SANTE : COMMENT MACRON L'ETATISE AVEC SA REFORME
31 octobre 2018
Vers un système à l’anglaise
Déjà la part du financement de la santé est de moins en moins assurée par les charges sociales, puisque la part de l’impôts via la CSG grossit petit à petit et finira par remplacer les cotisations salariales. On s’éloigne du modèle dit « bismarckien », fondé sur l’assurance assise sur le travail, pour se rapprocher du modèle dit « beveridgien » à l’anglaise, de type assistanciel, piloté par l’Etat. On sait déjà à quoi s’attendre : une médecine à deux vitesses, avec des médecins « fonctionnaires » et les anglais qui ont les moyens qui viennent se faire soigner en France.
Le plan santé
Les médecins ont pourtant applaudi quand le Président de la République a présenté son projet, parce qu’il vise à sortir du modèle tricolore hospitalo-centré et englobe tous les acteurs, privés et publics, dans une évolution systémique. Des lignes de force qui paraissent logiques, en effet : deux paris, celui du territoire et celui de la confiance aux acteurs de santé. On tourne le dos à l’ère idéologique Touraine, dont le parti pris était de réserver les missions de service public au seul hôpital public, au mépris des réalités du terrain. Pour autant, si l’approche est claire, paraît cohérente et bien pensée sur le papier, en donnant une vue d’ensemble où chacun trouve sa place, la ville comme l’hôpital, avec une gradation des soins, et en partant des territoires, rien n’est réglé. Il faudra réformer les directoires et conseils de surveillance institués par la loi Bachelot, et renouveler les directeurs des ARS tout en divisant les effectifs de leur personnel par deux. Il faudra aussi supprimer des pans entiers du Code de la santé publique pour laisser une vraie liberté aux hospitaliers. Enfin, il faudra réguler l’offre de soins de la médecine de ville et c’est le plus compliqué à mettre en place, car la grande difficulté d’aujourd’hui c’est justement pour les établissements hospitaliers d’avoir en face d’eux, localement, des interlocuteurs libéraux pour assurer la permanence des soins, les parcours de prise en charge, mettre en place les coopérations.
Déjà ça commence mal
« Le compte n’y est pas » dans le budget 2019 de la Sécurité sociale constate la fédération hospitalière de France, et appelle à plus de volontarisme. Pour mettre en place la réforme, il y a une double nécessité : réguler les soins de ville et accompagner financièrement la transition. Dans le budget 2019 on ne retrouve ni l’approche des territoires, ni les nouvelles régulations pour la médecine de ville. Le gouvernement continue à surestimer l’activité des hôpitaux et à baisser les tarifs en sous-estimant la progression de leurs charges, supprimant tout lien entre le coût d’une pathologie et la somme versée pour la traiter. Et le système shaddock fait le reste : on gèle les crédits des hôpitaux puis on puise dans ces crédits gelés pour financer les dépassements de la médecine de ville, et présenter ainsi une sécurité sociale en équilibre… Avec une équation insoluble pour les hôpitaux à qui on demande 960 millions d’euros d’économie cette année. L’investissement hospitalier est tombé à moins de 4 milliards d’euros par an, là où près de 7 seraient nécessaires en rythme de croisière !
La fin du modèle libéral ?
« En même temps », la réforme enterre le modèle national de médecine libérale. D’abord en battant en brèche son principe fondateur : le paiement à l’acte, pour le remplacer par le forfait qui s’appliquera « pour commencer » dès 2019 à l’hôpital pour l’insuffisance rénale et le diabète. Les médecins de ville suivront. Deuxio, la réforme veut mettre fin à l’exercice « isolé » -aujourd’hui majoritaire- du médecin dans son cabinet, pour le remplacer par les cabinets de groupe qui devraient procurer efficacité et convivialité. Avec le risque, comme c’est le cas pour les cliniques et les laboratoires absorbés par des grands groupes, que ces cabinets regroupés et maisons de ville de connaître le même sort, les médecins devenant de simples salariés. Troisio, le plan Macron pose l’obligation de former des « communautés professionnelles territoriales de santé ».Il en existe aujourd’hui 17, il en voudrait 1000 d’ici à 2022. Mais ça coince, avec un cahier des charges très rigide, organisé d’en haut et peu de latitude laissée aux acteurs. Quarto, 400 médecins salariés des hôpitaux vont être envoyés dans les déserts médicaux jusqu’à ce que la fin du numerus clausus crée l’offre de soins suffisante et permette de les remplacer. En espérant que la surabondance ne débouche pas sur l’instauration de règles strictes pour réguler les ouvertures de cabinets. Et quand on sait que la cohérence du système sera alors assurée non plus par les cotisations et les partenaires sociaux, mais par l’impôt et l’Etat … la boucle est bouclée.
Une médecine administrée
Il y a gros à parier que la régulation des soins se fera par des incitations et des contraintes calculées à partir d’écarts-types, de moyennes d’actes, avec des remboursements dégradés et potentiellement des déconventionnements pour les établissements ou les professionnels de santé qui s’écarteraient trop des référentiels. . Quand on voit les résultats que l’Etat obtient avec l’économie française qui crève d’être administrée… on sait à quoi s’attendre pour la médecine.