LA LEGENDE DU VENDEE GLOBE…
06 décembre 2020
Notre époque épique.
Il est encore possible de vibrer pour de bon devant un exploit. Le Vendée Globe vient de nous en fournir une nouvelle occasion avec le sauvetage de Kevin Escoffier par ce vieux loup de mer –le mot est un hommage- de Jean Le Cam. Il fallait bien ça pour éclairer d’un trait de lumière éclatant la grisaille actuelle et une année bien tristounette avec ce virus qui n’en finit pas de nous ennuyer. L’événement est d’autant plus saisissant que la course au large ne nous cache plus rien. Nous avons pu vivre le sauvetage en direct grâce aux « webcams » embarquées. Et clac-clac-clac, le père Jean est à la manœuvre et nous nous avons les larmes aux yeux, de soulagement et d’admiration mêlés. Quelle belle leçon de courage et de fraternité ! Au moins ça nous change des discours froids et étriqués de notre cocasse Castex. Ici, point n’est besoin de mots. On s’étreint, on se prend dans les bras, et tout est dit !
Sauvetage en direct.
En direct, nous avons pu suivre l’épisode de bout en bout, mieux qu’une production hollywoodienne, parce que vraie, à travers les podcasts successifs du sos de Kevin aux angoisses de Jean qui a un premier contact visuel avec le naufragé puis le perd pour enfin le retrouver grâce à une intuition que seule l’expérience peut fournir. Quelle joie alors de réussir à repêcher le marin dans son radeau de survie où il est resté une douzaine d’heures. On serait étonné de la sobriété de Jean Le Cam, de son calme, de sa simplicité, si on ne le connaissait pas. Dans sa bouche, le mot « bonheur » n’est pas exagéré, il a les justes proportions pour un acte de bravoure qui n’a d’autre nom que le mot « sauvetage » : il vient de sauver une vie humaine ! Nous avons face à sa webcam avec laquelle il nous amuse de son ton bourru, un grand marin que la « bouteille » n’a pas amoindri, sans gros budget mais qui tient la dragée haute aux autres avec sa « 4L » judicieusement carénée. Un type authentique, animée par la passion d’être sur l’eau.
Ici, point de gesticulation.
Les quarantièmes ne pardonnent pas. Ici, l’aventure c’est d’abord de l’humain, des valeurs qu’on ne fait pas semblant d’exhiber, de l’action précise qui évite la gesticulation à laquelle on est tant habitué. Ici, point n’est besoin d’écologie sophistiquée, la nature vous rappelle à l’ordre constamment et ne pardonne pas la moindre erreur ; ça rend humble. Ici, la solitude n’est surtout pas confinement, c’est s’abstraire des rumeurs d’un monde où le verbe remplace le geste. Ici, c’est de dépassement de soi qu’il s’agit, car le risque est accepté même si la lucidité commande de ne pas oublier qu’il peut mettre la vie en jeu. Le corollaire, c’est la solidarité. Tout le sauvetage de Kevin Escoffier est là ! Ici, il y a un règlement, mais le bureaucrate obèse n’est pas dans la partie. La mer est d’abord un espace de liberté où il faut jouer avec les éléments.
Les derniers conquérants.
Hommage soit donc rendu à tous ces conquérants de l’Inutile. Le Vendée Globe, c’est l’Everest des mers. Quels que soient leur caractère, leurs qualités ou leurs défauts, ils nous font rêver. Ils sont les acteurs modernes d’une geste épique comme il n’en existe plus gère, tant notre époque voit la technique ronger toujours plus la part de l’Homme. Le marin du tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance est seul face à lui-même, et ce, quel que soit le bateau. Dans l’enfer des quarantièmes rugissants et des cinquantièmes hurlants, on ne fait pas longtemps illusion, on ne peut pas bluffer. Les conditions dans lesquelles Kevin Escoffier a fait naufrage font de lui un miraculé. Personne n’aurait pu penser qu’une vague puisse plier un Imoca en deux ! S’il n’avait pas été un marin aguerri, il serait parti au fond de l’eau, avec son PRB. Il n’a eu que quelques minutes pour mettre sa combinaison, s’emparer de son canot de survie et déclencher sa balise de détresse. Et un copain s’est trouvé là pour lui tendre la main de la vie.
La course continue.
Aujourd’hui, nous avons été témoins de l’émouvante séparation. La frégate Nivôse a récupéré le naufragé et va le transporter jusqu’à La Réunion. Jean continue son chemin, à la poursuite de la tête de course. La flotte de la trentaine de concurrents s’étale sur des miles nautiques des Kerguelen pour les premiers, au sud de l’Atlantique pour les derniers. On pense à Troussel qui a démâté au large du Cap Vert, à Beyou obligé de retourner aux Sables à cause d’un ofni, pour repartir. Il n’a pas encore rattrapé la queue du peloton. On pense aussi à Thomson, Simon et Davies, obligés d’abandonner. Les fortunes de mer sont diverses et ne font pas le tri entre les meilleurs et les autres. La route est encore longue, et combien de marins, combien de capitaines… vont finalement arriver au port ? L’océan Indien, le Pacifique, le Cap Horn à la sinistre réputation : les épreuves ne vont pas manquer d’autant plus que cette année, les conditions physiques paraissent hors normes.
Allez, le rêve n’est pas terminé. Nous attendons avec impatience de pouvoir leur faire un triomphe sur les jetées de la Chaume. Au dernier tout autant qu’au premier comme le veut la tradition du port vendéen.
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