L’ART DU POSSIBLE FACE A L’ART DE LA MAGIE
30 septembre 2010
Léon
Gambetta définissait la politique comme l’art du possible.
Entre
deux manif’ je reviens sur la réforme des retraites. Forcément. Il faut bien en
parler, dire et redire que de toute façon on n’a pas le choix. Où c’est le
projet du gouvernement, avec ses imperfections, réaliste et plus équitable que
juste, où c’est la douce illusion que la gauche résoudrait le problème sans
faire souffrir personne, sans allonger la durée des carrières et se
contenterait de taxer les « riches » en prélevant 45 milliards par an
sur la production intérieure, sans conséquences graves sur notre économie et
nos impôts…
Entre
un projet qui présente le seul moyen d’aller vers l’équilibre des régimes en
reportant l’âge de la retraite et la solution miracle de la gauche qui
serait sanctionnée à court terme par un million de chômeurs de plus et une
augmentation des cotisations, le « possible » est bien dans le camp
du gouvernement. Certes, il serait souhaitable de prendre en compte quelques
cas particuliers comme celui des femmes qui n’ont pas assez cotisé, celui de
quelques métiers où l’on trime dur, celui des bosselés de la vie qui n’ont pas
réussi à grimper dans l’échelle sociale. A condition de pouvoir les financer
sans dégâts collatéraux pour l’économie et d’éviter de recréer des « régimes
spéciaux » appelés par nature à perdurer plus longtemps que le cas qu’ils
traitent.
La
gauche a raison quand elle dit que la réforme des retraites serait plus
efficace si elle suivait une réforme fiscale et si des dispositions étaient
prise pour l’emploi des jeunes (encore et toujours) et des séniors (afin qu’ils
gardent l’emploi qu’ils ont). Chacun saisira que les deux derniers objectifs ne
sont réalisables que si l’on crée suffisamment d’emplois, donc cela nécessite de
la croissance. Mais si tout cela est vrai sur le papier, en attendant le
paradis des équilibres sociaux, la France aura dix fois le temps de se
retrouver à poil. Là encore, le possible est dans les choix tempérés du
gouvernement qui doit par ailleurs gérer avec rigueur pour aller vers la
réduction des déficits.
Mais
si la réforme proposée est celle qui entre le plus dans « l’art du
possible », son espace, entre l’exaltation du combat social paré de toutes
les vertus humanistes et l’obstacle posé par l’endettement, est très réduit. Le
rejet de la réforme inscrit dans les sondages et les manifestants dont le
nombre n’est qu’épiphénomène, quelles que soient les décisions des syndicats,
quelles que soient les conséquences d’une grève générale si elle avait lieu,
nous ferait perdre des années précieuses au bout desquelles la solution serait
encore plus douloureuse.
Un retrait indiquerait au reste du monde que
décidément nous sommes incorrigibles et l’Europe et les marchés, dont nous
sommes dépendants - n’en déplaisent aux démagogues extra-terrestres - nous
feraient payer illico notre lâcheté devant l’adversité. Il n’y a que les
martiens verts, roses ou rouges pour croire que nous saurions nous soustraire à
l’environnement commercial et qu’en chargeant la barque des dépenses publiques
déjà accablantes nous ne détruirions pas notre capacité à investir. Fatalement
un accroissement de la dette détruirait des emplois.
On en frémit à l’idée que l’opposition pourrait s’emparer du pouvoir !