SOURIEZ, C’EST ENCORE L’ETE !
02 septembre 2013
« UNE VRAIE TUERIE ! »
Voilà une expression surprenante par l’emploi qui en est fait. Pour les gens de ma génération, son caractère sanglant évoque quelque carnage ayant défrayé l’actualité, soit de meurtres aux multiples victimes, soit de faits divers guerriers dont nos écrans de télé sont le reflet et malheureusement trop encombrés. En d’autres temps elle aurait fait penser à quelques épisodes de la guerre de 14.
En fait, nous étions bien loin de tout ça. Nous savourions les agapes d’un repas savamment mitonné par l’hôtesse de maison, et nous avions abordé le plat principal, une blanquette de veau, me semble-t-il, dont nous nous délections en savourant un Hermitage blanc fort épanoui. C’est alors qu’un des convives s’écria : « ce vin, c’est une vraie tuerie ! ». Hors du contexte, ce propos aurait jeté l’effroi. Tout le monde comprit qu’il s’agissait d’exprimer une extase provoquée par le contact de ce blanc généreux avec les papilles de l’intéressé.
Voilà bien une expression hyperbolique en accord avec notre époque qui n’hésite pas à se vautrer dans les exagérations les plus « décalées ». A l’hyperbole se mêle aussi une sorte d’antinomie ou d’antiphrase. La tuerie évoque l’hécatombe mythologique, le goût du sang et par tant de la terreur, alors qu’il s’agit ici de manifester un enthousiasme affirmé, une allégresse des sens à cent lieues du sens premier. L’effet n’en est que plus … saisissant.
Serait-ce une manière spécieuse de contourner le péché capital qui se cache derrière ce néologisme : la gourmandise. En évoquant une condamnation affreuse, on voudrait la conjurer par ce moyen. On le concède : on n’a pas su résister. Mais en même temps, n’est-ce pas une invite à l’hôte de remplir à nouveau le verre de ce convive qui apprécie si bien le breuvage qu’on lui a réservé ?
Un verdict pareil se passe de commentaires. Ce vin est excellent. Il accompagne à merveille ce plat délicieux. « C’est une tuerie ! » : tout est dit ; l’adjectif « vrai » n’est là que pour couper court, bref, ça ne se discute pas. Et de fait, tout le monde d’acquiescer !
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