PAS DE DEMOCRATIE SANS VOTE
08 mars 2024
Le droit de voter : combien de morts ?
Notre système démocratique, si confortable et si rassurant en apparence, est mis en danger par la paresse des citoyens. Il a pourtant été conquis de haute lutte. Il en a fallu des combats et des révolutions pour parvenir à le mettre en place et le stabiliser. Mais voilà, voter suppose un effort intellectuel, choisir, et pour choisir il faut faire le tri entre les faits et les croyances et parce que nous sommes des millions, nous pensons que notre vote individuel ne sera pas décisif. Grave erreur. Le mal vient très probablement d’une perception de la réalité faussée par de nombreux facteurs qui n’existaient pas autrefois, quand s’instruire et s’informer était relativement simple. Aujourd’hui l’état d’ignorance de l’opinion publique sur de nombreux sujets indispensables à l’édification d’une conscience citoyenne apte à faire des choix, tels que l’état de l’économie ou la vérité scientifique, creuse un fossé entre les croyances et le savoir établi. Il peut en résulter une démotivation ou une polarisation partisane aveugle. Dans les deux cas, la stabilité démocratique est menacée. Lorsque les conditions l’exigent, et ce sera bientôt le cas, il serait préférable que nous exercions notre devoir citoyen avec le plus grand sérieux.
Perceptions et réalités.
Prenons l’exemple de la Russie. Le peuple russe est appelé à voter la semaine prochaine pour élire le président de la fédération. On pourrait croire qu’il s’agit d’une démocratie. Sauf que toutes les conditions ne sont pas réunies pour que s’exerce un vrai choix : les médias sont astreints à une propagande éhontée en guise d’information, les opposants dignes de ce nom sont en prison ou éliminés physiquement comme Navalny, le scrutin n’est pas sincère. Le candidat officiel est assuré d’un score que l’on aurait qualifié autrefois de « soviétique ». Il s’agit d’un simulacre pour masquer l’un des pires régimes dictatoriaux de la planète et lui donner une apparence de légitimité populaire. La réalité, c’est que les vraies démocraties sont de moins en moins nombreuses dans le monde. Et il n’y a guère qu’en Europe où elle est établie, bien que là aussi elle soit menacée.
L’élection présidentielle aux Etats-Unis nous offre un autre exemple. Pour comprendre l’avantage de Trump, il faut considérer la perception qu’ont les Américains de la santé économique du pays, car ils accordent davantage d’importance à l’économie qu’aux questions sociétales. Et ce qui est surprenant c’est qu’un grand nombre jugent les conditions économiques très mauvaises alors que tous les indicateurs sont au vert et que le bilan de Biden est jugé très bon par les experts. Mais ils préfèrent croire les discours simplistes de Trump qui ment comme il respire et suivre un candidat cerné par une multitude de procédures. La croyance dans la théorie du complot y a de nombreux adeptes, celle de « l’Etat profond » qui veut faire la peau à Trump, l’influence obscurantiste des évangélistes qui voient en Trump un « sauveur », la polarisation des médias avec les chaines en continu très regardées qui penchent pour les extrêmes et le mépris pour la vérité par certains politiciens forment un cocktail destructeur pour renforcer les inclinations individuelles des citoyens.
La manipulation de l’information.
L’information joue un rôle capital. Nous avons la chance de vivre dans un pays où elle est plurielle, qu’elle soit écrite ou télévisuelle. Nous ne sommes pourtant pas à l’abri : les chaines publiques en France ont une orientation très marquée définie par Mme Ernotte : « Nous présentons le monde tel que nous voudrions qu’il soit ! », ce qui est loin de garantir une certaine objectivité. Et la guerre faite à Cnews en dit long sur la tentation « monothéologique ». Mais la situation est encore plus compliquée quand on sait que nombreux sont ceux, surtout les jeunes, à ne s’informer que sur les « réseaux sociaux », ce qui est le pire moyen tellement le faux y côtoie le vrai. Et puis il y a tous ceux que cette multiplicité des sources décourage. Le fossé qui se creuse entre les croyances et les faits par la polarisation partisane conduit à une faiblesse structurelle des régimes démocratiques. Ainsi, on a vu récemment en Slovaquie, comment une campagne de « trolls » en provenance des « fermes » moscovites a inondé la campagne présidentielle et a réussi à faire élire Robert Fisco, le candidat favorable à Poutine. Récemment, j'ai été surpris par la manière dont la plupart des médias ont repris en la déformant ou en la sortant de son contexte la phrase de Macron sur la "possibilité d'envoyer des troupes sur le terrain en Ukraine". Je ne défends pas le Président, j'observe simplement qu'entre ce que j'ai compris quand il l'a dite, et je ne crois pas être idiot, et ce qui a été repris, analysé et décortiqué, il y avait une volonté d'orienter la réflexion des Français, et plutôt dans le sens du narratif de M. Bompard (LFI).
Montée des obscurantismes et des idéologies totalitaires.
Les dangers qu’elle doit affronter sur notre continent sont nombreux. Notre liberté est aussi notre faiblesse. Chez nous les idéologies totalitaires ont encore pignon sur rue, très voyante à l’extrême-gauche avec Mélenchon, admirateur des dictatures sud-américaines, plus camouflée à l’extrême-droite mais pourtant bien présente dans les fondamentaux du RN. L’islamisme radical est un autre mal qui gangrène la démocratie quand il proclame la supériorité de la loi religieuse sur la loi républicaine. Et comment faire contre le pouvoir des paraboles branchées sur les pays d’origine dont les télévisions crachent à longueur de journée sur la France. Même l’institution scolaire est menacée, où, sous la pression, de nombreux enseignants s’autocensurent sur les sujets qui « déplaisent ». Dès lors, la stabilité démocratique repose sur un pari : que lorsque les conditions l’exigent, nous exercions notre devoir citoyen avec le plus grand sérieux. Ce sera le cas, pour nous, en juin prochain avec l’élection des députés au parlement européen. Nous allons jouer à « Europe, stop ou encore ? ». Dans le contexte actuel, ce serait une folie d’envoyer à Strasbourg des eurosceptiques d’extrême gauche ou d’extrême droite qui ne rêvent que de défaire ce que nous avons mis des décennies à construire laborieusement. On aura l’occasion d’y revenir.
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