GUERRE DE CIVILISATIONS ?
22 novembre 2023
Dominique de Villepin, avec sa véhémence habituelle, a fait l’autre soir à la télé une brillante démonstration, voulant voir dans le déchainement au Moyen Orient une guerre de civilisations : en gros l’Islam contre l’Occident chrétien. Séduisant, car le conflit en a toutes les apparences. A bien y regarder, ce n’est peut-être pas la bonne grille de lecture. Ne serait-on pas plutôt dans des conflits qui opposent le monde démocratique aux anciens empires tombés entre les mains de régimes totalitaires et prédateurs ?
Le recul des démocraties.
C’est un fait : le nombre des démocraties dans le monde ne cesse de diminuer, sans compter celles dites « illibérales », qui en gardent l’apparence mais sont en fait entre les mains de régimes autoritaires qui « trichent » savamment pour garder le pouvoir comme en Hongrie.
Les dangers qui les menacent sont nombreux, à commencer par les réseaux sociaux. On a vu comment des « fermes à trolls », pilotées par exemple par la Russie, sont intervenues à coups de « fake news » dans des élections en Europe pour favoriser le candidat qui convenait au Kremlin, comme en Slovaquie dernièrement. La toxicité des réseaux sociaux pour les démocraties libérales n’est plus à démontrer : ils dissolvent la vérité dans un flot de fausses allégations et contribuent à discréditer l’action des élus au profit des thèses complotistes. Le système démocratique est sapé de l’intérieur.
Ce n’est pas la seule menace. Il faut prendre en compte l’idéologie wokiste, importée des Etats-Unis, qui pénètre les rouages intellectuels de nos sociétés occidentales avec les thèses obscurantistes, héritées du gauchisme soixante-huitard, qui visent à détruire la pensée des Lumières au profit d’une analyse toxique qui mélange toutes les oppressions dont le « méchant blanc » serait à l’origine et l’auteur. L’intersectionnalité des luttes remplace alors l’universalisme républicain qui sert de socle à la République et cherche à détruire la laïcité qui garantit la cohésion nationale.
Le terrain est ainsi préparé pour l’islamisme politique et toutes ses exigences en contradiction avec les lois de notre pays. Ailleurs en occident on a choisi la voie du communautarisme, ce qui, d’évidence, conduit au déni d’intégration et augmente le péril démocratique libéral. L’immigration devient donc un enjeu majeur : si nous n’arrivons pas à la contrôler, c’est le régime politique des pays européens et leur manière de vivre qui sont directement appelés à disparaître.
Enfin, dernier danger et pas le moindre, le populisme, cette version avilie du débat démocratique, prospère sur cette situation d’affaiblissement, profitant de toutes les causes précédentes auxquelles s’ajoutent les erreurs de gestion avec un endettement massif, et de l’effondrement des partis traditionnels qui en résulte.
Cette situation de recul se mesure à l’ONU où les démocraties libérales sont minoritaires dans l’assemblée générale et mises en échec par les droits de veto au Conseil de Sécurité. C’est ainsi que le « machin » a fait preuve d’une relative discrétion quant aux exactions des Russes en Ukraine (veto russe) et s’est déchaîné contre Israël en faveur du Hamas … Cherchez l’erreur.
Un colonialisme peut en cacher d’autres.
Pour concrétiser le rejet de l’Occident « dominateur », les pays qui veulent imposer leur domination ou étendre leur empire ont constitué une sorte d’auberge espagnole qu’ils ont nommé « Sud global ». Loin d’être une coalition, il s’agit plutôt d’un conglomérat de puissances plus ou moins grosses qui jouent chacune leur partition, n’étant d’ accord que sur un point : le rejet de l’Occident à qui elles reprochent son colonialisme passé et de qui elles dénoncent son « néocolonialisme » même quand ce sont elles qui appellent leurs anciens tuteurs à la rescousse.
Le « Sud global » est une expression commode derrière laquelle se cachent des régimes prédateurs qui s’appuient sur toutes les formes d’obscurantisme, et au moins deux colonialismes avérés : celui de la Russie avec la déstabilisation des pays de l’Afrique francophone avec l’aide de Wagner dont l’aide pour se débarrasser de l’ancien colonisateur est assortie du pillage de leurs richesses en or et diamant et la tentative de reconquête des anciennes marges européennes de l’URSS qui explique la guerre en Ukraine ; celui de la Chine avec les fameuses « routes de la soie » qui ne sont autres qu’un assujettissement pour s’emparer des ressources convoitées pour son propre développement en Afrique et partout dans le monde. Les deux régimes ont en commun la dictature totalitaire, d’une clique cleptocrate pour l’une, du parti communiste pour l’autre. Ces deux pays prétendent au leadership mondial.
Pour compléter le tableau, il faut ajouter la Turquie d’Erdogan qui rêve de reconstituer l’empire ottoman, et qui a quasiment mis fin à la République d’Ataturk en s’appuyant sur l’obscurantisme religieux, l’Iran Chiite qui rêve de dominer le monde musulman, l’Inde qui joue sa propre partition mais qui glisse vers un totalitarisme hindouiste. Chacun entraîne dans son sillage des pays plus ou moins vassaux tenus à la gorge financièrement. Tous ces pays ont en commun des régimes qui s’accaparent les richesses sur le dos de leurs peuples en les maintenant dans l’obscurantisme et la suppression de la liberté de penser, qu’il soit communiste ou religieux. Ils sont animés par la nostalgie d’un passé révolu depuis longtemps.
Quant aux pays arabes, particulièrement ceux du golfe, ils ont trop besoin de l’Occident pour écouler leur pétrole et maintenir leurs ressources pour s’en séparer franchement, ils jouent donc sur tous les tableaux au gré de leurs intérêts bien compris.
Le mythe de l’occident faible.
Si on y regarde de plus près, le Sud global rassemble des économies disparates et fragiles. La Russie est en train de se détruire. Elle présente au monde le visage d’un pays sous-développé si on excepte Moscou et Saint-Pétersbourg, avec le PIB de l’Espagne. Elle a pour elle d’être une puissance nucléaire ce qui est suffisant pour asseoir sa capacité de nuisance. L’autre grand de ce conglomérat, c’est la Chine. Son développement est cassé depuis l’arrivée au pouvoir de XI Jinping qui a remis au goût du jour la dictature économique du PC avec tous les inconvénients que l’on connaît bien depuis la chute de l’URSS. Si on prend en compte la gestion catastrophique du Covid et sa pyramide des âges, il est désormais certain qu’elle ne sera jamais la première puissance mondiale. La Turquie d’Erdogan connaît une déroute financière, seule peut-être l’Inde semble avoir un avenir plus prometteur, bien que le pays soit plombé par sa croissance démographique. L’amérique latine est loin d’être tirée d’affaire…
Etats-Unis, Europe, d’un côté, Australie, Japon, Corée du Sud, Taïwan de l’autre, ce que l’on appelle l’Occident assez improprement présente certes des faiblesses, mais peut mettre sur la table encore de solides atouts. La puissance financière du dollar n’est pas près d’être détrônée, la recherche, la technologie, la qualification des populations, les infrastructures sont autant de points d’appuis qui permettent de rebondir et compensent largement les faiblesses. Leur PIB cumulé reste solide, même s’il passe par des périodes de moindre croissance. Cette partie du monde là n’a pas dit son dernier mot. Et il faudra compter encore avec pendant quelques décennies. Merci Poutine : la guerre en Ukraine l’a sortie de sa torpeur.
Plus qu’une guerre de civilisations, c’est une guerre des pays oppresseurs contre les régimes démocratiques qui les gênent, car avec la mondialisation de l’information par internet, il est de plus en plus difficile de maintenir comme autrefois des barrières étanches pour maintenir le conditionnement du cerveau.
Commentaires