UNE SENATRICE TONIQUE
Rencontre avec une personnalité singulière du Maine-et-Loire :
Catherine DEROCHE
Catherine Deroche porte dans ses gênes l’acceptation des responsabilités publiques avec un naturel qui épate. Elle doit tenir ça de sa mère qui a été longtemps maire de Saint-Macaire en Mauges. Aussi son parcours est-il atypique. Elle devient maire pour remplacer le titulaire démissionnaire. Elle se retrouve présidente de l’association des maires du Maine-et-Loire parce que celui en place est appelé à d’autres fonctions : pour elle, une expérience irremplaçable. De même elle intègre le Sénat parce que le sénateur dont elle est la suppléante doit démissionner pour prendre une fonction incompatible avec son mandat. Chaque fois Catherine Deroche assume avec naturel et efficacité. L’art d’être au bon endroit au bon moment.
Elle est donc sénatrice de Maine-et-Loire depuis 2010 et élue en 2011. Elle est membre de la commission des affaires sociales, de la Mission d’Evaluation et de Contrôle de la Sécurité Sociale et du Conseil d’Orientation de l’Agence de la Biomédecine. Toutes fonctions qui collent parfaitement avec sa profession de médecin.
Elle est aussi Conseillère Régionale.
Elle est vice-présidente du groupe « Les Républicains Sénat ».
A ce titre, elle a fait le choix depuis le début, de soutenir François Fillon. Un choix personnel partagé par le président du Sénat, Gérard Larcher, et par le président de son groupe, Bruno Retailleau. Croire qu’elle l’aurait fait par connivence ou pour plaire, ce serait mal la connaître.
Elle a la réputation d’être une bosseuse : vous ne la prendrez pas en défaut sur les dossiers dont elle est saisie. Et elle colle au terrain, parce que c’est dans son ADN.
DH : Catherine Deroche, vous venez de participer activement à la victoire de François Fillon. Quelles réflexions vous inspire-t-elle ?
CD : C’est une belle victoire. Celle de la constance, de la persévérance, des convictions. Il n’a jamais dévié d’un iota, jamais retiré un mot. Il ne s’est jamais découragé, même quand les sondages le plaçaient dans les tréfonds. Cette victoire est méritée. Ce qui impressionne, c’est la confiance qu’il a en lui. Et avec lui, la droite et le centre retrouvent leurs valeurs. D’abord la liberté qui est notre clé de voûte, et l’autorité de l’Etat qui est un pilier central. Il a plu à notre électorat parce qu’il est porteur de nos traditions, notamment sur la famille, mais en même temps d’un souffle moderne : la confiance dans le capital humain et une vision de l’avenir. Je l’ai soutenu depuis le début, parce que « j’aime l’homme », sa probité, sa dignité, sa conception du pouvoir. Il est franc et surtout irréprochable. « Son message de vérité » est sa manière de respecter les Français.
DH : Certains, même dans le camp de la droite, jugent son programme irréalisable. On le positionne aussi très à droite. Et vous, comment le voyez-vous ?
CD : C’est un programme équilibré. Il faut l’examiner en détail, alors on s’aperçoit que c’est un puzzle dont toutes les pièces s’emboitent parfaitement. Ce qui fait sa force et le rend crédible, c’est sa cohérence ! La priorité va au travail et à l’économie : c’est le passage obligé pour redresser le pays. Mais la politique étrangère est aussi très importante. J’ai eu l’occasion de le suivre quand il s’est rendu au Moyen Orient : je peux vous assurer que François Fillon est un homme respecté et apprécié. Qualités dont nous aurons bien besoin en Europe et sur la scène internationale. Très à droite ? On ne tardera pas à s’apercevoir que ce qui domine en lui c’est la fibre qui l’a toujours animé, celle du gaulliste social.
DH : Alors, un avenir national pour vous ?
CD (grand éclat de rire) : ce n’est pas prévu.
DH : Autre grande nouvelle intervenue hier soir : François Hollande renonce à se représenter. Quelles réflexions cette décision vous inspire-t-elle ?
CD : C’est évidemment très surprenant : si on écoute son bilan, il a tout réussi à quelque chose près, pour finalement en tirer un constat d’échec, puisqu’il n’est pas en situation de se représenter. La réalité, c’est qu’il y a beaucoup de mensonges dans son discours. Par exemple, les comptes sociaux sont loin d’être rétablis. En fait, il était dans une impasse : il devait être conscient qu’en participant à la primaire de la gauche à laquelle il avait donné son accord, il courait à l’humiliation. Imagine-t-on un Président de la République, battu en janvier, continuer à gouverner jusqu’en mai ? Je pense qu’en prenant cette décision, il essaie de sauver la gauche. On peut y voir une volonté de contrer Macron, si, comme beaucoup s’y attendent, c’est Manuel Valls qui y va ! Les cartes sont rebattues à gauche. Elles ne changent rien à droite, mais si on assiste à une remobilisation de la gauche, il faut que nous soyons encore plus mobilisés !
DH : Venons-en au Sénat. Sur quels dossiers travaillez-vous ?
CD : Je suis membre de la commission des Affaires Sociales. Les dossiers de la santé, de la famille, du droit du travail, tout ce qui touche aux prestations sociales, à la solidarité et au handicap… tout cela me va bien et est en adéquation avec ma culture personnelle de médecin. Et cela entre en résonnance avec les dossiers que j’ai en charge au Conseil Régional où j’anime la « Mission Santé régionale ». Pour le Sénat, j’ai été rapporteure ou co-rapporteure de plusieurs textes : loi Macron, loi Santé, …
DH : un dossier qui vous a tenu le plus à cœur ?
CD : Ah oui ! J’ai porté au Sénat le projet de loi Salen (député LR) pour permettre le don de RTT à des parents d’enfants malades, chose impossible pour les fonctionnaires. Nous étions dans un contexte où il fallait aller vite, car nous avions un cas qui attendait avec impatience que la loi soit votée. J’ai réussi à faire voter le texte au Sénat dans les mêmes termes que l’Assemblée Nationale en réussissant à convaincre mes collègues de l’opposition sénatoriale de retirer leurs amendements. Ils m’ont suivie et nous avons gagné un temps précieux. Voilà un sujet émouvant parce qu’il est en prise avec la vie. Malheureusement, malgré nos demandes réitérées d’accélérer le mouvement, le Ministère a mis un an à sortir les décrets d’application !
DH : Il y a des esprits chagrins qui trouvent que le Sénat ne sert à rien. Quel est votre regard sur le travail que vous accomplissez ?
CD : Le Sénat est très utile, au contraire. Savez-vous que près de 70% des articles de lois votés définitivement sortent du Sénat ! C’est au Palais du Luxembourg que le travail en profondeur sur les textes des lois se fait, souvent en sortant des clivages partisans. Nous sommes moins soumis aux aléas politiques que les députés. Et les Sénateurs sont pratiquement tous des gens du terrain, pour avoir des responsabilités locales. C’est pourquoi ils ont peut-être l’esprit plus concret.
DH : Alors pourquoi avoir refusé de débattre du budget 2017 ?
La majorité au Sénat a refusé d’examiner un budget 2017, que quelqu’un avec humour a qualifié de « maquillé comme une voiture volée » : après un examen minutieux, nous avons évalué la sous-estimation des dépenses à 12 milliards d’€, celle du déficit à 20 milliards et à 25 milliards les dépenses non financées des cadeaux électoraux que le Président distribue chaque semaine et reportées sur les budgets ultérieurs. Cela fait beaucoup pour celui qui succèdera. Et c’est du jamais vu dans les pratiques budgétaires, en tout cas avec cette ampleur-là !
DH : Des gens de terrain dites-vous. Les Sénateurs représentent un département entier. Comment faites-vous pour garder le contact avec le « terrain » ?
CD : Cela exige beaucoup de temps pris sur la vie personnelle. Dès que je suis de retour dans le Maine-et-Loire, je me rends à de nombreuses invitations d’élus locaux pour des inaugurations ou autres cérémonies. Ce sont « mes échappées belles ». Ces temps de la vie de sénatrice sont essentiels pour moi. Ce sont toujours des temps forts. J’aime le contact avec les élus du terroir : on est en prise directe avec les réalités qu’ils rencontrent et c’est très important pour le retour d’expérience qu’on en tire quand il faut légiférer. Cela me permet de suivre l’évolution des communes nouvelles, puisque nous sommes un département pilote, d’être au courant des attentes ou des problèmes que les maires rencontrent, ou tout simplement d’en faire le bilan. Et du même coup, je peux aborder aussi les dossiers régionaux, notamment le « Plan Santé Région » dont Bruno Retailleau m’a confié l’élaboration. Un gros travail qui aboutira le 15 décembre prochain en session à Nantes.
DH : Cela fait beaucoup à la fois, non ?
CD : C’est parfois lourd à porter, mais c’est aussi très complémentaire. Il me parait très important de compléter le mandat parlementaire par l’expérience du terrain. Un exemple : c’est un excellent observatoire pour apprécier la désertification médicale !
DH : faut-il réduire le nombre des sénateurs ?
CD : Nous sommes quatre dans notre département après avoir été longtemps trois. On pourrait revenir à trois, mais il sera impossible de descendre au-dessous si on veut garder une représentativité suffisante de notre territoire. Je ne parlerai pas du nombre des députés, au risque d’avoir l’air de défendre ma gamelle.
DH : Y a-t-il un dossier ou une décision dont vous êtes particulièrement fière et que vous voudriez mettre en exergue ?
CD : Au début de l’été dernier, le Sénat a accepté la création d’un groupe d’étude « cancer », alors que le bureau du Sénat ne souhaitait pas créer de nouveaux groupes d’étude. C’est très important parce qu’il permet à notre assemblée une implication sur cette thématique et les défis que devra relever notre pays en matière d’innovation et d’accompagnement. Je préside ce groupe et j’en suis très fière, parce que je suis certaine que nos travaux seront d’une grande utilité dans la lutte contre ce fléau.
DH : que vous inspire ce qui vient de se passer à gauche pour la préparation de l’élection sénatoriale ?
CD : C’est drôle ! Surtout venant de la part de gens qui donnent tous les jours des leçons de démocratie et de dignité. Je comprends Grégory Blanc. Mais c’est symptomatique de ce qui se passe au Parti socialiste, ça n’est que le reflet du niveau national.
DH : Vous vous représenterez l’année prochaine ?
CD : J’y pense évidemment, mais le moment n’est pas venu d’en parler.