L’incroyable Le Maire !
Aveuglement ou déni ? Ou les deux ? Notre Ministre des Finances, grand maître de la dépense n’en démord pas, « la France n’est pas en déclin, et ceux qui en ressassent le refrain en sont les premiers promoteurs », clame-t-il. Il s’appuie sur les performances actuelles de l’économie avec une croissance en 2021 de 6,2% (chiffre record depuis de nombreuses années) et une prévision de 4% (très optimiste) pour 2022. Il promet même que le surplus de recettes fiscales sera affecté à la réduction du déficit qui sera inférieur à 8% (!!!). On serait tenté de dire « encore heureux ! ». Il vante aussi les mesures prises par l’Etat pour garantir le pouvoir d’achat comme le chèque énergie, les 100 euros d’augmentation de la prime d’activité, la baisse de 5 milliards des premières tranches de l’impôt sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation (qui reste à charge de l’Etat)…. Et de se vanter d’avoir remis de l’ordre dans les comptes, tout en baissant la pression fiscale de 50 milliards d’euros en cinq ans. Sauf qu’en même temps, il annonce des reports coûteux comme le remboursement des PGE repoussé à la fin de l’année, de nouvelles mesures ciblées pour soutenir les secteurs impactés par le Covid, et le blocage des prix du gaz et de l’électricité qui n’est pas gratuit… Il faut bien que le « marié soit beau » en avril. Tout cela contribue aussi à manipuler le chiffre de l’inflation à la baisse comme le démontre Jean-Pierre Robin dans le Figaro. Alors bien sûr, il y a quelques rayons de soleil, comme les levées de fonds des « licornes » qui ont battu un record cette année et l’attractivité grâce à la flat taxe sur les revenus boursiers ce qui attire les capitaux étrangers. C’est l’arbre qui cache la forêt de l’absence de capitaux français. Mais notre argentier ne voit pas qu’i l a bâti sur du sable et qu’il a inventé l’économie du recyclage de l’argent public en un véritable cercle vicieux : impôts + dette – financement des entreprises et des ménages, avec à chaque cycle, le creusement du trou. Illustration : déficit de l’Etat de près de 200 milliards d’euros, déficit du commerce extérieur de 80 milliards, pour générer, avec 6% de croissance une augmentation du PIB de 140 milliards d’euros. Résultat : un trou de 140 milliards. Cherchez l’erreur !
La réalité des chiffres.
Elle nous est donnée par l’Ifrap. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Et ils sont incontestables. La croissance est dopée à la dépense publique, financée à crédit par de la dette. Elle n’est pas pérenne puisque peu fondée sur de l’investissement. La France s’est plus endettée que ses voisins en raison, notamment, de sa désindustrialisation massive qui fait que toute croissance aggrave le déficit des échanges extérieurs parce que notre appareil productif ne répond ni aux attentes de ses consommateurs ni à la demande internationale. Quant aux impôts, s’ils ont baissé pour certains contribuables et surtout pour les entreprises, cette situation ne sera pas tenable longtemps sans réforme de fond de la dépense publique, avec 700 milliards d’euros de dette en plus en cinq ans. Le véritable palmarès est catastrophique : 23ème rang mondial pour la richesse par habitants 39 030€, loin derrière l’Allemagne à 46 208€, et seuls l’Espagne, l’Italie et le Portugal parmi les 11 fondateurs de la zone euro, sont derrière nous ; 2 950 milliards d’€ de dette, un chiffre énorme, 44 000€ par Français, plus que le double de 2012 (20 000€), et aucun autre pays de la zone euro n’a connu une telle progression au point que Bruno Le Maire considère que les critères communautaires sont devenus obsolètes, car évidemment, quand la température n’est pas bonne, il est préférable de casser le thermomètre ; 1 460 milliards d’€ de dépenses publiques en 2021, et en la matière Macron n’a tenu aucune de ses promesses, même en tenant compte de la crise sanitaire, parce qu’aucune réforme suffisante, à commencer par celle des retraites, n’a été menée pour endiguer le torrent, et en 2021 elles pèsent pour 60,7% du PIB, loin des 50% promis en 2017 pour 2022 ; avec 1 126 milliards de prélèvements obligatoires, notre pays reste champion du monde du nombre d’impôts, taxes, contributions et cotisations, et même si Le Maire a baissé des impôts, rien qu’en 2019, cinq nouvelles taxes ont été créées, et la France a deux fois plus d’impôts et catégories d’impôts que l’Allemagne (196 contre 84) pendant que notre système applique systématiquement plus de prélèvements dans chaque catégorie ; le gouffre, ce sont les 800 milliards d’€ de dépenses sociales : 570 milliards pour la sécu, 49 milliards pour le chômage, 75 milliards de retraites complémentaires, 10 milliards pour les adultes handicapés, 10 milliards de primes d’activités, 11 milliards de RSA… et pourtant la pauvreté est toujours là avec toujours plus de sdf et de sans abris et bien que l’Etat, en 2020, ait consacré 32% de son PIB à ces dépenses contre 19,9% en moyenne dans l’OCDE ; enfin, un dernier chiffre, les 82 milliards d’€ de déficit commercial, en 2020, pendant que l’Allemagne réalise 183 milliards d’excédent ! qui se traduit par un constat consternant que les produits français intéressent moins, y compris dans les pays comparables de l’Union ce qui fait que nous importons beaucoup plus d’Allemagne que de Chine, et plus grave, la France n’assure plus son autonomie alimentaire. Après tout cela, il est difficile de ne pas parler de déclassement.
Le défi budgétaire.
Pour stabiliser la dette à l’horizon 2027 et faire refluer le déficit public à 3% du PIB, il faudra un programme massif d’économies, de l’ordre de 70 milliards d’euros, selon les calculs de l’Institut Montaigne, nous prévient le journal Les Echos. Et un tel plan apparaît comme très difficile à mettre en œuvre, le mot impossible n’est pas dit, mais pensé très fortement. D’autant plus que de nombreux paramètres mettront la pression à la hausse telle la hausse des salaires qui rendra compliqué le maintien du gel d’indice des fonctionnaires, ou encore l’inflation qui entraînera inéluctablement la hausse des taux de la dette, sans parler du coût de la transition écologique et de la nécessité de renforcer certains services publics… Cela rend la marche pour réduire les dépenses bien plus haute qu’elle ne l’était quand « les planètes étaient alignées ». Or il faudrait au moins économiser 15 milliards d’€ par an : la réforme des retraites, évidemment, une limite à 2,5% de la hausse des dépenses d’assurance-maladie en améliorant l’efficacité du système, la réduction des effectifs de l’Etat… des paramètres difficiles à tenir, surtout si dans le même temps on veut baisser la fiscalité.
Seul le programme de Valérie Pécresse semble à la hauteur du défi, et il est aussi le seul à annoncer la couleur. En plus de la réforme des retraites avec allongement du temps de travail mise en œuvre immédiatement, il faudra réaliser le non-remplacement sur cinq ans des 200 000 fonctionnaires administrants qu’il prévoit et faire rentrer les 15 milliards de fraude fiscale pour espérer atteindre l’objectif, tout en assumant 34 milliards d’€ de dépenses nouvelles, notamment les 50 000 agents supplémentaires déployés dans l’éducation, la santé et la sécurité. En matière d’économies, la droite a prouvé dans les Régions qu’elle savait faire tout en améliorant le service public. Mais il serait naïf de penser que cela se fera comme une promenade de santé. Il faudra aussi compter avec les capacités de nuisances de ceux qui savent paralyser le pays pour défendre leurs intérêts catégoriels. Une chose est certaine : il faudra un courage et une volonté politique sans failles !