POURQUOI ON VOTE (OU PAS) : REMONTONS A LA SOURCE !
13 juillet 2021
J’en ai lu des argumentaires sur l’abstention qui progresse dans notre pays à chaque consultation. Et il faut dire que pour celle que nous venons de vivre, le record a encore été battu et atteint désormais des niveaux dramatiques pour un pays comme la France, réputé être une démocratie. Et les arguments des commentateurs, plus ou moins experts, sondeurs et autres politologues, sont nourris, nombreux et souvent évidents. Mais, aucun n’a fait le lien pourtant fondamental, avec ce qui est historiquement à l’origine du vote.
Que nous disent-ils ?
Christophe Guilluy observe que l’abstention est devenue majoritaire parce que l’offre politique s’est clientélisée, segmentée sur des fractions de population, accompagnant la disparition de la majorité sociologique. Aujourd’hui, la « majorité » fait sécession. Le monde politique se serait déconnecté de la société. L’écosystème médiatique, politique et culturel a tourné le dos au peuple, la France profonde, et ne sert plus le bien commun. L’Ifop, dans son enquête identifie de son côté « une crise de foi républicaine », atteignant le sentiment d’appartenance à un collectif de citoyens formant le corps électoral. Que ce soit la droite ou la gauche, le constat prédominant est que cela a peu d’incidence sur la vie quotidienne. Il est observé aussi un déficit de transmission de la culture républicaine, en même temps qu’une demande d’une offre politique sur mesure. De son côté, Dominique Reynié, de la Fondapol, décrit l’abstention comme le résultat d’une campagne écrasée par des thèmes nationaux et une extrême politisation dans un pays où les partis politiques font l’objet d’un jugement très négatif dans l’opinion. Il voit dans le caractère massif du refus de vote, une « désinstitutionnalisation » affectant notre vie politique. Une partie des oppositions et du débat public se déplace vers un domaine extra-institutionnel : la « zadisation » en est un bon exemple, les mouvements groupusculaires activistes qui agitent les réseaux sociaux en sont un autre. L’idée de la convention citoyenne est un autre moyen de tuer la démocratie institutionnelle. La « désinstitutionnalisation » se radicalise dans la montée en puissance d’un espace public numérique et s’accomplit à travers des protestations multiformes : vote antisystème, protestation manifestante, abstention massive. Tout cela s’ajoute à des causes plus prosaïques telles que la complexité du mode électoral des cantonales avec ses doubles binômes, et même des Régionales avec son scrutin de listes régionales segmentées en listes départementales. Les citoyens perdent de vue les mérites indépassables de la démocratie représentative.
Mais voilà, ils oublient l’essentiel.
Pour illustrer mon propos, je vais partir d’une anecdote vécue. C’était il y a quelques années, dans une vague salle de réunion publique, à moins que ce fût un préau d’école, le candidat venait d’égrener son programme et ses multiples projets. On passait alors au temps fort de la soirée, où une petite foule se pressait, le jeu des questions-réponses. C’est alors qu’un brave gaillard se leva en levant le bras droit, pour demander la parole, le gauche étant occupé avec sa casquette qu’il avait pincée entre ses doigts et tout en grattant son crâne avec l’ongle du pouce, posa sa question : « Et combien qu’ça va-t-y coûter tout ça ? » … Tout était dit. A cette époque-là, les gens s’intéressaient aux élections, et il n’était pas rare qu’ils aillent assister aux prestations de candidats concurrents pour comparer les programmes. Ces citoyens-là étaient aussi des contribuables à qui on ne la faisait pas, ils savaient reconnaître ceux qui promettaient plus de beurre que de pain et surtout veillaient à choisir celui qui, selon le choix de chacun, serait économe des deniers publics. C’est tout bête, le vote, c’était choisir aussi un budget et des impôts. Voilà la source ! Personne ne nous dit qu’aujourd’hui, elle est tarie ! Et pas un ne fait le lien pourtant évident !
Il se trouve que 57% des foyers fiscaux ne paient pas d’impôts sur le revenu, ni d’autres d’ailleurs. Bientôt plus de taxe d’habitation pour tous. Alors à quoi bon aller voter : « ils » peuvent bien faire ce qu’ils veulent, faire valser « un pognon de dingue », trop de nos concitoyens ne sont plus concernés, quelles que soient les dépenses, ils ne seront pas appelés à les payer. Les autres, plus riches ont plein de niches fiscales à leur disposition pour adoucir la note. Et puis de toutes façons, avec le prélèvement à la source, on leur a même supprimé le geste de payer et en même temps le consentement à l’impôt. Bien sûr, tout le monde paie la TVA, mais combien savent qu’elle finance en partie les dépenses des Départements et des Régions. Et puis il n’y a pas plus indolore comme impôt. Après on s’étonne que la participation électorale diminue. Qui peut comprendre qu’avec un tel système, on a supprimé le frein à la dépense et que, si la charge ne pèse pas sur les porte-monnaie, il y a un prix à payer quand même qui s’appelle bas salaires et manque de croissance et donc… chômage.
Bref, pas d’impôts, pas de besoin de voter.
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