LA CROISSANCE EST LA, PAS L’EMPLOI !
04 février 2018
La croissance tellement attendue.
Non sans triomphalisme, le gouvernement a annoncé que la croissance du produit intérieur brut français (PIB) avait progressé de 1,9 % en 2017. Ce succès est revendiqué par tous, y compris les amis de François Hollande. Le gouvernement, bien sûr, qui travaille depuis sept mois, mais aussi les hollandais qui affirment qu’elle résulte des mesures adoptées par l’ancien président, CICE et pacte de compétitivité. C’est de bonne guerre, pourtant ils n’y sont pas pour grand-chose, car elle vient surtout par l’extérieur.
On ne peut s’empêcher de se poser d’autres questions.
La croissance à 1,9 % est-elle suffisante, car elle n’a eu qu’un impact très modéré sur l’évolution de l’emploi : la France a créé 250 000 emplois en 2017, mais huit cent mille personnes se sont présentées sur le marché du travail alors que seulement 660 000 seniors prenaient leur retraite, et il en résulte un « surplus » de chômeurs de l’ordre de 140 000. Le taux de chômage n’a donc diminué que de manière insatisfaisante et se situe aujourd’hui à 9,6 %.
Autre question : dans l’Union européenne, le PIB a bondi de 2,5 %. Ce qui signifie que, si notre croissance est honorable, elle est tout de même inférieure à la moyenne européenne et que cette différence de 0,6 % nous empêche de retrouver des indices comparables à ceux de l’Union, qu’il s’agisse du commerce extérieur, de l’emploi et du taux d’industrialisation de notre pays, figé à 12% de la production brute alors que, ailleurs , il est de 15 ou 17 %.
Un modèle économique inefficace.
Si la croissance traîne les pieds en France, c’est à cause d’un modèle économique suranné : celui de l’économie administrée qui perdure derrière les quelques réformettes libérales engagées par le gouvernement actuel, qui ne redonnent pas suffisamment de liberté d’action et de marges de manœuvre à notre appareil productif. Par ailleurs on continue de relancer la consommation par le prélèvement d’impôts (la CSG et les taxes) et les déficits, qui font davantage travailler le travailleur asiatique que l’hexagonal, creusent notre dette et le déficit de notre commerce extérieur, si bien qu’au terme de la boucle, notre pays n’a pas créé de richesse supplémentaire et s’est même appauvri. L’Etat continue d’acheter une croissance faiblarde à crédit en assommant d’impôts au passage les classes moyennes. Si vous avez regardé votre bulletin de salaire, vous savez maintenant à quoi vous en tenir.
Le chômage résiste.
Si la situation française semble s’être franchement améliorée en quelques mois, avec un rebond porté essentiellement par l’investissement, il n’en est pas de même de la création d’emplois. Le volet confiance du côté des ménages comme des entreprises est indiscutable. Mais d’une part, la réforme du marché du travail ne produira des effets –si elle en produit- pas avant 2019, et d’autre part, les entreprises ne trouvent pas sur le marché les qualifications dont elles ont besoin. On pointe ici l’urgence de mettre la formation des jeunes et moins jeunes en adéquation avec le contenu des offres d’emplois, l’autre urgence d’accélérer la réforme de l’apprentissage qui facilite l’embauche (c’est prouvé), et aussi la nécessité de rendre le travail beaucoup plus attractif que les prestations qui permettent de s’y soustraire. Les exemples abondent de ces « jeunes » qui font le choix de travailler en pointillé, se complaisant dans une alternance entre CDD et « inactivité sous alloc’ ».
Un rythme d’avant crise.
La zone euro a connu une croissance de 2,5% en 2017, pour les 19 pays qui la composent. Elle n’avait pas connu une telle progression depuis dix ans. On voit qu’avec 1,9%, la France reste largement sous la moyenne du club de l’euro. Mieux, l’union à 28 affiche la même performance. Au palmarès, citons l’Allemagne (inévitable) avec 2,2%, la Pologne avec 4,6% (!), l’Espagne avec 3,1% malgré la Catalogne (même pas peur). L’économie de la zone euro qui a profité du redémarrage mondial tourne à bon régime et s’accompagne d’une hausse des valeurs européennes. La baisse du chômage va de pair, sauf en France. En zone euro il est passé de 9,6% à 8,7%.
Mais cet élan a un revers : il contribue à une autre hausse, celle de l’euro. En 2018, il faudra surveiller l’impact de l’euro dont la vigueur pourrait annuler les effets de l’amélioration de la demande extérieure (en clair : les exportations). Et puis, les risques politiques ne sont pas nuls : en Allemagne la grande coalition peine à se mettre en place laissant un espace que l’AFD a mis à profit pour s’emparer de la présidence de la commission des finances et de la commission des lois du Bundestag, et en Italie où les élections législatives sont à haut risque avec la nouvelle percée prévisible des populistes.
Enfin, à noter le consensus des analystes : ralentissement prévisible en 2019. Même s’il n’est pas avéré, il serait prudent de l’envisager.
A suivre : la dette, bombe à retardement...
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