G7 : LE MONDE ENTIER, ET MOI, ET MOI, ET MOI
29 août 2019
Président du Monde !
Enfin, pas tout-à-fait, du ½ Monde puisque le G7 représente aujourd’hui un peu moins de 50% du PIB de la planète. Mais Narcisse est toujours là. Il s’était déjà pris pour le Président de l’Europe avec le succès que l’on sait. Il avait juré que la crise des gilets jaunes l'avait rendu humble. Mais on mesure combien il est difficile d’aller contre sa nature. A Biarritz, Macron s’est donc pris pour le Président du monde : il a été sur tous les fronts, l'Amazonie, l'environnement, l'Iran, l'Inde et le Pakistan, la paix dans le monde (conseillé par Raffarin ?)… Il a fait venir Poutine, il a ménagé un coup de théâtre en faisant venir le Ministre des affaires étrangères de l’Iran, sur place, en marge du sommet. Il donne des leçons à tout le monde, à Trump, à Boris Johnson et à tous les leaders dits « populistes » contre lesquels il est en croisade. Il est même tombé dans le piège de la manipulation sans se renseigner outre mesure sur les incendies (qui ne sont pas extraordinaires) de la forêt amazonienne (qui n’est pas le poumon de la planète) pour faire la leçon à Bolsonaro. Procédé indigne. Président du monde alors qu'il y aurait déjà fort à faire pour être Président de la France.
Le tam-tam et le concert de louange.
Rarement on aura vu une telle mise en scène, à grand renforts de « points presses » bien huilés. La communication a vraiment pris le dessus, ça permet de cacher la réalité, et il faut dire que l’Elysée a fait fort sur ce coup-là. Il était amusant de lire et d'écouter les commentaires français bien sûr, sur le G7 de Biarritz. Finalement, voilà un G7 « historique » : ce serait le seul G7 de tous les G7 qui aurait été utile. La France a repris sa place, au centre du monde, évidemment ! Donc Trump aurait cédé sur tout, face à notre président : il aurait accepté de reprendre le dialogue avec l'Iran, sujet essentiel ; il aurait décidé de ne pas taxer les produits français et de mettre en place une taxe GAFA à l'échelle mondiale. C’est bien simple, tous les problèmes du monde y ont été réglés et même l’Amazonie va être sauvée. Tous ? Enfin pas tous : la guerre commerciale de Trump avec la Chine va continuer de peser sur l’économie mondiale. Ah, il faut voir les titres élogieux de la presse, et je passe sur les multiples plateaux en continu de la télé-réalité-people : « Amazonie, Iran, GAFA: les paris réussis de Macron », « Macron à l'offensive au G7, Trump infléchit ses positions », « Les initiatives et le volontarisme du chef de l’État ont permis des avancées sur plusieurs dossiers sensibles lors du sommet de Biarritz », « Macron-Trump : la détente cordiale », « Le président français réussit un coup diplomatique sur l'Iran ». Il ne s’agit que de la presse française, évidemment. C’était donc THE sommet !
Retour à la réalité.
Il n’était pas bien difficile d’imaginer la suite. Trump reste fidèle à lui-même, et il aura bientôt tout oublié ce qu’il a promis au gré des aléas de sa campagne électorale et repartira dans ses attaques si nécessaire. Contre la France, contre l’Iran, contre la Chine… Entre autres. Il vient d’apporter son soutien à Bolsonaro. Déjà un couac, et on n’est que le 29 août. L’annonce conjointe par Trump et Macron d’une future détente entre les US et l’Iran ouvrant la voie à un possible nouvel accord sur le nucléaire iranien, grand moment du G7, eh bien c’est raté : Rohani appelle ce matin Washington à « faire le premier pas » en levant l’intégralité des sanctions qui plombent l’économie iranienne, condition sine qua non à tout sommet Iran/US, ce qui est impensable pour Trump qui s’y est toujours opposé. Et Zarif, le Ministre des Affaires Etrangères iranien a surenchéri en affirmant qu’une poignée de mains Trump/Rohani était aujourd’hui « inimaginable » ou possible « que sur Photoshop ». En attendant, Bolsonaro a refusé l'aide de 20 millions d'euros du G7 pour l'Amazonie, enfin pas tout-à-fait… En fait, les contorsions avec ses propos sur Mme Macron continuent. Ailleurs le G7 n’a eu aucune influence sur le retour de Giuseppe Conte comme Président du conseil en Italie, après l’accord entre le parti démocrate et le M5S ; aucune influence sur Bojo, toujours prêt à livrer le Royaume Uni à Trump avec le Brexit et qui vient de tenter un coup de force contre le Parlement qui pourrait provoquer sa perte.
Trump et la Chine.
Pendant ce temps Trump continue à souffler le chaud et le froid sur la guerre commerciale avec la Chine. Il veut taxer davantage, puis il ne veut plus taxer. Il ne veut plus discuter avec les Chinois, puis il veut discuter avec les Chinois qui ont tapé à la porte. Xi Jinping est l'ennemi des États-Unis ; Xi Jinping is a « great guy, a friend, a great leader ». C'est sa façon de négocier et sa façon de mettre la pression sur la Fed, pour qu'elle baisse ses taux afin de lui garantir de la croissance jusqu’à sa réélection. Le Monde, il s’en fout. Alors la France …
Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est que les Français croient le conte de fée qu’on vient de leur raconter et qu’ils ont un « grand Président » qui aimerait avoir les mains libres pour la rentrée. La réalité est plus modeste : les manœuvres politiques sont à peine commencées avec une belle reculade sur les retraites. Et on attend la suite. Car ça bout toujours dans la marmite !