imposé la France dans le concert des grandes nations. Il a construit de ses mains la puissance nucléaire que nous sommes devenus. Il a tenu à renouer avec l’Allemagne les relations exceptionnelles dont nous, Français  et Allemands, bénéficions aujourd’hui.  Et il a été le premier à admettre la montée en puissance de la Chine. Il avait vu que le formidable rapprochement des trois alliés de la guerre, constituait une alliance nécessaire mais qui,  appliquée à la lettre, aurait conduit au cantonnement de l’Allemagne sur le bord de la route. La construction d’une Europe concrète avec la CECA puis le marché commun, lui suffisait. Si La France n’a pas souffert de la décolonisation, le cas de l’Algérie étant à part, c’est parce que la Communauté, puis l’Union européennes ont contribué à sa prospérité. Autrement dit, la vision à longue distance de De Gaulle était surprenante de lucidité, ce qui ne signifie pas pour autant qu’à l’aune historique le souverainisme doive devenir le socle d’une politique, loin de là. Aujourd’hui, la gaulliste de l’Europe, c’est Angela Merkel, et la vraie rupture s’appelle Brexit, elle est en cours, et elle n’annonce rien de bon ni pour les Anglais ni pour les Européens. En effet, les deux jumeaux politiques que sont Trump et Johnson cherchent une autre forme d’alliance, celle qui, en réunissant deux égoïsmes, deviendrait un système gagnant-gagnant. Si on ajoute le nouvel  impérialisme chinois, voilà de très fortes raisons d’être inquiets : crise sanitaire, développement alarmant des systèmes autoritaires dans le monde, terrorisme, insécurité… Et la réponse évidente à toutes ces menaces consiste à s’unir pour être plus fort face aux fléaux. La France seule ne peut rien faire.  De Gaulle applaudirait des deux mains à toutes les tentatives pour donner du souffle à l’unité européenne mais n’aurait pas laissé la France sombrer dans l’incurie financière pour que sa voix compte et soit respectée, sans brader sa souveraineté Avec De Gaulle, la parole était toujours suivie par des actes. On voit bien que pour tous les prétendants à son remplacement,  le képi reste trop grand !

 


L’EUROPE EXISTE, JE l’AI RENCONTREE ! (1)

Drapeau européen

 

Et si à la faveur de la crise, l’Union européenne avait décidé d’exister ?

Ce qui est certain, c’est que les peuples de l’Union auraient mauvaise grâce à ne pas se féliciter de la réaction des institutions communautaires pour faire face à  la crise. Non seulement l’Union a répondu présente, mais elle fait le  job  au-delà de ce qu’on pouvait attendre. Du coup  elle a contrecarré les  actions de propagande chinoises ou russes menées sur son sol, plus scénarisées qu’effectives, et fait jeu égal, voire même  pris de  l’avance sur l’économie US encore plongée dans les  limbes de la crise sanitaire. La dernière décision de la BCE de mettre 600  milliards d’euros de  plus dans les circuits financiers pour soutenir la reprise économique, montre  sa détermination, et ce n’est  pas terminé…

Un trio redoutable.

Avec Christine, Ursula et Angela, l’Europe a pris la crise à bras-le-corps. Ces trois femmes de caractère impriment un mouvement inattendu, chacune dans leur rôle et leur fonction, et emportent l’adhésion des 27. C’est Boris qui doit regretter son  Brexit, parce que le Royaume Uni ne participe pas à la  fête et ne bénéficie pas des largesses de la Banque centrale,  des plans  élaborés  par  la  commission et du redémarrage du moteur allemand. Pourtant, rien n’annonçait, fin février, un tel réveil de  la première  puissance économique du monde quand elle a décidé  de tenir sa place.

ChristineLagardeChristine Lagarde. Christine is the queen. Elle a commencé par rater la marche et fait plonger les marchés par une déclaration intempestive, mais elle s’est aussitôt rattrapée. La patronne de la BCE a décidé de « faire le nécessaire autant qu’il faudra ». Et la banque a encore frappé fort cette semaine en décidant d’augmenter de 600 milliards son programme « d’achat d’urgence » lancé en mars, le portant à 1 350 milliards d’euros,  de quoi absorber la  quasi-totalité des 1 500 milliards d’euros de dettes souveraines, émises  dans l’Union au titre du coronavirus. De toute évidence, une bonne nouvelle pour l’Italie dont le taux d’emprunt a chuté et l’euro dont la valeur connait un  plus haut depuis trois mois. Je passe sur les détails techniques mais l’action de la BCE est difficilement attaquable, qu’il s’agisse de la stabilité des  prix, de la croissance ou de la stabilité financière.  Et son action va se prolonger  pour soutenir la reprise.

UVDLUrsula  von der Leyen.  La « Lionne » de la Commission n’avait rien vu venir et a d’abord sous-estimé la crise sanitaire. Mais le temps de la  mobilisation est rapidement venu et la « patronne » a montré son énergie inépuisable et son énorme capacité de travail. Il faut reconnaître que la Commission n’a  pas  la tâche facile. Coordonnatrice sur le papier, au début elle court après les capitales qui jouent chacune leur partition en solo. De fait l’exécutif communautaire est désarmé, la santé n’étant  pas une compétence de l’UE. Tout va se jouer dans la deuxième quinzaine de  mars. L’exécutif bruxellois se déploie et capte le besoin de coordination que ressentent les Etats eux-mêmes : circulation des travailleurs frontaliers, importation des  matériels médicaux,  règles  pour le transport aérien.  Dès le 20 mars, « la clause de sauvegarde » est activée. Cela veut dire que les ratios stricts qui encadrent les budgets des états sont abandonnés. Partout, l’Europe met de l’huile dans les rouages.  Ursula von der Leyen s’impose par sa grande maîtrise organisationnelle, son approche structurée et humaine.  Elle est aux manettes.  Elle n’hésite pas à faire le tour des médias européens, enregistre des vidéos pour les réseaux sociaux…  pour faire connaître dans le détail toutes  les  actions de la Commission. De fait elle a mis « le mastodonte » en branle et mis les commissaires au travail pour mettre  en musique  les  sommes énormes débloquées pour faire face à la pandémie.

AngelaAngela Merkel. Angèle a encore la moelle ! A son habitude, elle a mis du temps à démarrer.  C’est un diesel qui a besoin de chauffer. Ensuite on ne l’arrête  plus. Comme en 2008, la chancelière  a failli rater  le coche. Elle ne s’était investie dans le  « plan de sauvetage des banques » de Sarkozy que lorsqu’elle avait vu arriver la catastrophe pour HRE. Elle campait encore cette fois-ci sur la réticence germanique à « payer pour les autres ». Après l’arrêt de la cour de Karlsruhe le 5 mai, elle a compris que non seulement l’Allemagne pouvait être en danger, mais du  coup faire  exploser  l’Union. Or, l’Allemagne qui dispose de moyens considérables, à la différence de la France, a besoin que l’Europe  réussisse sa relance. Ses industries automobile, robotique, chimique, pharmaceutique, n’iront pas bien si ses voisins vont mal. C’est que le commerce intra-européen représente près de 60% des exportations allemandes et 66% des importations. Cela vaut bien un sacrifice. L’Allemagne va donc financer indirectement la relance européenne,  parce que c’est son intérêt bien compris. Donc la proposition germano-française d’un plan de relance à 500 milliards dont on a déjà parlé.  Et elle va tirer avec elle les nordiques « radins » réticents. Pur pragmatisme. Mais voilà, sa gestion habile de la crise sanitaire et maintenant son implication dans la relance, avec un accord  historique de la  coalition avec  les sociaux-démocrates pour un plan de relance de l’économie allemande de 130 milliards d’euros, le  plus complet de l’histoire de l’Allemagne, la rendent incontournable. Et sa popularité est au zénith !

A suivre : L’Europe et la guerre totale au Covid19 (2)

 


MERCI L’EUROPE !

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L’Europe bouc émissaire.

Alors que l'on s'apprête à fêter samedi prochain les soixante-dix ans de la déclaration de Robert Schuman, considérée comme l'acte fondateur de la construction européenne, l'Union européenne ressort un peu plus affaiblie, aux yeux de l'opinion, du choc provoqué par la pandémie, si l'on en croit le sondage réalisé par Elabe pour « Les Echos », Radio Classique et l'Institut Montaigne. Seuls 20 % des Français jugent que l'UE a été à la hauteur de la crise, et ils sont plus de la moitié à réclamer un contrôle durable des frontières. Plus grave, le sentiment est partagé par tous les électorats. Le thème de « l'Europe qui protège » semble avoir été battu en brèche par la crise. Cela accentue les lignes de fracture autour de la question européenne : 34 % des Français voudraient privilégier une coopération avec certains voisins européens, hors du cadre de l'UE et notamment parmi l'électorat de François Fillon ce qui est très décevant ; 33 % estiment que la France ne doit compter que sur elle-même, sentiment fort dans l'électorat populiste ce qui est logique et seulement 32 % estiment que la France doit renforcer l'Union mais cet  avis se rencontre généralement parmi les plus diplômés. Faut-il en déduire que pour comprendre l’Europe il faut être instruit ? Conséquence politique logique de cette défiance grandissante, l'ouverture des frontières - un des symboles de la construction européenne - n'a pas la cote, puisque 55 % des sondés veulent le maintien de leur fermeture après la crise. On note aussi une aspiration très forte à la relocalisation de la production en France : les Français y sont favorables pour la santé (85 %), l'alimentation (80 %) mais aussi la technologie (62 %), ce  qui est plus facile à dire qu’à faire. Ce sentiment de  scepticisme aurait pourtant dû être balayé avec la crise que nous vivons. Mais la désinformation a la vie dure.

Réalité et commentateurs de mauvaise foi.

Les  commentateurs mettent surtout l’accent sur les discussions qui sont toujours difficiles entre les  partenaires. Comment en serait-il autrement à 27, et d’autant plus  que certains comme la France ne respectent pas leurs engagements, ce comportent en escrocs qui ne tiennent pas parole mais donnent des leçons en permanence. Il est pourtant étonnant, voire très énervant, d'entendre ces commentateurs expliquer que l'Europe ne fait rien, qu'elle laisse les pays membres se débrouiller seuls, qu'il n'y a pas d'initiatives européennes. Ceux-là oublient volontairement la plus grande initiative européenne : celle de la Banque Centrale Européenne. Sans elle, des pays comme l'Italie, l'Espagne et même la France devraient se financer, compte tenu du niveau de leurs déficits et de leurs dettes, à des taux très élevés. Ceux qui se plaignent en permanence de la lenteur de l'Europe devraient être étonnés de la vitesse à laquelle les décisions sont prises. Ces moments  extraordinaires nécessitent une action extraordinaire a dit Christine Lagarde, et les actions menées sont vraiment extraordinaires ! La réponse globale a  été d'une puissance, et d'une rapidité surtout, qu'on n'avait jamais connue. En quelques jours, on a fait presqu'autant qu'en 4 ou 5 ans pour la crise de 2008 et la crise de l'euro qui a suivi. Ceux qui nous expliquaient que l’Europe ne fonctionne pas et est incapable de s’accorder, s’arrêtant au psychodrame rituel de la nuit blanche à négocier, en ont été pour leur mauvaise  foi : l’accord sur le plan de sauvetage à 500 milliards a été voté par les ministres des Finances de l'Union européenne en trois jours : trois jours pour s’entendre, alors qu’il avait fallu des mois après la crise des subprimes. Alors, vous savez celle qui est nulle, qui n'arrive jamais à se mettre d'accord à cause des Allemands ou des Hollandais, oui, cette Europe-là, a débloqué la coquette somme de 540 milliards d'euros et ce n'était qu'un début. Car la BCE a annoncé dès le 19 mars un plan d'urgence de 750 milliards. Rappelez-vous combien de temps il avait fallu aux banques centrales et aux gouvernements pour réagir en 2008. Rappelez-vous les tergiversations européennes sur le sauvetage de la Grèce, l'aide aux pays en faillite, le rachat des dettes. Il a fallu trois à quatre ans pour qu'on entre dans un cycle d'injection massive de liquidités et de relance budgétaire. Avec cette crise aussi soudaine que brutale et rapide, la réaction a  été fulgurante. Et pour une fois, l’Europe est au rendez-vous. Tous ceux qui sont au chômage partiel, ne serait-ce que ceux-là, devraient lui en savoir gré, sinon où le gouvernement français aurait-il trouvé les 40 milliards d’euros pour financer leurs indemnités les plus généreuses d’Europe ?

Le bouclier européen face à la tourmente.

L’Union a ouvert les vannes. Appuyés par les banques centrales qui rachèteront sans aucune limite les dettes d'état dont les déficits vont exploser, les gouvernements vont injecter plus d'argent dans l'économie qu'on n'en a jamais vu. La Banque d’Angleterre va encore plus loin : elle a décidé de se substituer  purement et  simplement à l’Etat. FED, BCE mais aussi banques centrales du Japon, Canada, Royaume Uni et Suisse ont assoupli les conditions auxquelles elles s'échangent des devises entre elles afin de pouvoir mettre à disposition suffisamment de liquidités, en dollars, chez nous en euros, aux banques commerciales, et ainsi aux entreprises en difficultés qui ont besoin d’argent frais. Très rapidement, une très large partie de la dette des États européens sera détenue par la BCE. Et ce sera pareil dans tous les pays. Nous, nous avons dans cette crise une chance extraordinaire, celle d'avoir une monnaie commune qui évite les dévaluations sauvages, d'avoir une banque centrale qui finance les dettes des pays en difficulté, et l'Allemagne qui accepte de « garantir » de fait l'endettement d'une partie des États de la zone euro. Un pays seul ne peut pas se livrer à cette création monétaire sans limite. Il serait tout de suite sanctionné par un effondrement de la monnaie et l'explosion à la hausse des taux d'intérêt, et cela provoquerait une explosion dévastatrice de l'inflation dans le pays. Mais allez expliquer ça à Marine Le Pen et à Nicolas Dupont Aignan !

Et ce n’est pas fini : voici le temps de la relance.

Les 27 pays de l'Union Européenne négocient actuellement un nouveau plan de relance. Thierry Breton le commissaire européen est en train de jeter les bases d’un méga plan de relance européen de 1 600 milliards d’euros soit environ 10% du PIB européen basé sur l’environnement, le numérique et la relocalisation des industries en Europe. De quoi tenir la dragée haute à Trump. Le commissaire européen précise : « Nous allons rebâtir un autre monde avec un fonds très large pour accompagner ces trois tendances. Cela va peut-être s’accompagner d’une augmentation des prix dans certains domaines, mais si l’on met bout à bout la souveraineté, l’empreinte carbone du transport des marchandises, l’augmentation des niveaux de vie des pays à bas coût, tout cela  fait que les cartes sont déjà en partie redistribuées. Nous n’allons qu’accompagner cet effort. Ce n’est pas la fin de la globalisation à court terme, mais c’est le début d’une nouvelle ère de cohabitation plus intelligente plus ordonnée. Le commerce sera mieux réparti à terme pour que les intérêts de chacun soient respectés. » Pour cela Thierry Breton va lancer un grand fonds européen pour « rebâtir » l’Europe autour de ces trois grandes tendances. Tous les pays européens n’ont pas l’argent pour sortir de cette crise, l’Allemagne vient d’emprunter 356 Milliards, et tous les pays européens vont faire de même. Le fonds que Thierry Breton appelle de ses voeux  va permettre aux états de reconstruire en empruntant sur le temps long, 20 ans, 30 ans … Cette démarche devrait être mise en place sans condition de réformes pour les états qui y souscrivent.  

L’ingratitude des peuples est monnaie courante et l’Histoire nous l’enseigne. Il est bon tout de même de rappeler les faits. Sans l'Europe, la plupart des pays de la zone euro ne fonctionnent pas, à commencer par la France. On a envie de paraphraser Sardou : « Si la BCE n'était pas là, nous serions tous en faillite ». D’autant plus que ce faisant, l’Union européenne a démontré sa spécificité, celle d’être un espace  où la valeur humaine compte autant sinon  plus que l’économie. C'est l'Europe "civilisation". Un vrai sujet pour les « nationalistes » anti-européens n’est-il pas ? 

Vive l’Europe !

 


QUAND LA MONNAIE TOMBE DU CIEL.

Des-liasses-de-billets

En bref : l’argent va couler à flots, on va emprunter à tour de bras, on ne remboursera pas, mais  en France on a deux problèmes.

Le sujet de la dette.

C'est la question qui va se poser régulièrement et qui reviendra comme un refrain. Avec sa question induite : « Qui paiera » ?  Oui, qui va payer pour toutes ces centaines de milliards d'euros que les États distribuent et vont continuer à distribuer ? Car, c’est une évidence, les Etats n’ont pas l’argent qu'ils distribuent. Ils l'empruntent quasiment tous aux banques centrales. Forcément, on se  demande  bien comment on pourra rembourser. « Helicopter money » est devenu le terme qui illustre cette masse d'argent qui tombe directement sur les comptes des particuliers. Ce serait plutôt des Canadairs que des hélicoptères.

L’Europe mobilise au total plus de 2 000 milliards.

Et d’abord, d’où viennent ces 2000 milliards d’euros que les Etats mobilisent pour faire face à la crise ? Ils sortent de trois poches. D’abord celle des Etats membres qui ont cassé leur budget et se sont assis sur les normes de bonne conduite de Maastricht. Ils sortiront 500 milliards et principalement des grands pays de l‘Union européenne. La deuxième poche sera celle de l’Union européenne,  via trois canaux : la Banque européenne d’investissement qui va prêter 200 milliards à des entreprises, la Commission qui se réserve de lever 100 milliards et le MES mécanisme européen de stabilité va sortir 200 milliards. Mais le gros de l’effort viendra de la troisième poche, la plus  profonde, la BCE : la Banque centrale européenne s’est engagée à racheter pour 1000 milliards de dettes aux banques. Pour simplifier : les banques centrales distribuent de l'argent aux banques, elles distribuent de l'argent aux États, indirectement, en rachetant leurs dettes, et elles distribuent de l'argent aux entreprises, toujours indirectement en rachetant leurs dettes. Comme en plus il va falloir relancer la consommation et compenser la perte de pouvoir d'achat liée à la crise, on va donc plus loin. Les États, et la France, une fois de plus en pointe pour ce type d'initiatives, distribuent de plus en plus d'argent. Les déficits n’en finissent plus de se creuser : sécu, budget, assurance chômage,  solidarité …

La crainte des contribuables.

Quand on entend « qui paiera ? », c’est surtout la crainte des contribuables de voir les impôts exploser qui s’exprime. Et ressort ce fantasme qui revient à chaque crise, d'un « prélèvement exceptionnel » très élevé sur les actifs financiers au-delà d'un certain seuil. Il y a eu des précédents.  Tout  le monde se souvient de « l’impôt sécheresse » de 1976… Et l’imagination de nos politiques est débordante en la matière : ça va du rétablissement de l’ISF à la création d’un impôt spécial corona, en passant par des taxes exceptionnelles comme  celle que Laurent Berger a déjà proposé. La  France est la reine du concours Lépine quand il  s’agit d’inventer des impôts nouveaux. Il  y a deux écoles : il y a ceux qui cherchent des idées pour faire payer des taxes et des impôts à tous les autres qu'eux ; et il y a ceux qui veulent que cette dette soit un jour annulée, ou qu'elle devienne « perpétuelle », ce qui revient, peu ou prou, au même. Ces derniers n’ont pas tort.

La solution est toute simple.

En fait, arrêtez de vous préoccuper de la dette, elle ne sera jamais payée. Nous ne rembourserons jamais la dette liée à la relance post-Covid. D’abord, elle ne va rien coûter. Certains pays, dont la France ou l’Italie, sont déjà très endettés, mais beaucoup en Europe le sont moins  et  comme par ailleurs, l’Union européenne est une meilleure garantie que la somme des garanties nationales les taux bas sont garantis pour longtemps.. Car le fait nouveau est que la solidarité  joue cette fois-ci, et que l’Allemagne est d’accord. La BCE, qui rachète les dettes des banques commerciales pour qu’elles puissent accorder de nouveaux prêts va donc être un instrument clef d’une mutualisation très forte. La BEI Banque Européenne d’Investissements) et le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) également. Donc les moyens de financement prévus sont beaucoup plus puissants et moins chers que si on laissait les membres du club se débrouiller chacun de leur côté.  Tout cela rend une inflation ou une hyperinflation, qui devrait découler de la surabondance monétaire, quasiment impossible.

Mais la réalité probable est encore plus simple. Ces 2000 milliards ne seront jamais remboursés, ni aux Etats, ni à l’Union Européenne ni à la BCE ... Ces 2000 milliards seront inscrits et stockés dans un compte spécial, corona, crise exceptionnelle, sous forme d’emprunts très long terme, plus de 30 ans, qui pourront être renouvelés. Une sorte de dette perpétuelle qui sera garantie par les contribuables européens mais auprès desquels on ne fera jamais jouer cette garantie, jusqu’au jour où on annulera la dette. Mieux, ça ne gênera personne, pas même les héritiers lointains des épargnants qui auront tout oublié ou disparus et si cet effort exceptionnel permet de redresser les machines économiques et d’écarter les risques.  Keynes, le champion de la recette, disait : « A très long terme, les épargnants ne demandent jamais le remboursement de leur épargne, pour une raison simple, c’est qu’à très long terme, ils sont morts ». On va donc être tous endettés à perpétuité, car le grand argentier de Trump dit la même chose. Et un jour, coup de baguette magique, on annulera dans le monde entier tout ou partie de la dette.

Il y a quand même deux problèmes.

Avec de la croissance, sans crise de coronavirus, nous avons en France, année après année, fait exploser notre dette. Avant même le coronavirus, nous avions rejoint le club très fermé des pays dont la dette est supérieure à 100%, avec le Japon, la Grèce, le Zimbabwe, entre autres.

Le problème c'est que des pays comme la France qui ont ouvert les vannes encore plus grand, en faisant sauter la digue des 3% de Maastricht, ne vont plus pouvoir les refermer. C'est qu'une fois qu'on commence à distribuer de l'argent, il est difficile d'expliquer à ceux qui vont en réclamer qu'on ne peut plus le faire. Chez nous, il y a de grandes chances que cette distribution d'argent devienne un « acquis », et sachant qu'en France on ne revient jamais sur les « acquis », la situation risque d’être compliquée à gérer. On voit déjà venir un plan « santé » exceptionnel, puis un plan « éducation » exceptionnel, puis pour la justice, et ainsi de suite... Chez  nous, l’exceptionnel pourrait devenir la règle. Seulement l'Allemagne et les pays d'Europe du Nord qui vont reprendre tranquillement le chemin de la bonne gestion des finances publiques ne vont pas accepter que nous créions chaque année de « l'exceptionnel » à tour de bras. Il faudra  bien que nous nous décidions à mieux gérer nos finances publiques. La  crise n’a-t-elle  pas révélé la suradministration et ses lourdeurs coûteuses et surtout son inefficacité ? Et ce jour-là, ça va coincer...  car le coronavirus ne va pas toujours être là pour servir de prétexte à une gabegie budgétaire annoncée.

L’autre problème, c’est que les Français qui le peuvent, chacun en fonction de ses revenus, ont décidé, pour l'instant, de ne pas dépenser leur argent, mais de le planquer sur leur livret A. Bien sûr, ils ne consomment pas et épargnent parce que nous sommes confinés, mais ils épargnent aussi parce qu'on leur a dit « nous sommes en guerre !» et Bruno Le Maire s’inquiète de la ruée vers l'épargne, et craint que cette épargne forcée ne se transforme en partie en épargne de précaution. D’autant plus que la crainte inévitable du chômage va l’alimenter. C’est pourquoi l’idée d’Eric Woerth de créer un livret « Coronavirus » a du sens pour orienter cette épargne vers le financement des TPE et PME.

AH, si nous étions au pouvoir … !




L’ODYSSEE DE SYLVAIN TESSON

Odyssée avec Tesson

Ne surtout pas rater.

De la  Turquie à la Sardaigne, l’écrivain voyageur est parti pour Arte dans le sillage d’Ulysse,  le Héros d’Homère. Avec lui, on embarque sur les eaux de la  Méditerranée qui ont vu naître un mythe fondateur de notre civilisation.  « L’Iliade et l’Odyssée », la référence de François-Xavier Bellamy.  Nous en retrouvons la définition sous les lignes de Sylvain Tesson : « Nous levons l’ancre à Marseille. Le calcaire des Calanques a la pureté d’un marbre égéen. Hélios éclaire la Bonne Mère phocéenne révélant le miracle méditerranéen : la triple source gréco-romaine, juive et chrétienne a abouti à un miracle qui s’appelle l’Europe. Braudel l’avait dit il y a trente ans : tout s’organise ici en triade. La vigne, l’olivier et le blé. Le vent, la lumière et le calcaire. Athène, Rome et Jérusalem. Le  Christ, Athéna et César. Ce sont les blasons du Mare Nostrum. » …

Pendant un mois et demi, Christophe Raylat, le réalisateur promène ses caméras  dans tous les lieux où Ulysse a fait étape. Pendant six semaines, avec ses comparses, il  remonte le fil de l’Odyssée dans le désordre, reliant  les sites inventoriés par Bérard. A chaque escale, un invité les rejoint à bord : archéologue, philologue, artiste, savant ou écrivain. Tous brûlent de la même passion : l’Antiquité. Avec  un conseil qui vaut par les temps qui courent : « quand on se confine, prendre soin de s’entourer de compagnons versés dans les humanités ! Le temps passe plus subtilement. »

Ainsi vogue le navire, de jour en jour, d’île en île, jusqu’à la tendre Ithaque où la douceur de l’air confirme qu’Ulysse a bien fait de lutter dix années  pour retrouver sa terre. A chaque rencontre, à chaque coup de vent, l’Odyssée apparaît comme un poème vivant, sous nos yeux déployés.

Pour les Grecs, l’Iliade et l’Odyssée s’inscrivent comme le véhicule du renouveau !  Grâce aux textes,  les Grecs comprennent qui ils sont. Les deux poèmes rassemblent les informations et indiquent comment piloter les bateaux, sacrifier aux dieux, festoyer et combattre, c’est-à-dire comment vivre. Les deux poèmes structurent l’identité… Certains hommes  modernes pensent que le monde est né le jour de leur naissance.   L’idée d’une identité collective insulte leur fierté individuelle. Narcisse n’aime pas Homère. L’une des joies à bord est de s’apercevoir que rien n’a changé depuis deux millénaires et demi sous le soleil. La vie se joue toujours au même tempo… "C’est cela que nous sommes partis chercher en hissant les voiles : ce qui demeure". Sur cette terre, le changement est une imposture, demain une illusion et la « perfectibilité de l’homme » une calembredaine…  L’homme a besoin d’un récit pour savoir qui il est.  Il ne saurait vivre sans mythes. Ne pas s’abreuver à la source des vieux textes est pire qu’une paresse.  C’est un confinement : le confinement de soi-même en soi-même. Cela  donne des hommes à la triste figure, très ignorants, très fiers d’eux-mêmes, enfermés  dans un ennui qui s’appelle le présent.  François-Xavier Bellamy ne dit pas autre chose dans son livre « Demeure » !

Et si les portes de la cité se ferment, on peut lire avec des yeux toujours neufs l’Iliade et l’Odyssée. Le mythe vient à notre secours dans les temps de réclusion ! Quand un cheval de Troie entre dans une ville, porteur d’un virus qui affole les esprits et paralyse les  corps, on a intérêt à emprunter les seules portes encore ouvertes : celles de la poésie ! 

Du lundi 13 avril au vendredi 17 avril, à 17H45, la  chaine ARTE diffusera la série « Dans le  sillage d’Ulysse »,  avec  Sylvain Tesson.  Un documentaire réalisé par Christophe Raylat. 5 épisodes de 26  mn. 

Rien de vous empêche en même temps de relire l’œuvre d’Homère.  Bon confinement !

 


PAS DE PANIQUE !

Euro

 

Baisse des charges bisEt d’abord les statistiques.

La France est entrée en récession ce trimestre, de -6%  … Un drame ! Le chômage partiel explose, et  dans la foulée, le nombre des chômeurs … Rien d’étonnant et il va falloir s’y habituer. Les  commentateurs économiques, qui ont l’habitude de se tromper dans leurs perspectives s’alarment comme si c’était une surprise ou une catastrophe. Ce n’est pourtant pas la peine d’en rajouter :  les Français ont suffisamment de stress à gérer avec la sombre litanie du Dr Salomon chaque soir et la querelle sur le traitement du Dr Raoult. Il est pourtant évident que si l’économie s’arrête, le PIB baisse, les comparaisons avec des situations antérieures sont inopportunes. Et le chômage augmente surtout si on le facilite. Inutile donc de hurler à chaque mauvais chiffre, parce qu’il va nécessairement en tomber pendant quelques semaines. Le PIB va chuter, la consommation aussi, le commerce international aussi, et le chômage va flamber. Car nous vivons une récession peu ordinaire : elle n’est pas le résultat d’une crise comme celle des subprimes en 2008, un choc de créances pourries dont le monde a mis 5 ans à se remettre. Celle que nous vivons n’est pas le fruit d’une secousse économique, c’est une mise entre parenthèse imposée pour raison sanitaire.  Une sorte de coma artificiel pour reprendre la comparaison de Marc Fiorentino : les gouvernements ont mis l'économie dans un état de coma artificiel le temps que l'épidémie s'arrête. Le moment venu, on la fera sortir du coma. Alors peut-être que le temps de réveil et de récupération sera plus ou moins long et certaines lésions seront peut-être irréversibles, des entreprises fragiles disparaîtront,  des secteurs perdront des emplois, mais nous sortirons du coma. C'est programmé. Et quand tout repartira, ce sera l'inverse : croissance, consommation, baisse du chômage, reprise des échanges… Beaucoup de paramètres interviendront  mais  cette récession n'est pas une récession subie, c’est une récession « artificielle ».

 

Bercy_ministere_financesLa France dans son mauvais rôle.

L’Europe a un rôle moteur à jouer d’abord en soutien pendant la léthargie, ce qui est fait avec les 1500 milliards d’euros débloqués par la BCE. Il faut ensuite se mettre d’accord sur les mécanismes permettant d’y accéder et d’aider les pays les plus durement touchés par la pandémie.  Un plan cohérent de soutien financier serait le bienvenu. La vidéoconférence entre les chefs d’Etat et de gouvernement n’ayant pas permis de trouver un terrain d’entente, c’est la conférence des  ministres de l’Economie qui devait s’y coller. Mario Centeno, le Portugais qui préside l’Eurogroupe, a mis au point un plan en trois composantes : l’activation d’une ligne de crédit dans le cadre du MES (Mécanisme européen de stabilité), pouvant aller jusqu’à 240 milliards d’euros, la création par la Banque Européenne d’Investissement d’un fonds de garantie de 25 milliards d’euros, financé par les Etats membres, qui permettrait au final de mobiliser 200 milliards d’investissement  dans les  PME et enfin le lancement par la Commission européenne du programme « Sure », doté de 100 milliards d’euros pour aider les états à financer  le chômage  partiel. Une fusée à trois étages qui permettrait de venir en aide aux Etats,  aux entreprises et aux travailleurs. Un plan qui recueille un large soutien. Paris a bloqué parce qu’il n’a pas obtenu ce qu’il appelle le 4ème étage : le fonds de solidarité pour financer une stratégie de reprise fondée sur l’investissement. Ce fonds évalué à 420 milliards d’euros n’est en réalité que la remise dans le jeu des fameux « eurobonds » dont l’Europe du Nord ne veut pas. La proposition de  la France est perçue comme une fuite en avant pour mutualiser les dettes et ainsi emprunter  à bon compte, ce que les pays d’Europe du Nord, vertueux, ne veulent pas, les Pays-Bas tout particulièrement. Mais  la France depuis  plusieurs années et jusqu’à récemment n’a pas envoyé des signaux crédibles sur sa dépense publique.  Bruno Le Maire est donc malvenu à laisser éclater sa colère et proclamer sa « honte » pour masquer  la défiance  dont notre pays fait l’objet, et qui, elle, est une réalité !

 

Dette publiqueLa solidarité, oui, mais il faut un frein à l’endettement.

Les pays du Sud, dont la France, sont aujourd’hui touchés lourdement par l’épidémie dans des conditions sanitaires très dures mais aussi des conditions très difficiles pour leurs finances publiques déjà fort mal en point avant la crise. Au sein de ces pays, l’Italie est dans une situation très critique, on peut déjà extrapoler une dette à 160 % du PIB d’ici la fin 2020. En Espagne et en France aussi, les dettes publiques vont gonfler et les taux risquent de monter. Les pays du Nord de l’Europe, avec à leur tête l’Allemagne et les Pays-Bas, sont dans une tout autre situation : l’épidémie semble un peu plus contenue sur leurs sols et leurs finances publiques sont assez saines grâce à une gestion au cordeau depuis la crise de 2008. Tout système de « mutualisation » des dettes au niveau fédéral en faisant contribuer les « fourmis » au profit des « cigales » serait une invitation pour les mauvais élèves à emprunter sans frein, grâce à des taux d’intérêt garantis par L’Europe, ce qui n’est acceptable par les pays du Nord qui ont fait les efforts de gestion – et on les comprend ! C’est en effet les taux d’intérêts qui peuvent servir de frein à la fuite en avant des dépenses. C’est pourquoi le plan proposé par  Mario Centeno est raisonnable, il avait d’ailleurs reçu l’accord de  principe de l’Espagne. La France continue le forcing. Et comme d’habitude, un accord sera trouvé. Mais vraiment, la France n’a rien à gagner à affronter l’Allemagne, elle ferait mieux d’essayer de l’imiter. Si un frein a l’endettement avait été mis en place en France au sortir de la dernière crise, nous ne serions pas aujourd’hui à 100 % de dette mais plutôt autour de 80 %. Nous serions alors plus crédible avec nos exigences.

 

Des-liasses-de-billets500 milliards disponibles immédiatement.

L’accord sur le plan de sauvetage à 500 milliards a été décidé cette nuit par les ministres des Finances de l'Union européenne. On savait Merkel à la manœuvre.  Seule l’Allemagne pouvait faire plier les Hollandais. D’autre  part, consciente des difficultés des pays du sud et des dégâts dans l’industrie de son propre pays, elle souhaitait qu’un accord soit trouvé. Cette nuit, les négociations ont enfin abouti, comme on pouvait s’y attendre, sur la base du plan Centeno : on allège  les procédures du MES pour faire plaisir à l’Italie, et l’Allemagne et la France sont chargées de préparée un plan de relance selon les vœux de Bruno Le Maire. Tout le monde  est content. La France a le pied sur l’accélérateur mais on compte sur l’Allemagne pour avoir le pied sur le frein. L’important est que l’Europe agisse de concert. C’est le  cas. Trois jours pour s’entendre, alors qu’il avait fallu des mois après la crise des subprimes. On progresse !

Du coup la France fait passer de 50 à 100 milliards son soutien à l’économie et aux entreprises. Mais il va falloir être sérieux ensuite : avec un déficit annoncé de près de 8% et un endettement à 112% du PIB à la fin de l’année, la France va devoir faire des efforts.  On sait déjà qui paiera : les contribuables et les épargnants, et chez nous, ce sont les mêmes. Alors, dépêchez-vous d’aller faire le plein pendant que l’essence n’est pas chère, parce que les pays producteurs ont trouvé un accord de réduction de 10 millions de barils par jour pour faire remonter  les cours. Et le prix des carburants va remonter.


MAIS SI L’EUROPE EST LA ! HEUREUSEMENT !

BCE 2

 

L’Europe a beaucoup de défauts, et nous aurons à tirer des leçons de cette crise sanitaire.  Notamment, puisqu’elle ne compte plus pour les Etats-Unis accaparés par leur affrontement avec la Chine, elle devra absolument construire sa souveraineté sanitaire pour ne pas dépendre de puissances extérieures en matière d’approvisionnement de médicaments et matériels de soin, ce qui implique clairement pour les  pays européens de l’Union d’investir de manière collective et coordonnée dans leur capacité industrielle. D’autant plus qu’elle a les entreprises pour le faire. Pour répondre à la crise, il faut « plus d'Europe, une Europe plus forte et une Europe qui fonctionne bien ». La  bonne nouvelle, c’est que l’Allemagne a compris que c’était aussi son intérêt.

Le rôle de la Banque centrale européenne.

Il aura été primordial. Ceux qui reprochent à l’Union de laisser tomber l’Italie ou la Grèce, parce  que certains refusent les « coronabonds » oublient l’essentiel. Certes l’Europe ne peut pas fournir ce qui manque à tous et qu’aucun pays ne produit plus guère : des masques ou des respirateurs qu’il faut commander à la Chine. Celle-ci, à l’affut, et faisant mine d’oublier que la pandémie vient de chez elle se permet des « gestes » humanitaires en « offrant » des livraisons… la  propagande avance masquée,  c’est le cas de le dire. Supériorité des régimes « autoritaires » ? Si c’est pour truquer la vérité chinoise et imposer l’omerta russe, non, merci ! Revenons à nos moutons : sans la  BCE, et donc sans l'Europe, la plupart des pays de la zone euro seraient en faillite, à commencer par la France. Sans la BCE, des pays comme l'Italie, l'Espagne et la France devraient se financer, compte tenu du niveau de leurs déficits et de leurs dettes, à des taux très élevés. Sans la BCE, aucun plan de relance budgétaire ne serait possible. La Banque Centrale Européenne, c’est la plus grande initiative européenne,  puisque son intervention massive n’est possible qu’avec l’accord unanime des  partenaires de la zone Euro. Comme le dit  Marc Fiorentino, en paraphrasant Sardou : « Si la BCE n'était pas là, nous serions tous en faillite ! ».

L’importance de la monnaie unique.

Nous avons la chance extraordinaire  d'avoir une monnaie commune qui évite une guerre des monnaies et les dévaluations sauvages, d'avoir une banque centrale qui finance les dettes des pays en difficulté, et l'Allemagne qui accepte de « garantir » de fait l'endettement d'une partie des États de la zone euro. Les  Européens ont accepté de mettre entre parenthèses le « pacte de stabilité » ce qui nous arrange bien  car nous étions incapables de rentrer dans les clous. Mais point n’est nécessaire de créer de nouveaux fonds spéciaux d’aides (les coronabonds)  comme  l’explique Wolfgang  Schaüble, l’actuel  président du Bundestag, ancien ministre de l’économie : utilisons d’abord les outils existants. Et ils sont suffisamment nombreux à commencer par le MES, Mécanisme Européen de Stabilité, doté de 500 milliards d’euros, ou la  Banque Européenne  d’investissement, dont on peut élargir le cadre de garantie… et dont les actions peuvent s’ajouter à celle de la BCE. Nous avons donc toutes les raisons d’affirmer que l’Europe est solidaire. Cependant, chacun doit désormais apporter aussi sa contribution. La solidarité n’est jamais un processus à sens unique.

Les  médias  sont  niais sur l’Europe.

Il  est, en effet, étonnant, énervant même, d'entendre des commentateurs expliquer que l'Europe ne fait rien, qu'elle laisse les pays membres se débrouiller seuls, qu'il n'y a pas d'initiatives européennes. Ils passent quasiment sous silence la solidarité de l’Allemagne qui a pris en charge des malades italiens et français.  Il existe de multiples exemples d’entraide, qui passent au second plan à cause du sujet central dont on nous abreuve à jet continu d’émissions spéciales « coronavirus ». Ces médias oublient tout simplement la Banque Centrale Européenne et les centaines de milliards qu’elle a décidé de débloquer  pour les  mettre à la disposition des Etats. Et de fait, Les banques sont devenues des distributeurs d'argent gratuit distribué par la BCE et garanti par la BPI, des agences nationales de la BCE : c’est comme si elles étaient nationalisées, ou plutôt  « européanisées », de fait. C’est évidemment une situation transitoire, mais cela leur évitera de provoquer la prochaine crise. En France, les « Prêts garantis par l'État » (PGE) bénéficient d'une garantie de l’État à hauteur de 70 à 90%, selon la taille de l'entreprise. Berlin s'apprête à relever à 100 % la garantie d'État assortie aux prêts pour les PME fragilisées par la crise du coronavirus. Et Merkel, sortant de son confinement volontaire pour montrer l’exemple, affirme sans ambages : c'est « dans l'intérêt de l'Allemagne que l'Europe sorte forte de cette mise à l'épreuve ». quant à l’Union européenne, il suffit de voir avec quelle énergie la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, malgré des prérogatives limitées, cherche à renforcer la solidarité, soyons convaincus que tout ce qui est nécessaire sera fait pour rester ensemble. Même si c’est vrai que cette crise implique que nous progressions chaque jour à tâtons, car bien malin est celui qui nous dira précisément où tout cela mènera.

L’union financière, pour l’instant, fait ses preuves. Voilà un vrai sujet pour les « nationalistes » anti-européens, qu’on entend peu. Il sera intéressant, par exemple, de voir dans quel état va se trouver le Royaume-Uni livré à son sort, et inévitablement abandonné par les Etats-Unis qui ont d’autres chats à fouetter. Le  monde est cruel !


L’ALERTE DEMOCRATIQUE

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Puisque confinement il y a, il faut bien s’occuper. La  lecture est un bon passe-temps et c’est le  moment de mettre à exécution les intentions souvent repoussées parce qu’on a mieux à faire.

Le dernier ouvrage de Nicolas Baverez est dense. L’auteur s’inquiète de l’explosion populiste, mais pas seulement. Nos démocraties libérales peuvent-elles mourir ? La réponse est « oui ! ». Dans un style parfois aride mais jamais abscons, l’auteur procède par constats implacables, qu’il s’agisse d’énoncer ce qui est grave ou déplaisant ou au contraire ce qui permet d’espérer. C’est un fin analyste des  phénomènes économiques et sociaux et de leurs conséquences politiques. La  formation de l’énarque le conduit à catégoriser et à énumérer les faits avec une logique imparable.  Mais l’humanisme du normalien qui a lu Tocqueville (et en a fait un livre paru récemment) n’est jamais loin. Voilà un prochain sujet de réflexion tout trouvé pour le bloc-notes, puisque  Nicolas  Baverez rejoint Jacques Julliard qui titre l’un de ses articles sur ses « carnets » :  « Obsolescence de Marx, actualité de Tocqueville ».

Une grave crise de la démocratie.

« La démocratie reste très  minoritaire dans le monde. Elle  est prise sous le feu croisé de trois menaces : l’Islam politique qui a partout échoué sauf en Iran où le régime des  mollahs est très contesté, les démocratures qui ont le vent en poupe avec l’exportation du total-capitalisme chinois, et le populisme qui corrompt la démocratie de l’intérieur et constitue le plus grand danger. » Il faut insister sur le ou les « populismes » qui portent, selon Nicolas Baverez, un projet destructeur pour la liberté politique et on en voit l’émergence avec la  « démocratie illibérale »  comme en Hongrie.  On en sous-estime le caractère pernicieux. Celle-ci cantonne l’intervention des citoyens aux élections qu’elle manipule et récuse les contre-pouvoirs, l’Etat de droit, le pluralisme, le respect de la minorité. Deux exemples doivent nous inquiéter : Donald Trump et Boris Johnson. Et l’Europe est au coeur du sujet car elle est la cible privilégiée.

Le produit d’une double rupture économique et sociale.

La crise  de 2008 a été un accélérateur : le krach du capitalisme mondialisé s’est transformé en krach de la démocratie dans la décennie qui a suivi, bien que les ruptures soient plus anciennes. En cause la révolution numérique et la mondialisation qui ont provoqué une polarisation excessive des richesses, la stagnation des revenus pour la majorité de la population et la marginalisation de pans entiers de la société et du territoire, par l’explosion des inégalités. A cela il faut ajouter les  données  proprement politiques liées à l’indigence des gouvernants tels que le désarroi identitaire face au renouveau migratoire, au défi islamiste, à la montée de la violence. Sans parler de la volonté de la Chine de dominer  le monde à l’horizon 2049. Mais le krach de 2008 a été aussi celui du capitalisme de « bulles » et des vices économiques qu’il avait générés comme les  « subprimes ». Il cumule aujourd’hui croissance faible, gains de productivité nuls, dette dont le stock atteint 300 000 milliards de dollars et inégalités record. Un modèle insoutenable. Il faut sortir du capitalisme de rente pour retourner à un capitalisme d’innovation qui remette en ligne le capital humain, financier, culturel et environnemental.

La France a la démocratie la  plus corrompue (malade).

Il ne s’agit pas de la corruption des personnes. Pour Nicolas  Baverez cela veut dire qu’on assiste à une décomposition intérieure par la démagogie. La  France est avec l’Italie, le pays d’Europe le plus exposé à cette dénaturation de la démocratie. Notre pays cumule 40 années de décrochage avec en plus l’onde populiste qui parcourt l’Europe depuis 2016. Et il est particulièrement exposé à cause de son modèle  de développement insoutenable qui associe 1% de la  population mondiale, 3% de la production et 15% de transferts sociaux de la  planète sur fond d’une dette publique qui a dépassé 100% du PIB. La  société est vulnérable avec  la  montée du communautarisme et de la violence alors que les institutions de la Vème République cumulent l’impuissance à réformer et l’étatisme. Quand l’Etat est bien dirigé et le citoyen prospère, tout va bien. Aujourd’hui rien ne va plus parce que l’Etat est paralysé et surendetté et le citoyen atomisé et paupérisé,  livré à des peurs souvent irrationnelles. Les  espoirs suscités  par l’élection de Macron sont rapidement retombés.  Le quinquennat est sorti de route : réformes qui sanctuarisent le secteur publique sans y toucher vraiment, incohérences, impréparation, illisibilité… Résultat d’un pouvoir hypertechnocratique et hypercentralisé, créant un vrai vide politique propice à toutes les  agitations. L’Etat de droit est menacé, or, c’est le pilier de la démocratie avec le suffrage universel. Ses pouvoirs régaliens sont contournés de plus en plus par les réseaux sociaux ou dénaturés par les magistrats eux-mêmes quand ils cèdent à la tentation de substituer leur morale au droit avec la complicité des  médias.

La démocratie libérale n’est pas morte.

On le voit avec les peuples qui se battent pour leur liberté comme à Hong-Kong, à Taïwan, à Istanbul, à Caracas ou à Alger … La  crise du coronavirus va rebattre toutes les cartes,  mais elle nous confirme, après le « big brother » numérique, que le rêve chinois est un cauchemar totalitaire. Ce n’est pas parce que les populismes échouent toujours que leur essor est compromis  pour autant. Cela impose de réinventer notre démocratie !  L’enjeu central du XXIème siècle est à nouveau la liberté  politique !

Mais tout ceci n’est qu’un résumé.  Il faut lire « L’alerte démocratique ».  D’autant plus passionnant que la  crise que nous vivons en direct va rebattre les cartes d’un jeu dont  Nicolas Baverez nous décrit avec précision toutes les cartes.

« L’alerte démocratique »  aux Editions de l’Observatoire.

 


31 JANVIER : SENTIMENTS AMBIVALENTS

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Un pied dedans, un pied dehors.

Les  Anglais ont mis fin à cet interminable feuilleton et c’est tant mieux.  Mais le pari perdu de John Major qui trouve son épilogue ce 31 janvier et qui satisfera les  « brexiters » laisse un arrière-goût  amer. Mon premier réflexe de Français basique est d’applaudir au départ de ces empêcheurs de tourner en rond qui ne faisaient rien comme tout le monde, qui roulaient à gauche, qui refusaient le système métrique et qui voulaient de l’Union, le beurre, l’argent du beurre et « baiser » la fermière en plus, si possible. Toujours  un pied dedans et  un  pied  dehors, ils ont refusé l’euro tout en en acceptant les avantages. Au fond, ils empêchaient l’Union d’avancer et ne s’intéressaient qu’au marché unique. Les  avantages sans les inconvénients. On pourrait donc penser que sans eux,  tout ira  mieux. Il faut l’espérer. Néanmoins, le départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne est un double affaiblissement : pour les Anglais qui font un saut dans l’inconnu, pour les européens qui s’amputent d’une des principales nations qui les composent. Qui oserait dire que les Anglais ne sont pas des européens par leur culture, leur langue, leur mode de vie … « Ciao les British, bon débarras ! »  Voire…

Le  mensonge du « Brexit ».

Je souhaite à nos voisins qui se félicitent d’avoir rompu les amarres de ne pas avoir à déchanter trop tôt. Car ils ne tarderont pas à découvrir que la séparation a été bâtie sur d’énormes mensonges que BoJo continue d’entretenir, leur faisant miroiter un monde qui n’existe pas. La réalité risque d’être têtue, en ce sens qu’elle est la réalité, et que ses conséquences pourraient bien être une potion très amère dont les victimes seront justement ceux qui ont cru aux mirages. La vérité est que l’année de transition qui court jusqu’au 31 décembre 2020, au cours de laquelle rien ne change mais qui verra se tenir d’intenses négociations entre le Royaume encore uni (pour combien de temps ?) et l’Union européenne, sera cruciale. Car sortir de l’orbite  européenne ne sera  pas facile et pourrait même être suicidaire si cela se réalisait. Car, quoi ! On ne va tout de  même  pas  boucher le tunnel sous la Manche !!! Il ne suffit pas de faire sonner  « Big Ben » pour réaliser le miracle.

Une sortie « perdant-perdant »

Les Anglais font 50% de leur commerce avec l’Union européenne alors que celle-ci ne fait que 10% de son commerce avec  le Royaume-Uni… Cherchez l’erreur ! Malgré l’art du bluff de Bojo, la réalité c’est que ce sont les européens qui ont la main. Les Britanniques ont beaucoup plus besoin de  l’Europe que celle-ci n’a  besoin d’eux. Le Premier Ministre espère compenser ce différentiel  en obtenant que les dossiers urgents, comme celui de la pêche ou de la libre circulation des personnes soient traités avant les autres. Or l’intérêt européen n’est pas celui-là, il est de conserver une approche globale, ce que la Commission a bien compris. Rappel : les centaines d’accords passés sont pris dans un accord-cadre qui stipule que le moindre manquement à l’un des accords peut entraîner la  suspension de tous les autres accords. Ainsi procède l’UE. Et le Royaume-Uni sorti de l’Union sera traité à la même enseigne que la Suisse et la Norvège. Autrement dit, être sorti de l’Union n’empêche pas d’être soumis aux règles européennes. Dura lex, sed lex ! Quant au « grand large », Theresa May avait commencé à l’explorer. Elle a approché le Japon qui a répondu en envoyant une liste de 20 questions dont la plupart portaient sur l’assurance que les produits japonais auraient aussi accès au marché européen. Voilà ce qui arrive quand on représente soi-même un « petit marché ». Donc la probabilité de compenser une dépendance à l’Europe par une multitude d’accords forcément au rabais avec le reste du monde est pour le moins problématique. Reste la tentation de céder à Trump. Le remède pour être pire que le mal, car les Anglais ne sont sûrement pas prêts à manger du bœuf aux hormones et du poulet javellisé, et devenir une colonie US. Bojo est plus fin que ça. Il en sera forcément réduit  à vendre à ses électeurs un Brexit « canada dry », quitte à l’habiller de formules ronflantes. Le marché unique est un pacte bien plus solide qu’on ne le croit communément. D’ailleurs les citoyens européens eux-mêmes n’en ont pas toujours conscience. Il n’empêche, que l’Europe se trouve amputée de la 5ème économie mondiale,  d’une puissance nucléaire, dotée d’outils stratégiques, qui siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, et dont le PIB manquera à l’Union. C’est un divorce à plus de 40 milliards d’euros pour Londres qui doit tenir la  totalité  de ses engagements dans  le cadre du budget pluriannuel en cours. Prudemment, la banque d’Angleterre revoit la croissance à la  baisse : 1,1% du PIB en moyenne sur les trois prochaines années. Eh oui, divorcer, c’est toujours coûteux ! Dans les communes de France, nombre de citoyens anglais doivent dès maintenant renoncer à leurs mandats locaux, n’étant plus citoyens de l’Union… Eh oui, divorcer c’est souvent douloureux !

La période transitoire.

Le Royaume-Uni n’est pour l’instant sorti de l’Union que sur le plan politique, qui s’est  traduit  par le départ avec cornemuses et grosses caisses de ses députés au parlement européen. Pendant un an, rien ne va changer : les Anglais gardent un pied dedans. L’objectif de cette année est d’obtenir  un accord commercial, délai que les 27 trouvent particulièrement court. D’autant plus  qu’il faut  faire face à des situations complexes, dont celui de la frontière irlandaise et Gibraltar. Michel Barnier veillera tout particulièrement au sort des  expatriés qui doivent conserver tous leurs droits et sur celui de nos pêcheurs qui attrapent la moitié de leurs prises dans les eaux territoriales anglaises. Sur ce dernier sujet, les deux parties voudraient conclure avant le 1er juillet. Quant aux transports, marchandises ou passagers, tout dépendra des négociations : c’est alors qu’on verra ou non des files d’attente dans les  gares, les ports ou les aéroports. Jusqu’à la fin des négociations, le  droit  communautaire continue de s’appliquer et la cour de justice de l’Union gardera toute sa compétence, une manière de dissuader les britanniques de louvoyer avec les règles sitôt le « brexit » prononcé. Le  gouvernement britannique va négocier aussi sous la pression réprobatrice de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord qui n’accepteront pas un éloignement trop grand. Pendant un an, on l’a dit, les Anglais restent soumis aux mêmes obligations financières et réglementaires vis-à-vis de l’Union, avec l’inconvénient de ne plus participer aux décisions ni être présents dans les instances. Ensuite, quel que soit  le niveau de l’accord obtenu, il sera facile de montrer que rien ne peut remplacer une place au sein de l’Union qui est de toute façon la situation la plus confortable.

Et pour bien commencer, le XV de France a  battu les rosbifs 24 à 17 ! Cocorico !

 


QU’AVONS-NOUS FAIT DE LA VICTOIRE SUR LE COMMUNISME ?

Mur de berlin 9 nov 89

 

9 novembre 1989.

Le « Mur de Berlin » tombe. Les Berlinois de l’Est se précipitent à l’Ouest, les larmes aux yeux dans la liesse générale. Nous regardions ces images à la télé et n’en croyions pas nos yeux. Quelques années plus tôt, je m’étais rendu avec une classe du collège Jean Vilar, au cours d’un voyage d’échange scolaire, sur la frontière Oder-Neisse qui séparait la RFA de la RDA. A l’époque on l’appelait le « rideau de fer ». La frontière était fortifiée et infranchissable dans un sens comme dans l’autre : pont détruit, barbelés sur la rive en face, miradors où des ombres militaires étaient occupées à surveiller, panneaux « halt minen ! » agrémentés de têtes de mort très dissuasifs… Les élèves étaient silencieux. L’un rompit le silence : « Les habitants ne peuvent donc pas sortir de leur pays ? »  Ils touchaient  concrètement la réalité de la dictature communiste. Les habitants de l’Allemagne de l’Est étaient coupés du reste du monde, comme tous ceux qui vivaient dans les « démocraties populaires » sous la tutelle soviétique.

La fin d’un monde.

19 ans après la mort du Général De Gaulle, jour pour jour, le monde décidé à Yalta en 1945, cette conférence dont il avait été exclu et qui avait conduit au partage de l’Europe entre la partie sous influence occidentale et celle sous influence russe, voyait  s’effondrer l’un des symboles de cette coupure. Tout le monde fut surpris de la rapidité avec laquelle cet événement se produisit. On sait que les régimes communistes allaient de plus en plus mal, depuis quelques temps, de l’autre côté du « rideau de fer », en proie à une crise sociale, économique et à une soif de liberté de plus en plus affirmée exprimée par des peuples « enchaînés ». Car les dictatures mises en place après 1945, sous la férule de l’URSS, régnaient par la terreur. En témoignent le « goulag » de Soljénitsine, les milliers de morts et de torturés chimiques des asiles psychiatriques soviétiques. Dès les années 50, des peuples commencèrent à se révolter : 1956, Budapest, 1968, Prague … et chaque fois les chars du « Pacte de Varsovie » rétablissent le joug communiste, sans que les occidentaux ne bougent d’un iota. On est en pleine guerre froide et l’on craint la 3ème guerre mondiale atomique. Violence et mensonge d’Etat, espionnage de tous par tous, égalité mais dans la misère : il suffit de voir à Prague le « musée de la terreur » pour se faire une idée des méthodes employées par ces gouvernements de « démocraties dites populaires ». Tous ces jeunes qui s’apprêtent à voter Mélenchon, devraient relire l’Histoire !

Effondrement par l’intérieur.

Bien sûr, tous les peuples n’ont pas opposé la même résistance aux régimes mis en place par le Kremlin, souvent par des coups de force. La Pologne, rurale et catholique fut un foyer de résistance pour de nombreuses raisons sur lesquelles je ne vais pas revenir. Avec le temps les adhérents sincères au système communiste s’amenuisent au fur et à mesure que les informations percent sur les réalités de son fonctionnement. C’est l’époque où en France Georges Marchais commence à parler de « bilan globalement positif » pour contrer les témoignages des dissidents soviétiques. L’action du pape Jean-Paul II, évêque de Cracovie a pu conforter l’action de Solidarnosc, mettant à mal l’idéologie communiste. Mais l’effondrement est surtout venu de l’intérieur : pour faire simple, c’est à partir de la succession de Brejnev et de l’avènement de Gorbatchev et de sa « perestroïka » que les fragilités que Hélène Carrère d’Encausse avaient identifiées en présentant l’URSS comme un colosse aux pieds d’argile, se sont amplifiées jusqu’à l’effondrement final en 1991. Le « Mur de Berlin » n’étant qu’un épisode hautement symbolique ayant accéléré la déliquescence d’un système à bout de souffle.

La victoire du « monde libre ».

La chute du mur de Berlin consacre la victoire du monde libre sur le totalitarisme rouge.  Du jour au lendemain la réalité que l’on pressentait apparaît au grand jour : d’un côté l’opulence, de l’autre, la pauvreté, d’un côté des entreprises prospères et florissantes, de l’autre des établissements obsolètes. La victoire intervient par KO.  Plus qu’une victoire d’un système économique sur l’autre, le capitalisme contre le communisme, c’est celle de la liberté sur l’oppression. On a cru alors à la « fin de l’histoire ».  On a cru que le modèle libéral qui venait de l’emporter sur les économies étatisées, allait s’imposer dès lors partout et de lui-même. Bref, on a cru à l’avènement d’une nouvelle ère : celle de la mondialisation heureuse. La seule bonne chose qui en est résulté, c’est la « réunification de l’Allemagne ». Non la RFA n’a pas annexé la RDA. Il faut être révisionniste endoctriné comme Mélenchon pour faire croire à une pareille fable. Mais les difficultés que cette unité retrouvée après trente ans de séparation étaient énormes à surmonter : elles ont coûté des milliards d’euros aux allemands de l’ouest. Et l’on voit bien aujourd’hui, et c’est vrai pour tous les pays de l’Europe de l’Est, que le traumatisme du joug communiste est encore présent et a profondément modifié les mentalités. Nous ne pouvions pas faire autrement que de leur ouvrir généreusement les portes de l’UE, après les avoir si souvent abandonnés à leur triste sort. Il nous appartient de leur faire comprendre que Bruxelles n’est pas Moscou et que nous sommes prêts à poursuivre le processus d’intégration, de réconciliation entre ces deux Europe artificiellement séparées pendant trois décennies. Qui va à Prague voit bien qu'on est en présence d'un berceau de l'Europe.  Profitons-en aussi pour mettre en garde contre les tentatives pour mettre à bas nos démocraties libérales. Elles ne sont pas parfaites mais  face aux autres modèles, elles restent les « moins pires » comme dirait l’autre. Les tentations totalitaires perdurent : comme on sait les régimes communistes n’ont pas disparu et s’y ajoutent les idéologies vertes ou noires.

Ecoutons Angela Merkel, cette allemande de l'Est devenue chancelière : "Les valeurs qui fondent l'Europe, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'Etat de droit et la préservation des droits de l'homme ne vont pas de soi" et "doivent toujours être défendues", a-t-elle assuré dans la chapelle de la Réconciliation, un des lieux de mémoire de la division de Berlin qui dura de 1961 au 9 novembre 1989. Paroles de bon sens ! Restons mobilisés !


DE PLUS EN PLUS BREXITANT !

Boris Johnson au Parlement

 

31  octobre or not 31 octobre ?

Bojo s’est mis dans de sales draps. Il devait tout régler, deal ou non-deal : le 31 octobre serait la date buttoir pour le Brexit. Il avait même prévu de suspendre le Parlement jusqu’au 14 octobre afin de bloquer toutes velléités de blocage. Ce faisant, il a déclenché la  machine à baffes. Le spectacle donné hier par le Parlement britannique a été chaotique. Il a commencé d’abord par la défection d’un député conservateur passé chez les Libéraux-démocrates, faisant perdre au 1er  Ministre, son unique voix de majorité. Les Communes ont ensuite voté largement pour empêcher un « no deal Brexit » et par la même occasion pour demander un report, encore un, de la date du Brexit au 31 janvier. Puis, les députés ont voté contre des élections anticipées le 15 octobre que réclamait logiquement le leader conservateur. Selon les règles en vigueur au Royaume-Uni, la motion portant sur la convocation d’un nouveau scrutin législatif aurait dû être approuvée par les deux tiers de l’assemblée, soit 434 voix, mais seuls 298 députés s’y sont déclarés favorables. Corbyn et les travaillistes s'y opposent pour l’instant. Ils ne proposent pas d'alternative pour autant. A noter que 21 députés du parti Conservateur ont voté contre Boris Johnson et ont été immédiatement exclus du parti.

Boris Johnson vient de subir deux défaites majeures.

Tout, ou presque, repose maintenant sur la position de Jeremy Corbyn.  Celui-ci s'est fait copieusement insulter hier par un Boris Johnson furieux, qui s'est adressé à lui par son nom, ce qui constitue un crime de lèse-majesté au Parlement. Mais le  grand blond n’est plus à ça prêt. Un report au 31 janvier, si l'Union Européenne l'accepte, semble inéluctable. Le 1er Ministre sort de l’épreuve très affaibli. Et dans ce contexte, on voit mal comment il pourrait se maintenir à son poste bien longtemps. Le plan qu’il avait imaginé s’est retourné totalement contre lui.  Les travaillistes avaient prévenu qu’ils n’approuveraient pas la proposition de Boris Johnson d’élections anticipées à moins qu’il ne s’engage à écarter l’hypothèse d’une sortie de l’UE sans accord avec Bruxelles. Le Labour et d’autres formations de l’opposition ne sont pas hostiles par principe à la tenue de nouvelles élections législatives mais ils redoutaient que le calendrier électoral proposé par Boris Johnson soit un « piège » visant à torpiller leur propre initiative. En cas  de blocage, l’alternative ne pourrait  venir que d’une curieuse alliance entre les  « Lib-dem » et les Travaillistes ; mais tout est  possible dans ce  monde fou,  fou, fou :  en Italie Matteo Renzi s’est bien allié à Luigi di Maio du M5S  pour faire barrage à Salvini !

Elections ou pas élections ?

Boris Johnson a aussi affirmé haut et fort qu'en « aucune circonstance » il ne demanderait un report du Brexit, et il compte toujours sur des élections anticipées pour le sortir de ce mauvais pas. Même après le rejet de  son projet, elles apparaissent comme une option possible pour sortir de l'impasse. Vous suivez ? En fait, l'opposition travailliste ne voulait pas de la date du 15 octobre car elle craignait que le Premier ministre, usant de ses prérogatives, ne les repousse après le 31 octobre, ouvrant ainsi la possibilité d'une sortie de l'UE sans accord. Mais les travaillistes sont en faveur de la tenue d'élections une fois leur loi sur un report du Brexit entérinée par la chambre des Lords. Elles sont aussi dans l'intérêt de Boris Johnson, qui a perdu sa majorité. Le scrutin sera dans tous les cas un pari risqué pour les deux grands partis de gouvernement, qui ne sont pas assurés d'une majorité absolue, dans un paysage politique bouleversé par les clivages sur le Brexit. Alors qu’il reste moins de deux mois avant la nouvelle date théorique du divorce, l’issue possible des initiatives en cours va d’une sortie brutale à un abandon pur et simple du projet approuvé le 23 juin 2016 par un peu moins de 52% des électeurs.

Récession en marche !

Les perturbations en cas de sortie sans accord de l'UE feront basculer l'économie britannique dans le rouge, prévient un think tank britannique. Le ministre chargé des préparatifs du « no deal », Michael Gove, doit présenter son plan d'urgence dans les prochains jours. Les discussions engagées entre Londres et Bruxelles n'aboutissent pas et l’UE, à bout de patience, refuse de reporter une troisième fois le Brexit. Le Royaume-Uni doit quitter l'Union européenne sans accord de retrait le 31 octobre. Ce scénario est particulièrement redouté par les milieux économiques, qui craignent une dégringolade de la livre, une envolée de l'inflation, voire une récession, avec le rétablissement de droits de douane et le spectre de pénuries de produits alimentaires, d'essence et de médicaments. L'UE a d'ailleurs souligné mercredi que le « risque » d'un « no deal » s'était accru et qu'elle ne croyait pas à un accord avec Londres d'ici le 31 octobre. Ce qui fait plonger la Livre sterling.

On est en plein brouillard. Le fog est précoce cette année!