HISTOIRE
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POURQUOI LA FRANCE IMPORTE-T-ELLE SA CROISSANCE ?

Compétitivité

La croissance extérieure.

Nous venons de le constater : notre pays a été le dernier à voir sa  croissance redémarrer, bien après les  Etats-Unis et après tous nos partenaires européens. Et pour cause, elle nous vient de l’extérieur.  C’est  bien pour ça que Hollande la guettait, juché sur le toit de l’Elysée,  comme « soeur Anne » en haut de sa tour. « Pas de bol », elle n’est pas venue à temps. Macron le sait bien qui organise à Versailles un grand raoût pour attirer ce que la  planète compte de grands investisseurs. La raison est toute simple : La  France se  révèle  incapable  de générer sa croissance propre. En cause, un système d’imposition et de prélèvements qui épuise l’épargne privée au profit d’un Etat omnipotent qui prétend tout diriger. Ce qui manque le plus en France, c’est le capital privé qui devrait irriguer la bourse, les entreprises, l’immobilier… En macro-économie, l'accumulation du capital est le processus qui permet de transformer l'épargne en moyens de production ou en actifs financiers. Avec le travail et le progrès technique, elle est l'un des facteurs de production qui est nécessaire au développement économique. Le niveau des  prélèvements obligatoires et les dispositifs fiscaux rendent impossible  le  bon déroulement de ce processus.  Et notre  pays est bien le seul en Europe à avoir un système aussi complet de captation de l’épargne à  sa source  pour alimenter un monstre obèse qui malgré cela  dépense plus qu’il ne perçoit. Il est même  le champion mondial des dépenses collectives de tous les pays développés : près de 57% du Pib de dépenses pour 46% du Pib de prélèvements obligatoires. Non seulement on empêche l’épargne privée d’alimenter la croissance, mais l’Etat est obligé de l’acheter à crédit, puisqu’il n’arrive  pas à joindre les deux bouts malgré la lourdeur des prélèvements. C’est pourquoi il compte sur les capitaux étrangers pour venir investir en France, un jeu dangereux qui nous appauvrit à long terme.

Toujours plus d’impôts.

La « transformation » annoncée par  Macron n’a pas lieu. Sa logique d’Inspecteur des Finances l’a emporté. Il a certes supprimé l’ISF et mis en place la « flat taxe » à 30% sur les revenus mobiliers. Ce sont deux arbres  pour cacher la forêt des taxes et impôts nouveaux et les augmentations des existants. Malgré son souhait de réduire les prélèvements obligatoires et la suppression annoncée de la taxe d'habitation, la France a déjà créé huit impôts nouveaux.  Pourtant, le programme fiscal du candidat Macron contenait plusieurs propositions dont les plus emblématiques étaient, d'une part, l'opération « hausse de la CSG/baisse des cotisations sociales » et, d'autre part, la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des assujettis. L'objectif final était une baisse de l'ensemble des prélèvements obligatoires de 32 milliards d'euros. Déjà, elle est ramenée à 20 milliards par la mise en place à hauteur de 12 milliards d'une nouvelle fiscalité écologique : une paille ! Parmi les huit nouveautés, un exemple ubuesque : l’IFI. Cet impôt se révèle être à la fois une usine à gaz comme  on n’en a jamais vue et une aberration fiscale. Ainsi l’immobilier français supporte  3,3 points d’impôts et taxes quand celui de l’Allemagne est à … 0,8 point !  Un écart qui se chiffre à 50 milliards d’euros. Les mécanismes sont tellement complexes qu’un assujetti « pourrait ne pas être en capacité de posséder les informations nécessaires à l’estimation de  la  valeur des parts ou actions représentatives des biens qu’il détient » !  Voilà un inextricable  monument directement sorti  de la  technostructure de Bercy !  Mais ça n’est pas tout. D'autres impôts sont arrivés un peu par surprise comme la très étrange « taxe pour le développement des industries de fabrication du papier, du carton et de la pâte de cellulose ». Il faut y ajouter l'entrée en vigueur de la Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) accompagnant une réalité dont on se serait bien passée, et l'augmentation de 3 % de la taxe « cabanon » ( un impôt sur la construction des abris de jardin et des piscines). A cet inventaire à la Prévert, il faut ajouter la nouvelle taxe sur le tabac, deux sur « l'exploration d'hydrocarbures et de gîtes géothermiques », une autre sur les plus-values de ventes de logements HLM et les deux contributions exceptionnelles sur l'impôt sur les sociétés des très grandes entreprises qui ont pour but de financer l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. En outre, L’exécutif envisage une réforme de l’impôt  sur les sociétés qui se solderait par un gain pour l’Etat d’1 milliard d’euros supplémentaire. A Bercy, on ne réforme pas pour rien. C’est pourtant l’inverse qu’il faudrait faire !

Le capital, clé de la croissance inclusive.

Au sein des entreprises, l’accumulation du capital est liée à l'investissement qui est financé par l'excédent brut d'exploitation ou par l'emprunt. Comme le capital subit une dépréciation permanente du fait de son utilisation pour la production, il y a accroissement du capital et donc accumulation si l'investissement brut est supérieur à cette dépréciation. Ce mécanisme est largement obéré par le manque de marges sous le poids des  charges. C’est  pourquoi le CICE n’a pas fait  reculer le chômage, les entreprises profitant de ce ballon d’oxygène pour les reconstituer avant d’embaucher. C’est pourtant d’une baisse des charges qui favoriserait durablement  l’investissement que pourrait repartir la  croissance « inclusive »,  celle qui permettrait d’augmenter le Pib de l’intérieur. Une reprise est saine quand elle est portée  par les investissements. Les  décisions prises par le gouvernement Philippe vont dans le bon sens mais ne sont pas suffisantes. Rien dans le budget 2018 n’améliore la compétitivité de nos entreprises et l’année 2019 devrait même diminuer leur  marge de  manœuvre avec la fin du CICE et le basculement en une baisse des charges qui devrait être moins avantageuse.

La formation et le capital humain.

Le déploiement de la croissance soutenable et durable passe par la mobilisation des trois formes de « capital » : humaine, financière et  environnementale. Mais,  dans une économie de la connaissance et de services à haute valeur ajoutée, le capital humain joue aussi un rôle essentiel. La  croissance « inclusive » ne peut ignorer la question de l’accès  à l’emploi qualifié. L’éducation constitue une des  principales réponses à la révolution numérique, au risque de déclassement du fait de la transformation des emplois et même des entreprises, des bouleversements des cadres sociaux et des modes de vie. Education et formation doivent être repensées pour accompagner les individus au long de leur vie avec pour objectif de leur permettre d’accéder à l’emploi productif. C’est l’intention poursuivie avec les réformes de  l’apprentissage et de la formation professionnelle. En choisissant de favoriser le corporatisme, la voie risque d’être non seulement décevante mais catastrophique comme le soulignent Nicolas Bouzou et Bertrand Martinot dans un article paru récemment. Rien de bon ne peut  sortir d’une emprise accrue des appareils syndicaux et patronaux sur la formation. Les  institutions potentiellement concernées par l’emploi et le développement économique sont soigneusement tenues à l’écart, en premier lieu les Régions dont on attend cependant la contribution financière : un comble !

Comme on le voit, la bataille de la croissance est  loin d’être gagnée.

La vision centralisatrice et technocratique de nos gouvernants, formatés par l’ENA, continue de corseter l’économie de notre pays. Qu’arrivera-t-il  quand le retournement de conjoncture –inévitable- se produira ? Les risques systémiques liés à la finance, au cybermonde, sont amplifiés par le démantèlement des institutions multilatérales voulu par Trump, le retrait de l’accord de Paris en étant l’exemple emblématique. Malgré l’activisme réformateur superficiel qui agite l’exécutif, la France fait du surplace et, telle la cigale, va se trouver fort démunie quand la bise se mettra à souffler.

 


EN MÊME TEMPS…!?

Daniel Houlle001

 

J’ai beaucoup de sujets en tête dont je voudrais vous entretenir.

Par exemple, je me demande bien pourquoi le Président de la République se croit  obligé d’inviter à grands frais au château de Versailles tout ce que la planète compte de grands entrepreneurs étrangers pour les inciter à investir en France, qui fait que les chinois et les émirs s’emparent de notre patrimoine, si ce n’est parce que dans notre pays il n’est plus possible d’accumuler du capital :  ce sera l’objet d’un article sur la notion de « capital  inclusif ».  Autre exemple, qu’est-ce qui passe par la tête du même pour qu’il ait envisagé dans un délire fédéraliste, des listes transnationales pour le scrutin des Européennes,  projet heureusement repoussé par le Parlement européen, alors qu’aucun cadre territorial ni institutionnel ne le justifie sauf à abolir les frontières : j’ai une réponse et ce sera l’objet d’un premier article sur les élections européennes, qui sera forcément  suivi de beaucoup d’autres. Savez-vous  combien de  plans le  gouvernement a tiré sur la comète depuis  moins d'un an.  Mimant Sarkozy, j'ai envie de continuer par "eh bien je vais vous le dire...". Voilà un sujet qui vous distraira certainement car   on frise le  ridicule. J’aimerais aussi vous entretenir de politique fiscale : là encore il y a large matière face à un pouvoir qui nous parle de « transformation » et qui se complait en réalité dans la pire des traditions, celle qui consiste à toujours plus d’impôts et de taxes : j’ai des preuves ! Il y aurait encore beaucoup à commenter au sujet des réformes dont  les médias « ébaubis » nous vantent la multiplicité et la ferme volonté, comme si ouvrir des chantiers suffisait à garantir la fin. Je reviendrai bientôt  sur celles de l‘apprentissage et de la formation professionnelle, où l’on voit l’Etat laisser les organisations patronales mettre la  main sur le pactole que représentent les cotisations pour le gérer à sa guise, mettant sciemment de côté les Régions qui ont pourtant en charge la compétence dans ces domaines. Dans quel but, sinon affaiblir les  territoires !

L’affaire Wauquiez.

Ce dernier sujet me permet d’enchaîner sur ce qu’il  faut bien appeler « l’affaire Wauquiez ».  S’il  y a bien un scandale, il  n’est pas dans les propos tenus mais dans le procédé. Nous vivons dans un monde où l’éthique et la morale professionnelle ont disparu. Tous les coups sont permis.  C’est non seulement inacceptable mais insupportable ! J’ai eu la curiosité d’aller voir à quoi correspondaient les paroles prononcées qui ont fait les choux gras médiatiques jusqu’à l’overdose pendant plusieurs jours. Il suffit d’écouter à quelles questions il répondait pour comprendre tout de suite qu’il n’y avait pas de quoi retenir cinq minutes l’attention. Ainsi, ses propos sur « le Médef  qui ne pense qu’à ramasser du fric sans se préoccuper des cotisations payées par les entreprises » répondaient précisément à une question sur la réforme de l’apprentissage qui retire aux Régions 4 milliards d’euros au profit des branches professionnelles, alors que les entreprises de moins de 11 salariés, en même temps, se voient assujetties à la taxe de 0,85% de la masse salariale pour participer au financement. Connaissant bien le sujet, j’aurais été  bien plus violent ! Tout le reste est à la même aune. Il suffit de remettre dans le contexte pour comprendre. Evidemment le ton employé dans la formulation n’était pas fait pour être rendu public. La tempête médiatique n’aurait pas dû concerner Laurent Wauquiez mais ceux qui utilisent ces méthodes de voyous.

C’est la méthode qui est scandaleuse.

Qu'est-ce qui est scandaleux, la parole libre d'un homme politique ou ce qu'on voudrait lui faire dire en l'enregistrant clandestinement ? Car le vrai scandale, c’est qu’aucun média n’ait condamné la méthode qui aurait pourtant mérité la « furia » plus que les propos révélés. D’abord, le fait même que l’enregistrement soit clandestin. Il  est vrai que depuis l’affaire Bettencourt, c’est à la mode. Tout le  monde va  pouvoir se sentir autorisé  à agir de la sorte, puisque ce n’est pas répréhensible. Si c’est ça le  journalisme d’investigation, il vole bien bas. Chers amis, il va vous falloir éviter les confidences ou les propos douteux dans les repas entre amis ou au restaurant sur untel ou untel, car un smartphone pourrait vous trahir. Je pense aussi aux enseignants qui devront  plus que tout autre peser leurs propos à chaque instant, et éviter l’humour qui pourrait être mal interprété. Et si vous avez des critiques à faire sur le personnel politique haut placé, méfiez-vous, des « oreilles ennemies vous écoutent ». La  dictature n’est pas loin et les médias y participent, car quand il n’y a plus de bornes, il n’y a plus de limites. Le deuxième scandale qui aurait dû provoquer la condamnation unanime du procédé, c’est le « montage » auquel s’est livré le journaliste de « Quotidien ». Il est tellement facile de rendre des propos insultants alors qu’ils ne le sont pas. Il suffit de les sortir de leur contexte. Le but était manifeste : faire le plus de mal à droite. On ne me fera pas croire que c’est un hasard. Ils nous ressortiront le coup de la théorie du complot en guise de dénégation. Il n’empêche, c’est un procédé bien connu des régimes staliniens : cela ne grandit pas les auteurs. Ce sont les mêmes qui, alors que nous attendions pour entrer à un meeting de François Fillon pendant la campagne électorale, s’insinuaient parmi les gens avec des micros-perches, pour tenter de « voler » ici ou là des conversations qui pourraient être exploitées ensuite.  Nous avions dû les « inviter fermement » à s’écarter ! Toujours le même procédé. « En même temps » il est tout de même  dommage que des Xavier Bertrand, Dominique Bussereau, Elisabeth Morin, Valérie Pécresse, et même Jean-François Copé (manque pas d'air celui-là !) cautionnent ce genre de procédé pour en tirer un prétexte politique, sans même le dénoncer. Presque trop facile !  

Entre poubelles et caniveaux.

Malheureusement, c’est ce journalisme de caniveau qui est à la mode aujourd’hui. La dictature du scoop qui fait l’audience pour attirer la pub. Et si pas de pub, pas d’argent et dans ce cas-là on vire. « Il faut bien que je mange, alors je fais les poubelles ! » Voilà résumé le  modèle sur lequel vivent toutes ces pseudos chaines d’infos et leurs hommes de main. Monsieur Barthès a de beaux jours devant lui. Laurent Wauquiez peut porter plainte, le temps que la justice lui donne éventuellement raison, comme pour tous ceux dans son cas, les dommages et intérêts qu’il pourrait percevoir ne seront rien comparés aux profits immédiats engrangés par ces entreprises de destruction. C’est pourquoi on n’entend plus parler de l’affaire Fillon. Il y a gros à  parier que l’instruction menée à pas  de charge pendant la campagne, avec  fuites organisées, s’éternise maintenant pour aboutir le plus loin possible de la dernière présidentielle… Et pour cause : imaginons le scandale si la procédure aboutissait aujourd’hui à un non-lieu, ce qui n'est pas exclu !

On ne pourra pas éternellement nous faire prendre des vessies pour des lanternes, alors qu’ils se méfient bien de la lucidité des Français. Car, j’en suis le témoin, ces épisodes tumultueux de furia médiatique lassent de plus en plus, et de plus en plus vite : « ça ne va pas recommencer ! » est la phrase que j’ai entendue le plus souvent. Dans ces conditions, ils ont peut-être rendu service à celui qu’ils voulaient descendre. Les premiers sondages valident cette réflexion.

 


LE BREXIT DANS LE SMOG (2)

May

 

Priorité à l’actualité.

Pour donner une suite à mon article d’hier, je  ne peux que faire écho aux dernières infos qui sont tombées sur le Brexit, et qui mettent en lumière les divisions au sein des Tories.

Une fois de plus, Theresa May fait face à une nouvelle fronde au sein de son parti. Hier, 62 membres de son parti ont publié une tribune pour demander un « Brexit clean », c’est-à-dire une rupture claire et nette, sans atermoiement. Et aussi rapide. Le groupe lui demande de durcir le ton vis-à-vis de l'Europe et d'arrêter de négocier en position de faiblesse et de faire des concessions. Ils disent la soutenir, mais c'est un soutien empoisonné tant il est conditionné par des revendications qui rappellent les plus belles heures du « hard Brexit ». Ils veulent notamment que la Grande-Bretagne s'éloigne le plus rapidement possible des contraintes et réglementations européennes dès le 29 mars 2019.

Pour autant,  on ne sait guère mieux où on va? On y voit même encore moins clair qu'avant. Et c'est le reproche qui est fait à Theresa May : son manque total de vision et de direction. Celle-ci a reçu les contestataires. Elle doit concilier des points de vue qui sont totalement opposés, au sein même de son propre parti. Elle devrait prononcer un discours la semaine prochaine et donner plus de détails sur son plan, si plan il y a,  et en particulier éclairer les négociateurs européens sur sa vision des relations commerciales entre l'Union Européenne et la Grande-Bretagne avant que les négociations officielles sur le sujet commencent en mars. Ce qui est rassurant (si on peut dire) sur le Brexit, c'est que les dirigeants britanniques ont l'air d'aussi peu comprendre la situation que nous.

Entre ceux qui nous expliquent que finalement il n'y aura pas de Brexit, ceux qui parlent d'une période de transition tellement longue que le Brexit ressemblerait plutôt à un statu quo et ceux qui au contraire voient toujours un hard Brexit, on ne sait pas à quelle sauce le Royaume-Uni sera mangé. Mais une chose est certaine, et c'est la grande leçon de ce cafouillage monumental depuis plus d'un an, il se confirme que c'est la Grande-Bretagne et pas l'Union Européenne qui subira toutes les conséquences négatives.

 


LE BREXIT DANS LE SMOG (brouillard londonien)

Brexit 2Je t’aime, moi non plus : drôles de négociations …

Le Royaume-Uni n’en finit pas d’atermoyer face à une Union européenne intraitable : on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Theresa May danse d’un pied sur l’autre, ballottée entre les  partisans du soft et ceux du hard, Boris Johnson en tête. Les conservateurs sont très divisés. Mais Michel Barnier, le négociateur en chef pour l’Union,  vient de le répéter, la transition de 21 mois souhaitée pour amortir le choc de la rupture n’est aucunement acquise car les points de blocage s’accumulent. Ce qui fait tousser outre-Manche ce sont les obligations auxquelles Londres devra continuer de se soumettre pendant la transition, tout en perdant son droit de vote dans les institutions, une fois le  « Brexit » proclamé, le 29 mars 2019. Ce qui fâche aussi c’est la volonté des Européens qui exigent que le respect des mécanismes de mise en œuvre de la séparation se fasse sous le contrôle de la Cour de Justice de l’Union européenne et les Anglais y voient une ingérence… Et ce n’est que la  partie émergée de l’iceberg des désaccords.

Un poison lent.

En attendant, les impacts du Brexit sont de plus en plus visibles pour les grands bretons. Il agit comme un poison lent, surtout sur la City de Londres. L’incertitude sur la conclusion de l’accord avec le continent pèse lourdement sur le climat des affaires dans plusieurs domaines. Les agents immobiliers, les banques,  les universitaires, les industriels sont de  plus en plus inquiets. L’immobilier baisse à Londres, plombé par le départ de salariés de la haute finance ; la Livre chute et a déjà perdu 13% par rapport à l’euro depuis le referendum, d’où un renchérissement automatique des biens importés ; l’inflation s’envole, boostée par l’agroalimentaire et atteint les 3%, ce qui pénalise la consommation des ménages dont le  porte-monnaie se trouve doublement impacté et du coup l’économie patine ; la finance commence à mesurer ses  pertes : 10 000 jobs pourraient être perdus et jusqu’à 75 000 à plus longue échéance en cas d’absence d’accord sur les services financiers car presque tous les fleurons de la city  ont manifesté  leur intention de déplacer une partie de  leur personnel ;  déjà deux puissantes agences font leurs bagages :  l’Autorité bancaire européenne a choisi Paris et l’Agence européenne du médicament ira à Amsterdam, soit près de 1 000 emplois déplacés sans parler de la perte que constituent les visites des 36 000 experts chaque année ; les constructeurs automobiles japonais menacent de partir car leur production commence à chuter, ce qui met 170 000 emplois sur la sellette… De quoi alimenter le pessimisme comme on voit. Conséquence, 65 000 britanniques ont demandé à devenir irlandais en un an.  Plus anecdotique, Toblerone a augmenté l’espace entre ses triangles de chocolat pour ne pas augmenter sa barre,  ce qui a provoqué un grand émoi : voilà, en effet, un signe tangible d’appauvrissement ! 

Le camp des « No Brexit » gagne du terrain.

Cette ambiance favorise les partisans d’un nouveau referendum pour annuler le Brexit qui reprennent du poil de la  bête. Nick Clegg, ancien vice-premier ministre libéral de David Cameron, en est persuadé, le Brexit n’aura pas lieu.  Il veut tout mettre en œuvre pour interrompre un processus qu’il  juge « masochiste ». Il vient de publier un livre « how to stop Brexit » et compte sur un vote au parlement rejetant l’accord sur lequel Downing Street travaille, de quoi conduire à un nouveau referendum dont il est persuadé qu’il  inverserait la décision. Il pense qu’il peut très bien ne pas y avoir d’accord du tout : l’échec des négociations serait la mort du Brexit aussi. Il espère que l’écart entre l’utopie de la séparation et la réalité qui s’élargit chaque jour, ce que les britanniques peuvent mesurer facilement, conduira à une évolution des partis politiques, notamment au sein du Labour. Car il en est persuadé, aucun accord n’épargnera un recul considérable de l’économie britannique.

En attendant, les Brexiters conservateurs voudraient pousser Theresa May dehors, jugée trop molle, et la remplacer par Jacob Rees-Mogg, le chef des europhobes. Une manœuvre qui a coup sûr ferait imploser le parti Tory, divisé entre la poignée de partisans du « soft » comme le  ministre des finances, Philip Hammond, la centaines de radicaux europhobes et le ventre  mou des anciens partisans du maintien, ralliés de mauvaise grâce à la volonté du peuple. Le  seul résultat de  ces luttes intestines, pour l’instant, c’est la paralysie du gouvernement May. Celle-ci veut  gagner du temps, car elle sait qu’il travaille pour elle,  en remobilisant un peu plus chaque jour les modérés de son  parti  comme Anna Soubry.

Rien n’est joué.

En attendant, le bon peuple godon subit et patauge dans le smog quant à son avenir. Et il y a des fadas en France qui prônent le « Frexit » !

 

 


APPRENTISSAGE : UNE MAUVAISE REFORME

Apprentissage

 

Le projet présenté par le gouvernement part dans la mauvaise direction, en voulant confier le pilotage de l’apprentissage aux branches professionnelles, après une concertation pipée comme d’habitude. Le  premier ministre a suivi  le choix de sa  ministre du travail, qui,  ça n’est un secret pour personne, voulait absolument que  le bébé soit pris en charge par ses amis du patronat. Tout n’est pas encore joué,  car le projet doit encore être discuté au parlement. Il importe que les  Régions continuent de faire entendre leur voix.

Un tabouret à trois pieds.

L’apprentissage repose sur un tabouret à trois pieds : l’Etat, les entreprises et les Régions.  Il  importe qu’un équilibre soit respecté entre ces trois partenaires dans la définition des rôles, sinon  le système sera bancal. Et  l’on sait ce qui arrive  quand on s’assoit sur un tabouret  bancal. Ce sont les Régions qui devraient recevoir la mission principale du pilotage de l’apprentissage, je suis bien placé pour  le savoir,  ayant eu en charge son développement pendant six ans au Conseil Régional des Pays de la Loire, de 1992 à  1998. Nous avions multiplié par deux le nombre des apprentis, car c’est d’abord une question de volonté politique. J’ai pu mesurer alors combien l’exercice était périlleux, car le nerf de la guerre,  la taxe d’apprentissage, était capté par les branches professionnelles et les réseaux consulaires, qui  l’utilisaient à leur guise pour financer leurs  propres outils de formation. La plus grande  partie de  la  collecte nationale allait à  la Région Ile-de-France.  Les  Régions s’étaient vu confier l’organisation de l’apprentissage par les lois de décentralisation mais n’avaient pas les moyens correspondants. Il a fallu lutter pour obtenir qu’une péréquation plus équitable des fonds soit mise en place.

Le projet comporte des avancées appréciables.

Le volet « Etat » du tripode propose plusieurs points qui sont des progrès utiles : la hausse de la rémunération de l’apprenti de 30€ par mois, l’élargissement de l’accès à Erasmus, l’allongement de l’âge à 30 ans au lieu de 26 pour entrer en apprentissage, l’aide de 500 € pour passer  le permis de conduire… De même la simplification de la  taxe qui devient unique avec un taux de 0,85% de la masse salariale pour financer les contrats d’apprentissage. Une manne de 4 milliards d’€ qui ira aux centres de formation en fonction du nombre d’apprentis. Le gouvernement veut aussi cibler les aides à l’embauche d’apprentis vers  les petites entreprises, c’est bien vu et bienvenu. Les artisans ne s’en plaindront pas. C’est aussi une bonne chose que les Régions récupèrent l’orientation.  

Les  branches professionnelles ne sont pas les mieux placées.

Le projet prévoit de simplifier le financement en confiant aux branches professionnelles le  pilotage de la  distribution des fonds collectés. Cela peut paraître logique. Mais c’est oublier qu’elles ne couvrent pas tous les champs de formation ouverts à l’apprentissage : la fonction publique, les carrières médico-sociales et les réseaux des  maisons familiales qui ont en charge des formations multiples très impliquées dans la ruralité. Qui prendra en charge le financement de tous ces outils ? Se pose aussi une autre question et qui n’est pas anodine : qui régulera le taux de l’heure de formation dans les différents CFA ? Il y a un grand risque de rendre les branches professionnelles à la fois juges et parties. Sans parler du risque d’opacité sur l’utilisation des fonds collectés comme on l’observe pour ceux de la formation professionnelle. Enfin,  ce n’est pas au monde professionnel de décider de la  place de l’apprentissage, mais à la puissance publique, élue démocratiquement.

La Région devrait être le pôle d’équilibre de  l’apprentissage.

C’est la Région qui est la mieux à même d’organiser un développement harmonieux de  l’apprentissage sur l’ensemble de son territoire. Parce qu’elle est déjà au centre du dispositif et à l’expérience de la négociation avec tous les partenaires concernés,  avec un panel beaucoup  plus large que les seules branches professionnelles qui sont loin de couvrir tous les métiers. C’est donc vers elle que devrait converger toute la taxe d’apprentissage, à charge pour elle de financer les CFA, qu’ils soient de branche ou pas.  Elle est encore la mieux placée pour savoir quels types de formations il faut développer, ayant en charge  par ailleurs le développement économique. Or, pour le développement de l’apprentissage, la connaissance des besoins des bassins d’emplois est essentielle. La réduire à un rôle de concertation avec les branches professionnelles est à la fois dérisoire et pitoyable. C’est méconnaitre gravement l’expérience qu’elles ont acquise depuis plus de vingt ans. Je ne peux  m’empêcher de penser que derrière cette recentralisation, car c’en est une, il y a une volonté d’affaiblir les Régions. Il  est clair  là encore que la vision métropolitaine l’emporté sur celle des  « territoires ».

Pour que l’apprentissage réussisse, il faut aussi faire évoluer les mentalités des  parents et surtout celles qui dominent au sein de  l’éducation nationale. Quant à faire de  l’apprentissage une filière d’excellence, il y a longtemps que c’est une réalité dans les Pays de la Loire !

 

 


POUR LA DROITE, TOUS LES ESPOIRS SONT PERMIS

Laurent-wauquiez- la droite de retour
 

 

Intéressante cette synthèse de la fondation Jean Jaurès parue le 31 janvier dernier dans Le Figaro. A la lumière de  différentes études d’opinion, réalisées notamment pour le Cevipof, elle nous montre à la fois la « droitisation » de l’opinion,  qui n’est pas une surprise et une résistance de la droite pourtant mise  à mal par les tentatives de déstabilisation récurrentes du « macronisme ». On ne s’étonnera pas  non plus, qu’au moment où elle est réalisée, cette étude constate un manque de crédibilité des Républicains aux yeux des Français, quoique moindre auprès de ses sympathisants. Cette situation est bien normale après l’année de tourmente que nous avons vécue en 2017.

L’appel d’air de Macron.

Après son élection, et compte-tenu de l’effondrement du PS qui lui a permis des marges de manoeuvre, le Président de la République a mis l’accent sur des mesures susceptibles de plaire  à l’électorat de la droite, avec un certain succès, il faut bien le reconnaître. Et d’abord  en mettant les transfuges à des postes clés tels Le Maire et Darmanin, à l’économie et aux finances. Ils ne font pas vraiment une politique de droite, mais l’affichage est là. Cet appel d’air contribue à déplacer le centre de gravité de l’opinion vers la droite avec une note moyenne de 5,4 sur une échelle de 10 (moyenne à peu près constante depuis juin 2014), avec une poussée à 5,8 en novembre 2017. Le positionnement de Macron est à 6 dans les enquêtes Ifop fin 2017 : il s’est manifestement « droitisé » depuis son élection. Il profite ainsi du vide provoqué par la défaite de Fillon, plus que Le FN, autre concurrent sur le segment de la droite. Les Républicains doivent donc livrer une bataille sur deux fronts pour reconquérir leur place. Il faut relativiser le positionnement droitier de Macron qui est perçu comme tel autant par des électeurs de droite que de gauche. Au passage, il n’est pas anodin de noter que cette étude souligne, statistiques à l’appui, que la perception des Républicains est demeurée quasi inchangée entre septembre 2016 et octobre 2017 : la droitisation dénoncée par certains dirigeants LR sous l’effet de la campagne de Fillon puis de la désignation de Laurent Wauquiez est donc un fantasme ou un prétexte, parce qu’elle n’est pas perçue par les Français.

Un crédit entamé.

L’annus horribilis a laissé des traces. La défaite entraîne toujours des querelles et des défections. Les Républicains ont donc perdu en lisibilité et en crédibilité sur un grand nombre de sujets, y compris sur ceux qui formaient des points forts : réduction des déficits, autorité et sévérité des  peines,  l’immigration, sur tous ces thèmes, la perte de confiance est considérable. Quand on dit qu’il faut refonder le parti, le diagnostic est évident. Le rebond du parti Les Républicains viendra de sa capacité à retrouver un ou plusieurs chevaux de bataille qui feront sa singularité et résonneront vrai dans la tête des sympathisants de la droite : l’abandon des territoires, les attaques contre les classes moyennes, le pouvoir d’achat … peuvent lui conférer un avantage comparatif décisif par rapport au macronisme et à l’extrême droite en pleine débâcle.

Un potentiel de vote et une attente forte.

Le parti « Les Républicains » se retrouve comme les autres partis, fragilisé par l’élection présidentielle et la recomposition qui a suivi. Mais, en raison de la forte concurrence exercée sur l’électorat de droite, le parti garde une probabilité de forte progression, notamment sur le FN (ne parlons pas des autres partis de gauche). L’avenir dépend donc de la capacité prioritaire à récupérer les électeurs de droite qui constitue en partie le potentiel de vote LREM.  Les résultats des élections partielles sont de ce point de vue, assez encourageants. Il semble bien que le discours de Laurent Wauquiez et sa percée dans l’opinion des gens de droite traduise concrètement les prémisses d’une nouvelle envie de droite. Car 78% des sympathisants LR  continuent de  juger leur parti proche de leurs préoccupations (Ifop).  Le socle de confiance n’est pas réellement érodé ce qui permet de consolider l’hypothèse d’un rebond. Les mêmes sont à 75%  persuadés que leur parti reprendra le pouvoir en 2022. C’est donc sur sa « capacité d’incarnation » que Laurent Wauquiez va jouer sa réussite ou son échec. Il a du pain sur la  planche et n’a rien à perdre en s’opposant fortement au chef de l’Etat : 46%  seulement des sympathisants estiment que le parti s’oppose suffisamment. La base partisane des Républicains croit en l’avenir du parti, ce qui invalide ou marginalise les tentations de départ ou les tactiques personnelles. Elle veut que le combat se déroule en interne. Cette base est aussi en attente d’une doctrine claire. La mise en place d’un centre d’études et d’un « shadow cabinet » est destinée  précisément à répondre à ces deux préoccupations : s’opposer et avoir un projet solide et innovant.

Un chemin tout tracé.

Si les Français jugent dans leur ensemble que le parti n’a pas de projet et estiment (68%) qu’il ne pourra pas revenir au pouvoir en 2022,  c’est tout simplement qu’il faut un peu de temps. L’essentiel c’est que le socle sur lequel se refonder soit là, et il est  là. D’abord rassembler la famille, puis toute la droite pour s’adresser ensuite à tous les Français. Le chemin est tout tracé. Car l’exercice d’équilibre auquel se livre le Président de la République a ses limites. Les  sujets qui fâchent ne vont pas tarder à réapparaître comme l’approbation de la  PMA ou l’accueil des réfugiés, et viendront s’ajouter à la superficialité des réformes engagées. Le travail remarquable de Jean-Michel Blanquer à l’éducation ne suffira plus à faire illusion. A  la différence du PS, la droite n’a pas perdu son âme, elle semble même avoir retrouvé un brillant porte drapeau. Tous les espoirs lui sont permis.

 


A MOI, COMTE, DEUX MOTS !

A  moi comte  ...

 

Soyons nous-mêmes !

La droite doit être elle-même pour se différencier de la gauche. Mais nous avons pris de mauvaises habitudes, en grande partie à cause du langage utilisé par les médias, imprégnés depuis  1968 du vocabulaire de la gauche. Sans le  vouloir nous parlons tous le « gaucho ». Comment nos concitoyens alors ne seraient-ils pas perdus ? Il importe donc que nous nous astreignions à l’exercice salutaire qui consiste à parler le « dextro ». C’est d’autant plus important que les Français se situent majoritairement à droite (5,4 sur une échelle de 0 à 10) !

Voici quelques exemples de différenciation :

Est-ce qu’on dit : la gauche républicaine ? Non ! Alors  pourquoi se croit-on obligé de dire « droite républicaine ». Y aurait-il  une droite qui ne le soit pas ? Non plus. Le FN  n’est pas un prolongement de la droite. Donc, disons la  « droite » tout simplement. Nous n’avons pas à justifier son  appartenance à la République qui va de soi.

Dans le même genre, ne parlons pas des « valeurs de la  République », lexique gaucho s’il en est, dont on nous rebat les oreilles. Pour la droite, la référence ce sont les « libertés fondamentales ».  De même, à la place de « l’école républicaine » évoquons « l’instruction publique », locution plus précise et plus signifiante. Remplaçons le mot « justice » mis à toutes les sauces par la gauche (sociale, fiscale, sociétale, pénale  …) et sert d’appui à toutes  les mises sous conditions de ressources, par la notion « d’équité ». Si la droite avait à proposer une refonte de la fiscalité de notre pays, il faudrait qu’elle soit fondée sur l’équité et non la justice. Nous éviterons de parler de « capitalisme » forcément « sauvage », mais plutôt de « l’économie de marché » et surtout pas de « libéralisme » qui n’existe pas autrement que sous la forme « ultra » mais de « liberté d’entreprendre ». Vous remarquerez combien le mot « liberté » est peu employé par la gauche. On devrait en faire un étendard de la droite.

Les éléments de langage.

La  droite, peut-être parce qu’elle n’aime pas l’embrigadement pratique peu l’art des « éléments de langage ».  A une époque où la communication est essentielle, elle devrait le pratiquer davantage pour renforcer l’effet de cohésion. Ainsi devraient être mis davantage « en scène » tous ces  mots qui ont une vraie signification dans la pensée de droite tels que « autorité », « confiance », « famille », « nation », « responsabilité » (le pendant de la « liberté individuelle »). Arrêtons d’employer la  « solidarité » à  toutes  les sauces, mais insistons sur le  « bien commun ». Ainsi, Quand Murielle Pénicaud justifie l’assommoir de la CSG pour les retraités, c’est au nom de la « solidarité intergénérationnelle ». Voilà bien la traduction politique d’une pensée de gauche. L’Etat, donc, se substitue à la « famille » qui est  l’espace dédié à ce type de solidarité, qu’à droite on nomme « fraternité ».

En ces temps de confusion où l’on veut nous faire croire que le clivage droite-gauche appartient à un monde dépassé, au moment où nous nous attelons à redéfinir  un projet  politique pour notre famille politique, notre mouvement, il  est important,que nous nous réapproprions la langue qui correspond à nos idées. Alors quand vous entendez « créer du lien social », « espace de solidarité », « imposer un ordre juste », « rechercher le vivre ensemble », ne cherchez pas, c’est un gaucho qui parle.  Réfléchissez aux éléments de langage que vous utiliseriez en lieu et place : « relations humaines », « coopération » ou « entraide », « respect de la loi », « communauté nationale »… Il y a toujours un mot qui correspond à notre façon de penser et qui nous différencie.

Prochainement : Les  attentes des Français sur la droite (d’après une étude de la  fondation Jean Jaurès)

 


LA REGRESSION DEMOCRATIQUE EN MARCHE

Macron jupiter

 

Le  comportement du groupe LREM à l’assemblée nationale entre amateurisme et naïveté, incompétence et caporalisme, est déjà en soi une régression du mandat de député. Mais le mal est bien plus grave. Il touche à l’exercice du pouvoir tel  que Macron le conçoit, Jupiter dominant le monde, et aux projets de « transformations » qu’il nous concocte.

La gouvernance Macron.

Il se compare à Bonaparte, dit-on. Il en a la jeunesse et voudrait s’attribuer le même « esprit de conquête ». De ce dernier il n’a que l’arrogance. Il n’a  pas l’audace de Bonaparte tirant au canon sur les émeutiers devant l’église St-Roch pour rétablir l’ordre, on l’a bien vu avec l’épisode calamiteux de Notre-Dame des Landes. De la comparaison avec De Gaulle, il n’a retenu qu’une idée qui lui va bien : l’exercice du pouvoir suprême exige une certaine distance par rapport au « vulgum », mais si pour le  premier c’est un éloignement conféré par le prestige, pour le second il est surtout le fait du mépris du peuple. Macron a une vision verticale du pouvoir qu’il voudrait fondée sur l’autorité, bien dans la logique du technocrate de Bercy. Un pouvoir personnel, centralisé, qui entre en opposition avec le régime parlementaire, synonyme de pluralisme et tendant à la limitation de  l’exécutif. D’où la nécessité d’une majorité reposant non sur un parti, mais plutôt un club  de supporters (En Marche), à la botte, et un gouvernement qui est l’un des plus faibles de la Vème République, car, hormis Jean-Michel Blanquer et Jean-Yves Le Drian, comme personnalités marquantes, les « hommes forts » du macronisme, Ferrand, Castaner ou Griveaux sont plutôt fades. En sommes Macron ne doit son  pouvoir qu’à son premier tour présidentiel et à la loi électorale majoritaire. A  l’intérieur de son camp, il est seul. Pour l’instant il est resté le président des « CSP+ » et des « bobos ». Il n’a pas réussi à transcender la fonction en devenant aussi le président de ceux qui n’ont pas voté pour lui.

La centralisation au détriment des territoires.

L’identité urbaine du président qui imprime la marche de  l’exécutif l’empêche de voir  le reste de la France. En témoignent de nombreux exemples dans la pratique et dans les projets. Ainsi la « conférence nationale des territoires » est mise en place pour établir une concertation avec les  acteurs locaux mais c’est aussitôt pour prendre des décisions sans les consulter : diminution des dotations, suppression de la taxe d’habitation… L’abandon du projet de l’aéroport nantais est dans la même veine de renoncement à l’aménagement du territoire où l’on décentralise les équipements structurants. La réforme de la taxe d’apprentissage aurait dû faire des Régions les pôles d’équilibre de la formation en alternance, entre tous les acteurs dont elles ont la pratique et l’expérience, renforçant leur compétence en matière de formation professionnelle. Au lieu de cela, on impose un cadre centralisé sur les branches professionnelles assis sur la vision parisienne du Medef. Et  du même coup  on affaiblit les Régions comme la suppression de la taxe d’habitation met les collectivités locales sous tutelle. C’est un jeu dangereux : les communes qui comptent moins de 2 000 inscrits, représentent 14 millions d’électeurs contre 7 millions dans les villes de plus de 50 000 inscrits. Une poignée de métropoles va continuer d’imposer sa loi à des campagnes désindustrialisées, cantonnées dans le rôle résidentiel. La révolte est inévitable.

L’affaiblissement de la démocratie.

Vouloir la fin du clivage gauche –droite  est en soi une régression démocratique. Le consensus est possible au niveau local quand il s’agit du choix d’un réverbère, mais quand il s’agit des affaires de l’Etat, il en va tout autrement. Cela dit, le pouvoir présidentiel est en train de tout faire pour avoir les coudées franches. Toutes les décisions qu’il prend et tous ses projets convergent vers un affaiblissement de la démocratie. Déjà les modalités de désignation des élus des communautés de communes et agglo éloignent un peu plus les conseillers municipaux et les maires de leurs administrés. C’est une première régression. Le retour à des listes nationales pour la prochaine élection du parlement européen revient au système qu’on avait abandonné parce qu’il rendait inconsistant le lien entre les députés et le peuple. C’est une seconde régression. Le projet de réforme de la constitution qui prévoit de diminuer le nombre des parlementaires, s’il est populiste à souhait, n’en est pas moins une troisième régression : 400 députés et 240 sénateurs, cela veut dire que certains départements n’auront que deux élus. Or, on sait qu’après le maire, c’est la proximité de contact avec le député qui est la plus recherchée par le citoyen. Et que dire de l’idée de fusionner le Sénat, cet empêcheur de tourner en rond, avec le CESE pour en faire un « machin » illisible ! Comme on ne renforcera pas les moyens de contrôle du parlement, c’est bien un affaiblissement programmé de la fonction parlementaire, d’autant plus que la  dose de proportionnelle à 25% ne va rien arranger en matière de majorité pour gouverner. La  France, contrairement aux idées reçues, n’a pas trop  de parlementaires. Il y avait un moyen très simple de diminuer le nombre des élus, c’était de revenir à la réforme intelligente du « conseiller territorial » en lieu et place des conseillers départementaux et régionaux. Et encore il y aurait beaucoup à dire sur le  caractère antidémocratique de "l'encadrement des mandats" et les limites qu'on veut leur imposer en nombre et en durée. 

Certes, le Président fait de beaux discours. César sait être convaincant. Mais il a autant de discours que d’interlocuteurs. Il est capable de dire  tout et son contraire, en changeant de langue, comme à Davos. C’est satisfaisant pour son ego. Mais, faute de convaincre une majorité de Français, il  souhaite faire le vide autour de lui pour gouverner à sa guise. Ce n’est pas de cette manière qu’on va inciter les abstentionnistes à revenir aux urnes. On ne tardera pas à voir que le roi est nu ! La régression démocratique n’est pas une bonne chose pour la France.

 


PETITE CHRONIQUE DE TRAHISONS PROGRAMMEES…

Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé

 

Ils n’en finissent pas de prendre leurs distances, en attendant… on ne sait quoi. La  cible  c’est Laurent Wauquiez et ses positions soi-disant droitières et surtout son supposé souverainisme sur l’Europe. Pourtant, émissions télé et articles de presse ont mis les choses au clair. Ce ne sont que des procès d’intention. Des prétextes quoi ! Pour rejoindre Macron le moment venu, et si possible à une date cruciale qui  fasse bien le buzz  pour nuire aux Républicains. C’est comme  ça  que je vois  les choses : chacun ses procès. C’est une attente cousue de fil blanc ! Ils ne me feront pas croire que leur décision n’est  pas prise.

Le cas Juppé.

Sa "réserve" semble suivre un plan de com’ bien huilé. Etape par étape il se rapproche de Macron. Cela a commencé  par une  déclaration aussitôt suivie d’une rétractation sur les « convergences européennes » avec la vision du Président. Puis il a annoncé qu’il n’avait pas renouvelé sa cotisation à son parti en 2017, dont il est pourtant le fondateur. Enfin il a déclaré récemment se mettre en retrait de sa  propre fédération dont il était le président naturel. Seraient en cause un méli-mélo de raisons parmi lesquelles l’influence excessive supposée de Sens commun (risible), les positions droitières de Wauquiez et ses propositions trop souverainistes sur l’Europe. Bref, Alain Juppé  prépare sa mue macronienne. Il est chaperonné en cela par tout son ancien état-major passé chez Edouard Philippe, qu’il avait, parait-il, dissuadé de prendre le poste de PM, et dont il chante les louanges aujourd’hui. Je ne vois pas en quoi la politique social-démocrate qu’il mène peut convaincre le Maire de Bordeaux. Alors, comment expliquer ce virage ? Probablement par un mélange d’aigreur : il n’aurait pas digéré sa défaite à la primaire de la droite et encore moins le refus de Fillon de lui laisser la place quand il s’avérait que la droite allait « droit dans le mur ». A l’aigreur peut s’ajouter le souci de  garder la mairie en 2020 en imaginant que LREM pourrait encore tout balayer. Un pari risqué. L’histoire nous a appris que les élections intermédiaires sont rarement en faveur du pouvoir central. Il reste que ce comportement me déçoit fortement, moi qui ai toujours eu de l’affection, et même de l’admiration, pour lui. Allez, Alain, n’écoute pas les sirènes de Matignon, elles vont te perdre !

Adresse à mon ami Jean-Pierre.

Jean-Pierre Raffarin a mis le parti sous observation jusqu’à la fin 2018. Pour quelqu’un qui a dit se retirer de la vie politique, il reste très présent dans le paysage. On ne se refait pas : couper le cordon lui est impossible. La longue interview qu’il a donnée au journal « Les Echos » m’a néanmoins laissé pantois. Il y montre une fascination pour Macron qui m’étonne et me surprend, lui, d’habitude si réaliste. Je ne veux pas croire qu’il revit un « effet Giscard », dans « l’effet Macron » qu’il décrit, car ce serait un signe de sénilité. Macron est certes jeunes et semble remplir correctement la fonction présidentielle –après Hollande, c’est plutôt facile- mais je ne lui reconnais en rien le génie et la vision prospective de Giscard. Il accorde au Président un désir de réformer qui se résume pour l’instant à ouvrir toutes les portes, sans emprunter aucun couloir, sauf peut-être celui de la finance et des banques. Ces dernières sont bien les seules à profiter pleinement des réformes. C’est tout au plus un « président courants d’air », plus dans le discours que dans l’action.

Cher Jean-Pierre, tu voudrais qu’Emmanuel Macron réussisse, mais c’est un vœu pieux car à l’inverse de ce que tu souhaites, la France continue de perdre du temps sur l’essentiel, les déficits et la dette. Comme le dit Agnès Verdier-Molinié, « la France continue d’aller dans le mur,  mais plus doucement ». Tu ne mesures pas non plus l’effet dévastateur de la hausse de la CSG et en janvier 2019 celui du prélèvement à la source, sur le pouvoir d’achat des classes moyennes. Non, Macron ne mène pas une politique de centre droit. Ce sont les médias qui répercutent cet « élément de langage » dont tu te fais le relais. La politique économique menée par l’actuel exécutif est classiquement keynésienne : une relance financée par l’impôt et l’emprunt.  C’est au mieux, une politique de centre-gauche, social-démocrate, camouflée  par un discours volontairement droitier. Je ne retrouve pas, comme tu dis « le libéralisme économique et la volonté de modernisation de la société » qui animait Giscard, dans cette conduite des affaires qui fait la part toujours plus belle à l’économie administrée et aux lobbies bobos. Et quand tu cites l’action du Premier Ministre au sujet de N.D. des Landes, plus le temps passe et plus on s’aperçoit que c’est une reculade qui bat en brèche la vision d’aménagement du territoire qui animait Dominique Bussereau quand il avait signé la DUP en 2008. Sur l’Europe, je suis effrayé de voir que le procès fait à Wauquiez, qui reprend pourtant une grande part des idées exposées par Giscard dans « Europa », repose sur une vision fédéraliste qui ne change pas et c’est celle qui nous a fait perdre aux précédents scrutins et dont les Français ne veulent plus. Cette vision ne mérite pas la trahison que tu prépares. Pour le reste, c’est toujours beaucoup d’indulgence, même quand tu reconnais que Macron ne fait pas ce qu’il faut. Au lieu d’essayer de convaincre Macron d’infléchir son action, tu ferais mieux d’apporter ton expérience aux Républicains dans leur reconstruction. Alors j’ai envie de te crier : « Jean-Pierre, réveille-toi, Macron va échouer, et on a besoin de tout le monde dans le parti pour reprendre le flambeau le moment venu ! ». Il n’y a plus deux droites. La France a changé. Par contre, comme toujours, l’union fera la force !

Le bloc-notes rattrapé par l’actu.

Je ne pensais pas si bien dire dans ma note du 5 février : « La dette, cette bombe à retardement ». C’est venu plus vite que je ne le pensais. Les Bourses sont en train de connaître une correction logique, mais plusieurs variables indiquent que l'économie est en train de connaître le retournement de situation plus rapide qu'attendu. Les diverses notes de conjoncture montrent que les opérateurs redoutent l'apparition d'un cycle économique caractérisé par la hausse des taux et par la réapparition d'une inflation significative. Concernant l'Europe, le choc risque d'être rude car des liquidités américaines vont nécessairement quitter notre continent (rapatriement de 3 000 milliards de dollars voulu par Trump) d'autant plus nettement que les taux américains seront plus élevés – comparativement - que ceux de la zone euro. Du pain noir pour Macron au moment où son gouvernement souhaitait orienter l’épargne vers les marchés d’action. A bon entendeur !

 


WAUQUIEZ : LA PASSE DE TROIS !

Laurent Wauquiez

 

Les réussites, c’est comme les ennuis, ça  peut voler grouper.

Après une « Emission politique » maîtrisée et réussie brillamment, dont j’ai pu mesurer l’impact auprès de nos amis et sympathisants autour de  moi, Laurent Wauquiez a enchaîné avec  un  Conseil national du parti Les Républicains parfaitement orchestré.   Les séances de travail à huis clos ont été très  appréciées des cadres et la séance plénière de l’après-midi, émaillée de nombreux échanges avec la  salle, a inauguré un nouveau style de gouvernance plus proche des  militants. L’incident provoqué par Valérie Pécresse n’aura été qu’un coup d’épée dans  l’eau : que peuvent penser nos adhérents et cadres d’une personnalité qui vient « faire la leçon » en arrivant en retard et en s’éclipsant sans attendre le discours final ? On a beau être présidente de Région, tout de même, ça manque de  respect.

Le parti bel est bien en ordre de marche.

Les  Républicains sont opérationnels. Dotés d’une direction rajeunie, d’un nouveau bureau politique rassemblant les diverses sensibilités, d’un centre d’études  dirigé par le talentueux Bernard Accoyer et d’un Conseil national présidé par Jean Léonetti dont on sait la modération, ils peuvent repartir de l’avant. On a vu déjà à l’œuvre les membres de la nouvelle direction  avec une mission sur le terrain en Maine-et-Loire pour se mettre à l’écoute des  territoires. Les  mois qui viennent seront déterminants pour  imposer le parti à la place qui est la sienne : le premier parti d’opposition.

Des  législatives bienvenues.

Voilà deux victoires qui tombent à point nommé. Certes, on arguera qu’un électeur sur cinq, ça fait pas  beaucoup. Mais il en va souvent ainsi dans les  partielles. Cela n’empêche pas  d’en tirer quelques leçons. D’abord, même faiblement, ce sont les électeurs républicains qui se sont le mieux mobilisés. Et voilà deux élus et un député de plus ! Le FN et Les Insoumis sont dans les choux, le PS inexistant. La République en marche n’est  apparue que ce  qu’elle est : la droite ne vote pas pour elle quand il n’y a  pas de menace. Et la gauche,  probablement agacée par le discours droitier n’a eu guère envie d’y revenir. Pour les Républicains, est-ce un effet Wauquiez ? Trop tôt pour le dire, encore que la prestation de l’intéressé à l’Emission politique n’a pas pu nuire. Mais si les Républicains avaient perdus, on aurait bien su désigner le fautif. Nous sommes bien le  premier parti d’opposition au parlement et en nombre d’adhérents (payants). Voilà de quoi faire réfléchir tous ceux qui auraient des velléités de « prise de distance ».

Et si Macron, finalement, n’était pas ce  magicien qu’on nous vend du matin au soir sur BFMTV ! C’est que les ennuis, à notre époque, ça peut venir vite. Les  situations se retournent rapidement comme on le voit en ce moment avec les soubresauts boursiers. Je ne pensais pas si bien dire dans ma note précédente. Après le pain blanc … Certains vont commencer à imaginer qu’après tout, il pourrait bien échouer. Ben oui, chacun son tour. Les ennuis aussi ça vole en escadrille. Et le vote du Parlement européen qui a flingué son idée farfelue de listes transnationales pour les  européennes, ça n’est peut-être qu’un début !

En attendant, pour Wauquiez, c’est  tout bon !

 


L'INTERVIEW DE VIRGINIE CALMELS

 

Je donne aujourd'hui la parole à Virginie CALMELS, N°2 des Républicains. 

Interview donnée à ATLANTICO.

 

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VIRGINIE CALMELS 2

 

ATLANTICO : La semaine dernière lors de votre discours au Conseil National des Républicains, une partie de votre intervention était consacrée à réfuter l’idée qui vous est souvent opposée selon laquelle Emmanuel Macron mènerait une politique de droite. Peut-être ne mène-t-il pas une politique de droite en effet si on s’en fie à ce qu’étaient les programmes des républicains pour la présidentielle et les législatives mais il fait et c’est ce que semblent lui reconnaître les Français dans les sondages.
Au regard des corporatismes, des archaïsmes et des rigidités françaises, en quoi considérez-vous que vous feriez mieux ?

VIRGINIE CALMELS : Cela dépend à quoi l’on s’attache. Est-ce qu’aujourd’hui on a le sentiment qu’Emmanuel Macron a œuvré contre ces corporatismes ? Lorsque l’on a des représentants syndicaux qui quittent l’Elysée avec le sourire c’est rarement l’exemple d’un immense bras de fer qui a été mené. J’aurais tendance à dire que bien sûr on ne peut pas reprocher à Emmanuel Macron de ne pas travailler ou de ne pas vouloir traiter un certain nombre de sujets, d’être passif ou d’être mou. Maintenant est-ce que vraiment en profondeur il s’attaque aux syndicats, aux statuts de la fonction publique, aux régimes spéciaux… Toutes ces choses-là pour moi aujourd’hui il n’y a pas touché. Si l’on parle vraiment des carcans français et du poids de l’administration ou de la lourdeur de la fiscalité on voit qu’il n’y touche pas. L’absence totale de réduction de la dépense publique est pour moi la continuité de ce que l’on a subi pendant des dizaines d’années et on en arrive à des chiffres de dette colossaux (2.200 milliards) avec une dépense publique gigantesque (57% du PIB). Au fond, si l’on creuse, il n’a pas tordu le cou à beaucoup de ce qui fait le fondement de l’Etat providence dans lequel nous sommes enfermés. Il faut avoir le courage de s’attaquer à tout ce que l’on vient de citer avec un accent mis sur la redéfinition du périmètre de la fonction d’Etat. Emmanuel Macron est lui dans la reconduction d’un modèle classique et l’on est loin de la révolution promise. Il faudrait avoir une approche beaucoup plus courageuse et quelque part beaucoup plus innovante de la gestion à la fois de la dépense publique et des missions de l’Etat.
 
ATLANTICO : Des affrontements violents ont eu lieu à Calais, vous souligniez la semaine dernière également que votre approche des questions migratoires étaient plus ferme que celle de gouvernement mais que feraient concrètement les républicains de différents s’ils étaient au pouvoir aujourd’hui ?
 
VIRGINIE CALMELS : Là encore l’habileté de Macron est de rependre un thème (généralement emprunté à la droite dans la perception du grand public) comme l’immigration et de faire semblant de le traiter alors qu’en fait il ne s’attaque qu’à un petit bout du problème.

Aujourd’hui le projet de loi ne touche qu’à l’asile politique (40 000 personnes par an) alors qu’il y a eu l’année dernière 262 000 titres de séjour délivrés soit un record depuis 40 ans. Cela veut dire qu’en fait on est en train de mettre en avant une action du gouvernement qui ne touche qu’une petite partie d’un problème bien plus grand. Nous, nous voulons la restauration des peines plancher, l’instauration de quotas d’immigration à l’instar de ce qu’a pu faire le Canada, un durcissement des conditions du regroupement familial, une réflexion sur le droit du sol en durcissant les règles sur ce dernier ou encore la révision totale de l’Aide Médicale d’Etat (AME) qui pèse directement un milliard d’euros par an… Ces six ou sept mesures n’apparaissent pas dans le projet de loi Macron ni dans ses propos.  Comme toujours c’est beaucoup de communication, on donne l’impression de s’emparer de thèmes importants pour les Français mais en restant très parcellaires.

 
ATLANTICO : Autre point fort de votre discours de la semaine passée et vous avez même commencé par ça, vous rejetez en bloc les affirmations de ceux qui considèrent que les républicains sont proche du Front National : pour vous, le parti véritablement proche du FN en France, c’est la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. C’est certainement vrai si on raisonne en termes de programme économique mais n’est-ce pas appuyer là où ça fait mal aussi pour les républicains : certains, comme Guillaume Peltier l’un des deux autres vice-présidents du parti, ne semblent plus du tout être libéraux ? Laurent Wauquiez lui-même a attisé les inquiétudes avec ses propos sur le protectionnisme. Vous qui êtes libérale, quelle serait la ligne rouge que vous refuseriez dans les programmes à venir du parti ?
 
VIRGINIE CALMELS : La distinction par rapport au FN doit porter sur l’ensemble. Bien sûr sur la partie économique mais aussi sur la partie régalienne car nous n’avons résolument pas la même approche. Nous vivons dans un monde ouvert et nous refusons le repli sur nous-mêmes, nous ne sommes pas protectionnistes sur les frontières de la France. Nous considérons que c’est une chance d’être pro européens et de s’inscrire résolument dans une construction européenne. S’agissant en revanche du protectionnisme, je préfère la notion de défense des intérêts de nos acteurs économiques, qui doit se faire à mon sens au niveau européen et c’est donc bien à cette échelle qu’il faut définir notre ligne économique. Que l’on ne veuille pas être naïf par rapport aux grandes puissances qui elles-mêmes fixent un certain nombre de restrictions et que la puissance européenne doive en conséquence se doter d’actions réciproques me semble être la bonne direction.
 
La question de la ligne rouge n’est pas à poser au niveau des individualités selon moi mais plutôt au niveau du parti. Si ce dernier évoluait vers une ligne qui serait très souverainiste se recroquevillant sur ses frontières nationales ce serait effectivement s’éloigner de ma vision d’une France forte et ouverte dans une Europe forte à reconstruire. Je ne crois pas au protectionnisme français. De surcroît, au regard de notre balance commerciale ce serait une erreur totale.
 
ATLANTICO : Vous appeliez au rassemblement et à la reconstruction de la droite, Jean Pierre Raffarin a annoncé dans les Échos ce vendredi qu’il envisageait lui aussi de quitter les républicains. Alain Juppé pour sa part s’est posé ouvertement la question sur une chaîne de télévision Suisse de savoir s’il était encore de droite tout en reconnaissant trouver beaucoup de charme à Emmanuel Macron… Pensez-vous que ces départs affaiblissent la droite en la rétrécissant ou la consolident en lui permettant de ne plus être écartelée idéologiquement ?
 
VIRGINIE CALMELS : Il ne faut pas surjouer les différences et ce que vous appelez l’écartèlement idéologique. Lorsque l’on regarde les projets portés lors des primaires, l’on s’aperçoit qu’ils étaient très voisins entre Sarkozy, Fillon ou Juppé avec 90% de tronc commun. Evidemment les primaires se sont focalisés sur les différences mais nous avons dans les faits un socle de valeur qui est commun. Je réfute l’idée saugrenue que les pro-européens devraient se tourner vers Macron et que les antieuropéens se retrouveraient dans Les Républicains. C’est une imposture intellectuelle car la quasi-totalité des membres des Républicains aujourd’hui sont pro-européens. C’est la ligne de notre famille politique. A mon avis ce sont plus des affaires d’individus que d’idéologie.  A titre personnel je pense qu’il faut garder les sensibilités politiques différentes au sein de ce parti et qu’une grande famille politique comme la nôtre ne peut pas être monochrome. Ce serait se rétrécir. Il faut cette pluralité de sensibilités mais sans être dans l’antagonisme.  Il faut que le socle de valeur soit le même.
 
ATLANTICO : Certains murmurent qu’Alain Juppé se rapproche de la république en marche pour des considérations de politique personnelle afin de pouvoir garder sa mairie de Bordeaux grâce à LREM, vous qui connaissez et Bordeaux et Alain Juppé, qu’en pensez-vous ?
 
VIRGINIE CALMELS : A Bordeaux on constate certes que Macron et Mélenchon sont arrivés en tête au premier tour de la présidentielle mais j’observe que l’élection municipale est plus une élection de personnes que d’étiquettes. Compte-tenu de ce qu’Alain Juppé représente à Bordeaux, son historique et son excellent bilan, il peut se passer d’étiquettes.
 
ATLANTICO : Vous dites que la France est le parent pauvre de l’Europe en matière de chômage malgré le retour de la croissance ? Où en serions-nous de ce point de vue-là si Les Républicains nouvelle version étaient au pouvoir ?
 
VIRGINIE CALMELS : On aurait pris des mesures beaucoup plus fortes. Quelles sont celles qui permettraient d’inverser la courbe du chômage ? D’abord le doublement des seuils sociaux, cela ne coûte rien mais cela modifie le rapport avec la représentation syndicale. C’était d’ailleurs dans le projet Fillon. Autre point, nous pensons que le chômage ne sera endigué que par une baisse massive des charges. Pour cela, il fallait une baisse massive de la dépense publique et pour baisser cette dépense publique il y a plusieurs leviers mais un levier important (pour n’en citer qu’un) aurait été de s’attaquer aux retraites. On est dans une configuration aujourd’hui où Emmanuel Macron ne s’est pas attaqué à ce qui permettrait de réduire les charges des entreprises. C’est même l’inverse. Lorsqu’il transforme le CICE en baisse de charge, au passage il augmente le coût du travail de 9 milliards en 2018, ce qui pour moi est une hérésie dans le contexte qui est le nôtre où nous devrions faire du chômage une priorité. Nous sommes finalement à l’inverse de ce que nous aurions fait nous si nous avions gagné.
 
ATLANTICO : Plus d’Europe, moins d’Europe, une autre Europe ?
 
VIRGINIE CALMELS : L’Europe oui. Mais il faut surtout « mieux d’Europe ». Oui nous sommes résolument européens, oui nous voulons une Europe forte mais nous sommes capables de dire que cette Europe actuelle ne fonctionne pas en l’état. Elle ne fonctionne pas car il y a eu des vagues d’élargissement qui ont finalement diminué ce qu’était le pacte initial. Il faut se concentrer à renforcer une Europe qui protège, qui soit en mesure de protéger nos intérêts économiques et de peser sur la scène internationale. Mais l’Europe que nous voulons c’est un système qui n’est en rien une technocratie qui rajoute des normes à n’en plus finir qui sont au final autant de freins à l’émergence de champions européens.
 
ATLANTICO : Les Républicains ont appelé à la démission de Darmanin mais plusieurs personnalités du parti ont fait entendre une voix différente, ne redoutez-vous pas un effet boomerang comme celui vécu par François Fillon avec son évocation du général de Gaulle impossible à imaginer mis en examen ? Est-ce que nous ne sommes pas en train d’entrer dans une ère ou de simples dénonciations non traitées encore par la justice peuvent abattre une personnalité ?
 
VIRGINIE CALMELS : Ma position est de dire que si les faits étaient avérés ce serait très grave mais que de fausses allégations seraient également très graves. Je me méfie toujours des dénonciations, je fais confiance à la justice de mon pays et crois en la présomption d’innocence. Elle reste un axe indispensable à mettre en avant dans tout dossier quelle que soit l’appartenance politique de la personne incriminée.

Je ne commente pas un dossier que je ne connais pas. Mais au-delà du motif de l’ouverture de l’enquête préliminaire, sur lequel je laisse à la justice le soin de se prononcer, ce que j’ai trouvé extrêmement choquant dans le récit qui a été fait, et qui apparemment n’a pas été contesté, c’est qu’il y aurait eu « un accord » pour interférer dans l’effacement d’un casier judiciaire moyennant une contrepartie « en nature ».
Quant à l’effet boomerang, à titre personnel je ne me sens pas menacée (rires).

 
ATLANTICO : Vous qui venez du privé, que pensez-vous du projet de Big Bang annoncé par Edouard Philippe et Gerald Darmanin sur la fonction publique avec en particulier le recours à des méthodes venues de l’entreprise ?
 
VIRGINIE CALMELS : Je serais toujours favorable à essayer d’importer certaines méthodes managériales comme la mobilité, les primes au mérite. Je suis contre l’évolution à l’ancienneté. De ce point de vue là, je ne pourrais que saluer l’initiative si elle était mise en œuvre. Mais là encore on ne va pas assez loin. C’est intéressant de parler de plans de départ volontaires des fonctionnaires mais il faudrait s’attaquer au périmètre de la fonction publique et recourir à des contractuels dans les périmètres non régaliens. Et là encore ce n’est pas traité par Emmanuel Macron ou son gouvernement.
 
ATLANTICO : Emmanuel Macron doit se rendre en Corse pour le 20e anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac. Des manifestations ns sont prévues ce week-end. La situation dans l’île de beauté vous inquiète-t-elle ?
 
VIRGINIE CALMELS : La République est Une et indivisible. On peut entendre des revendications sans pour autant les partager. La Corse a déjà un statut différent. Ce qui m’importe c’est plus de respecter les identités, les cultures, les bassins d’emploi et de raisonner au niveau régional. Je suis profondément décentralisatrice et je pense que le périmètre régional est le bon niveau. Je plaide même pour une autonomie fiscale pour donner aux régions de vrais moyens d’action et beaucoup plus de responsabilisation aussi. Mais les revendications des indépendantistes vont bien au-delà et cela pourrait rompre cette notion juste et nécessaire de République Une et indivisible.
 
ATLANTICO : Que vous inspirent les polémiques du moment sur les commémorations incluant Charles Maurras ou les suites du mouvement MeToo/ #BalanceTonPorc ? Laurent Wauquiez défend l’intérêt de la droite à ne plus céder aux intimidations idéologiques et au politiquement correct, jusqu’où faut-il aller pour ne pas prêter le flanc aux accusations qui vous réduisent à un parti réactionnaire ?
 
VIRGINIE CALMELS :

Je crois en la liberté d’expression et je m’inquiète toujours de protéger cette liberté sans tomber dans le caniveau de la dénonciation calomnieuse. On a la chance de vivre dans un pays qui normalement n’est pas répressif sur un certain nombre de choses et je ne pense pas qu’il faudrait que l’on s’enferme pas à pas dans un système un peu caricatural et oppressant. On était un pays qui avait trouvé cet équilibre entre les pays latins et les pays nordiques. C’est notre force et ce serait dommage de s’en éloigner.
Pour moi et à l’instar de Laurent Wauquiez, vouloir affirmer haut et fort ses convictions, ne pas vouloir plaire à tout le monde, ce n’est pas être réac. Dire que l’on ne va pas céder au politiquement correct et dire ce que l’on pense, partager nos valeurs y compris quand ça froisse, ce n’est pas être réac. C’est d’ailleurs le piège qui nous est souvent tendu et dans lequel il ne faut pas que l’on tombe. On peut être clair sur ses convictions, ne pas plier l’échine, sans tomber dans la caricature. C’est à nous de savoir livrer ce débat en répondant sur le fond à nos adversaires qui chercheront toujours à nous enfermer dans cette caricature de réactionnaires.

 

Demain : "LAURENT WAUQUIEZ  : LA PASSE DE TROIS !" 

 


LA DETTE, CETTE BOMBE A RETARDEMENT …

étau des taux

 

Depuis 2008, en raison de la crise, les  politiques économiques budgétaires et  monétaires, menées dans les pays de l’OCDE ont ouvert largement les vannes de la facilité, notamment en inondant les marchés généreusement : emprunts et émissions de monnaie.  Les gouvernements et les  banques centrales ont privilégié le court terme sans mesurer sur le long terme les conséquences de leurs décisions. La récession est pourtant terminée depuis longtemps : la reprise économique  est  effective depuis 2010 aux Etats-Unis et depuis 2014 en Europe, et malgré tout, ces  politiques se sont poursuivies. L’accumulation de dette publique se poursuit encore aujourd’hui aux Etats-Unis et en zone euro, hors Allemagne qui n’a plus de déficit depuis 2012, au Royaume-Uni, au Japon.  La dette atteint 135% du PIB en Italie, 230% au Japon, 100%  en France et en Espagne, 90% au Royaume-Uni,  110% aux Etats-Unis… Soit un doublement des taux d’endettement public en 15 ans ! Entre 2008 et aujourd’hui, la quantité de monnaie offerte par la banque centrale américaine est passée de 900 milliards à 4 400 milliards de dollars, et de 900 à 3 100 milliards d’euros dans la zone euro.

On aurait pu imaginer que l’amélioration de la conjoncture conduirait à l’amélioration de la situation des finances publiques : il n’en est rien. Si les déficits se redressent quelque peu, c’est parce que la croissance est plus forte, pas du tout parce que les politiques budgétaires sont devenues plus restrictives. Mais lorsqu’il y aura normalisation des taux d’intérêt à long terme, processus qui est entamé aux Etats-Unis et atteint maintenant l’Europe,  les Etats, pour assurer  leur solvabilité devront augmenter la pression fiscale et réduire les dépenses publiques qui peuvent être utiles à la croissance et n’auront pas le choix. C’est pourquoi les banques centrales craignent les effets de la contraction monétaire et de la hausse des taux d’intérêt sur la situation des emprunteurs et des investisseurs en obligations, et aussi sur les marchés d’action.  Ils avancent donc la main tremblante, en sachant que prolonger cet excès de liquidité est très dangereux : il peut générer des bulles sur les prix des actifs, sur les actions des entreprises de l’internet , sur les cryptomonnaies, et déjà actuellement à nouveau sur les prix  de l’immobilier, et déstabiliser les taux de change (ex : l’euro trop fort).

La France est particulièrement exposée en cas de nouvelle déflagration. Celle-ci parait encore improbable à court terme,  mais le temps presse. Ce qui nous distingue de nos voisins c’est le  poids de nos charges sociales. Si la protection sociale n’a pas de prix, elle a un coût, et ce coût reste supporté essentiellement par les employeurs. Il  est donc coupable  de ne pas engager, alors que la croissance est de retour, les efforts structurels pour réduire significativement la dépense publique et la dette qui asphyxient les capacités d’action du pays dont la capacité d’investissement est totalement saturée par la place démesurée des dépenses de fonctionnement et l’expansion des transferts sociaux incontrôlés.

Pendant 5 ans sous Hollande, on a  laissé filer les dépenses malgré « l’alignement des planètes » (euro faible, faibles taux, énergie peu coûteuse), et le gouvernement actuel prolonge  la même passivité alors que la croissance libère des marges. La France s'est habituée à l'ère de l'argent gratuit. Les marchés ont été d'une incroyable mansuétude et nous ont bercés d'illusions. Nous avons continué de vivre au-dessus de nos moyens et à nous droguer à la dette, sans que les investisseurs ne s'en émeuvent. Nous avons repoussé les vrais efforts de redressement des comptes publics, tant qu'ils continuaient à nous apporter les doses de morphine...

Or depuis le début de cette année, les taux se tendent partout. Celui de la dette française s’est hissé à 1% alors qu’il se situait autour de 0,60% au printemps 2017. C’est un mouvement a priori durable qui marque la fin d’un âge d’or pour les marchés obligataires et la banque centrale européenne commence à s’engager dans la même voie. Cette hausse peut être vécue dans un premier  temps, comme  un signe de bonne santé de l’économie,  mais elle alimente la remontée du rendement des obligations souveraines, et en parallèle un mouvement de prises de bénéfices sur les marchés boursiers. Le spectre de l’éclatement de la bulle resurgit et pourrait concerner les actions et les obligations …

Si elle ne réagit pas rapidement, la France va se télescoper au mur de la dette. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le pays doit encore lever 180 milliards d'euros cette année - il reste l'un des plus gros emprunteurs mondiaux. La dette française est une bombe à retardement, surtout dans un environnement où les taux commencent à remonter. Il suffirait ainsi qu’ils augmentent de 1% (déjà + 0,40% en ce début d’année) pour que la dette nous coûte 2 milliards de plus chaque année. En 2023, dans à peine cinq ans, ce point supplémentaire représenterait une surcharge de 12,9 milliards d'euros dans le budget de l'Etat, l'équivalent de tout l'argent que nous consacrons aujourd'hui à la police et la gendarmerie nationale ! Et rien ne dit que la hausse ne serait que d’1 point. Voilà pourquoi reporter l’effort  à la fin du quinquennat est irresponsable, d’autant plus que la conjoncture favorable offerte par une croissance inespérée risque de s’amoindrir.  Nous sommes dans une reprise cyclique. En France nous l’avons découverte très tardivement.  Elle  ne fait que commencer chez nous alors que la zone euro en est à son 18ème trimestre consécutif de croissance. Le retournement est  donc pour bientôt et il ne faut pas croire qu’il serait retardé chez nous.

Il  manquait une pièce au puzzle : l’augmentation des salaires qui relancerait  l’inflation. Le mouvement est enclenché aux Etats-Unis et a fait chuter Wall-Street, il ne tardera pas en Europe. Ce sera l’accélérateur de la remontée des taux.

La course de vitesse est engagée. Si nous ne prenons pas nous-même des mesures vigoureuses pour réduire notre endettement, si nous ne faisons pas nous-même des choix difficiles, ce sont les marchés qui nous les imposeront. L’euphorie économique actuelle est forcément grisante mais ne doit pas nous leurrer : nous  avançons sur une corde raide et elle est peut-être le signe avant-coureur de la tempête qui se prépare. Rappelons-le une dernière fois : l’ampleur des deux déficits budgétaire et commercial, le niveau du chômage, l’endettement de l’Etat, des entreprises et des ménages nous rendent très vulnérables.

C’est là qu’on  verra si Macron est à la hauteur, car les mots ne suffiront pas.



LA CROISSANCE EST LA, PAS L’EMPLOI !

Croissance 2014 panne

 

La  croissance tellement attendue.

Non sans triomphalisme, le gouvernement a annoncé que la croissance du produit intérieur brut français (PIB) avait progressé de 1,9 % en 2017. Ce succès est revendiqué par tous, y compris les amis de François Hollande. Le gouvernement, bien sûr, qui travaille depuis sept mois, mais aussi les hollandais qui affirment qu’elle résulte des mesures adoptées par l’ancien président, CICE et pacte de compétitivité. C’est de bonne guerre, pourtant ils n’y sont pas pour grand-chose, car elle vient surtout par l’extérieur.

On ne peut s’empêcher de se poser d’autres questions.

La croissance à 1,9 % est-elle suffisante, car elle n’a eu qu’un impact très modéré sur l’évolution de l’emploi : la France a créé 250 000 emplois en 2017, mais huit cent mille personnes se sont présentées sur le marché du travail alors que seulement 660 000 seniors prenaient leur retraite, et il en résulte un « surplus » de chômeurs de l’ordre de 140 000. Le taux de chômage n’a donc diminué que de manière insatisfaisante et se situe aujourd’hui à 9,6 %.

Autre question : dans l’Union européenne, le PIB a bondi de 2,5 %. Ce qui signifie que, si notre croissance est honorable, elle est tout de même inférieure à la moyenne européenne et que cette différence de 0,6 % nous empêche de retrouver des indices comparables à ceux de l’Union, qu’il s’agisse du commerce extérieur, de l’emploi et du taux d’industrialisation de notre pays, figé à 12% de la production brute alors que, ailleurs , il est de 15 ou 17 %.

Un modèle  économique inefficace.

Si la croissance traîne les pieds en France,  c’est à cause d’un modèle économique suranné : celui de l’économie administrée qui perdure derrière les quelques réformettes libérales engagées par le gouvernement actuel, qui ne redonnent pas suffisamment de liberté d’action et de marges de  manœuvre à notre appareil productif. Par ailleurs on continue de relancer la consommation par le  prélèvement d’impôts (la CSG et les taxes) et les déficits, qui font davantage travailler le travailleur asiatique que l’hexagonal, creusent notre dette et le déficit de notre commerce extérieur, si bien qu’au terme de la boucle, notre  pays n’a pas créé de richesse supplémentaire et s’est même appauvri. L’Etat continue d’acheter une croissance faiblarde à crédit en assommant  d’impôts au passage les classes moyennes. Si vous avez regardé votre bulletin de salaire, vous savez maintenant à quoi vous en tenir.

Le  chômage résiste.

Si la situation française semble s’être franchement améliorée en quelques mois, avec un rebond porté essentiellement par l’investissement, il n’en est pas de même de la création d’emplois. Le volet confiance du côté  des ménages comme des entreprises est indiscutable. Mais d’une part, la réforme du marché du travail ne produira  des effets –si elle en produit- pas avant 2019, et d’autre part, les entreprises  ne trouvent pas sur le marché les qualifications dont elles ont besoin. On pointe ici l’urgence de mettre la formation des jeunes et  moins jeunes en adéquation avec le contenu des offres d’emplois,  l’autre urgence d’accélérer la réforme de l’apprentissage qui  facilite l’embauche (c’est prouvé), et aussi  la nécessité  de rendre le travail beaucoup plus attractif que  les prestations qui permettent de s’y soustraire. Les exemples abondent de ces « jeunes » qui font le  choix de travailler en pointillé, se complaisant dans une alternance entre CDD et « inactivité sous alloc’ ».

Un rythme d’avant crise.

La zone euro a connu une croissance de 2,5% en 2017, pour les 19 pays qui la composent. Elle n’avait pas connu une telle progression depuis  dix ans. On voit qu’avec 1,9%, la France reste largement sous la moyenne du club de l’euro. Mieux, l’union à 28 affiche la même performance. Au palmarès, citons l’Allemagne (inévitable) avec 2,2%, la Pologne avec 4,6% (!), l’Espagne avec 3,1%  malgré la Catalogne (même pas peur). L’économie de la zone euro qui a profité du redémarrage mondial tourne à bon régime et s’accompagne d’une hausse  des valeurs européennes. La baisse du chômage va de pair, sauf en France. En zone euro il est passé de 9,6%  à 8,7%.

Mais cet élan a un revers : il contribue à une autre hausse, celle de l’euro. En 2018, il faudra surveiller l’impact de l’euro dont la vigueur pourrait annuler les effets de l’amélioration de la demande extérieure (en clair : les exportations). Et puis, les risques politiques ne sont pas nuls : en Allemagne la grande coalition peine à se mettre en place laissant un espace que l’AFD a mis à profit  pour s’emparer de la présidence de la commission des finances et de la commission des lois du Bundestag, et en Italie où les élections législatives sont à haut risque avec la nouvelle percée prévisible des populistes. 

Enfin, à noter le consensus  des  analystes : ralentissement prévisible en 2019. Même s’il n’est pas avéré, il serait prudent de l’envisager.

A suivre : la dette, bombe à retardement...


REPUBLICAIN ? … PLUS QUE JAMAIS !

Daniel Houlle001

 

Les Républicains ont un leader.

Ceux qui en doutaient n’ont pu être que convaincus par la prestation de Laurent Wauquiez à « l’Emission politique », ce parcours du combattant où tous les coups  sont permis quand il s’agit d’une personnalité de droite. Dieu sait que tout a été fait par ses adversaires et certains médias  pour donner de lui une image exécrable auprès des Français, depuis  son élection.  On ne sera  donc pas étonné qu’il n’ait pas attiré un très large public. L’absence d’enjeu autre que l’actualité de la vie politique  a pu contribuer  aussi à banaliser sa venue sur France 2. Néanmoins, il lui fallait transcrire en terme médiatique sa victoire écrasante du 10 décembre, qui l’a placé à la tête du principal parti d’opposition. Il est au début d’une tâche immense puisqu’il arrive sur les ruines encore fumantes des deux défaites cinglantes de 2017. Il a beau avoir été député et ministre, présider la Région Rhône-Alpes-Auvergne, son déficit de notoriété est considérable. S’il fallait que l’émission valide son entrée dans la cour des grands, eh bien, c’est fait !

Maîtrise et compétence.

Ainsi, il a pu, plus de deux heures durant, s’adresser à un auditoire dépassant le  cercle  des adhérents convaincus, et affirmer sa crédibilité, avec une expression claire et ferme sans jamais   sombrer dans l’agressivité. Ceux qui attendaient des positions outrancières en ont été pour leurs frais, Laurent s’appuyant même sur celles d’Alain Juppé pour évoquer le regroupement familial et le droit du sol, ce qui clouera le bec à ceux qui espéraient avoir un prétexte pour prendre leurs distances avec le  parti. Même Alain Minc, convoqué dans le rôle du « triste sire » en s’enfermant dans un procès à peine voilé en « pétainisme », s’est fait laminer par des réponses ancrées  dans la réalité et des convictions assises sur un substrat de culture éloquent. Quant à l’arpette du gouvernement,  Benjamin Griveaux, il n’a pas fait le poids, avec ses arguments imprécis et tellement attendus…  C’est donc un Laurent Wauquiez jugé convainquant qui  a terminé l’émission. Il a pu rôder son réquisitoire de premier opposant,  se plaçant sur le terrain du pouvoir d’achat plus que sur celui de l’identité. Même la vision de l’Europe qu’il dessine paraîtra frappée au coin du bon sens pour le plus grand nombre. Là aussi, il faudra beaucoup de mauvaise foi pour justifier d’aller voir ailleurs,  n’est-ce pas cher Alain…

Une droite pas si « à droite ».

Le patron assume son credo d’appartenir à une droite « qui ne s’excuse pas d’être à droite ».  Or, il a pu s’expliquer sur l’immigration, la  laïcité, la PMA, la sécurité, avec clarté et affichant des convictions qu’on  partagera d’autant  plus qu’elles sont pour le moins raisonnables, et tranchent avec le flou présidentiel dans les mêmes domaines. C’est bien pour cette raison que tout ce que la planète politique compte de courtisans et experts en chausse-trappes s’est aussitôt activé  à caricaturer et à dénaturer, telle Fabienne Keller dans le débat qui a suivi. Mais quand le contact direct avec l’opinion a été établi, le travail de sape est bien plus compliqué. Laurent Wauquiez a été entendu sur ses positions de fond et elles  mettent les « embarras partisans » au second plan.  Alors, ceux-là peuvent bien partir ou quereller sur leur part d’influence  d’autant plus bruyamment qu’elle est réduite, au moins les électeurs ont aujourd’hui une bonne raison de se réjouir : la droite a un nouveau patron, et il a la  pointure ! Et qui plus est, il a montré sa capacité à rassembler.

La faute de Pécresse.

Le conseil National du 27 janvier était attendu : il consacre  la  remise en route officielle et complète des Républicains. Le succès remporté  à « l’Emission politique », a permis à Laurent Wauquiez de  l’aborder dans les meilleures conditions. Et d’ailleurs ce fut une journée de mise en place studieuse, au cours de laquelle  les cadres du parti auront pu découvrir une équipe nationale renouvelée, un bureau politique rajeuni, un président du Conseil national, Jean Léonetti, inspiré et réfléchi comme à son habitude.  Il fallait évidemment  compter avec la fausse note  et les  médias n’ont retenu que ça. C’est l’arrivée tonitruante de Valérie Pécresse, en retard (volontairement ?), en plein milieu du discours Jean Léonetti, qui a valu à la Présidente de la Région Ile-de-France une bronca  et des sifflets d’une poignée de participants,  que Laurent Wauquiez s’est empressé de calmer pour faire  « applaudir chaleureusement » la perturbatrice. Banal dans un congrès. Mais celle-ci est trop avisée pour ne pas avoir agi sciemment.  Avait-elle peur de passer inaperçue ? A-t-elle à ce point besoin d’exister ? Toujours est-il  que ces agissements, puisés à l’aune de postures alimentées par des ambitions personnelles, ne grandissent pas ceux qui les pratiquent. Dans le contexte de reconstruction actuelle, alors que Macron est à l’affût, agir de la sorte est une faute. D’ailleurs, après avoir lâché ses deux pets nauséabonds, elle est partie sans avoir attendu la réponse du Président du parti. Valérie, il n’y a pas deux droites, il n’y en a qu’une !  On accepte qu’elle soit diverse. Ce n’est pas en divisant qu’on rassemble !

Bref, militer a encore du sens. Ce n’est pas le moindre enseignement de cette fin janvier. Et si je manquais de motivations, le prélèvement de la CSG que je viens de découvrir sur ma  feuille de paie, m'en fournirait.