Je ne résiste pas à la tentation de partager cet article d’Eric Le Boucher, paru dans Les Echos, tant il recoupe ce que j’avais envie d’écrire. Sauf à céder à la théorie du complot, en effet, le pire n’est jamais écrit d’avance. Difficile aussi de ne pas mettre en parallèle les trois mauvais scénari de cette année 2024 : les élections américaines, les élections européennes et la guerre de Poutine. Dans les trois cas, il n’est pas difficile de discerner les inquiétudes, pour ne pas dire les dégâts, que constitueraient une victoire de Trump, de Poutine ou de Marine Le Pen. Surtout quand on y ajoute le contexte global : le durcissement totalitaire de la Chine de Xi Jinping, la marche vers le nucléaire de l’Iran des mollahs, et la régression démocratique globale qui parcourt le monde, à laquelle fait écho Eric Le Boucher. Contre la progression de l’obscurantisme nous avons à notre disposition une arme redoutable : la raison fondée sur une information sérieuse. C’est le seul effort que nous ayons à faire. Les gens raisonnables sont les plus nombreux, il suffit qu’ils se réveillent !
Voici l’article d’Eric Le boucher. Bonne lecture. Pour moi, tout est dit.
« NI POUTINE, NI TRUMP, NI LE PEN N'ONT GAGNE.
Apocalyptique février 2024. Le dictateur Poutine a pris l'Europe et la démocratie dans ses mâchoires et on sait maintenant qu'il ne lâchera pas. Il avait piteusement perdu la première bataille il y a deux ans, mais il a refait ses forces, tué tous ses opposants et retrempé son ambition de Grande Russie. En face, l'héroïsme faiblit en Ukraine et les alliés démocrates à Washington comme à Bruxelles ergotent leur soutien.
Outre-Atlantique, Donald Trump a remporté haut la main les primaires républicaines et il devance Joe Biden dans les sondages. Fantasque président de 2016 à 2020, Trump arrive, méchant, sur une ligne protectionniste et isolationniste dont la première victime sera l'Europe.
En France, Marine Le Pen est pour la première fois en tête dans les sondages pour les élections européennes comme pour le scrutin de 2027. Sa victoire est pour beaucoup d'observateurs très possible sinon très probable.
Ces trois scénarios conjugués font trembler de terreur les esprits paisibles et raisonnables. Ajoutons une Chine de Xi à la lutte contre l'Occident, un Sud Global qui s'en détache par gros morceaux, le recul de l'Etat de droit dans 85 pays sur 173 dans le monde (institut International Idea) et voilà un février 2024 de brumes et de glaces.
L'histoire n'est pas écrite, sauf à croire qu'elle l'est et accepter le joug. Nous y sommes. Regardons Poutine. L'économie russe ne pèse pas celle réunie des Pays-Bas et de la Belgique. L'effort de guerre fait tourner les usines mais tout le reste, faute d'investissement et de technologie, s'enfonce dans l'archaïsme.
La réalité de Poutine ? Tintin chez les Soviets !
« Tintin chez les Soviets » est la réalité de Poutine. Le pétrole se vend encore, des circuits sud ont été ouverts qui conduisent - honte ! - parfois jusque chez nous. L'état financier du Kremlin apparaît sauvegardé, les sanctions ne mordent pas en apparence, Poutine peut se croire sauf. En vérité, l'économie russe détruit son avenir à court terme. L'état de l'opinion est sûrement semblable.
Penser le moujik irrémédiablement soumis au tsar depuis la nuit des temps, acceptant la guerre parce qu'il se croit « sauvé par ce vengeur qui chasse l'étranger » (Hugo), est faire un pari bien périlleux. La population russe s'appauvrit dans son silence forcé.
Croire alors que le dictateur est assez fort pour repartir encore, pendant des années, à l'assaut de l'Ukraine, jusqu'à Kiev cette fois-ci, est aussi illusoire que ça l'était il y a deux ans. Croire qu'il peut envahir un pays balte, encore plus. Il a la foudre atomique, c'est tout le problème. Mais Poutine restera en échec sur son projet impérial.
Trump ? Un baratin simpliste
Donald Trump doit son succès à un paradoxe curieusement inverse. L'économie américaine va, elle, beaucoup mieux, l'Amérique augmente les salaires et recrée des emplois ouvriers. Mais l'opinion refuse de s'en apercevoir. L'inflation rogne le pouvoir d'achat et rend sensible aux discours simplistes. Le recul actuel des indices de prix va-t-il finir par ouvrir les yeux des électeurs ? Il est beaucoup d'autres raisons qui motivent les partisans Maga (Make America Great Again) à commencer par la crainte des écologistes et des wokistes accusés de vouloir la disparition du mode de vie américain (voitures et famille).
Les questions sur l’âge de Biden ou bien encore ses positions sur Gaza comptent aussi. Mais la politique qu'il mène répond exactement et sérieusement à l'angoisse de la classe moyenne. Pourquoi le peuple choisirait-il la fausse solution plutôt que la bonne ? Pourquoi opterait-il pour le baratin simpliste ?
Marine Le Pen ? Une solution à rien !
La réponse est essentielle en France. Marine Le Pen n'a solution à rien. Tout ce qu'elle propose est, sur l'économie, un copié-collé du programme de Jean-Luc Mélenchon et, sur l'immigration, un grand départ impossible à mettre en oeuvre. Sur tous les autres sujets comme l'école, la santé, le numérique : le vide.
On l'a vu au Salon de l'agriculture, Jordan Bardella ne sait faire que des selfies. Il n'y a que les médias pour croire que le RN a des choses à dire. L'électeur, lui, le voit-il ? Sans doute, mais le motif du vote Le Pen n'est pas de trouver une solution, il est d'exprimer de la colère. D'où son choix pour le propos faux mais agréable à son oreille. Cela fait-il un socle solide pour gagner une élection présidentielle ? Non. L'expression de la colère ne sauvera pas la France, pas plus que la guerre ne rétablira la grandeur russe.
D'où le nécessaire réveil des raisonnables dont les ennemis ne sont forts que de leur faiblesse. Guerre et colère, la raison n'a pas perdu. Frottez vos yeux, la sortie des ténèbres ne dépend que d'un peu de foi et d'audace. »
Eric Le Boucher