HISTOIRE
MA REVUE DE PRESSE COMMENTEE
DANIEL KRETINSKY, UN OLIGARQUE EN MACRONIE

ADP : UNE AFFAIRE DE FAMILLE ?

Aéroport de Paris

 

La privatisation d’Aéroport de Paris est hors norme.

Evacuons l’argument du « libéralisme », c’est un faux nez qui ne permet en aucun cas d’y voir une volonté de l’Etat d’abandonner son dirigisme. D’abord, le néolibéralisme de Macron n’a rien à voir avec le libéralisme économique classique, comme je l’ai déjà évoqué dans une précédente note. Privatiser ADP n’a pas beaucoup de sens du point de vue économique. En effet, privatiser une entreprise en situation de monopole et à vocation de service public, et même à caractère stratégique, quand l’Etat est déjà actionnaire majoritaire, c’est une hérésie. ADP est dans une situation de monopole sur le marché des installations aéroportuaires utilisées pour les transports aériens en provenance et à destination de l’Île-de-France. Comme l’indique son document de référence, il n’a aucun concurrent dans un rayon de 300 kilomètres  et sa zone de chalandise rassemble 25 millions d’habitants, dont le revenu moyen est supérieur à la moyenne française. Or toute entreprise privée en situation de monopole vend ses produits à un prix plus élevé et avec une qualité moins bonne qu’une entreprise en situation de concurrence. Le prix d’un monopole est d’autant plus élevé et la qualité de ses produits d’autant plus faible que ses clients y sont peu sensibles, ce qui est assez largement le cas de ceux d’ADP. Cette décision est d’autant plus  contestable que c’est une formidable machine à cash qui rapporte chaque année à l’Etat 170 millions d’euros de dividendes et 260 millions d’euros d’impôts sur les sociétés.  Cet équipement est une pépite dont l’Etat est pour l’instant actionnaire à 50,6%. Dans ces conditions, les raisons avancées par le gouvernement sont obscures et le schéma proposé d’une rare opacité.

Une vieille histoire.

Le dossier est porté par Augustin de Romanet, sous la houlette d’Alexis Kohler. Le PDG d’ADP est un haut fonctionnaire issu de la Direction du budget à Bercy. Son parcours en fait l’un des rares grands patrons qui a les faveurs d’Emmanuel Macron. Probablement à cause de son origine mais aussi par ses postes successifs de cabinets ministériels sous Jacques Chirac, notamment chez Jean Arthuis, dont on sait qu’il a été l’un des premiers soutiens à Macron en 2016. Augustin de Romanet fut aussi  directeur de cabinet adjoint  de Jean-Pierre Raffarin quand il était Premier Ministre. Il est devenu ensuite le patron de la CDC (Caisse des Dépôts et Consignation), outil stratégique de tout gouvernement et c’est Hollande qui l’a nommé à la tête d’ADP (sur demande de Bernadette Chirac)… C’est ainsi qu’il est l’un des rares à avoir rencontré le Président fraîchement élu, une semaine avant son investiture. En décembre 2017, il est nommé, entre autre, président du conseil d’administration du domaine de Chambord, un témoignage de confiance alors que Macron souhaite rétablir les chasses présidentielles. Bref, le « chouchou » est aux avant-postes de la privatisation, projet dont on sait que le Président l’avait déjà en tête quand il était ministre : à deux reprises il avait essayé de convaincre Hollande, sans succès.

De nombreux réseaux à la manœuvre.

D’abord ceux de la CDC, bras armé financier de l’Etat. Une maison que connait bien Macron. Son ami, Antoine Gosset-Grainville, inspecteur des finances lui aussi, ancien dir-cab de Fillon à Matignon, fut directeur adjoint de la CDC. Et son mentor, Jean-Pierre Jouyet, y avait été nommé directeur général en 2012  par Hollande pour remplacer … de Romanet qui partait à ADP. Chez ADP, le directeur de l’immobilier est Serge Grzybowski, qui a été pendant 7 ans le PDG d’Icade, filiale de la CDC. On voit l’intérêt quand on sait que l’aéroport dispose d’un foncier de 8 000 ha en région parisienne. D’autres acteurs du projet sont au cœur d’En Marche !  Au parlement, le rapporteur de la loi Pacte qui porte le projet de privatisation n’est autre que le député Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Il travaillait l’année dernière sur le dossier avec Aigline de Ginestous, collaboratrice parlementaire, ancienne de chez Rothschild, qui a été nommée en octobre dernier cheffe de cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, nouvelle Secrétaire d’Etat auprès de Bruno Le Maire. Cette dernière, inspectrice des finances passée par HEC connait très bien Alexis Kohler, car issus tous les deux de la même promo de l’ENA. Et c’est aussi une ancienne de la « Caisse ». Enfin, le gouvernement est conseillé sur ce dossier par la filiale parisienne de Bank of America, qui a été rejointe par un ami du Président, Bernard Mourad, ancien dirigeant du groupe Altice, appartenant à … Patrick Drahi. On reste en famille ! Voilà une privatisation bien encadrée.

Un intérêt douteux. 

Après Toulouse,  Nice et Lyon, ADP va être à son tour privatisé, sauf si le referendum réussit à être organisé. ADP serait transformé en une concession de 70 ans. La situation et les perspectives financière d’ADP sont très bonnes et l’Etat devrait donc vendre ses actions à un prix élevé, qui doit être supérieur à la somme actualisée des dividendes auxquels il va renoncer, pour que cette privatisation ait un intérêt financier pour lui. Alors que la vente de l’entreprise est estimée à 8 milliards d’euros, il est prévu de payer jusqu’à 1 milliard  aux actuels actionnaires : payer  pour privatiser, voilà qui est surprenant. Il y a une autre bizarrerie, l’Etat prévoit de racheter les actifs d’ADP au terme de la concession. Donc, pour le bénéficiaire de l’opération, l’acheteur de la société d’aéroport, ce sera un double jackpot ! Du cousu main. Sans entrer dans les détails  techniques et les exigences de l’Etat pour sécuriser la  privatisation, celui-ci a rarement su définir les besoins à satisfaire par ses concessionnaires sur une longue durée et les modifications qu’il a apportées aux cahiers des charges des concessions ont souvent conduit à une hausse des prix et des bénéfices des concessionnaires. Compte-tenu du caractère unique en France des aéroports de Paris, le cahier des charges sera particulièrement difficile à définir et on peut craindre que, sur une période de 70 ans, il soit modifié au profit des actionnaires d’ADP. On a donc hâte de savoir quel sera l’heureux bénéficiaire. Quant à l’utilité de la manoeuvre, sauf à récupérer 8 milliards d’argent frais pour jeter dans le tonneau des Danaïdes et boucler le budget, on a du mal à le saisir.  Cela ressemble à vendre les  bijoux de famille quand on est  dans l’impasse financière.

 

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