TREMBLEMENT DE TERRE A GAUCHE
31 janvier 2016
La démission de Christiane Taubira « pour désaccord politique majeur » est un vrai séisme pour la gauche avec des répliques qui se prolongent au sein même du parti socialiste où les déclarations hostiles au chef de l’Etat se multiplient. Elle met en échec la stratégie de François Hollande, qui voulait, peu ou prou, se rabibocher avec la gauche pour imposer sa candidature et se présenter à un second mandat.
La situation est résumée par Jean-Luc Mélenchon.
Le procureur des premières heures du quinquennat n’y va pas avec le dos de la cuillère, avec son habituel sens de la formule, il résume assez bien la situation : « Sur tous les marqueurs de l'époque - et au premier rang le chômage - la situation est pire que sous Sarkozy, quant aux dommages moraux, ils sont vertigineux. François Hollande est le nom de toutes nos misères et de toutes nos désillusions… » Le départ de la Taubira a été salué par des cris de joie à droite, mais il ne faut pas que cela occulte l’hommage que lui a rendu une bonne partie du PS et de toute l’extrême gauche. Il a le mérite de délier toutes les langues, de relancer les opposants à gauche qui espèrent récupérer une hégérie à défaut d’un leader. Chacun se croit obligé d’y aller de son avis, et il faut reconnaitre qu’ils sont bien peu nombreux ceux qui défendent l’actuel président. De Christian Paul à Laurent Hamon en passant par Duflot et Montebourg, le front TSH (Tout Sauf Hollande) se met en place, ce qu’a bien perçu le Camba de Solférino.
Le pingouin sur un morceau de glace qui se détache de la banquise.
Et il va bientôt se retrouver tout seul au milieu de l’océan déchainé. Le président de la République et ses amis tentent encore de défendre l’idée qu’il est le candidat « naturel » de la gauche en 2017. Il est vrai que même s’il n’est pas soutenu par trois-quarts des électeurs, il a une notoriété que ne possède aucun de ses concurrents putatifs. Et il peut imposer sa volonté et faire renoncer la gauche à l’organisation de la primaire pourtant prévue par les statuts du PS. Encore qu’il ne soit pas avéré qu’il puisse imposer son point de vue à tous ceux qui contestent son autorité. Beaucoup d’anciens ministres, comme Arnaud Montebourg et Aurélie Filipetti souhaitent qu’une primaire soit organisée à gauche et que Mme Taubira se présente à cette consultation.
Double impasse pour la gauche.
Si l’actuel locataire de l’Elysée accepte qu’une primaire soit organisée, ce sera avouer publiquement qu’il ne dispose plus de l’autorité suffisante pour représenter la totalité de son camp. Même s’il peut légitimement espérer vaincre des candidats qui n’ont pas fait leurs preuves, plus bruyants que populaires, et montrer que ceux-ci risquent de conduire le pays dans une nouvelle mésaventure, il restera les obstacles que sont un chômage toujours en hausse et une popularité très basse. L’humiliation que serait une primaire, en l’obligeant à se distraire momentanément des affaires de l’Etat, n’est pas de nature à améliorer son image déjà bien écornée. En plus elle ne résoudrait rien. En effet il restera toujours l’obstination d’un Mélenchon qui réfute tout compromis et se présentera contre vent et marée. Il risque de ne pas être le seul. Christiane Taubira, Cécile Duflot sont démangées par le prurit de la candidature elles aussi. Si ces hommes et femmes se présentent, ils assureront la défaite du sortant dès le premier tour. En effet, même si les unes ou les autres ne recueillent qu’un nombre limité de voix, ce sera suffisant pour que Hollande ne passe pas le cap.
C’est tellement prévisible que l’on se demande pourquoi il y en a encore à vouloir en découdre avec lui, comme s’ils n’avaient pas compris que leur projet n’offre, au second tour, que le choix entre la droite et le Front national. C’est une stratégie suicidaire et ne doutons pas qu’en habile manœuvrier il va se servir de cet argument ultime. On peut douter qu’il parvienne à ses fins.
Le retrait ne résout rien.
La gauche est en manque de rassembleur. Imaginons que le chef de l’État tienne son engagement de ne pas se présenter parce que la courbe du chômage ne sera pas inversée. Cela donnerait à Manuel Valls une occasion unique de se porter candidat tout en n’excluant pas qu’Emmanuel Macron, le populaire ministre de l’Économie, tente sa chance lui aussi. Dans ce cas on peut être assuré que la gauche dure fera tout pour faire barrage à l’un et à l’autre et présentera son propre candidat. Toutes ces hypothèses aboutissent au même constat : la gauche court au-devant de l’une de ses défaites les plus cuisantes. On peut même craindre le pire : comme le pays sera, en 2017, à ramasser à la petite cuillère, les Français mécontents exprimeront leur colère ou leur désarroi en votant encore plus pour le Front National et augmenteront ses chances de conquérir le pouvoir.
C’est l’autre aspect incompréhensible de la stratégie de la gauche. Mais la gauche du PS, le PC et d’autres, continuent de croire dans leurs certitudes et qu’ils peuvent proposer un projet inspiré du socialisme, pour ne pas dire du marxisme alors que près de deux-tiers des Français se positionnent désormais à droite. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, des gens de gauche prennent des initiatives citoyennes comme celle de Claude Posternak avec « La Transition », pour bousculer le système politique en se servant des réseaux sociaux et tenter de construire un « Podemos » à la française. Confusion assurée !
Il arrive même que les tremblements de terre déclenchent des éruptions volcaniques !