SI J’ETAIS MINISTRE DE L’EDUCATION…
11 septembre 2023
Vous allez dire : « pour qui se prend-il ? ».
Quand on voit dans quel état se trouve notre système éducatif et la tâche qu’il faudrait accomplir pour le remettre debout, je n’ai pas de scrupules à me dire que je pourrais faire mieux que tous ceux qui ont occupé la place rue de Grenelle. Nul doute que Gabriel Attal c’est mieux que Pap N’Diaye et les quelques mesures qu’il a prises à son arrivée augurent d’un début sur de meilleures bases. Mais la tâche est immense, et le gaillard a beau être habile et savoir écouter, avoir la caution du « château », je parie que la machine ne tardera pas à la broyer. L’étage des Inpecteurs généraux est redoutable …
C’est que tout est à reconstruire.
Je ne vais pas passer en revue tous les problèmes et toutes les insuffisances de la machine éducative : chacun les connaît, qu’il s’agisse des performances en lecture ou en mathématiques ou en sciences, l’augmentation du nombre des illettrés que les performances mirifiques aux bacs n’arrivent pas à cacher, sans parler des inégalités qui vont croissant avec près de 80 000 jeunes qui sortent chaque année sans aucune qualification. Du côté des enseignants, ça n’est guère réjouissant : attractivité du métier en berne, démissions galopantes et recrutement quasi en panne. Et quand on pense que plus de 300 000 enseignants partiront en retraite d’ici 2030, c’est-à-dire demain, on mesure l’ampleur de la tâche !
Une tâche gigantesque mais pas impossible.
D’abord parce que les moyens sont là : un budget de 64,2 milliards d’€ pour 12 millions d’élèves, une dépense qui a progressé de 7% du PIB depuis les années 80, largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Alors, que faut-il faire ?
La première chose c’est de sortir du déni.
Se soucier d’interdire le port de l’abaya et réfléchir à l’instauration d’un uniforme pour les scolaires, c’est nécessaire, mais on n’est pas sur l’essentiel. Il ne faudrait pas que notre Ministre se contente d’agir sur ce qui est « périphérique ». Je ne suis pas certain qu’il soit sorti du déni sur l’amplitude de l’effondrement du système. Tout est à reprendre de fond en comble et le plus vite sera le mieux, avec deux priorité en tête : exclure le « wokisme » de la machine et faire barrage à l’islam politique dont l’abaya est l’arbre qui cache la forêt, les deux constituant un frein redoutable à la transmission des connaissances indispensables à la formation de citoyens libres et responsables.
Deux réformes profondes s’imposent qu’il faut mener en parallèle.
Débureaucratiser et dépyramidaliser un système figé au centralisme asphyxiant, dévoreur de moyens au détriment de la qualité de l’enseignement ; entreprendre immédiatement une refonte de la formation des enseignants par la fin du concept unique « prof de la maternelle à l’université » qui a montré son inefficacité et son ineptie pour un coût qu’on ne retrouve pas dans les compétences.
Le système éducatif selon mes vœux est d’abord décentralisé auprès des régions avec une large autonomie des établissements, l’Etat gardant la maîtrise des contenus et du contrôle des personnels par l’évaluation fréquente pour assurer la cohérence des carrières et des enseignements. Dans la réorganisation, un soin particulier doit être apporté à la maîtrise des savoirs fondamentaux, lecture, écriture et mathématiques, grâce au relèvement des heures qui leur sont consacrés, avec un effort ciblé sur le primaire.
Des personnels bien formés.
Qualité de l’enseignement et primat de la connaissance nécessitent des personnels bien formés et bien encadrés grâce à une formation continue tout au long de la carrière. Ces deux exigences passent par une réhabilitation matérielle et morale du métier. L’effort financier qui vient d’être engagé sur les rémunérations devra être poursuivi et s’accompagner d’une gestion dynamisée des carrières rendue possible par la déconcentration et la débureaucratisation. Pendant plus d’un siècle, les « élèves-maîtres » ont appris, dans les écoles normales d’instituteurs à servir la nation. Il faut renouer avec cet esprit-là. Pour l’avoir vécu, j’atteste aujourd’hui qu’il est légitime d’en avoir la nostalgie. Dans chaque département, les écoles normales de filles et de garçons fournissaient un corps d’élite sorti du peuple par son recrutement au service du peuple dans sa mission. Au début, on a parlé des « hussards noirs » à cause de leur costume uniforme, gage de sérieux, sur l’ensemble du territoire.
Les écoles des « arts pédagogiques »
Aujourd’hui, il faut réintroduire cette dimension dans la formation des professeurs en mettant en place dans chaque département, des « écoles des arts pédagogiques », recrutant à bac +2 pour les écoles primaires et les collèges, et la licence pour les lycées, des élèves-professeurs à qui on proposera l’étude des disciplines nécessaires pour enseigner : conduite de projet, animation d’équipe, gestion des situations conflictuelles, connaissances sur le fonctionnement du cerveau établi par les neurosciences, épistémologie des sciences éducatives, sociologie, sensibilisation aux différentes sortes de handicaps, utilisation et place de l’intelligence artificielle… en plus des connaissances indispensables dans chaque discipline ou spécialité garanties par le diplôme de départ. La formation s’étalerait sur deux ans. La première année consacrée à l’étude théoriques des savoirs et techniques, la seconde à des stages en classes d’application, le tout étant validé par un certificat final d’aptitude et de compétences pédagogiques. A notre époque, nous avons besoin de professionnels hybrides autant enseignants que « développeurs sociaux ». L’encadrement dans ces « écoles des arts pédagogiques » devra faire appel à un personnel trié sur le volet et reconnu pour ses compétences : l’idéal serait qu’il sorte lui-même d’une « école nationale supérieure des arts pédagogiques » centrée sur les valeurs de la République laïque, une et indivisible, comme les professeurs des écoles normales sortaient eux-mêmes de « l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud ». On évitera ainsi les discordances qui existent aujourd’hui entre les Inspe selon l’université à laquelle ils sont rattachés.
Les méthodes du futur.
On ne redessinera pas l’école du futur en l’appuyant sur les méthodes et inspirations de l’éducation (dite) nouvelle, issues du siècle dernier, type Freinet, Montessori et Cie , d’ailleurs condamnées par les neurosciences comme improductives en matière d’apprentissage par le cerveau. Cette école, centrée sur la réussite scolaire devra mettre l’accent sur le développement de la personnalité de chaque élèves et sa capacité à donner du sens à ses apprentissages, à développer sa confiance en lui en même temps qu’elle lui donne les enseignements fondamentaux et lui transmets les concepts de vie en société fondé sur la citoyenneté et le civisme.
De ce point de vue, l’enseignement professionnel, que le gouvernement souhaite revaloriser, ne saurait se limiter aux incantations habituelles, et se focaliser sur l’exigence d’une meilleure articulation entre la théorie et l’expérience, entre l’esprit et la main, en irriguant l’ensemble du système éducatif parce qu’en fait, cela concerne l’ensemble des enfants, quels que soient leur milieu social et leurs ambitions. De même, il faudra revoir le fonctionnement du collège qui perpétue de fait l’école à deux vitesses faute de pouvoir pratiquer la pédagogie différenciée.
On aura alors une chance de construire un système éducatif de l’épanouissement de la personne et de la démocratie locale, partant de la démocratie tout court.
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