LA REGRESSION DEMOCRATIQUE EN MARCHE
12 février 2018
Le comportement du groupe LREM à l’assemblée nationale entre amateurisme et naïveté, incompétence et caporalisme, est déjà en soi une régression du mandat de député. Mais le mal est bien plus grave. Il touche à l’exercice du pouvoir tel que Macron le conçoit, Jupiter dominant le monde, et aux projets de « transformations » qu’il nous concocte.
La gouvernance Macron.
Il se compare à Bonaparte, dit-on. Il en a la jeunesse et voudrait s’attribuer le même « esprit de conquête ». De ce dernier il n’a que l’arrogance. Il n’a pas l’audace de Bonaparte tirant au canon sur les émeutiers devant l’église St-Roch pour rétablir l’ordre, on l’a bien vu avec l’épisode calamiteux de Notre-Dame des Landes. De la comparaison avec De Gaulle, il n’a retenu qu’une idée qui lui va bien : l’exercice du pouvoir suprême exige une certaine distance par rapport au « vulgum », mais si pour le premier c’est un éloignement conféré par le prestige, pour le second il est surtout le fait du mépris du peuple. Macron a une vision verticale du pouvoir qu’il voudrait fondée sur l’autorité, bien dans la logique du technocrate de Bercy. Un pouvoir personnel, centralisé, qui entre en opposition avec le régime parlementaire, synonyme de pluralisme et tendant à la limitation de l’exécutif. D’où la nécessité d’une majorité reposant non sur un parti, mais plutôt un club de supporters (En Marche), à la botte, et un gouvernement qui est l’un des plus faibles de la Vème République, car, hormis Jean-Michel Blanquer et Jean-Yves Le Drian, comme personnalités marquantes, les « hommes forts » du macronisme, Ferrand, Castaner ou Griveaux sont plutôt fades. En sommes Macron ne doit son pouvoir qu’à son premier tour présidentiel et à la loi électorale majoritaire. A l’intérieur de son camp, il est seul. Pour l’instant il est resté le président des « CSP+ » et des « bobos ». Il n’a pas réussi à transcender la fonction en devenant aussi le président de ceux qui n’ont pas voté pour lui.
La centralisation au détriment des territoires.
L’identité urbaine du président qui imprime la marche de l’exécutif l’empêche de voir le reste de la France. En témoignent de nombreux exemples dans la pratique et dans les projets. Ainsi la « conférence nationale des territoires » est mise en place pour établir une concertation avec les acteurs locaux mais c’est aussitôt pour prendre des décisions sans les consulter : diminution des dotations, suppression de la taxe d’habitation… L’abandon du projet de l’aéroport nantais est dans la même veine de renoncement à l’aménagement du territoire où l’on décentralise les équipements structurants. La réforme de la taxe d’apprentissage aurait dû faire des Régions les pôles d’équilibre de la formation en alternance, entre tous les acteurs dont elles ont la pratique et l’expérience, renforçant leur compétence en matière de formation professionnelle. Au lieu de cela, on impose un cadre centralisé sur les branches professionnelles assis sur la vision parisienne du Medef. Et du même coup on affaiblit les Régions comme la suppression de la taxe d’habitation met les collectivités locales sous tutelle. C’est un jeu dangereux : les communes qui comptent moins de 2 000 inscrits, représentent 14 millions d’électeurs contre 7 millions dans les villes de plus de 50 000 inscrits. Une poignée de métropoles va continuer d’imposer sa loi à des campagnes désindustrialisées, cantonnées dans le rôle résidentiel. La révolte est inévitable.
L’affaiblissement de la démocratie.
Vouloir la fin du clivage gauche –droite est en soi une régression démocratique. Le consensus est possible au niveau local quand il s’agit du choix d’un réverbère, mais quand il s’agit des affaires de l’Etat, il en va tout autrement. Cela dit, le pouvoir présidentiel est en train de tout faire pour avoir les coudées franches. Toutes les décisions qu’il prend et tous ses projets convergent vers un affaiblissement de la démocratie. Déjà les modalités de désignation des élus des communautés de communes et agglo éloignent un peu plus les conseillers municipaux et les maires de leurs administrés. C’est une première régression. Le retour à des listes nationales pour la prochaine élection du parlement européen revient au système qu’on avait abandonné parce qu’il rendait inconsistant le lien entre les députés et le peuple. C’est une seconde régression. Le projet de réforme de la constitution qui prévoit de diminuer le nombre des parlementaires, s’il est populiste à souhait, n’en est pas moins une troisième régression : 400 députés et 240 sénateurs, cela veut dire que certains départements n’auront que deux élus. Or, on sait qu’après le maire, c’est la proximité de contact avec le député qui est la plus recherchée par le citoyen. Et que dire de l’idée de fusionner le Sénat, cet empêcheur de tourner en rond, avec le CESE pour en faire un « machin » illisible ! Comme on ne renforcera pas les moyens de contrôle du parlement, c’est bien un affaiblissement programmé de la fonction parlementaire, d’autant plus que la dose de proportionnelle à 25% ne va rien arranger en matière de majorité pour gouverner. La France, contrairement aux idées reçues, n’a pas trop de parlementaires. Il y avait un moyen très simple de diminuer le nombre des élus, c’était de revenir à la réforme intelligente du « conseiller territorial » en lieu et place des conseillers départementaux et régionaux. Et encore il y aurait beaucoup à dire sur le caractère antidémocratique de "l'encadrement des mandats" et les limites qu'on veut leur imposer en nombre et en durée.
Certes, le Président fait de beaux discours. César sait être convaincant. Mais il a autant de discours que d’interlocuteurs. Il est capable de dire tout et son contraire, en changeant de langue, comme à Davos. C’est satisfaisant pour son ego. Mais, faute de convaincre une majorité de Français, il souhaite faire le vide autour de lui pour gouverner à sa guise. Ce n’est pas de cette manière qu’on va inciter les abstentionnistes à revenir aux urnes. On ne tardera pas à voir que le roi est nu ! La régression démocratique n’est pas une bonne chose pour la France.
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