Un peu d’humour pour préparer les fêtes.
Je vous propose un voyage en « Educnat » où l’on parle un langage très particulier « l’Educ’langue » et en Boboland où c’est la « novlangue » qui sévit. Dépaysement garanti. Avant de partir, c’est comme pour les pays slaves, il vaut mieux se munir d’un petit précis de traduction.
L’éduc’langue
« L’éduc’langue » se pratique surtout sur un territoire très restreint, à Paris, rue d’ULM à l’Institut Pédagogique national où se concentrent tous nos docteurs es-pédagogie qui nous valent tant de succès pour notre système éducatif. On la pratique aussi dans une annexe, du côté de la rue de Grenelle, mais là elle est concurrencée par « l’énalangue », jargon technique tout aussi obscur.
D’abord, commençons par le commencement. Les « apprenants » sont au centre du système. Entendez, les élèves. Ils ne fréquentent pas comme tout un chacun, un lycée ou un collège, mais une « communauté scolaire ». Dans chaque classe, leur travail est coordonné par « un référentiel unique », le professeur principal, et ses collègues sont des « médiateurs » ou des « intervenants » selon leur qualification ou diplôme probablement. Et si un « apprenant » est en difficulté, on peut lui proposer « une tentative de remédiation », autrement dit chez ma grand’mère, des cours particuliers. Dans ce monde-là, on ne sera pas surpris de découvrir que les « géniteurs d’apprenants », vous l’avez deviné, sont les parents. Sur le terrain de sport, les « apprenants » s’initient au foot avec un « référentiel bondissant », font preuve de « motricité aquatique » dans la piscine… Et les commentaires sur le bulletin trimestriel bientôt dépourvus de cette barbarie de notation, prennent une tournure quasi poétique ; ainsi «Julien, vexé de ne pouvoir exprimer ses potentialités en interne, s’investit dans l’espace extérieur » ; je traduis : « comme tous les cancres, Julien s’ennuie en classe et passe son temps à regarder dehors. » Que la réalité est bien plus douce quand elle est contournée par un langage abscons. En fait, « les apprenants ne peuvent plus se satisfaire d’avoir appris quelque chose au sein de la communauté scolaire ; ils doivent avoir appris à apprendre parce que le savoir est en mouvance ». On comprend pourquoi « l’enseignement s’est un peu affaissé sur ses fondamentaux ». Ce sont les coups de pieds au fondement, oui, qui manquent ! Heureusement, en ce beau pays d’Educnat, il existe beaucoup de résistants qui persistent à employer un langage rustique hérité du passé et encore compréhensible par tous.
La « novlangue » (jargon savant de gauche)
Et maintenant, petite visite à Boboland, langage pratiqué dans le quartier du Marais et du côté de la rue de Solférino. On y parle la « novlangue ». Cela ressemble au Français, ça utilise les mêmes mots, mais ça n’est pas du Français. Par définition, la « novlangue » incarne une double pensée et en politique, elle est une variante d’une autre langue bien connue la « lignolangue » dite « langue de bois ». La « novlangue » est faite pour transformer les vieilles idées en idées neuves comme ça on n’a pas besoin d’en chercher. Elle est une langue de paix sociale, puisque dans sa formulation, elle doit être rassembleuse, apaisante, et là aussi, contourner la réalité en la camouflant par un rideau de fumée. Boboland est le monde des bisounours où plus rien n’est désagréable : on « flexibilise » pour ne pas dire faciliter les licenciements, ou « ouvre le capital » pour ne pas dire privatiser. En utilisant des formules positives, on rend la vie plus acceptable : un aveugle n’est qu’un « non voyant », et un agent d’entretien "un technicien de gestion de surfaces". Le plus drôle c’est quand la récession devient « croissance négative » ! Et que dire du « redressement productif » cher à Arnaud Montebourg ! Il voulait parler d’industrie, mais elle a continué de s’effondrer, alors tout le monde a compris qu’il s’agissait des impôts.
L’art de parler pour ne rien dire a toujours sévi chez tous ceux qui ont des responsabilités et doivent communiquer sur les situations qu’ils rencontrent, mais la « novlangue » s’ingénie à renouveler le genre en essayant de faire croire, par la nouveauté des expressions que le monde change dans le bon sens, quand en fait, il recule. C’est l’art, vieux comme le monde de la politique, de faire prendre des vessies pour des lanternes. Ainsi, comme le « vivre-ensemble » cher aux socialistes est tous les jours bafoués par le vécu quotidien qui exprime le contraire, ils l’ont remplacé par « faire France » ; voilà qui est décisif et qui supprime toute objection : plus de discussion possible, plus d’antagonisme social, ethnique ou religieux puisque tout cela « fait France ». Le rideau de fumée est dans la coloration patriotique de l’expression.
La « novlangue » à ses OS dans les cabinets ministériels, où ils ont en charge d’élaborer les « éléments de langage » qui décriront une situation à laquelle le chef doit faire face et qui seront ensuite répercutés par le tam-tam médiatique. Comme si on était dupe. Elle n’arrive pas toujours à cacher la réalité. C’est ainsi que la fameuse « contribution climat-énergie » n’a trompé personne, car tout le monde a traduit instantanément « taxe carbone » rhabillée pour la circonstance. Mais les OS ne sont pas payés à ne rien faire. Voici un petit lexique de leurs productions et vous allez trouver quelques perles qui démontrent qu’au moins ils ont de l’imagination s’ils n’ont pas toujours les pieds sur Terre. Dans la rubrique « au lieu de dire, dites plutôt » : école maternelle (trop sexué) devient « première école », bâtir une société harmonieuse devient « faire de l’en-commun », se lancer dans les projets devient « produire des possibles », la France évolue devient « les dynamiques plurielles de la société », couple homosexuel dans l’impossibilité de procréer devient « confronté à l’infertilité sociale » !!, construire la société française devient « le Nous inclusif et solidaire », donner aux élèves la même éducation devient « bâtir du commun » (c’est du Peillon), personnel scolaire chargé de la discipline devient « groupes académiques climat scolaire », détruire l’identité sexuée devient « déconstruire les stéréotypes de genre »… Et cette perle de Dominique Bertinotti : « aujourd’hui la filiation biologique n’est plus la seule filiation possible ; il y a une multiplication des acteurs impliqués dans la conception et l’éducation des enfants » tout ça pour dire les parents et les médecins !
Allez, une dernière pour terminer. Je vous livre cette phrase, comme pur produit des cabinets (on a envie de crier « aux chioottes ! » : « Il faut changer de paradigme, proposer une nouvelle forme d’action publique, pour produire des possibles à l’intersection des valeurs de la République et du respect des gens eux-mêmes et de leurs capacités à coproduire de l’action publique » (Refonder la politique d’intégration. 2013) Vous n’avez rien compris ? C’est normal. Mais qu’on ne s’étonne pas que la politique d’intégration ne fonctionne pas.
Bon, sur ce, Passez de bonnes fêtes de Noël, avec la crèche près du sapin, bien sûr ! C’est à la mode !!!
NB. Evidemment,rien n'est inventé, toutes les expressions sont authentiques.