HISTOIRE
LES DOSSIERS DE L'ETE
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Dossiers de l'été

2 / LE MOMENT DE L’EUROPE

Les trois femmes qui font avancer l’Europe.

Auréolée par sa gestion de la crise sanitaire, plébiscitée dans les sondages, Angela  prend la présidence de l’Union pour six mois, en position de force.  Et les peuples européens auraient tort de s’en  plaindre. Car le hasard, pour une fois fait vraiment bien les choses. Cette présidence tournante lui échoit à un moment clé alors que les  27 viennent de se mettre d’accord sur un plan de relance inédit dont l’Histoire nous dira s’il a été « historique ». Mais en ce mois de juillet 2020, l’Europe a effectué un virage décisif qui lui permet de faire un bond en avant exceptionnel. Elle le doit à trois femmes d’exception que la conjoncture et les aléas de la politique ont permis de se retrouver en même temps aux manettes :  Christine Lagarde à la BCE, Ursula Von der Leyen à la Commission et Angela Merkel indéboulonnable à la Chancellerie. Retour sur six mois exceptionnels.

Christine à la manœuvre.

Pour une fois, Emmanuel Macron a eu la main heureuse : Christine Lagarde est arrivée  à la tête de la BCE  parce qu’il fallait une femme, au nom de  la parité aux postes clés des institutions européennes. Elle était attendue au tournant, elle qui n’était même pas une économiste.  Mais près de 10 ans passés à la tête du FMI en pleine tempête financière lui conféraient une certaine légitimité. Néanmoins, les sceptiques dominaient au moment de sa nomination. Ceux-là  n’ont pas été déçus. Car  après un faux pas initial, c’est la Présidente du FMI qui a posé avec vigueur la   première ligne de  défense dace à la crise  sanitaire : dès le 18 mars elle lance un plan massif de soutien  à l’économie en engageant la banque centrale à racheter pour 1 000 milliards d’euros de titres de dette d’état et d’entreprises, une stratégie ambitieuse dépassant la « Fed ». Elle visait deux objectifs  qui ont été largement atteints : relâcher la  pression sur les  taux d’intérêt et empêcher la débâcle de la zone euro. Elle en remet  même une couche début  juin en élargissant l’effort avec 600 milliards d’euros supplémentaires. Cette femme intelligente a su tirer toutes les   leçons de la crise de 2008 lorsqu’elle était aux commandes à Bercy. Avec elle, la BCE utilise toutes les ressources dont  elle dispose. L’élan est donné.

Ursula la battante.

Propulsée quelques  mois plus tôt à  la présidence de la Commission  européenne, bien que novice  à un tel  poste, l’impopulaire ministre allemande de la Défense, est imposée  à la tête de l’exécutif européen par les chefs d’Etat et de Gouvernement et n’avait reçu qu’un soutien limité des eurodéputés. Beaucoup doutaient alors qu’elle trouve sa  place entre le Conseil et  le Parlement. C’est pourtant Ursula  Von der Leyen qui met en branle la lourde machine technocratique bruxelloise  avec un succès inattendu.  Depuis le début de la crise elle a mis la pression sur les  Etats-membres pour qu’ils coopèrent, lançant dès la fin février des programmes d’achat en commun de matériels  de protection et le 19 mars la toute première réserve européenne commune de matériel médical  d’urgence. Dans mes articles des 6 et 7 juin derniers, j’ai décrit dans le détail son action déterminante. Avec  elle, la  Commission a décidé de prendre les événements à bras-le-corps avec l’objectif de préserver le marché unique. La  deuxième quinzaine de mars permet de mettre de l’ordre dans la réaction continentale et les commissaires concernés ont multiplié les initiatives. Les mesures pleuvent. L’exécutif bruxellois est partout à la manœuvre. L’encadrement des dettes d’Etat est très largement assoupli ce qui autorise les gouvernements à renflouer des industries et des activités menacées.  Elle parvient à faire travailler les 30  000 collaborateurs  en télétravail dans des conditions « remarquables ». Les besoins en financement sont libérés en quelques jours et redirigés rapidement  alors que les règles ne le permettaient  pas. Elle est bien secondée par les  commissaires à l’instar de Thierry Breton  qui enchaine les démarches pour dynamiser le marché intérieur, et Margrethe Vestager, à la concurrence, qui approuve à la chaîne les nombreux plans nationaux de sauvetage qui atterrissent sur son bureau. Diplomatiquement, la Présidente de la Commission va jusqu’à  présenter ses excuses aux Italiens pour les réactions d’égoïsmes de  certains partenaires. L’accord  franco-allemand  du 18 mai lui permet  de proposer un colossal plan de relance de 750 milliards d’euros, du jamais vu, qui vise à  réduire les écarts que la crise a creusés entre les partenaires, sans sacrifier le « pacte vert » et la transition numérique. Elle va  plus  loin, en anticipant : elle jette les bases d’une union de la santé, proposant de  mettre à l’abri les industries stratégiques européennes contre les concurrents étrangers et mobilise des fonds pour la recherche d’un vaccin disponible pour tous.

Angela la chevronnée.

Comme à son habitude, Angela Merkel met un peu de temps à réagir. Cependant, cette fois-ci, elle prend conscience assez vite que la crise sanitaire qui a commencé en Italie et se répand en Europe va mettre cette dernière à genoux, surtout les pays du sud, avec le risque de disloquer le marché unique. Bien qu’elle soit menacée par la cour suprême allemande qui met en doute la légalité de l’action de la BCE, elle se décide à briser le tabou de la solidarité financière. Cette volte-face s’explique aussi par  les turbulences mondiales entre l’imprévisibilité de Trump qui replie l’Amérique sur elle-même et la nouvelle politique chinoise qui ne cache pas son penchant prédateur, avec un Poutine  en embuscade qui rêve de remettre la main sur l’Europe de l’Est, et un Erdogan qui multiplie les provocations impérialistes. Il faut donc sauver l’Union européenne.  C’est pourquoi, elle propose à Emmanuel Macron, qui en rêvait et qui la pressait depuis  longtemps, un fonds de relance de 500 milliards d’euros, empruntés collectivement par l’Union et redistribués au plus fragiles par le budget européen sous forme de transferts. Les réticences de la  Chancelière face à l’activisme de la France, suspectée à juste titre de vouloir transférer à Berlin le financement de  son modèle social insoutenable, passent au second plan. L’épidémie du Covid19 a changé la donne et lui a offert une occasion  de rétablir son autorité battue en brèche par la crise migratoire, le dieselgate, la déroute de la Deutsche Bank et la poussée de l’Afd. C’est là qu’intervient son remarquable sens politique, car l’Allemagne n’a plus d’autre option que l’Europe : elle va faire de la présidence allemande le  moteur d’une refondation de l’Union européenne, rendue nécessaire par  la nouvelle  donne mondiale. L’Europe a non seulement besoin d’une relance économique qui permette d’enrayer le grand écart entre ses membres, mais d’une réorientation vers la puissance et l’autonomie stratégique. C’est tout l’enjeu de la présidence du Conseil de l’Union par l’Allemagne au cours du second semestre  2020, placée sous la devise : « Tous ensemble pour relancer l’Europe ».

L’heure de l’Europe.

L’Europe a changé sous nos yeux. Elle a choisi d’être solidaire dans l’adversité. Personne ne l’attendait sur ce terrain-là.  Elle a choisi de franchir un pas décisif vers une union plus généreuse, autonome, indépendante, soucieuse de ses intérêts stratégiques et de sa place dans le monde, à un moment crucial de son histoire. C’est le bon moment pour l’Europe pour qu’elle se décide à exister. Nos amis anglais nous ont quittés : peut-être est-ce là le meilleur cadeau qu’ils fussent capables de nous faire. Ses anciens alliés néerlandais, danois, suédois, renaclent à l’idée d’une Europe puissance : ils n’auront pas le choix !  Les pays du groupe de Visegrad derrière la  Pologne et la Hongrie, dits « illibéraux » grincent, ils n’auront pas d’autre choix que celui d’évoluer au sein de l’Union qu’ils ne peuvent pas quitter, pour des raisons à la fois politiques et économiques. Car l’Allemagne a décidé  d’exercer son leadership européen autrement que par défaut et rend la refondation possible par son engagement et du fait de son poids économique. La récession y sera limitée à 6,3% du PIB et elle retrouvera son niveau de richesse dès la fin 2021, tout en restant en plein emploi. La France, affaiblie par l’épidémie  qui acte son déclassement, n’a d’autre choix que de soutenir inconditionnellement la présidence allemande, dont le réussite conditionne le plan de relance européen, vital pour le redémarrage  de notre économie. Et c’est heureux !  Le  couple-moteur de l’Europe reprend toute son importance. Elle apporte un renfort à l’Allemagne sur le seul point où elle peut être utile: la sécurité. La France peut apporter par ce biais une contribution décisive à la refondation de l’Europe en inscrivant la défense parmi  les priorités du plan de relance. L’accord  entre les vingt-sept, signé à Bruxelles, permet des évolutions décisives : emprunt européen , fiscalité… Nous vivons un tournant du monde qui impose de serrer les rangs  si nous voulons continuer à exister en tant que nations.

L’Europe, dernier rempart de la démocratie.

Il est peut-être encore trop tôt pour affirmer que l’Europe est devenue adulte en ce  mois de juillet 2020. Mais ce qui est une certitude c’est que l’ordre international né de la fin de  la seconde guerre mondial se disloque sous nos yeux. L’ONU  est au mieux paralysée, au pire impuissante. Les  Etats-Unis, après  la  guerre froide, la fin du communisme et le World Trade Center, et  les  avatars qui en ont découlé, dans la  dernière décennie  ont décidé de sonner le glas de « l’Occident », d’abord de  manière soft, puis plus  brutalement avec Trump qui fait éclater méthodiquement toutes les institutions mises en place par ses prédécesseurs , à commencer par  l’Otan et tous les  pactes régionaux qui permettaient aux Etats-Unis de dominer le monde. Avec la mondialisation, la structure idéologique du monde en deux camps opposés, capitalisme contre socialisme, a perdu toute signification  au profit d’ensembles régionaux qui font ressurgir souvent les empires du passé, Poutine et la Russie des Tsars, Erdogan et l’empire ottoman, Xi Jinping et la Chine impériale,  sans parler des islamistes qui rêvent du Califat.  Ils ont tous en commun la hiane ou le mépris de l’Occident. Le « multilatéralisme » qui a tenu lieu de doctrine internationale ces vingt dernières années en est mort, remplacé par des « politiques de puissance ».

La conséquence en est dramatique : tous ces néodictateurs ne se cachent pas pour proclamer que la « démocratie occidentale » ne leur convient pas. Et son recul est général partout dans le monde, en territoires et en régimes juridiques. Nous entrons dans un monde autoritaire, policier et  belliciste. Le pire  modèle est probablement ce que met en place la Chine communiste  quand les techniques  les  plus  raffinées de la reconnaissance faciale sont utilisées systématiquement pour contrôler  un à un, à chaque moment de leur vie, des centaines de millions d’hommes. Il devient vital que notre Europe  se décide enfin à exister, non seulement comme espace  économique  et commercial,  mais comme  puissance  politique. Si nous voulons encore faire  vivre notre modèle  démocratique et protéger notre civilisation ! La querelle entre fédéralistes et souverainistes est dépassée.

Saisissons la chance  que la présidence allemande nous offre. Elle va inscrire la  relance de l’Europe dans les principes de l’ordo-libéralisme qui l’a construite : le fédéralisme de souverainetés partagées, l’économie de marché et le libre-échange. On peut compter sur son pragmatisme et la recherche du consensus qui restent en termes de méthode le chemin le  plus sûr pour réaligner l’Europe du Nord et celle du Sud, celle de l’Ouest et celle de  l’Est. Un des facteurs de la réussite de cette volonté allemande réside dans les choix que la  France fera pour relancer son économie. Il est important qu’elle ne gaspille pas l’argent que la crise lui a permis d’emprunter à tout va. Car, il ne faut pas qu’Emmanuel Macron se méprenne : pour Angela Merkel, il ne s’agit pas de saisir sa main tendue, son ralliement au fonds de  reconstruction est une réponse pragmatique à un sentiment d’urgence, alimenté  avant tout par  le  plongeon vertigineux de l’économie allemande qui conditionne la reprise outre-Rhin au redressement des pays méditerranéens. En même temps, on peut sauver notre  modèle démocratique, ça  n’est pas anecdotique ! 

Merkel, VDL, Lagarde : un tiercé gagnant ? A  la fin de l’année 2020, on y verra déjà plus clair !

 

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