RACHEL KHAN : LA RESISTANTE « RACEE » !
24 juillet 2021
Avec sa peau sombre et sa coiffure « afro », elle a le look parfait pour être classée dans la case « noire et racisée ». Sauf que, comme son nom ne l’indique pas –encore que son prénom soit un indice- Rachel Khan est née d’une mère juive polonaise et d’un père sénégalais et gambien de confession musulmane. Un assemblage peut-être rare, on en conviendra, mais qui a donné une jeune femme « racée » comme elle le dit elle-même. C’est qu’elle est loin d’être une femme ordinaire : athlète de haut niveau, juriste, scénariste, comédienne, écrivain, elle dirige le centre de Hip Hop de Paris. En tant que femme, juive petite-fille de déporté, noire, … elle semble cocher toutes les cases qu’une Rokhaya Diallo aurait eut vite fait d’utiliser pour l’intégrer grâce à « l’intersectionnalité » dans la case victimaire femme, décoloniale et racisée… Sauf que l’intéressée est une admiratrice de Ramain Gary et dans son livre qu’elle vient de publier « Racée », elle prend l’exact contre-pied de cette démarche. Pour elle le terme « racisé » remet la race au centre et comporte une assignation, l’obligation d’être coincée dans le regard de l’autre en tant que racisé. Elle est métisse, et cette désignation n’a aucun sens : « suis-je autorisée dans les réunions non mixtes réservées aux noires ou suis-je considérée comme trop blanche ? » se demande-t-elle ironiquement. Née en Touraine, elle se dit chanceuse d’être née dans la région de Descartes, Rabelais, Balzac et n’hésite pas à faire l’éloge de l’assimilation, qui ne la dépossède pas de ses racines et lui permet en plus d’acquérir un supplément qui lui a permis de se transcender !
Le rejet du « victimaire » à la mode.
Dans son livre elle dénonce cette idéologie qui consiste à empêcher l’égalité dès la naissance pour ensuite s’en plaindre. Elle n’accepte surtout pas que dans notre démocratie, alors qu’elle n’a jamais voté pour des personnes comme Rokhaya Diallo, celles-ci la représentent et s’octroient le droit de parler au nom des gens qui ont à peu près la même couleur de peau qu’elles. Elle refuse que ses cheveux soient une sorte d’emblème de « l’islamo-gauchisme ». Aussi est-elle déterminée à combattre tous ces individus, emplis de colère et de rage, qui alimentent eux-mêmes le racisme contre lequel ils prétendent lutter. Les idéologies qu’ils véhiculent sont une insulte à de grands hommes tels qu’Aimé Césaire, Manu Dibango, Edouard Glissant « ou même mon père » ajoute-t-elle, qui se sont affranchis de concepts revanchards pour tisser de nouveaux liens et conjuguer leur histoire avec celle de l’Europe. Il est malhonnête de penser ou faire croire que les personnes qui tiennent les mêmes propos qu’elle sur l’universalisme, qui sont amoureux de la France, seraient dans un déni ou n’auraient vécu aucune discrimination. Lucide, elle avoue se battre depuis vingt ans contre l’intolérance tout en continuant à bâtir. Et par la même occasion, elle dénonce ces entrepreneurs identitaires dont elle doute que l’intérêt soit vraiment la lutte contre le racisme, constatant « puisque s’il n’y a plus de racisme, ils n’ont plus de raison d’être ».
Une démonstration par les mots.
Les mots ont leur importance. Et notre époque n’échappe pas à toute sorte de déviations de sens, à la naissance de néologismes ou d’expressions créées pour les besoins de la cause. Derrière les mots, il y a toujours un signifiant, une réalité, une manière de décrire. On ne peut les détacher de l’intention qui préside à leur utilisation. Rachel Khan nous offre un décryptage décapant, non dénué d’humour. Ainsi elle condamne les mots qui séparent comme « racisé ou souchien, intersectionnalité ... » qui enfoncent le couteau dans les plaies qu’ils prétendent cicatriser. Et puis il y a les mots creux qui ne vont nulle part, comme « vivre-ensemble, diversité, mixité… » qui appauvrissent le langage dans une « bienveillance inclusive ». Enfin, elle défend les mots qui réparent tel « intimité, désir, création »… qui, eux, rétablissent le dialogue, favorisent la pensée non unique et unissent notre société.
Voilà un livre utile et une réflexion approfondie sur les mérites de l’universalité pour combattre vraiment le racisme. Nos journalistes des plateaux télé devraient bien le lire, ça leur permettrait d’échapper au langage convenu qui assigne à résidence. On a le droit de rêver, non ? Le combat de Rachel Khan et de bien d’autres, tels isamël Saidi, Fatiha Agag-Boudjahlat, Claire Koç, Abnousse Shalmani, Lydia Grirous, doit être plus que jamais soutenu. Car l’intégration heureuse existe !
« Racée », Rachel Khan - L’observatoire.