LE POISON DU BREXIT
05 décembre 2022
Depuis le Brexit, rien ne va plus pour le Royaume-Uni.
La Grande Bretagne s’enfonce dans la récession et la pauvreté à l’ombre « glorieuse » de son drapeau. Depuis le Brexit, rien ne va plus. Les rivalités internes des Conservateurs ont d’abord sapé la tâche de Theresa May jusqu’à la faire démissionner pour laisser la place à Boris Johnson afin de négocier fermement avec l’Union européenne le Brexit. Il ne savait pas qu’il quitterait le 10 Downing Street piteusement, remplacé par une Lizz Truss plus éphémère que jamais et finalement mettre en place Rishi Sunak pour sauver ce qui pouvait l’être. De quoi donner le tournis. Sans pour autant que le Royaume-Uni soit sorti d’affaire. En cause, la crise sanitaire et la conjoncture internationale que tous les pays ont dû ou doivent affronter, et en plus le Brexit dont la classe dirigeante au pouvoir ne veut toujours pas admettre les effets venimeux.
Tout ce qu’il ne faut pas faire.
Et, en la matière, nos voisins d’outre Manche sont devenus un laboratoire expérimental de tout ce qu’il ne faut pas faire. Leur principale qualité étant le pragmatisme, ils reculent avec méthode, en se vantant d’avancer. La recette est simple : un discours interne complètement décalé digne de la méthode Coué, affirmant que le Royaume n’aurait plus jamais à accepter une relation avec l’Europe et des paiements inutiles à lui faire au profit des avantages que procurent les accords commerciaux dans le monde entier… Un pays financiarisé dont l’économie a été dépouillée consciencieusement de son appareil productif sur lequel on applique une politique sociale d’un système très libéral. De quoi provoquer un sourd mécontentement dont Lizz Truss fera d’ailleurs les frais avec sa provocante baisse des impôts. Bref, tout va aller mieux : il suffit de plaquer sur ce paysage un discours populiste : « si des pauvres gens atteints de cancers devaient attendre six mois pour avoir un rendez-vous, c’était à cause de l’Europe qui pompait terriblement la pauvre Albion au point qu’elle n’avait plus les moyens de se payer des hôpitaux. »
Une autre histoire que celle des Brexiters.
Les milieux d’affaires, eux, sont plus que dubitatifs, s’appuyant sur la réalité des chiffres qui racontent une autre histoire. D’abord l’investissement des entreprises qui a incontestablement encaissé le choc de la sortie de l’Union européenne, à 9,2% en dessous de ce qu’il était fin 2019. Une faiblesse attribuable au Brexit. A cet égard, la courbe de l’investissement des dix dernières années est éloquente : elle grimpe jusqu’au referendum de juin 2016, stagne sur plusieurs années avant de connaître un trou d’air avant la pandémie, avec un manque à gagner de 58 milliards de livres. L’accord commercial signé fin décembre avec l’UE aurait dû clarifier l’horizon pour les industriels mais la crise du Covid, particulièrement mal gérée par Bojo, est venu s’ajouter aux difficultés. Les perturbations logistiques liées à la fois au Brexit et au Covid ont conduit nombre d’entreprises à reporter leurs investissements, malgré l’amortissement exceptionnel sur deux ans mis en place par le gouvernement.
Les dégâts du populisme.
Le décor était planté pour la montée en première ligne d’un populiste. Le cas Johnson est exemplaire ! Malgré son bagou et ses coups d’éclat, l’interminable litanie des scandales et des mensonges qui lui sont propres, la cause profonde de son échec tient dans le fait qu’il laisse son pays durablement affaibli et divisé. Et s’il a été l’homme du Brexit, il est aussi celui qui n’a jamais cessé de chercher à en occulter les conséquences désastreuses. Avec une gestion à son image : erratique et imprévisible, alternant lourdes erreurs et improvisations brillantes, prisant les coups médiatiques sans souci de cohérence ou de responsabilité. Michel Barnier avait parlé de méthodes de « flibustier ». Le même militant sans complexe pour l’adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union européenne alors qu’il n’a eu de cesse de voir le Royaume-Uni la quitter. Loin des mirages du projet Global Britain qui devait concurrencer victorieusement l’Union, Johnson laisse en héritage une économie dans la tourmente. Et le comble : la place financière de Paris arrive désormais devant celle de Londres !
Une récession de deux ans menace le Royaume-Uni.
La montée des risques qui pèsent sur les britanniques est indissociable de son incapacité à surmonter le choc du Brexit. Faute de volonté et de préparation, ils ne tiennent aucun de leurs engagements vis-à-vis de l’Union, ce qui empoissonne les relations avec son premier partenaire. Les contentieux se multiplient sans fin, des vaccins au statut douanier de l’Irlande du Nord, les droits de pêches, les flux de migrants, la régulation financière avec à la clé le risque d’une guerre commerciale destructrice. L’augmentation des prix et la spirale inflationniste des salaires ont débuté avec la chute des importations et la pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs de l’agriculture, de la construction, de la santé et des services, résultat du départ de plus d’un million de travailleurs européens. Donc, il ne faut pas s’étonner si le royaume est entré en récession et n’en sortira pas avant la mi-2024, ce qui pourrait amputer le PIB de près de 3% selon la Banque d’Angleterre. Avec un inflation à 10% et un moindre soutien du pouvoir d’achat que ses voisins, le Royaume-Uni se trouve dans une situation économique difficile, et doit faire face à des taux d’intérêts qui grimpent, augmentant les craintes de récession. D’ailleurs la Cour des comptes a estimé que la dette publique britannique suivait « une trajectoire insoutenable ». Qu’il s’agisse de la hausse des prix et de la pénurie de main d’œuvre, nombre d’économistes conviennent désormais que le Brexit est en cause.
Le déni n’arrange rien.
Si Rishi Sunak reste dans le déni en affirmant : « le Brexit peut apporter et apporte déjà d’importants bénéfices et opportunités pour le pays », l’organisme officiel des prévisions économiques (OBR) a estimé que « le Brexit a eu un impact négatif important » sur les échanges commerciaux du pays. L’OCDE a enfoncé le clou, avançant que l’économie britannique devrait être la moins performante des pays du G20 au cours des deux prochaines années, estimant que l’ajustement économique en cours (le Brexit) avait aggravé les problèmes vus ailleurs en Europe., et les préoccupations de longue date concernant la faible croissance de la productivité du pays. D’ailleurs dans les sphères politiques et économiques, on ne masque plus le désappointement et l’inquiétude. Selon un sondage Yougov 56% des britanniques estiment maintenant que le Brexit était une erreur contre 32% pensant que c’était le bon choix. Pas étonnant alors que le ministre des Finances, Jeremy Hunt présente un budget avec un tour de vis de 54 milliards de Livres, dont 24 milliards de hausses d’impôts, un coup de massue justifié par la dégradation des perspectives budgétaires.
La situation n’est donc pas près de s’arranger dans une Grande-Bretagne qui pourrait devenir petite en perdant à terme l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord, sans pouvoir se raccrocher à un Commonwealth de moins en moins « Common » et de moins en moins « wealth » ! Et on ne nous fera pas croire qu'il est facile de prospérer en tournant le dos à un marché de 400 millions d'individus, qui plus est, situé à sa porte !
Global but "Small" Britain !
En corollaire, doit-on s’attendre à une vague migratoire d’Anglais encore un peu fortunés vers les campagnes françaises qui restent toujours deux fois moins chères que la Cornouaille… C’est aussi une sacrée leçon pour nos populistes locaux. Il va falloir qu’ils remisent au placard leurs vieux thèmes antieuropéens. A moins qu’ils ne fassent comme Méloni, qu’ils oublient leur programme une fois élus …
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