LA DEMOCRATIE CENSITAIRE
19 juillet 2021
Mon raisonnement était le bon.
Dans un bulletin précédent j’avais fait l’hypothèse d’un lien entre l’exemption d’impôts et le vote. Un récent article de Jean-Pierre Robin dans le Figaro vient conforter mon raisonnement, chiffres à l’appui. Tout se passe comme si nous étions revenus avant 1848, au suffrage censitaire quand seuls les « riches » pouvaient voter. Et le paradoxe, c’est que c’est la gauche qui en est responsable, les quinquennats de Hollande et Macron qui ont largement contribué à couper le lien civique entre le vote et l’acquittement « consenti » et clairement identifié de taxes et impôts. Il y a bien une cause majeure à l’abstention ou au désintérêt pour la désignation des représentants qui gèrent les budgets des collectivités et contrôlent celui de l’Etat : la disparition de l’impôt.
Un bloc structuré.
Loin d’être un ensemble disparate et informe, le « parti » des abstentionnistes est au contraire très structuré. Un sondage d’Opinion Way met en avant trois traits saillants du « non votant » du 20 juin dernier ( un échantillon de 4500 personnes). En premier la jeunesse : plus on est jeune, moins on vote. Ensuite, les abstentionnistes se recrutent proportionnellement davantage chez les femmes (74%) que chez les hommes (62%). Enfin, le revenu, et c’est là que c’est intéressant : les foyers disposant de ressources mensuelles inférieures à 1 000€ se sont abstenus à 84% contre 56% chez les foyers dont les revenus dépassent 3 500€ par mois ; 74% dans la catégorie comprise entre 1 000 et 2 000€ et 67% de 2 000 à 4 000€. Plus que l’âge et le sexe, nous dit le sondagier, c’est le revenu qui structure le vote, rétablissant de fait une sorte de suffrage censitaire. Plus on est dispensé d’impôts, moins on vote comme sous les régimes d’avant 1848 où c’était le niveau de fortune qui donnait le droit. En dispensant de payer l’impôt, on renvoie le citoyen, comme dans la Rome antique, à une condition de seconde classe, ceux qui ne fournissent à la cité d’autres ressources que leur progéniture, les « proles » ou prolétaires. Hollande parlait des « sans dents » !
Un suffrage universel émasculé.
Le suffrage universel continue d’exister bel et bien, mais les citoyens se comportent comme s’ils vivaient dans la première moitié du XIXème siècle ou seuls pouvaient voter les possédants. Bien sûr, on arguera du désintérêt provoqué par la complexité des scrutins et le manque de lisibilité des compétences des assemblées à élire, dont la finalité finit par échapper au commun des mortels. Pourtant quatre dispositions majeures pèsent sur le comportement de nos concitoyens. D’abord le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui perd toute sa lisibilité alors qu’il est un impôt progressif sur la personne. La politique d’exonération systématique décidée sous Hollande fait qu’il n’est plus acquitté que par 43% des foyers. En deux, la suppression de la taxe d’habitation qui sera élargie a l’ensemble des résidences principales a rompu le lien direct des administrés avec les collectivités territoriales, tout passe désormais par l’Etat. En trois, le remplacement des cotisations chômage par une hausse de la CSG (surtout sur les retraités) a débouché sur un système étatisé très technocratique, remplaçant de fait une fonction assurantielle par un impôt payé par tous et sans contrepartie personnelle. Enfin, en quatre, l’Etat s’est érigé en grand pourvoyeur de pouvoir d’achat. Le triplement de la « prime d’activité » décidé en janvier 2019 par Macron, en est un bon exemple. La crise du Covid 19 n’a fait qu’aggraver les choses avec le « quoi qu’il en coûte ». L’argent tombe du ciel. L’Etat « nounou » s’occupe de vous ! Le fait du prince remplace la décision collective par le vote.
Un système incompréhensible.
Pourtant nous vivons dans le pays qui a institué le système de dépenses publiques et de prélèvements le plus massif du monde. Le jour de libération fiscale est justement aujourd’hui : plus d’un mois après la moyenne européenne. Dans son éditorial du Figaro, Jacques Olivier Martin invite les Français à « pédaler », parce qu’il n’y a rien à espérer des temps qui viennent. Mais tous ne pédalent pas, et ils sont de moins en moins nombreux à appuyer sur les pédales. Le système des prélèvements est tellement complexe et les méthodes de calcul si sophistiquées que plus personne n’y comprend rien. On oublie l’essentiel : que les dépenses publiques, Etat, comptes sociaux, collectivités territoriales relèvent d’assemblées d’élus et ne sont pas de simples services qui dispensent des prestations ou développent des actions. Le caractère quantitatif de leurs responsabilités financières devrait intéresser tous les Français au premier chef. Mais quoi d’étonnant dans le contexte actuel que seuls les « riches » se soucient de leur gestion puisque les autres ne paient rien et « touchent ». Un univers « collectiviste » qui n’intéresse que les riches : c’est un autre paradoxe !
Revenir à l’universalité .
Voilà une autre tâche pour le prochain président s’il veut que nos concitoyens se réintéressent à la « res publica », la chose publique : remettre tout à plat à commencer par établir un impôt payé par tous, rétablir la taxe d’habitation, arrêter de faire jouer à la TVA le rôle de taxe « fourre-tout » et financer chaque collectivité par un impôt dédié, réformer le financement des retraites et du chômage, … Remettre l’Etat à sa place. Il lui faudra un sacré courage ! Bref, une vraie révolution !
Je partage mais cela n’explique pas tout. Je crois par exemple que les fameux « comités citoyens », tirés au sort constituent la négation même de la légitimité de l’élu tout comme les consultations où on se moque du résultat comme pour ND des Landes ... tout cela va dans le sens de l’inutilité du vote
Rédigé par : Dominique Richard | 20 juillet 2021 à 14:53
Oui, tu as raison, c'est un tout. Nous vivons une période de décadence de la rationalité et de la conscience civique. C'est désolant.
Rédigé par : Daniel | 24 juillet 2021 à 10:54