REARMEMENT DEMOGRAPHIQUE
06 février 2024
Cri d’alarme.
Dans sa dernière prestation, le Président de la République s’est ému de la chute de la natalité en France. 2023 a, en effet, marqué un tournant. Avec 678 000 naissances, le chiffre le plus bas depuis 1946, elle a baissé de 6,6% en un an et de 20% par rapport à 2010. Plus grave, l’indicateur de fécondité chute à 1,68 enfant par femme, qui s’éloigne du seuil de remplacement des générations, au-dessus de 2. Le mal ne concerne pas que la France. Il est même bien pire en Italie, en Espagne et au Japon. Normalement chez les mammifères, l’instinct de préservation de l’espèce pousse à activer la reproduction quand elle se sent menacée. D’où, des rebonds démographiques souvent inexpliqués. Alors comment en est-on arrivé là ? La question se pose d’autant plus que la chute démographique ne concerne pas tous les peuples sur la Terre. Loin de là. Et ses conséquences en seront dramatiques pour notre pays si cette pente se poursuit, tant au point de vue socio-économique que sur le devenir même de la nation.
Un domaine très prévisible.
S’il existe en politique trop de sujets dont élus et responsables ne maîtrisent pas les données et les perspectives, les obligeant à naviguer à vue, ce n’est pas le cas de la démographie. C’est un domaine dont les indicateurs sont sûrs et les projections bien établies. Et surtout dont les implications avec l’avenir sont déterminantes, car nul observateur ne peut en ignorer l’impact sur les comptes publics, l’avenir des retraites, le vieillissement de la population et les déséquilibres sociétaux qui vont avec. On sait que la proportion croissante de personnes âgées engendre une société qui voit régresser la prise de risque et les cotisations sociales quand les dépenses liées à la vieillesse et à la dépendance sont à la hausse.
Natalité et politique familiale.
La mise à mal par François Hollande et poursuivie sous Macron de la politique de la famille et de la natalité qui faisait la singularité de la France, porte une responsabilité tragique. La cellule familiale a été sévèrement mise en cause par le démembrement du code civil napoléonien et par toute une série de réformes qui ont attaqué les fondements de la politique familiale telle qu’elle a été instituée après la dernière guerre : altération du principe d’universalité des allocations familiales au détriment de plusieurs millions de familles, baisse du quotient familial décidé en 2013 au détriment de 800 000 foyers de la classe moyenne, réforme pénalisante du congé parental. Il faudrait y ajouter un facteur idéologique véhiculé par les écolos et plus généralement par une certaine intelligentsia de gauche qui considère l’accroissement de la population comme un danger pour la planète faisant de l’enfant une menace et non plus une chance pour l’avenir. Perspective millénariste teintée d’obscurantisme. La résonance de ce discours sur les jeunes par les déclinistes de tout poil qui croient sauver la planète en la vidant, n’est hélas pas négligeable.
Pour un vrai réarmement démographique.
Emmanuel Macron a raison de s’émouvoir. Il propose un plan de lutte contre l’infertilité et un futur congé de naissance plus court et mieux indemnisé. Ce sera loin d’être suffisant. Ces annonces posent la question de l’alchimie délicate qui permet la réalisation du désir d’enfant : modes de garde, situation économique des familles, évolution des moeurs… En fait, les leviers de la natalité sont multiples. Déjà, on sait que c’est l’offre d’accueil des enfants de 0 à 3 ans qui a le plus d’impact sur la fécondité. Il faut donc renouer avec une vraie politique de la famille et commencer par réparer ce qui a été détruit et qui ne marchait pas si mal. Il faut néanmoins aller plus loin et adapter le dispositif à notre époque. Car le combat est loin d’être perdu : si l’on en croit l’Unaf, le désir d’enfant reste fort, évalué à 2,39 enfants en moyenne par couple. L’enjeu mérite une volonté politique forte à la hauteur du besoin. Commençons par quatre mesures fortes qui rétablissent intégralement le quotient familial, les allocations familiales découplées de toutes conditions de ressources et considérées comme une politique volontariste de la natalité, un effort concentré sur le 2ème et le 3ème enfant, une lutte impitoyable contre la décohabitation dans le logement social. Il faudra adjoindre une panoplie de mesures visant à concilier vie professionnelle et vie familiale, à commencer par la prise en compte du sous-équipement en maternités de proximité, du manque criant de solutions de garde du jeune enfant, en crèches et à domicile, estimé à 200 000, et qui pèse lourdement sur les choix entre carrière et rôle parental.
Un devoir politique.
Promouvoir une renaissance démographique constitue un investissement dans l’avenir du pays qui devra être prioritaire. Une politique ambitieuse de la famille, telle que décrite ci-dessus, réclame des moyens et doit s’appuyer sur un volontarisme sans faille dans la durée. Ce n’est pas avec du « en même temps » qu’on y arrivera. Car il ne s’agit pas que d’une affaire de dispositifs, il y faut aussi la volonté de promouvoir un monde capable d’accueil et d’espérance. Le plus difficile sera d’agir sur les mentalités, de braver les vitupérations des néo-féministes et de leurs suppôts wokistes, avec leur litanie de droits individuels tournés sur eux-mêmes, de passer outre les invectives alarmantes des écolos déclinistes qui annoncent la fin du monde à chaque tournant… La garantie pour les femmes que devenir mère ne les empêchera pas de travailler est une des clés de la fécondité. Oui, il faut démontrer qu’il vaut mieux avoir un enfant qu’un chien, et non l’inverse comme le proclament les Espagnols. Les défis sont multiples tels que l’allongement des études, l’émergence (et c’est heureux) des femmes cadres, la répartition des tâches dans le couple qui doit encore progresser, la montée en puissance du célibat et le zapping des partenaires… Aucun n’est insurmontable. Le fait que 60% des enfants naissent hors-mariage et que les décohabitations se fassent généralement au détriment des femmes en les plongeant souvent dans la pauvreté et la précarité, doit être combattu vigoureusement, quitte à faire hurler les adeptes du mouvement Ginks et des écolos féministes qui refusent que « leurs utérus ne soient une affaire d’Etat ».
Ben si ! Désolé !
Commentaires