HISTOIRE
LE POISON DU BREXIT
LES MIRAGES DE NOS GOUVERNANTS

FACE A UNE GUERRE SAINTE

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La philosophe Sylviane Agacinski est une voix singulière dans le paysage intellectuel français. Elle sait aller à la racine des sujets qu’elle traite avec le souci permanent de l’honnêteté intellectuelle. Dans son dernier livre « Face à une guerre sainte »,  la philosophe aborde un sujet, sur lequel elle avait toujours eu des positions discrètes: la question de l’islam.

Deux attachements vitaux.

Dans ce livre aux accents personnels, elle confesse deux attachements vitaux. D’abord son « attachement à la France et son angoisse de la voir déchirée». Fils d’un père polonais arrivé en France pour être boiseur dans les mines, celui-ci est tombé amoureux de la langue française grâce à l’école communale : « Il a échangé les rois de Pologne pour les rois de France», confesse-t-elle joliment, exprimant son admiration pour ce modèle d’intégration dont elle est l’héritière. « Je n’ai pas souvenir qu’on nous ait fait réciter nos ancêtres les Gaulois, mais cette formule n’est pas si sotte si on veut bien considérer que la référence à des ancêtres communs prend un sens ici éminemment symbolique. ». Son deuxième attachement est son souci de la liberté des femmes et de leur égalité avec les hommes, souci féministe qu’elle voit menacé par l’islamisme et l’assujettissement de la femme qu’il porte comme un projet politico-religieux, un véritable patriarcat que beaucoup ne veulent pas voir. Sylviane Agacinki avoue sa propre évolution sur le sujet. En 1989, lors de l’affaire du voile de Creil, première grande polémique nationale sur le sujet, elle ne faisait pas partie de ces intellectuels qui, comme Élisabeth Badinter, Régis Debray ou Alain Finkielkraut, dénonçaient un « Munich de l’école républicaine ». Elle a d’abord pensé que « l’impératif majeur était l’instruction de quelques filles rebelles ». Mais elle a fini par se rendre à l’évidence, et reconnaît que la prescription du foulard était l’effet direct de la pression des mouvements islamistes et n’hésite pas à affirmer aujourd’hui : « Le voile devrait être considéré en tout premier lieu comme un emblème politique ».

L’Islamophobie.

Elle analyse ensuite l’instrumentalisation de l’islamophobie par les islamistes. Elle relève comment ces derniers utilisent la CEDH, Cour européenne des droits de l’homme, pour justifier le voilement au nom de la liberté individuelle, prônant une forme de « liberté de se soumettre », ce qu’elle appelle le paradoxe de Martine, du nom de l’héroïne de Molière qui dans Le Médecin malgré lui s’exclame : « Et s’il me plaît d’être battue ? ». Mais on est loin du comique de Molière. Elle dénonce les féministes occidentales, qui, telle Christine Delphy, se font complices de cette exploitation stratégique des droits de l’homme par le prosélytisme islamiste, par un retournement rhétorique par lequel l’abolition d’une pratique essentiellement sexiste qui sépare et discerne les femmes se trouve transformée en acte de discrimination et d’exclusion.

L’école républicaine.

Elle se veut aussi inflexible sur la défense de l’école républicaine. Défenseuse de la laïcité, Sylviane Agacinski ne s’enferre pas pour autant dans le laïcardisme, n’ayant pas de mépris pour le fait religieux. Mais elle se refuse à céder à la mode, inspirée de penseurs anglo-saxons, appuyant l’exclusion d’une culture commune au profit d’une « constellation post-nationale ». Examinant l’alternative entre assimilation et intégration, sa conviction est qu’il lui paraît impossible de déchirer ce qui lie la communauté politique à la communauté culturelle, c’est-à-dire la nation historique. 

Quel universalisme ?

Et elle en vient à examiner le principe d’universalisme, autre totem porté par la France. Contrairement au think tank Terra Nova, fervent défenseur des « minorités » plus que des salariés et partisan de la discrimination positive, Sylviane Agacinski défend l’« universalisme ». Mais de la même manière qu’on ne peut pas séparer l’âme du corps, on ne peut pas promouvoir un universalisme abstrait, désincarné, aussi froid que les murailles du Panthéon, constatant que « Les communautés humaines ne sont ni purement spirituelles, ni purement rationnelles». De même, elle est sévère avec l’« universalisme utopique et désincarné » de Jürgen Habermas, qui participe selon elle de « l’évidement de la nation comme entité historique ».

Par ce livre, Sylviane Agacinski s’inscrit dans le sillage d’un mouvement profond de l’intelligentsia française, qui a vu progressivement une partie de la gauche se réveiller face aux mirages du multiculturalisme. Avant elle, Alain Finkielkraut, Jacques Julliard, Pascal Bruckner furent traités de réactionnaires pour avoir ouvert les yeux. Sa réflexion nous propose de redécouvrir la définition d'un certain nombre de principes et de valeurs qui fondent notre République, dans leur confrontation à une réalité parfois hostile. 

Le retour du religieux sous la forme de la guerre sainte islamiste était inattendu pour des intellectuels européens. Elle nous oblige à définir qui nous sommes. Sylviane Agacinski s’attelle à la tâche avec brio.

FACE A UNE GUERRE SAINTE, Sylviane Agacinski, Editions du Seuil

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