MERKEL S’IMPOSE
22 juillet 2020
L'accord qui vient d'être signé à Bruxelles est HISTORIQUE.
Sur ce point, Emmanuel Macron a raison. Mais il a une chance inouïe : Merkel a eu besoin de lui, ce qui n’aurait pas été évident s’il n’y avait pas eu la crise. Car le changement de pied de l’Allemagne n’est pas dû au Président français qui aurait convaincu la chancelière comme il le prétend. C’est de bonne guerre, il tire la couverture à lui, pour une fois que la conjoncture lui est favorable. En réalité, comme l’analyse Eric Le Boucher dans les Echos, c’est le plongeon de l’économie allemande en 2019 qui est à l’origine du changement de cap d’Angela Merkel jusque-là inflexible sur la mutualisation de la dette. Les complications des relations commerciales avec les Etats-Unis, l’effondrement des exportations vers la Chine, font que l’Allemagne a besoin d’une relance forte du marché européen pour faire redémarrer son industrie et faire en sorte que les 110 milliards d’euros qu’elle a débloqués pour ce faire ne le soient en pure perte.
Pragmatisme oblige !
Il faut donc aider les pays en difficulté à se redresser rapidement. Aidée par Christine Lagarde qui a ouvert les vannes de la BCE et Ursula Von Der Leyen aux manettes de la Commission, elle s’est activée pour faire avaliser ce puissant plan de relance européen, qui permet à l’Union de s’affirmer aujourd’hui comme une puissance mondiale capable de rivaliser avec les autres géants de la planète. Evidemment, elle n’a eu guère d’efforts à faire pour convaincre Emmanuel Macron, alliance indispensable pour peser au Conseil européen. Bon comédien, le Président français a rempli son rôle à la perfection. Mais il ne faut pas s’y tromper, comme le remarque Marc Fiorentino, tout le mérite revient à Angela Merkel. Sa volonté de marquer sa présidence de l'Union Européenne a été déterminante. L'Allemagne a imposé sa volonté, une fois de plus. Elle a été « le Sarkozy » du sommet. Pour le bien de l'Europe. Car, c’est un pas de géant politique qui a été franchi : les 27 restent soudés, aucun n’a envie de sortir de l’Union, et même s’il y a des coupes dans certains budgets, ce plan de relance marque une volonté politique commune inédite par son ampleur. C’est le Royaume-Uni qui peut faire la gueule : avec 300 milliards de déficit, il connait la pire récession de son histoire et il ne participera pas à la « fête ».
Un accord essentiel.
Il n’a fallu que 5 jours seulement, pour que l'Union Européenne franchisse ce pas de géant. Un accord inimaginable il y a 10 ans et même en ce début d'année 2020. En quoi consiste-t-il ?
. D'une dette commune européenne de 750 milliards (des eurobonds qui ne disent pas leur nom)
. De 390 milliards d'euros de subventions, donc non remboursables. Des subventions payées par l'Union Européenne destinées seulement aux Etats les plus touchés par la crise.
. Plus 360 milliards d'euros de prêts, toujours pour les pays en difficulté.
L’Italie peut se féliciter et ne pourra pas venir se plaindre du trop peu de soutien de l’Union :elle va encaisser 209 milliards d’euros sur le total de 750 milliards, et 80 milliards de subventions, elle est la première bénéficiaire du plan. La France a réussi à obtenir 40 milliards d’euros, mais Macron à oublier de mentionner que notre pays est un contributeur net et pas un bénéficiaire net…. Bah oui, l’oubli fait partie de l’art de gouverner. S’il fallait tout dire …
Les pays frugaux ont cédé, en échange d'un rabais sur leur participation au budget européen.
La Pologne et la Hongrie ont cédé malgré le fait qu'une des conditions pour l'octroi des fonds soit le respect de l'Etat de droit. Simplement, on peut regretter que l'octroi des fonds ne soit pas assorti de conditions telles que la mise en place de réformes structurelles... C’eût été trop demander. Espérons que pour les pays comme la France, ce deal ne sera pas une incitation à la paresse réformatrice et fiscale, ce que l’on peut craindre malheureusement. Car la résistance des pays frugaux est un avertissement. Elle s’explique par leur lassitude face au laxisme budgétaire qu’ils observent, alors qu’eux ont fait les efforts nécessaires et que c’est grâce à eux que l’euro garde toute sa valeur, et tend à devenir, en ce temps de crise, une valeur refuge. Valeur dont profitent les pays du sud, Espagne, France, Italie, dépensiers et surendettés.
Maintenant, il ne faut pas rater la relance.
Car, si les Etats-Unis sont aujourd’hui en difficulté, avec un contexte politique chahuté et un rebond de l’épidémie, ils ont toujours cette capacité à rebondir économiquement que notre vieux continent n’a pas, d’autant plus que Trump va « dégainer » un nouveau programme massif de relance.
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