L’HYPOTHESE BARNIER
01 février 2021
Pendant quatre ans, Michel Barnier a mené les négociations du Brexit, au nom des 27. Le Brexit, il l’a abordé comme une catastrophe non naturelle, une situation très grave pour l’Union qui posait si on y prenait garde une question existentielle pour elle. Ce que Nigel Farage, apôtre de la sécession, caricaturait en répondant à Barnier à la fin d’un entretien, sur la manière dont il envisageait la relation post-Brexit de son pays avec l’Europe : « l’UE n’existera plus ! » Le divorce, c’était donc aussi la volonté de certains de détruire l’Union européenne.
The right man at the right place.
Quatre ans et demi plus tard, le divorce est prononcé, et l’Union européenne en est sortie confortée. Si la mission est accomplie, c’est bien grâce au négociateur en chef et à son inlassable volonté de cohésion des 27 face au trublion anglais. En choisissant Michel Barnier, Jean-Claude Juncker avait fait le bon choix : il savait qu’avec le Français, il incommodait les Anglais et confiait la tâche à un politique chevronné, patient, fin négociateur et surtout connaisseur en profondeur des rouages de l’Union et du dossier. Et, de fait, il a fallu la patience du « montagnard en route vers le sommet », déployant une stratégie méticuleuse, pour affronter les rodomontades et la gestion cahotique des britanniques, leurs chantages, et sans que jamais ils aient pu percer le front uni mis en place. Grâce à une évidence : très vite il est apparu très clairement que le marché unique était le bien le plus précieux et qu’en sortir provoquait nécessairement des différences. Londres ne pouvait espérer avoir le beurre et l’argent du beurre.
Il n’y a pas de bon accord.
Michel Barnier, le reconnait lui-même, si son but était de préserver au mieux les intérêts de l’Union, et si on a eu raison de se réjouir d’un accord in extremis entre Britanniques et Européens, qui a évité le chaos d’un « No deal », c’est inévitablement un accord « perdant-perdant » pour les deux parties qui ne permet pas l’autosatisfaction . Avec le temps, le coût économique ira grandissant pour un Royaume-Uni, de moins en moins uni, et l’Europe s’est affaiblie en perdant l’un de ses pays les plus importants par son économie et sa population. Son économie représente en effet 20% de celle de l’Union. En 2019, 46% des exportations de marchandises britanniques étaient pour le continent, alors que la part des exportations de l’Union vers le Royaume-Uni ne constituait que 15% du total. Il n’en reste pas moins que dans le monde actuel, l’Union et les Britanniques sont plus que jamais dans le même camp. Il appartient à ces derniers de faire la démonstration qu’ils demeurent des Européens. S’ils choisissent de s’enfermer dans un splendide isolement chauvin et sourcilleux, il sera facile aux 27 qui ont montré leur cohésion de se passer d’eux. Grâce à Barnier, on a évité le pire.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin...
L’aboutissement des négociations a rendu Michel Barnier disponible. Et à 70 ans, qu’il porte bien, il semble déterminé à ouvrir une nouvelle page de son engagement politique, lui qui est resté fidèle à sa famille politique. Il n’a pas caché qu’il souhaitait jouer un rôle « utile » en s’investissant sur la scène nationale, ce que d’aucuns ont interprété comme un premier pas vers une ambition présidentielle. Et pourquoi pas ? Son image de négociateur européen hors pair est peu abîmée par la politique nationale, il a un style rassurant, il peut plaire à cette France périphérique dont il est un des représentants par les nombreux mandats exercés en Savoie. Et il a une expérience solide de l’exercice des responsabilités, de l’élu départemental aux portefeuilles ministériels, de l’élu européen aux fonctions de commissaire, à quoi s’ajoute une stature d’homme d’Etat ayant croisé tous les grands de ce monde… Et quand on a réussi a fédérer 27 pays européens pendant quatre ans et demi, on doit pouvoir trouver les moyens de fédérer les Français sur un projet national… et européen. Car le « plus » indéniable de Michel Barnier est d’ajouter à sa foi patriotique, une conviction européenne, car pour lui les deux engagements vont ensemble. Il lui reste à convaincre sa famille, les sympathisants de la droite et du centre et plus largement les Français qui croient encore dans les chances de notre pays. On sait le personnage habile à fédérer les énergies, et l’équipe du Brexit qu’il a animée en est une preuve tangible. Il lui faudra un projet sur lequel asseoir son ambition : son attachement au gaullisme lui procurera les fondements et les travaux du parti et de ses multiples filiales un bouquet de propositions dans lesquelles il suffit de puiser. La partie ne sera pas facile, d’autant plus que Macron arrivera à la Présidence de l’Union au 1er janvier 2022. Déjà, autour du personnage, une activité discrète et collective anime son appartement parisien. Le Savoyard a entamé une tournée avec Gérard Larcher, Président du Sénat, a partagé un petit déjeuner avec Christian Jacob, s’est entetenu avec Damien Abad… Et même une association aurait vu le jour sur les bases du club Nouvelle République que Barnier avait créé en 2003. Il compte sur la stratégie du consensus, fidèle à une démarche qui ne lui a pas trop mal réussi jusqu’à maintenant. Il a la pointure et la stature, les compétences et, semble-t-il, l’envie. Dans le chemin qu’il entreprend, il sait que la patience, l’effort, la détermination sont des vertus indispensables. Dans ses vœux formulés sur Twitter, on trouve cette citation, comme un aveu : « là où il y a une volonté, il y a un chemin ! ».
Voilà de quoi remplir le « vide » à droite, non ?
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