78 jours 2 heures 16 minutes 40 secondes !
Le pari
de Jules Verne pulvérisé ! François Gabart sur Macif a réussi l’exploit
impensable il y a encore quelques années. 50 000 km parcours en traversant
tous les océans de la planète, à plus de 15 nœuds de moyenne, la course
vendéenne mérite son nom d’Himalaya des mers.
Ce 27 janvier, nous étions prêts dès 10 Heures pour
suivre l’arrivée du benjamin de la course. Mais voilà, après avoir passé une
nuit d’enfer dans le golfe de Gascogne, le vent a molli et la direction de
course annonçait une arrivée plutôt vers 12H30. Voilà pourquoi nous étions dès
midi sur place, au village du Vendée Globe, mais c’était pour apprendre que
finalement ce serait plutôt vers 13H30, puis 14H, puis 14H30. Enfin sur le grand
écran les images du bateau apparaissaient, mais il était encore assez loin.
Dans le port, ça commence à bouger. Les bateaux officiels
et ceux affrétés par le sponsor appareillent, pleins comme des rames de métro à
6h du soir, pour aller à la rencontre du héros. Puis c’est l’hélicoptère qui
commence à tourner au-dessus de nos têtes, nous envoyant sur le grand écran des
images superbes de la ville, du port et
de la côte : au moins ça permet de patienter.
Enfin, il arrive.
15H30 : nous avons des images du bateau prises de l’escorte
partie à sa rencontre. Nous pouvons voir le skipper à la manœuvre, empanner
puis repartir. De longues minutes le
séparent encore de la ligne d’arrivée. Ce matin c’était galère avec vent fort
et temps bouché. Maintenant, le vent est tombé et le soleil tente de percer. Mais
dans la foule, pas d’impatience. Une joie bonhomme de gens venus surtout du
coin, mais aussi d’un peu partout. Les quais sont noirs de monde, au loin. Les vues
aériennes nous montrent des jetées, tout à l’heure claisemées et désormais
prises d’assaut par des spectateurs enthousiastes. Les banderoles ont fleuri :
les « Bravo François», les « François on t’aime ». L’une, écrite
en rose proclame « François
épouse-moi ! » et joint un
« 06 79… » dont on ne
connaîtra jamais la suite. Autour de nous, c’est devenu plus compact. Près du
grand écran, nous avons vue sur le ponton d’honneur : l’avantage d’être
arrivé assez tôt. Bon plan aussi. Sur le chenal nous aurions poireauté sans
avoir les informations et l’animation qui tient en haleine et permet de passer
le temps, bien que la position debout commence à nous donner quelques douleurs
lombaires.
Ce sera finalement à 16H20 locales, sous les acclamations
de la foule que nous verrons sur l’écran le bateau franchir la ligne virtuelle
de la bouée du Nouch. Aussitôt les équipes montent à bord. Un tour en mer pour
affaler les voiles, faire les vérifications d’usage et déplomber le moteur afin
de pouvoir remonter le chenal. Première
caméra et premières impressions du vainqueur. Il paraît frais comme un gardon.
Sa compagne vient bientôt le rejoindre, après un saut acrobatique où l’on a
bien cru qu’elle allait faire un plongeon, s’il n’y avait eu les bras puissants
de son robinson des mers pour la retenir. Et suit une étreinte qui cherche à
compenser les presque trois mois de séparation. Ces deux-là s’aiment, c’est certain.
Qu’a-t-il appris de ce Vendée Globe ? Une réponse d’une lucidité et d’une
humanité surprenantes jaillit, spontanée : « on apprend surtout sur soi-même !
Jamais je n’aurais pensé que j’avais autant de ressources en moi pour aller
jusqu’au bout ! On ignore trop souvent ce que l’être humain est capable de
faire ! »… Voilà un esprit sain dans un corps sain. Cela en dit
long aussi sur la difficulté de la partie dont on sent qu’elle n’a pas été que
de plaisir. On découvre aussi le surdoué.
La fête peut commencer !
Et puis c’est la remontée du chenal, commentée par un
expert : Alain Gauthier. On l’entend encore s'exclamer sur l’image d’un Gabart
ému aux larmes planté à l’avant de son bateau : « prends-toi ça, mon grand, c’est à toi et à
personne d’autre » sous les acclamations de la foule à son passage.
Ah, la magie de l’arrivée et l’accueil chaleureux des Sables d’Olonne… Enfin,
nous voyons arriver le bateau au ponton. Champagne, premières réponses à la
forêt des micros tendus au bout des perches : les étapes protocolaires et
médiatiques de toutes les arrivées. Puis remontée vers le podium pour la
présentation à la foule très compacte sur la plate-forme du village, grossie
des nombreux spectateurs accourus du chenal une fois le bateau passé.
Le parcours se termine dans la salle de presse devant des
journalistes venus du monde entier. Petites souris, nous avons pu nous y faufiler.
On dira que c’est grâce à « l’accréditation » du renommé « calepindh ».
Des questions en Anglais et en Américain (CNN) auxquelles le skipper répond
dans la langue attestent la notoriété mondiale de l’épreuve. On y apprend au
fil des réponses les mille tracas auquel le marin a dû faire face au quotidien,
toutes choses qui rendent la dimension de l’exploit plus palpable, et qui lui
fera répondre à la question : « referez-vous le Vendée Globe ? »
un « je ne sais pas ! » qui en dit encore plus long sur
les efforts consentis. Tout le monde sent bien que ce n’est pas un non
définitif, mais que la question posée vient trop tôt. Pour l’instant, il s’agit
de savourer la victoire. Merveilleux François
Gabart qui nous assène encore : « Est-ce
qu’on est fou ? Ce serait le cas s’il n’y avait personne pour nous
accueillir ! Mais à voir la foule qui vient pour voir notre retour, on se dit
que ça vaut le coup, que ce n’est pas une folie inutile ! »
Deux arrivées pour le prix d’une.
Mais il faut songer à quitter les lieux, car Armel Le
Cléach’ a cravaché pour arriver dans les temps afin d’entrer dans le port
pendant que la marée le permet encore. Et il faut se porter à sa rencontre. Un magnifique couchant embrase le ciel de tons roses en une savante gradation jusqu'au saumon, comme pour compenser le feu d'artifice réservé au premier. Cette
fois-ci, nous optons pour le spectacle du chenal. Et nous filons au pas de
course vers la pointe au bout du port de commerce où nous nous installons et
sommes aux premières loges. Nous patienterons finalement peu de temps que déjà
l’armada s’annonce, cornes de brume tonitruantes et fusées de détresses en
action auxquelles répondent les feux de bengale rouges sur les berges et les
grondements joyeux de la foule d’où émergent quelques voix claires scandant « Armel »
sur l‘air des lampions !
Le bateau passe devant nous avec un Le Cléach’ debout sur
le pont brandissant ses deux fusées au bout de ses bras tendus, ce qui donne au
tableau une atmosphère fantasmagorique, projetant sur les spectateurs des
éclairs de feu rougeâtres, au fil de l’avancée de son Imoca. La suite, on la
connait : ponton, embrassades, champagne, micros…
La fête continue. Nous quittons à regrets la plate-forme
du village, heureux, mais rompus de fatigue. Pour les autres concurrents, la
course continue...
Voilà une belle réussite pour la Vendée, pour le Conseil Général et pour les nombreux sponsors de la course. Une organisation irréprochable qui doit donner bien de la satisfaction au Président Bruno Retailleau dont la journée n'aura pas été de tout repos. Mais quel impact, quelle belle image pour le département !
Allez, on attend la prochaine arrivée. le feuilleton ne fait que commencer.