LA GALETTE DES ROIS
21 janvier 2013
Voilà une tradition qui remonte à la nuit des temps. « Tirer les rois » pour fêter l’épiphanie est comme souvent, une christianisation d’une coutume romaine. Au Moyen-Age, sous la Révolution, et jusqu’à notre époque, la galette a traversé le temps, avec sa fève à l’intérieur et son « roi de pacotille ».
Dans mon enfance, c’était la galette parisienne : cette magnifique pâte feuilletée, dorée à souhait, fourrée de frangipane. On la mangeait au moment de la fête des rois mages. Ce jour-là, notre mère revenait de chez le boulanger avec un sac en papier blanc rectangulaire dans lequel était glissée la fameuse galette et ses deux couronnes en carton léger : une dorée pour mettre sur la tête du roi, une argentée pour la reine qu’il désignera.
Ah, la galette ! On attendait impatiemment le moment de la déguster. On avait bien regardé en-dessous s’il n’y avait pas une petite cicatrice qui aurait indiqué l’endroit où avait été glissée la fève, mais rien n’était jamais perceptible. Le moment venu, le plus jeune (c’était moi) se glissait sous la table ou allait tourner le dos derrière la porte, et donnait un nom pour attribuer chaque part. Souvent ma mère s’arrangeait pour que la fève échoue alternativement entre mon frère et moi. Comment faisait-elle ? Mystère. Ce qui est sûr, c’est que l’on riait bien.
En Anjou, la galette la plus consommée est une brioche ronde avec des fruits confits sur le dessus. Elle est évidemment dégustée en famille mais est aussi l’occasion de multiples réunions d’associations ou autres groupes plus informels de se réunir pour « boire un coup et manger la galette ». Des vœux du maire à la réunion du club des beloteurs, de la fin décembre jusqu’à fin février, le temps de la galette est une affaire qui marche. Les rayons des supermarchés s’en sont emparé mais rien ne vaut une bonne brioche « trempée» de chez le boulanger. Avec son moelleux et son arrière-goût de rhum elle fait l’unanimité des convives.
Pas de galette sans son accompagnement. La plupart du temps on vous servira avec un Coteau du Layon, on n’est pas en Anjou pour rien. Mais un Crémant de Loire blanc ou rosé fait aussi l’affaire et aura ma préférence. Il faut bien ça pour faire glisser la brioche et délier les langues.
La couronne est devenue facultative et les fèves ont perdu leur nature initiale qui était d’être … une fève. Une figurine en porcelaine est apparue vers le milieu du 19ème siècle, d’abord sous la forme d’un Jésus, puis de rois et avec le temps de personnages ou d’objets les plus variés. Il arrive encore qu’on trouve deux fèves dans la galette : une belle en porcelaine désigne le roi, une autre, généralement en plastique blanc, permet de coiffer la reine. Evidemment, la multiplicité de ces figurines a déclenché l’irrépressible besoin de certains de les collectionner. Ce sont les « fabophiles » ! Chez nous, on les garde et elles servent parfois à décorer les alvéoles du dessous de plat en verre, mais le plus souvent elles vont grossir le nombre des objets inutiles qui moisissent au fond des tiroirs. Il arrive aussi qu’elles fassent la joie éphémère d’un des petits enfants.
Coïncidence fortuite, aujourd’hui, c’est aussi l’anniversaire de la mort de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793. Parler des rois ce jour-là, cela ne paraîtra incongru qu’aux monarchistes inconditionnels, s’il en reste. J’espère que personne ne m’en voudra de cet humour involontaire.