PEUT-ON ECHAPPER A LA CRISE QUI VIENT ?
23 août 2019
Chaque jour qui passe, elle semble se rapprocher et les signaux d’alerte sont de plus en plus nombreux. Les révisions à la baisse des prévisions de croissance s’enchaînent mois après mois, mais elles semblent accentuer la folie. Déjà, de nombreux pays sont entrés en récession industrielle. Le stock total des dettes publiques et privées est au plus haut (environ trois ans de PIB mondial). Dans ce contexte, une récession provoquerait une nouvelle crise financière avec d’énormes risques de défaillances en chaîne. A l’image de la planète qui brûle, les financiers entretiennent le brasier au lieu de tenter de l’éteindre.
La folie de l’argent gratuit.
Comme le constate Jean-Claude Trichet « l’endettement public et privé a continué d’augmenter au même rythme qu’avant la crise de 2008 alors que celle-ci était largement due à un formidable excès d’endettement ». Tous les grands chocs ont pour point commun l’augmentation incontrôlée de la gratuité des moyens de paiement. Or, il n’y a pas de prospérité illimitée, mais la fascination pour les fortunes rapides et la croyance dans l’affranchissement des contraintes d’équilibre financier, monétaire ou budgétaire pour soutenir la croissance, pour faire face à la révolution technologique, ou parce que le monde géopolitique serait différent, aveuglent les autorités politiques. Ainsi les banques centrales se sont lancées dans des baisses des taux d’intérêt et de nouvelles injections de liquidités.
Des relances budgétaires irresponsables.
Pourtant, la drogue monétaire n’est qu’un palliatif qui reporte les solutions à la crise en gonflant les bulles d’actifs de l’immobilier, des obligations, de la bourse. Il s’agit de maintenir à tout prix l’activité. Le pire exemple vient des Etats-Unis où la Fed a interrompu ses efforts et baissé ses taux de 0,25%. La baisse des taux favorise l’expansion monétaire et va donc de pair avec des relances budgétaires. Les américains connaîtront un déficit public de 1 000 milliards de dollars en 2020 soit 5,5% du PIB, au moment où le taux de chômage est au plus bas (3,7%) et la frénésie des emprunts gagne tous les secteurs. Cette expansion monétaire est dangereuse : elle ne soutient que marginalement l’économie, car les banques centrales ne peuvent contrôler l’usage et l’affectation des moyens qu’elles émettent ; la pénalisation de l’épargne déstabilise les classes moyennes des pays développés et nourrit le populisme ; l’argent facile est une machine à distribuer du pouvoir d’achat factice et à créer des bulles spéculatives. Un bon exemple pour illustrer que les liquidités déversées ne vont pas en priorité à l’investissement qui améliorerait la vraie croissance et la productivité tient dans la distribution des dividendes qui n’a jamais été aussi élevée en France, favorisée par la flat tax, alors que la productivité est au point mort et que notre croissance reste atone.
Un système bancaire fragilisé.
L’expansion monétaire et budgétaire prive les banques de toute capacité de réaction. Elles sont ruinées par les taux négatifs qui entretiennent la finance de l’ombre, d’autant plus que le travail de sape de Donald Trump contre les institutions multilatérales, limite les possibilités de coopération internationale et de stratégies concertées, qui jouèrent pourtant un rôle décisif pour endiguer la crise de 2008. La monnaie est un outil de politique économique qui ne doit être utilisé qu’en période de krach ou de déflation, mais certainement pas en période de plein-emploi qui consiste alors à entretenir une « surchauffe ». L’argent gratuit est une addiction qui ne peut connaître d’issue heureuse. La fin est certaine : le krach, seul le moment est incertain.
Des solutions existent.
Echapper à la crise qui vient suppose de relancer massivement l’investissement mondial par une intensification de la coopération internationale. Mais on n’en prend pas le chemin. L’Europe a les moyens de se mettre à l’abri. Au moins pourrait-on achever la construction européenne autour de l’euro qui permettrait une défragmentation financière de la zone et la création d’un support d’épargne commun pour drainer les capitaux vers une union de financement de l’investissement et de l’innovation. C’est réalisable : la zone euro dispose de la première épargne du monde (340 milliards d’euros) qui n’est malheureusement pas investie dans l’espace monétaire commun. Cette union de financement nous mettrait à l’abri de la prochaine crise systémique. Mieux, elle ferait de l’euro légal du dollar. Réalisation de l’union bancaire et des marchés de capitaux : voilà une belle tâche à la hauteur des compétences de Christine Lagarde. Si le mouvement pouvait s’accompagner d’une convergence fiscale, sociale et environnementale, l’Europe serait armée pour faire face. Cela ne dispenserait pas de la nécessité d’une conférence internationale définissant les conditions d’une relance mondiale, comme le G20 l’avait imposée en 2008, mais c’est une autre histoire et avec des Trump, des Johnson et Salvini dans le paysage, c’est pas gagné !
Il nous faudrait un Sarkozy, et nous n'avons qu'un Macron...
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