FABIUS CONTRE LES FRANÇAIS
01 février 2024
Le naufrage de la plus haute juridiction.
Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict : il a sanctionné plus du tiers des articles de la loi immigration. Il s’est bien gardé de trancher sur le fond ; pour la plupart des articles censurés, il a invoqué le motif du « cavalier législatif ». Le plus grave dans l’affaire, c’est qu’il s’agit des articles apportés par la droite, le Sénat en particulier, et contestés par la gauche. La ficelle politique saute alors aux yeux et le procès en partialité devient inévitable.
Une censure massive.
Alors que la France n’a jamais accueilli autant d’immigrés qu’en 2023 avec plus de 320 000 titres de séjour, le Conseil constitutionnel saisi par les parlementaires de gauche et « en blanc » par le Président de la République sur le projet de loi « immigration » a supprimé les mesures de fermeté ajoutées par Les Républicains. Pas moins d’un tiers des dispositions disparaissent ainsi totalement ou partiellement du texte, dont les plus emblématiques pour l’opinion publique : restriction du regroupement familial, modalités d’accès aux prestations familiales, réforme de la nationalité, quotas migratoires … Dans ces conditions, seule une révision constitutionnelle permettrait de passer outre les injonctions des Sages.
Une censure très discutable.
La loi, adoptée à une large majorité par le Parlement, est remise en cause avec une grande rigueur au motif de l’utilisation de « cavaliers législatifs ». Pourtant, la révision constitutionnelle de 2008 stipule que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect avec le texte déposé ». Or, des sujets comme le regroupement familial, la condition de durée de séjour régulier pour obtenir une prestation sociale, les règles d’acquisition ou de déchéance de la nationalité ne sont pas dépourvus de tout lien avec les dispositions d’un projet consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration. Il se trouve que pour la plupart, les dispositions issues d’amendements du Sénat ont été censurées avec une vision draconienne de ce qu’est un « cavalier législatif », faisant passer les sénateurs pour des « amateurs » en droit, ce qui est un comble.
Un jeu de dupes.
Que l’opposition saisisse la haute juridiction sur certains articles de la loi, elle est dans son rôle. Ce qui est troublant dans cette affaire, c’est la démarche d’Emmanuel Macron qui a accepté de co-construire la loi avec Les Républicains en acceptant le durcissement que ceux-ci réclamaient, pour finalement déférer le texte entier au Conseil constitutionnel. Comme par hasard, Monsieur Fabius censure tous les articles qui gênaient le Président, ramenant le texte quasiment à sa version initiale. Il est permis de penser qu’un accord tacite, sinon une requête téléphonique, ont permis d’aboutir à ce qu’il souhaitait. Des langues bien pendues avaient prévenu que nombre d’articles étaient « inconstitutionnels »… Retour au « en même temps », donc. Une hypocrisie que les parlementaires LR seront tentés de faire payer à la première occasion.
Un affaiblissement démocratique.
Cet épisode ne va pas renforcer la confiance des Français dans leurs dirigeants et dans leurs institutions. Cette censure procédurale d’une rare ampleur apparaît comme trop opportune, va à l’encontre des souhaits d’une large majorité du peuple et jette le doute sur l’impartialité de la plus haute juridiction tout en faisant passer le Sénat pour une assemblée incompétente. Elle aboutit à un affaiblissement des pouvoirs publics et alimente le populisme comme jamais. Surtout, elle conduit à poser une question plus générale sur le rôle du Parlement et la séparation des pouvoirs : « Que peut décider encore le législateur, dans ces conditions ? » se demande jean-Eric Shoettl, ancien Secrétaire général du Conseil constitutionnel. Bien entendu, la loi a été aussitôt promulguée. Une loi faussement ferme qui fera que la politique migratoire de la France ne bougera pas d’un iota et que nos frontières resteront des passoires.
En attendant, j’en connais une qui se frotte les mains. Marine Le Pen n’a pas besoin de faire campagne, Fabius et Macron s’en chargent pour elle.
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